LES INTERVENANTS

Lionel Zinsou

Lionel Zinsou est un économiste franco-béninois, ayant fait carrière notamment comme banquier d'affaires puis comme PDG du fonds d'investissement Européen PAI Partners. Il a été Premier ministre du Bénin de juin 2015 à avril 2016.

 

Les brèves proposées par Lionel Zinsou:

Les Napoléons

"Je voudrais faire écho à une réunion qui a eu lieu à Val d’Isère ces deux derniers jours, et qui est celle des Napoléons. Napoléons c’est un réseau social réfléchissant sur l’innovation, qui fait interagir des artistes, des sportifs, des intellectuels, quelques patrons, quelques décideurs politiques, qui n’est pas du tout une organisation fermée et qui prend un thème, un thème d’hiver et un thème d’été. Ils se sont rendus un petit peu célèbre en invitant monsieur Barack Obama, début décembre, à être le premier orateur à Paris sur leur thème qui était celui des journées de Val d’Isère : la peur. La peur dans les décisions individuelles, la peur de l’entrepreneur, la peur de la disruption, la peur du changement du travail. Ils tiendront session à Arles à partir du 18 juillet sur un thème plus dangereux. : la vérité."


La ruée vers l'Europe

"Je vais recommander un livre que je n’aime pas mais je pense qu’il est important de lire les points de vue qui s’expriment. Un livre de Stephen Smith qui est un journaliste américain de culture francophone, après avoir écrit un livre qui était très dépréciatif sur la situation de l’Afrique et qui accusait les amis de l’Afrique d’être ceux qui l’enterrait qui s’appelait ‘Negrologie’, il refait un livre qui s’appelle ‘Ruée vers l’Europe’ et qui est un peu l’expression quintessenciée de cette espèce de nouveau péril jaune, qui serait la ruée possible à cause de problèmes démographiques insurmontés de toute la misère de l’Afrique vers l’Europe demain. Une analyse démographique dont on sent qu’elle n’est pas faite par un démographe mais un homme qui connaît bien l’Afrique qui l’a beaucoup parcouru et qui donc est un maître des apparences sur l’Afrique. La ruée sur l’Europe pour le caractère sain du débat public voir peut-être ce qu’il y a de plus ignorant de l’Afrique de demain mais qui est en même temps une très très bonne quintessence des préjugés sur ce continent."



L’occident (s’)est-il perdu ?

"Pour déplacer légèrement le regard sur le monde d’un point de vue parfois trop euro-centré, je recommande la lecture de L’occident (s)’est-il perdu ? de Kishore Mahbubani, un des plus grands géo politiciens singapouriens qui a été ambassadeur de Singapour auprès des Nations Unies. La bonne traduction du titre de l’ouvrage eut été : L’occident a t-il perdu la partie ? La réponse est plutôt oui. C’est assez provocateur mais c’est intéressant car c’est un point de vue singapourien qui regarde le déclin de l’occident. "


Merci l’Europe

"Je souhaitais évoquer les élections européennes puisque 34 listes françaises s’y présentent cette année ce qui est parfois l’objet de dérision mais me parait assez sain. Lorsque vous vous rendez dans les librairies il y a désormais bon nombre de livres sur l’Europe. Il y a un petit livre de Bernard Spitz qui s’intitule « Merci l’Europe. Réponse aux 7 mensonges du populisme » publié aux éditions Grasset. J’ai trouvé que c’était pratique et clair. "


Démocraties sous tension

" Je voudrais montrer combien les think tank sont importants dans la réflexion et signaler que Fondapol a sorti un document intitulé : « Démocraties sous tension » qui étudie les opinions publiques et la démocratie dans 42 pays. C’est très intéressant de voir cette mondialisation des idées démocratiques. C’est assez positif au sens où l’on voit que la démocratie représentative est plébiscitée sur tous les continents. On y voit aussi des tendances conservatrices universelles ainsi qu’une idée de la mondialisation qui y est plutôt positive. "


Intervention d’Emmanuel Fabère à l’ONU

"On a pensé que dernier sommet sur le climat n’avait pas apporté grand chose, il y a pourtant eu un moment très fort où est monté à la tribune un chef d’entreprise français, Emmanuel Faber, patron de Danone, qui a parlé au nom d’une nouvelle initiative des grandes multinationales, qui ont pris une série d’engagements qui à eux seuls compenseraient le retrait de l’état fédéral américain du traité de Paris s’ils sont tenus. C’est la première fois qu’on voyait à la tribune de marbre vert des Nations-Unies un homme d’affaires français s’adresser au monde pour déclarer : « nous syndiquons l’effort des grandes multinationales pour pallier les défaillances des états. » On s’aperçoit ainsi du pouvoir qu’ont ces entreprises sur le climat et la transition énergétique, plus significatif que celui de plusieurs grandes puissances. (L’intervention d’Emmanuel Fabère est à 2h50 environ) "



Réconciliations

"Je vous recommande la lecture d’un livre d’un haut fonctionnaire, Rémi Rioux, le patron de l’agence française de développement, qui a dirigé le cabinet du ministre des finances. C’est un homme de grande valeur, et qui a écrit un livre très récent appelé « réconciliations », et est assez ambitieux, on y décèle la volonté de théoriser du normalien. Il étudie en historien et en praticien du développement comment on réconcilie des adversaires irréconciliables, et en fait la théorie dans le nouvel ordre mondial, et dans son métier qui consiste à tenter de réparer les fractures de l’économie mondiale. C’est très recommandable."


