LES INTERVENANTS

David Djaïz

David Djaïz est né le 10 décembre 1990 à Agen. Ancien élève de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm (où il est entré cacique en 2010) et de l’École nationale d’administration. Titulaire d’un master 2 de philosophie politique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, il a conduit des recherches sur la genèse de la théorie politique moderne (Hobbes, Machiavel). En 2017, il a publié son premier livre, La guerre civile n’aura pas lieu (éd. du Cerf), dans lequel il confronte le défi du djihadisme « homegrown » aux différentes approches philosophiques de la guerre civile et du dissentiment. En 2019, il a publié un second essai, Slow Démocratie, dans lequel il réhabilite le rôle de l'Etat-nation pour répondre aux défis posés par la mondialisation. Il enseigne depuis 2017 à Sciences Po l'histoire des idées politiques et la philosophie politique au sein du programme « Humanités politiques ».

 

Les brèves proposées par David Djaïz:

Mémoires du général de Gaulle

"Je voulais vous recommander les mémoires du général de Gaulle, qui viennent de ressortir en Pléïade, Mémoires de guerre et Mémoires d’espoir.Au delà du fait qu’il s’agit d’un très grand texte littéraire, écrit dans cette belle langue classique qu’affectionnait le général, cela se lit comme une formidable épopée, qui répond à des questions très contemporaines : comment remonter la pente et sauver l’honneur, quand on pense avoir touché le fond ? J’ai lu ça avec délectation. "


Naissance de la biopolitique

"Je vous recommande la lecture des cours de Michel Foucault au Collège de France, qui sont publiés dans la très belle collection « Hautes études ». En particulier deux livres : « naissance de la biopolitique », qui est une archéologie intellectuelle passionnante du néolibéralisme. On y trouvera notamment ce passage sur la Commission Erhard, qui a joué un rôle fondamental dans l’identité de l’Allemagne contemporaine. Et puis ce cours au titre évocateur : « il faut défendre la société »."


Yoga

"Quand Emmanuel Carrère a annoncé au mois de juin que son prochain roman porterait sur le yoga, j’ai soupiré, car j’ai beau l’adorer, le yoga, quand même ... Je l’ai pourtant acheté, parce qu’en lisant la quatrième de couverture en librairie, j’ai vu qu’il y était aussi question de dépression et de bipolarité. Je suis en train de lire cet objet surprenant. Je ne saurais dire si c’est son meilleur livre, mais à ce stade, c’est en tous cas pour moi son plus touchant. "


Bouleversement

"Tout le monde connaît le livre de Jared Diamond « collapse » dans lequel il décrit la façon dont certaines civilisation périssent corps et biens. La traduction d’un autre de ses livres vient de paraître. Ce dernier est très intéressant, Diamond y rapproche les crises nationales des crises personnelles et affectives. Pour l’auteur, les nations sont des corps collectifs, et il identifie une douzaine de facteurs qui permettent aussi bien à un individu qu’à une nation de surmonter ces crises. C’est une étude qualitative, c’est à dire qu’il examine un certain nombre de situations historiques liées à des crises nationales qu’il a connues de près. Ce livre est le prélude à un second ouvrage de méthodes quantitatives dans lequel il éprouvera ses hypothèses avec force données. Un travail fort intéressant, surtout en temps de crise. "


Les capitalismes à l’épreuve de la pandémie

"Je vous recommande le dernier ouvrage de Robert Boyer, qui est un économiste de l’école de la régulation, comme Michel Aglietta. Cette école a été tenue à l’écart par la science économique officielle, mais elle a été remise en selle par la crise financière d’abord, et par la pandémie ensuite. C’est une analyse qui mêle science économique, Histoire, théorie du droit et institutions. C’est un livre passionnant dans lequel Robert Boyer nous prédit un choc planétaire entre un capitalisme dominé par les plateformes et un autre, centré sur les Etats et dyes secteurs traditionnels de l’économie. Il se pose cette question, qui m’obsède aussi : y a-t-il une troisième voie ? Elle se rapprocherait de l’économie mixte ou de ce qu’on appelait pendant les Trente Glorieuses le capitalisme contractuel, et devrait évidemment faire une grande part à la transition écologique."



