Les brèves


L’obligation de diversité dans la presse

Jean-Louis Bourlanges, créée le 10-03-2024

"Je voudrais prolonger la réflexion de Philippe à propos des problèmes posés par cet arrêt du Conseil d’Etat. Je ne comprends absolument pas cette obligation de diversité. Je comprends parfaitement qu’elle s’applique au service public audiovisuel. Ce sont des organes qui appartiennent à la nation, qui est composée d’un ensemble de familles spirituelles, politiques, culturelles, qui doivent trouver le moyen de s’exprimer équitablement. Mais pour ce qui concerne les publications privées, je ne vois pas pourquoi on n’applique pas à l’audiovisuel les mêmes règles qu’à la presse écrite. Pourquoi pose-t-on en principe ce devoir de diversité ? Philippe a raison de dire que l’obligation fondamentale, c’est la vérité , le refus des informations fausses, de la calomnie, etc. Mais il est normal qu’une presse catholique soit catholique, ou qu’une presse communiste soit communiste … Arrêtons ce brouet de bienséance dans tous les domaines … Chacun doit pouvoir s’exprimer, à la condition de ne pas dire de mensonges. Si nous voulons sauver la démocratie, distinguons la diversité à préserver de la vérité à exiger."


Les yeux de Mona

Nicole Gnesotto, créée le 10-03-2024

"Le livre dont je vais vous parler a été à la fois une déception et un plaisir. Le fait que ce soit un best-seller mondial alors que cela parle de tableaux m’a beaucoup intriguée, c’est pourquoi je l’ai lu, d’autant que Thomas Schlesser est un historien de l’art tout à fait recommandable. La déception, c’est parce que la trame du roman n’est qu’un prétexte pour l’analyse de 52 chef-d’œuvres se trouvant à Paris. L’intrigue est tirée par les cheveux, et franchement pas intéressante, il y a des pages qu’on peut tout à fait sauter. Mais je comprends que si le livre n’avait été que des fiches sur tel et tel tableau, il se serait bien moins vendu … Et pourtant, c’est cette description des tableaux qui est passionnante. En principe, voir un tableau est d’abord un choc de formes et de couleurs. Ici, l’auteur nous les décrit, phrase par phrase, avec un talent tel qu’on voit l’œuvre surgir sous nos yeux. On apprend beaucoup, et c’est cela le vrai plaisir. "


Les médiateurs de presse

Philippe Meyer, créée le 10-03-2024

"À la suite de l'arrêt du Conseil d'état concernant le respect des obligations de pluralité qui s'imposent à l'information audiovisuelle, il m'est revenu qu'il y a plusieurs années la presse écrite et audiovisuelle avait créé des postes de médiateurs. Les citoyens étaient invités à les saisir lorsqu'ils constataient ou croyaient constater que ces obligations étaient méconnues ou violées. Cette vertueuse disposition, imitée des pays scandinaves et de leurs ombudsmen, ne me semble pas avoir connu l'avenir qu'elles promettaient et, très rapidement, dans le plus grand nombre des cas les médiateurs ce sont transformés en éléments de la stratégie de communication de leurs organes de presse. La décision du Conseil d'état à laquelle je viens de faire référence a suscité de nombreux commentaires. Soulignons le risque d'une sorte de police de l'information exercée par l'Arcom sous le contrôle de notre plus haute juridiction administrative. Je me demande si l'un des moyens d'éviter ce risque ne serait pas que chaque organe de presse accepte, mais cette fois-ci réellement, d'assurer lui-même la régulation des obligations de pluralisme et celles de la véracité de l'information, bref, que les médiateurs soit assurés de leur indépendance et qu'il jouissent des moyens d'exercer leur mission."


La fascination russe

François Bujon de L’Estang, créée le 10-03-2024

"Je vous recommande le livre d’Elsa Vidal, une journaliste que vous avez certainement eu l’occasion de voir à la télévision. Elle est responsable du monde russophone sur RFI, parle elle-même le russe et a vécu en Russie. Mais cet excellent livre a pour sujet la France. Elle analyse la politique française, et sa complaisance à l’égard de la Russie. Elle montre au fil de son récit comment nous avons accumulé les idées reçues, les erreurs de jugement, et mélangé une fascination (justifiée) pour la culture et la civilisation russe, et une admiration tout à fait inconsidérée pour les dirigeants russes. Beaucoup des nôtres ont commis l’erreur de faire preuve de complaisance à l’égard de la Russie. On pense par exemple au président Sarkozy et à François Fillon, qui étaient à eux seuls un lobby pro-russe à Paris, ou au président Giscard d’Estaing. Elsa Vidal nous montre que nous avons été victimes d’un mirage, c’est une leçon de lucidité très utile à un moment où il nous faut revoir toutes nos idées reçues sur la Russie. "


Les vies d’après

Marc-Olivier Padis, créée le 10-03-2024

"J’avais déjà eu l’occasion de vous parler d’Abdulrazak Gurnah, ce romancier qui a reçu le prix Nobel. Ce roman présente des personnages qui sont pris dans des conflits coloniaux entre Anglais et Allemands, en Afrique de l’Est. Les deux camps recrutent des troupes locales pour se faire la guerre, et on voit vraiment cette Histoire d’un point de vue très différent du nôtre. Ces gens pour qui l’océan Indien est un véritable carrefour de commerce, entre les caravanes qui traversent le continent, les bateaux qui viennent d’Inde … Ce renversement du regard nous montre la centralité de l’océan Indien, mais aussi de l‘Afrique de l’Est. Passionnant."