Décret paru au Journal Officiel

"Je vous suggère de lire le Journal Officiel de mardi dernier, qui publie le décret de la reconnaissance d’utilité publique pour la fondation pour la mémoire de l’esclavage. C’était une idée de Jacques Chirac, abandonnée entre 2007 et 2012, que François Hollande avait relancée, appuyé par tous les intellectuels des départements d’Outre-mer, ainsi qu’un rapport important d’un grand écrivain Edouard Glissant, etc. On a mis deux ou trois ans à collecter les fonds nécessaires, mais il y aura désormais un monument reconnaissant la résistance à l’esclavage aux Tuileries, il y aura dans l’Hôtel de la Marine et des colonies, siège de cette fondation, de nombreuses manifestations culturelles. C’est une façon, de Jacques Chirac à Emmanuel Macron, de reconnaître cette réalité fondamentale, reconnue comme un crime contre l’humanité depuis la loi Taubira, de ce qu’a été pendant trois siècles l’esclavage, et de rendre aux Afro-descendants de la République une partie de leur mémoire. "


La grande aventure de l’égyptologie

"Pour ceux qui, sur la question de l’Orient étendu jusqu’à l’Egypte, s’intéressent à la continuité des grands empires et le renouveau des impérialismes anciens, je recommande ce livre de Robert Solé, paru il y a quelques mois. Il allie les qualités du romancier à une très grande érudition. Il met en scène le prestige de l’école française, mais aussi la rivalité allemande et britannique. Comment se joue, dans la recherche et la reproduction de la puissance impériale égyptienne, cette espèce d’extraordinaire soft power en matière politique et culturelle."


La Turquie, l’invention d’une diplomatie émergente

"A plusieurs reprises nous avons évoqué les politiques turques vis à vis de l’Europe, de l’OTAN, de la Russie, ou des mondes arabe ou persan. Or la Turquie reste mal connue en France. On n’enseigne presque plus la Question d’Orient. Ce livre remarquable et savant de Jana Jabbour, chercheuse à Sciences Po, paru en 2017 aux éditions du CNRS, permet de mieux s’orienter dans les errances apparentes de M. Erdogan. Au-delà du seul Néo-Ottomanisme et des nostalgies impériales, on y comprend beaucoup mieux en quoi la Turquie cherche à se créer un rang contemporain de grande puissance que ses succès économiques modernes expliquent mieux que l’héritage historique. "


Le virus n’a pas vaincu l’opacité chinoise

"J’invite nos auditeurs à aller sur le site de Terra Nova pour y lire la publication à propos de la Chine dans la pandémie, et le mensonge d’Etat. C’est une polémique qui va enfler, elle est en plus aggravée d’un début de doute sur l’origine exacte du virus, ce que le président Macron a appelé « les zones d’ombre » dans un entretien au Financial Times. Sur le mensonge, la propagande, et l’utilisation géopolitique d’influence, il y a beaucoup à dire, également sur le traitement de la dette. Ce sera un grand test sur la gestion chinoise des conséquences géopolitiques de la pandémie. Pour le moment, on craint que la Chine ne demande à saisir les actifs quand elle n’est pas remboursée, elle l’a déjà fait une fois au Sri Lanka. Si elle fait cela, la Chine perdra tout crédit, toute admiration quant à son efficacité, voire tout respect, à un moment où la confiance qu’on lui accorde est déjà passablement écornée. "



Festival de théâtre de la Maison Maria Casarès

"Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu’un festival de théâtre (dans la deuxième moitié du mois d’août) n’a pas été annulé, c’est le festival Maria Casarès, à Alloue dans le département de la Charente. Cela ne remplacera pas Avignon (le festival a été maintenu car le public attendu y est nettement moins nombreux), mais c’est important d’avoir une pensée pour les intermittents du spectacle et les artistes, parce que le plan pour la culture n’est peut-être pas le plus abouti du gouvernement ..."


Disparition de Guy Bedos et Jean-Loup Dabadie

"Je voudrais dire mon émotion alors que viennent de nous quitter Jean-Loup Dabadie et Guy Bedos. Pour ma génération, c’est une blessure, on a l’impression que l’humour rebelle, l’impertinence, la liberté de ton ont beaucoup perdu avec ces deux-là. Réécouter les sketches de Guy Bedos bien sûr, mais je voudrais aussi recommander aux gens de lire le discours de réception à l’Académie Française de Xavier Darcos par Jean-Loup Dabadie. C’est un bijou d’humour et de légèreté, avec un soupçon de cruauté et énormément de bienveillance. "



Économie utile pour des temps difficiles

"Je voudrais recommander ce livre qui est malheureusement sorti en français juste après le début du confinement. Il est signé d’Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019, plus jeune récipiendaire de ce prix et deuxième femme à l’avoir obtenu, normalienne d’une promotion très récente, et de son mari Abhijit Banerjee. Ce livre a l’air un peu long, il commence par une boutade : une dame vient d’apprendre qu’elle n’a plus que six mois à vivre, elle demande à son médecin que faire de ce temps. « Epousez un économiste », lui recommande le médecin. « Pour quoi cela, docteur ? ». « Parce que vous allez trouver le temps très long ». C’est pourtant tout à fait l’inverse avec ce pavé de 510 pages. Mais il est constitué de petites séquences de 3 ou 4 pages à propos des lois économiques (très simplifiées) et de leur mise en pratique, qui permettent de comprendre l’économie d’aujourd’hui et de faire des choses utiles non seulement pour le grand combat d’Esther Duflo (vaincre la pauvreté), mais aussi de traverser les questions d’économie internationale, des politiques publiques, etc. C’est extrêmement bien fait, et c’est un excellent livre pour l’été, malgré les apparences."