Une terre promise

"Je lis en ce moment avec beaucoup d’intérêt les mémoires de Barack Obama. Au passage, le titre montre à quel point la classe politique américaine, même la plus sécularisée, est encore imprégnée de ce messianisme très fort concernant le destin des Etats-Unis. L’ouvrage est de toute évidence écrit par Obama lui-même, cela se sent. On y découvre un Barack Obama touchant, sincère (ce qui peut surprendre, car il nous avait habitués à des éléments de langage assez convenus), mais on y retrouve également des choses qu’on connaissait bien de lui : la grande culture, l’élégance morale ... J’apprends beaucoup sur son parcours. Les Européens l’ont découvert comme sénateur, c’est à dire déjà assez loin dans son ascension, ce qui a donné l’impression d’un homme politique auquel rien ne résiste. On s’aperçoit en lisant ce livre qu’il a en réalité eu un parcours politique assez sinueux, semé d’embûches, avec beaucoup de temps passé sur le terrain. Je partage l’avis d’Hubert Védrine à son propos : même si le bilan d’Obama n’a pas été aussi extraordinaire qu’on l’espérait, il reste un homme politique d’une stature hors normes, et d’une trempe dont nous manquons aujourd’hui."


Bloc-notes 1952-1962

"Ensuite, je vous recommande le bloc-notes de François Mauriac, que les éditions Bouquins viennent de publier. Inutile de rappeler à quel point les éditoriaux de Mauriac dans Le Figaro étaient attendus et redoutés par tout ce que la France comptait de dirigeants politiques ou d’intellectuels. Je me sens en grande sympathie avec ce gaulliste de gauche, cette grande conscience de la décolonisation qui nous rappelle qu’il y avait, il n’y a pas si longtemps, de grands écrivains qui commettaient des éditoriaux dans la presse."


Nos campagnes suspendues

"J’ai deux brèves cette semaine. Je recommande d’abord ce livre signé de Salomé Berlioux, une talentueuse responsable associative, qui s’occupe notamment de la mobilité des élèves en zone rurale. Dans ce livre, elle donne la parole à des personnalités variées : des hôteliers en Lozère, des ouvriers ruraux dans l’Ardèche, des petits patrons d’Ille-et-Villaine ou des fonctionnaires de préfecture dans l’Allier pour qu’ils racontent comment ils ont vécu cette année 2020 si particulière. Passionnant."


Les œuvres intégrales de Paul Bénichou

"Paul Bénichou n’est pas forcément très connu au-delà des amateurs de littérature et des khâgneux, mais c’est dommage. Fils d’un commerçant juif de Tlemcen, normalien, agrégé des lettres, chercheur et enseignant à Harvard, notamment. Il a consacré toute sa vie à l’étude comparative de la littérature et des systèmes linguistiques. Dans ces oeuvres intégrales, il y a à la fois ces classiques que sont ses Morales du Grand Siècle et puis ses travaux sur le magistère spirituel des écrivains romantiques. C’est magnifique."


L’autre art contemporain

"Le hasard a voulu que j’ai lu cette semaine le même livre que Philippe, et je vous le recommande également. Le sous-titre, « vrais artistes et fausses valeurs » ne rend peut-être pas justice à la profondeur du livre, car quand on le découvre, on se dit « encore un texte qui tire à boulets rouges sur l’art contemporain ». Ici le propos est servi par une langue très précise, qui sert des jugements d’esthète. L’auteur a la pudeur de dire qu’il n’est pas un spécialiste, et on a envie de lui en rendre grâce, car c’est ce qui fait la saveur de ses jugements. Ce qu’il y a de particulièrement intéressant, c’est qu’il nous raconte l’histoire d’une société secrète, ces peintre figuratifs français, qui ont continué à exercer leur art en marge des grandes institutions de l’art contemporain,, parmi lesquels le très grand Sam Szafran, mais aussi bien d’autres que vous allez pouvoir découvrir. "


La tête, la main et le cœur

"Pour ma part, je vous conseille le dernier livre de David Goodhart, qui trouve une actualité incroyable dans le crise Covid, puisqu’il décrit notre société partagée en trois catégories de métier. Ceux de la tête, que j’appelle pour ma part « les manipulateurs de symbole », autrement dit les métiers de l’intellect et de l’abstraction ; ceux de la main, comme les artisans ou les ouvriers, et ceux du cœur, qui sont les métiers du soin. L’auteur montre que dans nos sociétés post-industrielles qui regorgent de surdiplômés, tout le système social est fait pour favoriser « la tête ». Alors que l’utilité sociale de certains de ces métiers est parfois douteuse. C’est un plaidoyer très équilibré pour remettre en valeur les métiers de la main et du cœur. Il en va de notre contrat social, et une clef pareille à ce genre de problématiques est souvent plus efficaces que des approches « macro » comme la mondialisation ou la crise de la démocratie."