Histoire économique de la France : de la Gaule à nos jours

Nicolas Baverez, créée le 25-02-2024

"Pour éclairer notre thème de la dette, ce livre de Charles Serfaty. Il s’agit d’une entreprise colossale et assez extraordinaire, qui apporte des éclairages tout à fait nouveaux (grâce à des données récentes) et intéressants. L’auteur nous apprend par exemple que les Gaulois avaient un nouveau de vie comparable à celui des Romains, que le Moyen-âge a été une grande période de croissance et d’innovation, que Louis XIV était un rois puissant mais que son économie était stagnante, et qu’il a fallu attendre le XIXème siècle pour avoir une vraie croissance dans notre pays. Et surtout, que la France a construit un modèle assez unique : elle a réussi à avoir des moments de puissance sans véritablement avoir d’économie performante. Par ailleurs le livre montre que régulièrement dans notre Histoire, le surendettement a eu des conséquences politiques très importantes."


Daniel Cohen, l’économiste qui voulait changer le monde

Nicole Gnesotto, créée le 25-02-2024

"Dans la même veine de l’économie « longue », je vous recommande deux ouvrages de et sur Daniel Cohen, dont nous avons déjà parlé à ce micro depuis sa disparition en août dernier. Le premier est un hommage, recueillant des témoignages de personnalités politiques, de collègues universitaires, d’étudiants, de simples amis … L’ensemble des bénéfices que récoltera ce livre serviront à la création d’une chaire d’économie et à un prix d’économie Daniel Cohen, dans le cadre de l’Ecole Normale Supérieure."


Les anti-Lumières : une tradition du XVIIIe siècle à la guerre froide

Matthias Fekl, créée le 25-02-2024

"Je vous recommande ce livre de Zeev Sternhell, paru il y a plusieurs années. Il retrace les évolutions de la pensée réactionnaire, contre-révolutionnaire, opposée au primat de la raison et à celui de l’individu, et son corollaire : les droits de l’Homme. Dans la période que nous traversons, cette somme de 800 pages est éclairante. Le livre est passionnant, et on peut craindre qu’il ne devienne un guide très utile pour les années qui viennent. "


La liberté, pour quoi faire ?

Isabelle de Gaulmyn, créée le 25-02-2024

"Pour prolonger notre conversation sur la Russie, Je vous recommande ce livre de Georges Bernanos qui vient d’être republié. Sont titre reprend la réponse que Lénine avait adressée à ceux qui l’accusaient d’instaurer la dictature. Bernanos, contrairement à Harendt ou à Aron, pense qu’il n’y a pas de différence de nature entre démocratie et dictature, et que nous pouvons tous verser dans la seconde. C’est évidemment très discutable, mais quand on voit ce qui se passe dans un certain nombre de « démocratures », sa réflexion est intéressante … Le livre date de 1947. Petit extrait : «  la menace qui pèse sur le monde est celle d’une organisation totalitaire et concentrationnaire universelle, qui ferait tôt ou tard, sous un nom ou sous un autre de l’homme libre une espèce de monstre réputé dangereux pour la collectivité tout entière, et dont l’existence dans la société future serait aussi insolite que la présence actuelle d’un mammouth sur les bords du lac Léman »."


Brillat-Savarin : le gastronome transcendant

Philippe Meyer, créée le 25-02-2024

"La gloire, écrivait Alexandre Vialatte, consiste à être oublié par son nom. Ainsi circule à l’arrière-plan de notre paysage intellectuel une tribu des illustres méconnus, dans laquelle on ne s’étonnera pas que Jean-Robert Pitte, le père de l’inscription du repas gastronomique des Français sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO ait choisi, pour en publier une passionnante biographie, l’auteur de la Physiologie du goût, Jean-Anthelme Brillat-Savarin,1755-1826. A cheval entre bourgeoisie et aristocratie, juriste d’abord avocat puis haut magistrat, député du Tiers, exilé en Suisse puis aux États-Unis où il vit de ses talents de violoniste, réformateur aux convictions souples, catholique sans excès, initié jeune homme à la gastronomie par les moines, curieux de beaucoup de sujets comme l’étaient les heureux de son époque, Brillat-Savarin, écrit Pitte, fait preuve d'une heureuse philosophie et d'une constante bonne humeur qui s'expriment dans maints passages de sa correspondance ou de la Physiologie. C'est l'une des principales raisons du succès du livre : on éprouve l'envie de partager de bons moments avec lui - une partie de chasse, un repas, une fête, un voyage d'agrément ... Jean-Robert Pitte retrace le chemin aux nombreuses étapes qui conduira Brillat-Savarin à faire de la gastronomie non une jouissance égoïste, mais le principe consolateur et bonificateur de l'humanité. Qu’est-ce que la gloire ? Ne serait-ce pas de laisser son nom à un fromage, un fromage triple crème, le foie gras du fromage, qui appelle un vin blanc de Bourgogne, le Brillat-Savarin ?"


Une brève histoire de l’économie

Nicole Gnesotto, créée le 25-02-2024

"Le deuxième ouvrage est de Daniel Cohen, il a été publié à titre posthume en janvier de cette année. Au départ, c’était censé être un texte très court pour accompagner une bande dessinée, et puis c’est devenu un livre. C’est extraordinaire là aussi, car il retrace 12 000 ans d’économie mondiale en 130 pages, avec une luminosité extraordinaire. Daniel Cohen était non seulement économiste, mais aussi quelqu’un qui réfléchissait beaucoup à ce qu’était le bonheur dans nos sociétés. Je vous recommande ce livre pour être un tout petit peu plus heureux que vous ne l’êtes aujourd’hui. "