Orientales

"Pensant que nous allions parler en deuxième moitié d’émission du procès des attentats de janvier 2015, je cherchais une lecture à ce propos, mais j’ai constaté qu’il s’agit au fond du même sujet que le Liban. En effet, faire des bains de foule à Beyrouth et des détours par Bagdad a des retombées significatives ; c’est aussi une façon d’exprimer qu’on a un rôle messianique dans le monde arabe, qu’on est très proche et impliqué. Pour un président français, c’est un autre moyen de gérer sa relation avec la communauté musulmane. Et c’est le cas depuis longtemps. Henry Laurens, titulaire de la chaire d’Histoire du monde arabe contemporain au Collège de France, a republié en 2019 les Orientales. Ce qui lui permet d’aller de ses travaux d’historien sur les expéditions de Bonaparte en 1798 jusqu’aux problématiques les plus contemporaines. On ne comprend rien au Liban si l’on ne connaît pas l’histoire du pays. Le travail d’Henry Laurens sur la longue durée, tout honnête homme devrait s’y pencher. "


Le magazine « Time »

"Je conseille une lecture plus courte : « Time » fait un portrait des 100 personne les plus influentes du monde cette semaine. Si vous êtes comme moi, vous allez en découvrir au moins 80, dont l’influence vous avait jusque là échappé ... Vous en apprendrez beaucoup sur les rappeurs, les joueurs de football américain, les basketteurs ... La vision est donc un peu orientée à l’américaine ... Certains pays ou continents sont parcimonieusement représentés. L’Afrique compte tout de même quatre membres, dont Tomi Adeyemi, une Nigériane / Américaine de 27 ans, écrivaine incroyable. Il y a également une française, et puisque ce sont les anciens titulaires qui réalisent les portraits des nouveaux, celui-ci est signé de Christine Lagarde. Et il s’agit d’Anne Hidalgo. C’est intéressant que ce portrait arrive maintenant, au moment où la maire de Paris laisse entendre qu’elle souhaite peut-être étendre sa gouvernance à d’autres horizons ... "


Le pouvoir de la destruction créatrice

"Je rappelle à nos auditeurs que de nombreuses librairies sont dotées d’un site et d’un système « click and collect », il est donc possible de les soutenir. Vous pourrez ainsi découvrir cet ouvrage majeur, l’un des plus importants de la décennie. Il est signé de Philippe Aghion, professeur d’économie du Collège de France. La destruction créatrice est un concept économique de Joseph Schumpeter, qui est ici modélisé théoriquement et empiriquement. Cela répond à beaucoup de questions que l’on se posait sur la croissance des pays émergents. L’auteur nous donne sur les politiques publiques des leçons très stimulantes, y compris pour penser le monde d’après."


Rouge carbone

"Laurent Fabius publie un nouveau livre, consacré au risque climatique. C’est à la fois un plaidoyer pour une action très vigoureuse et des mémoires de l’homme qui a négocié les 1600 clauses qui faisaient obstacle à l’accord de la COP21, et qui prend effet en 2020. C’est haletant dans le récit de la COP21, au moment où la Chine et l’Inde tournent et entrent dans l’accord alors qu’elles revendiquaient jusque là leur droit à polluer, et sur le passage de l’effet de serre à l’effet de four. C’est un cri d’alarme assez complet et passionnant."



Kamala Harris

"Je vais subvertir un peu la règle car ma recommandation de cette semaine n’est pas pour un ouvrage précis, mais pour la nouvelle vice-présidente des Etats-Unis, que je vous recommande de suivre de près. Elle est un incroyable capital international des Etats-Unis ; la réaction à son élection a par exemple été dithyrambique en Inde. Le fait qu’elle soit jamaïcaine, californienne, qu’elle se revendique comme black ... Tout cela me fait vous enjoindre de vous y intéresser attentivement."


Et après ?

"Pour le couvre-feu qui s’annonce mardi prochain, je vous recommande les 137 pages du petit livre d’Hubert Védrine. Il est sorti en juin, mais sa diffusion n’a véritablement commencé qu’il y a quelques semaines. Ce texte très dépouillé et synthétique se lit en une soirée de couvre-feu, il décrit les rendez-vous à ne pas manquer pour reconstruire l’économie, la société, et une position internationale face aux changements de la mondialisation. C’est extrêmement clair, pratique, et tout à fait lumineux. "


Le siècle vert

"J’aimerais recommander le dernier livre de Régis Debray, comme d’habitude l’œuvre d’un grand styliste. On y trouve un éloge vibrant de la féminisation de la civilisation, mais aussi une hostilité à une espèce de mystique de l’écologie. Il n’aime par exemple pas beaucoup le terme « d’environnement », auquel il préfère « milieu naturel ». Il y développe également une réflexion sur les erreurs d’un monde qui avait cru que l’homme, cet animal pas comme les autres, était au-dessus de la nature et pensait que l’Histoire pouvait plier la Nature ; il met en garde contre un mouvement inverse qu’il voit poindre aujourd’hui. "


Tempête parfaite - Chronique d’une pandémie annoncée

"Je vous recommande ce petit livre très sage, de Philippe Sansonetti. L’auteur est professeur au Collège de France en virologie, c’est un grand spécialiste en épidémiologie, en particulier de l’émergence des nouvelles maladies infectieuses. Il n’est pas sur les plateaux de télévision, mais il a tenu un journal de la pandémie. C’est à la fois inquiétant, parce qu’on voit à quel point nous aurions pu être mieux préparés, mais aussi rassurant par la description de l’extraordinaire mobilisation des communautés scientifiques, qui ont notamment permis d’avancer sur le vaccin et les traitements. C’est sage, calme, et tout compte fait assez rassurant. "


Les écolos nous mentent !