Le jour où la Chine va gagner

"J’avais lu ce livre dans sa version anglaise il y a un an ou deux, et il vient d’être traduit. Le titre anglais était « Has China won ? ». Il est signé de Kishore Mahbubani, un diplomate singapourien. En français, c’est devenu « le jour où la Chine va gagner ». L’auteur est tout à fait pro-chinois, mais il défend une thèse intéressante : la Chine va véritablement remplacer les Etats-Unis dans l’hyper-puissance, et au fond, cette trajectoire de la Chine n’est que la reconnexion avec son histoire profonde ; son passage au second plan n’était qu’une parenthèse de 300 ans, qui est en train de se refermer. Un livre qui à n’en pas douter provoquera des débats."


Nœuds de vie

"Nous parlions de la vigne et de l’olivier, de la ligne de partage des eaux, des thèmes gracquiens. Je vous recommande la lecture de ces carnets inédits de Julien Gracq. Comme François Mitterrand, Julien Gracq était un grand promeneur. Géographe de formation, il est très attentif à la beauté des paysages, et notamment des bords de Loire qu’il connaissait bien. Il y a notamment un passage magnifique. Il est à sa fenêtre à Saint-Florent-le-Vieil, il voit le paysage depuis sa chambre et s’exclame : « l’homme a tellement refaçonné la planète à son image qu’il n’a plus rien à admirer. Que va-t-il faire le jour de sabbat ? » Ce propos écrit dans les années 1970 fait vraiment écho à l’anthropocène d’aujourd’hui, cette idée que l’Histoire et la Nature sont entrées en collision. "


Napoléon l’exposition

"Je profite de cette redondance pour faire une deuxième recommandation : allez visiter la très belle exposition Napoléon à la grande halle de la Villette. Je n’ai pas une sympathie démesurée pour le personnage, je partage le jugement du général de Gaulle, qui faisait remarquer qu’il avait rendue la France plus petite qu’il ne l’avait prise, mais c’est très bien mis en scène, il y a beaucoup de pièces très intéressantes, on peut par exemple y voir la magnifique scène inaugurale du Colonel Chabert, avec la légendaire charge de cavalerie, l’une des plus meurtrières de la Grande armée. "


Le peuple du Larzac

"Ce n’est pas par fayotage, mais il se trouve que je voulais vous recommander cette semaine le même livre que Philippe. Quand j’ai vu le sous titre : « une histoire de crânes, sorcières, croisés, paysans, prisonniers, soldats, ouvrières, militants, touristes et brebis », cela m’a beaucoup attiré. Effectivement, j’avais du Larzac cette image d’un plateau où une horde de normaliens barbus étaient venus protester dans les années 1970 contre l’extension du camp militaire. Artières nous montre que ce territoire est un bouillons culture depuis bien plus longtemps que cela."


Onoda 10 000 nuits dans la jungle

"Je vous conseille moi aussi un film, celui-ci est réalisé par Arthur Harari, sur ce soldat japonais, arrivé trop tard sur une île des Philippines pendant la Guerre du Pacifique, et qui refuse de désarmer, parce qu’il pense que c’est une ruse, et que la guerre continue. C’est tiré d’une histoire vraie, cet homme va rester 30 ans dans la jungle. Les 2h45 du film me faisaient un peu peur avant la séance, je me disais : « pour un type dans la jungle … » Or on ne s’ennuie pas une seconde. Le personnage a un côté Don Quichottesque. C’est par ailleurs le deuxième long-métrage d’un réalisateur français qui a beaucoup d’avenir."