"Je recommande ce livre de Jean de Kervasdoué, professeur au CNAM, très connu pour ses travaux sur la santé publique. Je ne trouve pas le titre très bon, je l’aurais plutôt appelé « dictionnaire des idées reçues sur l’environnement ». Pour qui veut avoir une vision contrastée, avec beaucoup de documentation, et qui remet en perspective les grandes questions environnementales d’aujourd’hui, avec un esprit un peu ironique et polémique certes, il faut lire Jean de Kervasdoué."


Archives de philosophie du droit tome 62

"Je recommanderai volontiers une lecture qui peut paraître austère, mais qui est en réalité très stimulante. Il s’agit d’une revue, dont le titre pourrait en décourager plus d’un, mais à tort. Sa livraison annuelle concerne le principe de précaution. Vous n’aurez pas à lire les 570 pages, car c’est constitué d’une foule de petits articles extrêmement pointus et passionnants, signés de grands juristes, philosophes, économistes, sociologues, anthropologues ... Dans un monde où nous avons beaucoup d’interrogations quant à la technologie, la bioéthique , le principe de précaution est-il un progrès ou un embarras ? Est-il gênant par exemple que nos politiques redoutent des conséquences judiciaires à chacune de leurs décisions difficiles ? Il y a là des interrogations très contemporaines, et un choix de petits articles vigoureux et passionnants."


Perspectives économiques selon l’OCDE

"Ma brève sera économique et non littéraire. Je recommande aux auditeurs de regarder sur le site de l’OCDE leur rapport sur les perspectives économiques. Il fait une révision assez profonde de ce que sera la conjoncture économique dans le monde en 2021 et 2022. On prend acte d’une reprise en V dans plusieurs pays, notamment la Chine et les USA. On a des chiffres intéressants sur le plan de Biden, nous allons avoir une reprise historique. Ce n’est pas ce que nous pensons a priori en France, dans les entreprises notamment, il est donc bon d’aller y voir. Entre le mois de décembre et le mois de mars, l’OCDE a relevé la prévision de croissance du monde de 4,2% à 5,6%. On n’a pas vu cela depuis la seconde guerre mondiale, cela aura des conséquences positives très significatives sur l’emploi. La prévision de croissance pour la France est de 5,9%, un peu plus que l’hypothèse déjà optimiste de la loi de finance. C’est la rapidité de cette reprise et l’anticipation que nous en aurons fait qui nous permettront d’éviter du chômage et des faillites. Ce rapport est une lecture roborative."


Climat : comment éviter un désastre

"Je voudrais saisir l’opportunité que me donne le divorce de Melinda et Bill Gates, qui me préoccupe énormément, pour souligner le fait qu’en février dernier a été publiée en France la traduction du livre du milliardaire. C’est un ouvrage extrêmement clair et très éloquent, d’un homme qui voit dans la technologie énormément de réponses aux défis de la transition énergétique. C’est une lecture assez innovante et décalée par rapport à tout ce qu’on peut lire sur l’environnement, et qui me paraît indispensable. C’est un homme qui dans le domaine de la santé publique, a fait davantage à titre personnel que l’OMS pendant des années, en termes de ressources et de temps. C’est aussi une victime de choix des réseaux sociaux et des mouvements anti-vaccins. "


Le piège africain de Macron

"Je recommande la lecture de cet essai d’Antoine Glaser, ce journaliste spécialisé sur les questions africaines. Il s’agit non seulement d’une analyse mais aussi d’une longue interview du président Macron à propos de l’Afrique. comme ce sont des sujets assez sensibles, je pense qu’il est intéressant de s’y pencher. D’autant qu’il y a souvent un regard un peu paradoxal chez l’auteur ; l’une de ses thèses est qu’on a beaucoup parlé de la Françafrique, mais qu’aujourd’hui, c’est plutôt « l’Africafrance » qui est aux affaires. Il y a eu un renversement de la question « qui domine qui ? ». Les pays africains sont en réalité en train de s’imposer à la France et se donner des choix avec des puissances concurrentes. Il y a également une tentative de renverser la table de la part de Macron, avec l’idée forte qu’on a un regard plus légitime quand on n’était pas né au moment de la décolonisation. "


Le nouvel âge progressiste de la mondialisation

"Je vous recommande cette semaine une lecture assez brève : les 27 pages d’une note de Pascal Canfin publiée par Terra Nova. Elle a été très bien relayée dans la presse, et propose un concept intéressant contre la démondialisation proposée par les populismes, à savoir une mondialisation progressiste sur des valeurs européennes, très centrée sur la transition énergétique, et toutes les capacités d’innovation, de création d’emploi, de rebond de la richesse. C’est intéressant, car c’est une théorie assez nouvelle, il s’agit de repositiver la mondialisation, avec des contenus assez différents, dans le monde d’après. Pascal Canfin est je crois une ressource de la vie politique française. Il anime la commission pour l’environnement et la santé publique du Parlement européen. Il y a ici un travail de fond important, et une création conceptuelle qui devrait être importante pour la campagne présidentielle."


Pousser les murs

"Pour faciliter le travail des historiens sur l’importance de l‘œuvre de Muriel Pénicaud en matière de social dans le quinquennat d’Emmanuel Macron, elle a publié aux éditions de l‘Observatoire des fragments de mémoires, où elle explique tout ce qu’elle a fait. Objectivement, on lui doit des ordonnances sur le marché du travail, qui sont passées grâce à un art de la négociation sociale exceptionnel. Elle a fait en matière de chômage partiel des avancées considérables au moment de la pandémie, l’explosion de l‘apprentissage est tout de même ce qui frappe le plus les chefs d’entreprise. Elle a peut-être été desservie dans l’expression par un côté un peu nature et peu régulé, alors qu’elle a une expertise exceptionnelle. Du coup, elle fait très bien l’explication et l’éloge de son travail, je vous recommande vivement ses mémoires, qui sont aussi le début de sa statue."


Cosmogonies. Zinsou, une collection africaine / Marylin Minter : all wet / Betty Tompkins : raw material

"Je vous recommande une visite à Montpellier, au musée d’art contemporain, le Mo.Co. J’y ai vu deux expositions. La première est purement narcissique, il se trouve qu’elle est consacrée à l’art contemporain africain. Comme elle s’appelle « Zinsou » je ne la commenterai pas, et ne vous dirai pas à quel point elle est bien faite et éclairante. Je mettrai donc l’accent sur un autre bâtiment, la panacée, qui appartient au même musée. On peut y voir une exposition féministe de deux américaines travaillant avec de passionnantes techniques d’acrylique sur le corps féminin. Leur travail part de dessins et de photos pornographiques, l’exposition est donc interdite aux mineurs non accompagnés, elle vient d’ouvrir et n’a pas encore eu le temps de faire scandale."


Le traître et le néant

"Pour permettre aux auditeurs de d’économiser 24,50€, je leur recommande de ne pas acheter le livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Il a pourtant certains mérites : le titre est magnifique, il fait 620 pages et fait donc vivre quelques personnes dans l’industrie papetière. En revanche, c’est la troisième édition du best-seller pré-électoral, vous aviez deja eu à la même période, « Sarko m’a tuer », puis « un président ne devrait pas dire ça ». A chaque fois, c’était déjà faible, il ne s’agissait que de délation et de rumeurs de mauvaise qualité. Ici, on touche le fond. D’abord c’est uniquement à charge, Macron n’y est pas crédité du moindre mérité, si petit soit-il. Le traître c’est Macron et le néant c’est le macronisme, je le précise car à lire l’ouvrage, on pourrait croire que le traître est Davet tandis que le néant c’est Lhomme. Les bonnes feuilles vont bientôt sortir, à mon avis elles suffisent largement, car il n’y a aucun scoop, seulement quelques charges plutôt anecdotiques. Commencer en disant que Macron, c’est Richard III avec un peu moins de sang sur les mains est assez réjouissant, malheureusement, c’est le tout début, il n’y a plus rien de shakespearien ensuite."


Restitution d’œuvres béninoises par le Musée du Quai Branly

"Le 27 octobre, le président de la République française ira au musée Jacques Chirac du Quai Branly Pour président la cérémonie de restitution de 26 œuvres à la République du Bénin. Dans les jours qui suivront, pendant une semaine, le public est invité à venir vois ces objets, qui sont mis en avant et accompagnés d’une explication, sur la façon dont ils ont été pillés puis restitués. C’est une occasion d’aller voir des représentations symboliques du pouvoir royal, du vaudou. C’est la fin d’une controverse majeure. Pour rassurer les gens qui craignent que cela ne vide les musées français, il reste dans les réserves du musée Jacques Chirac 360 000 objets. On a donc de quoi aller plus loin. D’autres grands musées dans le monde ont désormais des programmes de restitution. Cette revendication très émotionnelle des peuples, est en train d’avancer et la France a eu un effet d’impulsion non négligeable sur cette question. "


Manifeste de la dernière chance

"Je vous conseille ce livre des Gracques. Il me semble que le titre vient plutôt de l’éditeur que des auteurs, car « la dernière chance » est un concept qui revient tous les cinq ans, mais passons. Mais cela vaut la peine de s’y pencher, car il y a beaucoup de propositions, institutionnelles, économiques, etc. Il semble que la campagne électorale laisse de côté les vrais problèmes. On passe son temps à se demander combien d’immigrés de la deuxième génération on va renvoyer au Mali ou en Algérie (contre la volonté de ces Etats). Ce sont sans doute des sujets intéressants, mais pas extrêmement pratiques … On peut ressortir les Kärcher, créer un Guantanamo qui nous manquait, peut-être sur l’île de Ré ? Mais si on considère qu’il y a peut-être d’autres sujets plus préoccupants, la lecture de ce petit manuel pourra s’avérer précieuse."