La grande expérience

"Je voudrais conseiller un livre qui sera publié à la fin du mois, de Yascha Mounk. C’est un livre sur un sujet assez essentiel, surtout pour notre élection présidentielle. Mounk constate d’abord que la théorie pure de la démocratie libérale ne reconnaît que deux instances : l’individu et l’Etat. Sauf que dans la pratique, se glissent entre les deux des groupes sociaux de plus en plus homogènes sur le plan culturel et/ou religieux. C’est le multiculturalisme : nos sociétés comprennent de nombreuses « sub-cultures ». L’observation de plusieurs sociétés à plusieurs époque n’incite pas à l’optimisme, car on constate que soit on tombe dans l’anarchie, soit dans la domination d’une culture majoritaire. L’auteur essaie donc très honnêtement de proposer des solutions pour éviter ces deux écueils. Mais je trouve que la grande faiblesse du livre est de ne pas s’intéresser suffisamment à notre laïcité, qui est en réalité un moyen extraordinaire de faire coexister dans le respect plusieurs cultures dans un projet politique partagé. N’être ni dans le « zemmouris me » d’écrasement de la diversité, ni dans la démission et la complicité avec des mouvements agressifs sur le plan culturel."


Le livre de l’intranquillité

"J’admire Fernando Pessoa depuis longtemps, mais je n’avais encore jamais lu ce livre dont plusieurs personnes m’avaient assuré qu’il changerait ma vie. Une espèce de journal de bord, où l’auteur prête ses propres propos à plusieurs personnages fictifs. Il y a eu une polémique autour de la réédition récente de ce livre, car outre la nouvelle traduction,ce sont en réalité trois livres de l’intranquillité, car il y a trois personnages, et non un seul. Pessoa est quelqu’un qui a consacré une énergie folle à ne pas être un homme d’action, je ne résiste pas au bonheur de vous le citer : « Le rêveur n’est pas supérieur à l’homme actif parce que le rêve serait supérieur à la réalité, la supériorité du rêveur vient de ce que rêver est beaucoup plus pratique que vivre, et que le rêveur tire de la vie un plaisir beaucoup plus varié que l’homme d’action. Pour le dire mieux et plus directement, c’est le rêveur qui est le vrai homme d’action. »"


L’autre XXe siècle musical

"Je vous recommande une lecture tout à fait différente. Ce livre est signé du compositeur Karol Beffa. Il s’agit d’une promenade musicale à la recherche d’une tradition musicale qui n’est pas celle de l’atonalité, qui a assez largement dominé la musique contemporaine. On y croise des compositeurs comme Maurice Ravel, Nadia Boulanger, Francis Poulenc, Steve Reich, John Adams, Vladimir Cosma … Une sorte de vagabondage amoureux magnifique, qui permet de découvrir la riche tradition d’une musique restée tonale, tout en étant savante."


Algérie 1962 Une histoire populaire

"On a célébré il y a quelques semaines les 60 ans des accords d’Evian dans une indifférence quasi-générale, alors que c’est un évènement considérable, tant pour l’Afrique que pour la France. C’est pourquoi je vous recommande ce très bon livre de l’historienne Malika Rahal. Il s’agit du récit des quelques mois qui ont suivi l’indépendance de l’Algérie, vus d’Algérie, et surtout vus de la population. Le livre est très charnel, très sensoriel, on y entend beaucoup de cris, cela pétarade, tire, pleure … L’ouvrage est très bienvenu, car il y avait une espèce de trou noir de ce côté dans l’historiographie algérienne. Cette question algérienne est pour moi centrale, et je signale qu’il y a une proximité à ce propos entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. Elle n’existe pas avec Marine Le Pen, ou Eric Zemmour, qui de leur côté sont dépositaires d’une tradition que Benjamin Stora a qualifié de « sudiste », qui n’a jamais accepté les équilibres résultant de l’indépendance de l’Algérie, et qui continue de travailler idéologiquement, et d’infuser en profondeur une partie du corps social. "


Lettres et carnets de Charles de Foucauld

"Aujourd’hui Charles de Foucauld est canonisé au Vatican. C’est un personnage qui me fascine depuis longtemps, car il a une vie qui fait penser à celle d’Ignace de Loyola. Une vie en plusieurs étapes : d’abord on est dans le monde, dans la dissolution et la dispersion. Foucauld avait bien commencé de ce point de vue : issu d’une famille de l’aristocratie alsacienne, élève de Saint Cyr, amateur de belles femmes et de bonne chère. Ensuite il y a le tournant spirituel : il traverse le Maroc déguisé en rabbin, et c’est le début de son exploration spirituelle mais aussi de sa curiosité géographique et ethnographique. Enfin, après un processus qui l’amènera dans les plus beaux endroits, de l’Ardèche au Hoggar en passant par Jérusalem, il devient ce grand chrétien dont la mort reste mystérieuse, plus de 100 ans plus tard. Je recommande de lire ses carnets, immense témoignage de sagesse. C’est l’histoire d’un chrétien, d’une reddition progressive. "