Les années retrouvées de Marcel Proust

"Je vous invite à un voyage chez Marcel Proust avec ce livre de Jérôme Bastianelli. C’est un enchantement. D’abord, c’est très original puisqu’il s’agit d’un roman décrivant la vie que Proust n’a pas vécue, entre 1922 (année de sa mort) et 1940. C’est donc une vie qu’il aurait pu vivre qui nous est racontée ici, c’est en cela un roman, mais également une biographie extraordinaire, qui permet de visiter les sentiments, les émotions, les lieux, les amitiés … C’est une façon très profonde d’analyser Marcel Proust. Il se trouve qu’en plus, l’auteur, par ailleurs président de la société des amis de Marcel Proust, écrit dans le style de Proust. Cent ans plus tard, c’est très amusant. Je ne sais pas si c’est son style naturel ou un pastiche extrêmement travaillé, mais dans tous les cas c’est un régal stylistique. "


Au cœur de la finance utile A quoi sert votre épargne ?

"Une lecture élitaire et minoritaire, voire un peu austère cette semaine. Eric Lombard, grand serviteur de l’Etat, directeur de la Caisse des dépôts et consignations, signe ce livre qui explique son métier de patron de la plus grande institution financière française publique. L’instrument même du « quoi qu’il en coûte », et la maison mère de la BPI (Banque Publique d’Investissement), caractéristique du macronisme hyper-social-démocrate et hyper-Etat-providence. L’auteur fait partie de la tradition « rocardo-strauss-kahnienne » du pouvoir actuel. Le titre même du livre est paradoxal, puisque très peu de Français accepteraient de qualifier la finance d’utile. On y parle de la banque des territoires, et on traite d’un problème passionnant : comment change-t-on la géographie du pays par un certain type d’instruments et d’investissements ? On parle beaucoup de recréer des « cœurs de ville », d’un « urbanisme raisonné » (qui a ses opposants, notamment les écologistes). Comment se fait la politique économique des territoires ? Avant les législatives, le sérieux de ce livre ne fera pas de mal, pour éclairer la façon dont on crée du bien commun et de nouvelles solidarités dans les territoires. "


La fièvre des urnes 2500 ans de passions électorales

"J’aimerais rendre hommage à la fondation Michalski qui accueille notre conversation de cette semaine. Elle est consacrée à l’écriture et à la littérature, il fallait donc trouver un livre qui va étonner beaucoup de gens, et peut-être les passionner. Il est signé d’un spécialiste de la rhétorique, et au demeurant un de mes amis de lycée et de l’Ecole normale. Alors certes, son champ d’expertise est très pointu, puisqu’il s’agit de la rhétorique hellénistique tardive. Comme je trouve que les commentateurs de scrutins sont souvent trop pris dans l’instant et dans l’immédiateté, je cous recommande cette lecture. On s’aperçoit que les élections sont toujours des histoires de passion. Aussi bien à l’époque des Gracques où la passion politique poussait au meurtre ou au suicide, qu’aujourd’hui où nous avons eu une campagne remarquablement calme et sans violence. Les dimensions de soif de justice, de désir de revanche sont toujours là, il s’agit d’histoires passionnelles. En France, ce sont les meilleurs orateurs qui ont fait les meilleurs scores aux élections. Emmanuel Macron est incontestablement brillant de ce point de vue, ses éloges funèbres sont par exemple excellents. Mme Le Pen était secrétaire de la conférence des avocats, elle est indubitablement une bonne oratrice. M. Mélechon a des qualités d’orateur exceptionnelles, au point d’inventer les hologrammes pour dire en douze endroits à la fois, en captivant tout le monde, des choses plutôt inefficaces. M. Zemmour a lui aussi fasciné les foules. La rhétorique est un élément absolument central du succès politique. "


La mémoire, l’histoire, l’oubli

"Quand il avait 22 ou 23 ans, Emmanuel Macron était l’assistant de Paul Ricœur. Lors de son récent voyage en Afrique, le président français a fait montre de l’influence du penseur. Ses discours autour de la question de la mémoire ont profondément changé le regard que les Est-Africains portent sur la France. Il faut lire Paul Ricœur pour comprendre Emmanuel Macron. On peut aussi aller sur le site de la revue Esprit, et regarder ce que le jeune Macron écrivait à propos de l’œuvre de Ricœur. Le macronisme est sans doute un peu plus qu’une idéologie, presque une théorie. S’il y a quelque chose qui a été réussi ces 5 ou 6 dernières années entre la France et l’Afrique, ce n’est probablement pas le combat contre les djihadistes au Sahel, ou la progression de tel ou tel intérêt économique contingent ; c’est de changer complètement le regard de l’autre sur vous, ou le vôtre sur autrui. Traiter les mémoires qui s’opposent dans une Histoire qui rassemble est on ne peut plus ricœurien."


Une étrange obstination

"Je vous conseille le livre de Pierre Nora. Il est biographique, et l’académicien y fait montre d’une jeunesse à peine imaginable pour ses 91 ans. Il retrace sa vie d’éditeur et d’historien. Il fut chez Gallimard le créateur de toutes les collections d’Histoire. Avec la revue « le Débat » et avec toutes ses publications, qu’elles soient grand public ou académiques, il est un peu l’équivalent de ce que fut Gide pour la Nouvelle Revue Française il y a cent ans. On voit passer quelques grands penseurs dans ce livre : Jacques Derrida, Michel Foucault, Marcel Gauchet, et tous les grands historiens des Annales (Le Goff, Braudel …). C’est une biographie collective de ce qui fut probablement la plus grande épopée de sciences sociales en langue française. "


Penser l’Histoire de l’Afrique

"J’aimerais rendre hommage à ce livre très important du point de vue méthodologique, même s’il est très court. Il est signé de François-Xavier Fauvelle, professeur au Collège de France. On est en droit de se dire que l’ouvrage est à l’Histoire médiévale de l’Afrique ce que Tristes Tropiques a pu être pour la réflexion méthodologique de l’anthropologie. C’est vraiment fondamental, et tout à fait contemporain. Les sources historiques se multiplient, il y a beaucoup d’écrits, contrairement à ce que l’on pourrait croire, et beaucoup de témoignages archéologiques. Malgré tout, il reste énormément d’énigmes, auxquelles est confronté l’historien. Il s’agit donc de mener un travail denquête, tout à fait haletant. Une enquête qui ne finira jamais, un puzzle qu’il faut créer. "


Les hommes de Poutine

"Je vous recommande la traduction française parue en juillet dernier du livre de Catherine Belton, qui a été un best-seller absolu en langue anglaise. Catherine Belton a longtemps été journaliste au Washington Post, correspondante du Financial Times à Moscou. C’est l’histoire à travers Poutine de la prise du pouvoir du KGB en Russie, de la puissance des réseaux, amplifiés par les liens avec le crime organisé, et de l’utilisation des oligarques. Le livre décrit bien ce qui tient le pouvoir de Poutine et qui s’attaque à l’Ouest depuis bien longtemps, tout cela sur le mode du thriller. Dans le contexte actuel, c’est très éclairant."


Pour en finir avec l’apocalypse Une écologie de l’action

"Pour remonter le moral de tous, je vous recommande cet ouvrage de Guillaume Poitrinal. C’est une sorte d’éloge et de prophétisme quant à la croissance possible dans la transition énergétique. C’est également un violent pamphlet contre la décroissance. J’ai d’ailleurs été un peu surpris, car l’auteur y cite l’encyclique Laudato si’, en indiquant que même le pape François a fait l’éloge de la décroissance … On y évoque également Delphine Batho ou Sandrine Rousseau. L’auteur est l’un des plus jeunes patrons du CAC40, qui a peut-être mauvaise conscience d’avoir bétonné la planète, ayant quelques temps dirigé Unibail-Rodamco. Pour sa rédemption, il a quitté cette position très enviée, a créé Woodeum, et ne travaille plus aujourd’hui qu’avec du bois. C’est surtout un chef d’entreprise hyper-pragmatique, qui donne 50 raisons et exemples à propos de tout ce qui va permettre de combiner une croissance au service de la réduction des inégalités, tout en étant bas carbone. Une sortie du manichéisme à propos de la transition énergétique. Très stimulant."


Histoire globale de la France coloniale

"Pour ne pas nous éloigner de la francophonie, je recommande ce livre d’un collectif d’historiens. Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et Dominic Thomas ont écrit cet ouvrage remarquable, qui va du XVIIIème siècle à l’utilisation des thèmes coloniaux ou néo-coloniaux d’aujourd’hui. Il traite aussi des moyens d’influence, immatériels, qui ont permis de créer un lobby colonial : le rôle de la presse, et notamment de l’image, de la langue, de l’éducation, des expositions coloniales, de la monstration de l’indigène … Tout ceci a l’air très contemporain, alors qu’il s’agit du XIXème siècle. A le lire, on comprend aisément que l’emprise coloniale ne puisse avoir complètement disparu seulement cent ans plus tard."


Note de conjoncture mensuelle de l’Insee

"Comme la conjoncture est difficile et que des récessions se profilent, je me demandais comment en donner une lecture un peu objective. Car à écouter les réseaux sociaux ou la presse, on peut craindre que le pouvoir d’achat des Français ne soit amputé de 10% (alors que ce sera vraisemblablement plutôt 1%). Bref le décalage entre la perception et la réalité est souvent très grand sur ces sujets, il est bon de revenir aux faits. Deux sources complémentaires sont intéressantes pour cela, elles sont très faciles d’accès et bizarrement très peu utilisées. Il y a d’abord la note de conjoncture mensuelle de l’Insee, qui est parfaitement réalisée et bénéficie désormais de données de haute fréquence (clics google, dépenses par secteur des cartes de crédit, etc.) Des progrès considérables ont été accomplis, qui ne se retrouvent absolument pas dans les perceptions de l’opinion. Vous pouvez aussi aller regarder ce que publie l’OFCE (Observatoire Français des Conjonctures Économiques), également très éclairant. "


Senghor et les Arts

"Je propose à nos auditeurs d’aller au Musée Jacques Chirac voir cette exposition. Pour tous ceux qui s’intéressent au soft power français, Senghor est incontournable. Il avait l’habitude de dire que la politique commençait et finissait toujours par la Culture. Il l’a prouvé, non seulement en étant un grand poète et un grand écrivain, mais aussi en créant de grandes manufactures de tapisseries (projet qui n’était pas sans rappeler celui de Colbert) et en soutenant toutes les formes de créations artistiques contemporaines, ainsi que toutes les formes de recherche sur les arts et la culture africaine. Cela avait d’ailleurs été très contesté, puisqu’il avait déclaré que « l’émotion est à l’Afrique ce que la raison est à l’Europe » ; sa théorie de la négritude a elle aussi rencontré de fortes oppositions. A travers les textes et les œuvres présentés dans cette exposition, il y a quelque chose qui aide à comprendre pourquoi aujourd’hui dans le pouvoir français en Afrique, la Culture est un élément si central : restitutions des œuvres, Alliances françaises pleines et très nombreuses. Ces succès là sont bien plus grands que les succès économiques ou militaires. C’est un sentiment que Senghor a travaillé à rendre moins français et plus universel."