Tous ceux qui tombent : visages du massacre de la Saint-Barthélemy

"Deux recommandations pour moi cette semaine. La première pour ce livre de l‘historien Jérémie Foa. C’est une façon très originale d’aborder les guerres de religion, par le biais de la micro-histoire. On n’est pas ici chez les rois, les ducs, dans les hautes sphères de la décision politique, mais à hauteur d’homme : le boucher, le commissaire de police, la lavandière … L’auteur a travaillé sur les journaux intimes, les correspondances, et il tente d’expliquer comment des gens qui vivent ensemble, mangent les mêmes choses aux mêmes endroits, sont parfois cousins, en viennent à s’entretuer et même à se mutiler. Son hypothèse est celle du ressort idéologique de la guerre sainte, qui ensauvage. La volonté de mutiler vise à « estranger » le corps du voisin, montrer qu’il est radicalement différent."



Transition énergétique : faut-il craindre pour l’emploi

"Je vous recommande la dernière note du Conseil d’Analyse Économique. Un grand bouleversement macroéconomique s’annonce, et certains nous prédisent un nouvel âge d’or de l’emploi, avec de nouvelles «  masses paysannes », ou « masses artisanes » qui vont rénover les bâtiments … D’autres au contraire nous prédisent de la destruction d’emploi et de la décroissance. Les économistes du CAE nous montrent ici que la transition écologique ne mérite « ni cet excès d’honneur, ni cette indignité » : c’est moins de 1% de l’emploi total qui va être remis en jeu. En revanche, il y aura des réallocations nombreuses : des secteurs (artisanat) où il faudra beaucoup de travailleurs, et d’autres (industrie automobile thermique) qui vont en perdre. Certains territoires seront donc très impactés, il faut anticiper tout cela, et aujourd’hui cette anticipation fait défaut."


Manifeste de Seillac

"Comme il a beaucoup été question d’agriculture ces dernières semaines, je me suis plongé dans les textes d’Edgard Pisani, ceux de la dernière période. Il fut un grand ministre de l’Agriculture, artisan des lois de modernisation agricole de 1962. En 1992, un petit groupe se réunit à Seillac, dans une sorte de conclave. En sort un petit texte, le « manifeste de Seillac », tout à fait remarquable de clairvoyance. Il est très difficile à trouver aujourd’hui sur internet, mais vous le trouverez par le lien ci-dessus."


Un vieil homme et la terre

"Edgard Pisani est également l’auteur de ce livre, mélange de réflexions sur l’agriculture et de mémoires politiques. Il y revient en détail sur la modernisation agricole : ses avantages extraordinaires (l’augmentation des quantités produites, la souveraineté alimentaire, les performances à l’export …) mais aussi les dégâts que le « tout-marché » a provoqué sur les équilibres sociaux et sur l’environnement. C’est intéressant de voir à quel point la transformation de l’agriculture et de l’industrie doit s’inscrire dans un dessein politique. C’est ce qui me paraît manquer cruellement aujourd’hui : où veut-on emmener un système aussi complexe que l’agriculture ? On ne peut pas se contenter de n’avoir que des normes et des chèques. "


Sans transition

"Pour rester dans le thème, je vous recommande ce livre de l’historien des sciences Jean-Baptiste Fressoz. L’éditeur a mis un bandeau un peu racoleur : « la transition énergétique n’aura pas lieu », mais l’auteur s’en défend. Et cet historien nous montre que durant la révolution industrielle, on a un récit très phasiste, qui nous dit qu’on a remplacé le bois, la biomasse, par du charbon. En réalité, chiffres à l’appui, on n’a jamais prélevé autant de bois. Pas forcément en tant que source d’énergie, mais pour étayer les mines de charbon. Le constat semble donc assez pessimiste : une énergie n’en chasse pas une autre, mais en renforce au contraire la consommation. Personnellement, je n’en tire pas du tout la conclusion que tout est fichu, mais au contraire qu’il faut bien examiner les conditions dans lesquelles on peut dénouer ces symbioses."