Tableaux pluriels : voyage parmi les polyptyques d’hier et d’aujourd’hui

"Je vous conseille un bon auteur, habituellement connu pour autre chose que sa plume : Laurent Fabius. Il ne fait pas que du droit constitutionnel, mais de plus en plus d’histoire de l’art, et dans sa vie personnelle de plus en plus de peinture. Et comme il aime les grands formats et qu’il a un petit atelier, il divise ses tableaux. Il est donc allé étudier les polyptyques. Le sujet de ce livre est certes un peu élitiste, mais vous avez ainsi un panorama des polyptyques depuis l’Antiquité. C’est très érudit, et il est toujours agréable de savoir que les constitutionnalistes sont aussi d’excellents historiens de l‘art. "


Les solastalgiques

"Je vous recommande le roman de Martin Hirsch, même si le simple fait de dire le titre au libraire peut s’avérer difficile. Dans cette histoire, la solastalgie est une nouvelle maladie mentale, une angoisse du réchauffement climatique, qui émerge chez les jeunes et est aussi profonde et destructrice qu’avait pu l’être l’épidémie du Sida. Le roman est passionnant, très bien écrit, en chapitres courts et efficaces. On a énormément d’informations, mais surtout l’auteur va jusqu’au bout des formes de violences que peuvent engendrer les problèmes écologiques. Violence numérique, puis violences physique, jusqu’à la violence terroriste. On apprend beaucoup, et on voit bien que le livre est la forme romanesque d’un rapport du Conseil d’Etat. On voit que l’auteur est bon, même si son style trahit quand même son passé de normalien. Idéal pour qui veut lire un rapport en se distrayant à la plage."


Synthèse du rapport Pisani-Ferry

"Dans la foulée de notre premier sujet, je recommande à nos auditeurs de lire la synthèse de 150 pages publiée sur le site de France Stratégie, du rapport Pisani-Ferry. Et puis, internet offre la possibilité d’écouter deux professeurs au Collège de France, Philippe Aghion sur la politique de l’offre et le rejet des préconisations de taxation du rapport Pisani-Ferry. C’est éloquent et cohérent avec les intentions du premier quinquennat. Et plus sévère, le professeur Marc Fontecave, chargé des systèmes énergétiques, qui explique que le rapport n’est ni utile, ni profond, et qui met l’accent sur le fait que, comme on ne parviendra pas à contenir l’augmentation de température à +1,5°C et qu’on sera bien au-delà, il y a toute une catégorie d’investissements supplémentaires auxquels nous ferions bien de nous préparer, pour nous adapter à la hausse : submersions d’Etats insulaires, sécheresses, changement des côtes … C’est un angle mort du débat actuel, qui est très bien éclairé ici. Enfin Gilbert Cette, qui explique pourquoi il faudra travailler plus pour financer la transition de façon bien plus rationnelle que par les prélèvements obligatoires."



Wax stories

"En faisant l’éloge de ce livre, je vais transgresser une règle éthique, puisque ma fille Marie-Cécile Zinsou en est responsable. Il s’agit d’un livre d’art, d’un « beau livre », qui est une encyclopédie du pagne Wax, en coton tissé, très coloré, qui fait tout le paysage de l’Afrique de l’Ouest, et de plus en plus celui de l’Afrique Centrale. Mais on le trouve aussi dans les communautés afro-américaines des magasins chic de la 5ème avenue, car ce vêtement est devenu « trendy ». Cela dit quelque chose de très intéressant à propos de la mondialisation de l’économie. Ce pagne est devenu complètement africain, alors qu’il avait été conçu par les Néerlandais pour l’Indonésie. S’il est devenu si complètement africain, c’est parce qu’il existe un langage codé pour chaque motif, chaque couleur. Si vous mettez par exemple telle couleur avec tel motif, vous dites « je sors avec mon mari, mais je n’ignore pas qu’il sort avec d’autres ». C’est arrivé à des femmes de politiciens haut placés qui ignoraient ces significations … Le livre est superbe, mais on peut en trouver gratuitement le contenu sur internet sur le site de la fondation Zinsou."


Ce que la Palestine apporte au monde

"Je recommande à nos auditeurs d’aller à l’Institut du Monde Arabe, pour voir cette exposition qui se tient jusqu’au 31 décembre. Elle donne une idée de la richesse de la création artistique palestinienne. Je trouve d’ailleurs que l’art a de plus en plus d’importance géopolitique. Pour découvrir la nation et le peuple palestiniens, passer par l’art est essentiel. Par exemple, s’agissant de l’Afrique, ce qui a été le plus réussi par la diplomatie française ces dernières années, c’est la restitution des objets d’art. L’intangible a une très grande importance. Et l’Institut du Monde Arabe est un fantastique instrument d’échanges entre les cultures. Savoir que la société palestinienne est par exemple relativement laïque (alors que ces temps-ci, on ne voit que le Hamas) est par exemple tout à fait salutaire. Tout cela se dit par l’art, et est plus nécessaire que jamais."