Les brèves

Andromaque

Nicole Gnesotto, créée le 03-12-2023

"Je vous recommande de courir à l’Odéon pour aller voir l’Andromaque de Racine mis en scène par Stéphane Braunschweig. On connaît tous l’histoire d’Andromaque, un nœud de vipères de passions et de violences phénoménales. Et la mise en scène est d’une épure et d’une sobriété remarquables. Le contraste entre les deux donne à entendre la charge exceptionnelle de ces magnifiques alexandrins. J’ai été absolument conquise. "




Monténégro : la mer de pierres

Philippe Meyer, créée le 03-12-2023

"Richard Werly, notre ami suisse dirige pour un éditeur belge, Nevicata une collection baptisée L’Âme des peuples. De courts volumes d’une centaine de pages qui traite aussi bien de pays, la Suisse, l’Australie, le Liban, l’Indonésie, l’Afghanistan, que des régions, la Crète, le Danube, la Provence ou des villes Grenoble et, dans sa dernière livraison, Venise. Je me suis attaché au livre consacré au Monténégro sous la plume affectueuse de Jean-Arnault Dérens. Dans mon imaginaire, le Monténégro était un pays proche de la Syldavie. C’est plutôt - et c’est ce qui le rend intéressant - un concentré de ce qui se passe à l’est de ce qui fut le rideau de fer. On y rencontre - c’est l’aspect syldave- un improbable roi qui ne règne pas quoique sa généalogie royale remonte en ligne directe à 1516. Il a étudié aux Beaux-arts à Paris où il vivait tranquille jusqu’à ce qu’il entreprenne son premier voyage dans le pays de ses ancêtres où les foules se sont pressées pour le prier de les aider à sortir du marasme où les avaient plongées la sortie de la Yougoslavie, puis la guerre des Balkans. Depuis, il s’emploie à éviter que le Monténégro ne tombe dans les mains de ceux, mafieux russes ou hommes d’affaires français, qui voudraient en faire une sorte de Monte-Carlo et la base de différents trafics. Ce n’est pas un petit travail que de construire un État dans un pays soumis à de pareilles pressions, sans compter les difficultés qui tiennent aux divisons entre orthodoxes, musulmans et catholiques. Dans cette entreprise, l’adhésion à l’Union européenne à laquelle le Monténégro est candidat joue un rôle non négligeable et, là aussi, le minuscule exemple monténégrin permet de bien voir ce que l’arrimage au continent européen représente comme bouclier et comme promesse."


Humus

Nicolas Baverez, créée le 03-12-2023

"Il y a des romans qui arrivent à éclairer des grandes questions politiques. Il ne fait aucun doute que ce roman de Gaspard Koenig en fait partie, ni que l’écologie est l’une de ces grandes questions. On apprend beaucoup, et vous allez voir qu’on arrive même à se passionner pour les vers de terre, ce qui paraît a priori improbable. Cela nous rappelle, contrairement à ce que certains prétendaient, que tout le monde peut mentir, y compris la Terre."


Diplomatie de combat

Marc-Olivier Padis, créée le 03-12-2023

"J’ai lu avec beaucoup d’intérêt ces mémoires, du diplomate Jean-Maurice Ripert. Il vient de prendre sa retraite, et dans ce livre il détaille les différents combats de sa carrière, en faveur des droits humains. Il fut très actif pendant la guerre de Bosnie, la guerre d’Irak, mais aussi les catastrophes naturelles, au Pakistan etc. Il a achevé sa carrière par deux postes successifs à Moscou et à Pékin. Il est donc un excellent connaisseur de la situation russe et chinoise, qu’il décrit très bien, ainsi que la question d’un éventuel axe Pékin-Moscou, qui le laisse plutôt sceptique. "



L’Arménie : un génocide sans fin et le monde qui s’éteint

Jean-Louis Bourlanges, créée le 03-12-2023

"Et puis ce livre de Vincent Duclert, qui était déjà l’auteur d’un rapport remarquable sur le génocide au Rwanda. Il vient de publier cet excellent livre sur l’Arménie, cet « oublié au carré » de la crise du Moyen-Orient. Je suis très attentivement la situation en Arménie, et elle est réellement très inquiétante. Le déséquilibre des forces au profit de l’Azerbaïdjan est très grand, et à tout moment ce dernier peut essayer d’en finir. Nous devons être très vigilants, l’Europe commence à peine à se réveiller à ce sujet mais la torpeur était telle qu’il y a de quoi être très inquiet."


Discours de la présidente du jury du prix de la laïcité 2023

Béatrice Giblin, créée le 26-11-2023

"Je vous recommande d’écouter ce qui pour moi est un grand discours, prononcé le 8 novembre dernier par Abnousse Shalmani, à l’occasion de la remise du prix de la laïcité. Je vous en cite une phrase : « laïcité, ce mot qu’on doit dorénavant défendre alors qu’il nous défendait ». Tout y est. On peut cependant ajouter : « je ne donne pas de prix à un socialiste, je les laisse se flinguer dans leur moratoire à la con, à savoir si le Hamas est terroriste ou pas ». Tout est de la même veine. Abnousse Shalmani est d’origine iranienne, elle est révulsée de voir la gauche française défendre l’abaya ou le voile à l’heure où les Iraniennes risquent leur vie en s’y opposant. "


L’enlèvement

Marc-Olivier Padis, créée le 26-11-2023

"J’ai lu avec beaucoup d’intérêt ce livre de Grégoire Kauffmann. L’auteur est un jeune historien, et il a réussi à mêler dans ce livre l’histoire personnelle et l’histoire collective. Du côté de l’histoire personnelle, il faut savoir que l’écrivain est le fils du journaliste Jean-Paul Kauffmann et de Joëlle Brunerie-Kauffmann. Quand Jean-Paul Kauffmann a été otage au Liban, son épouse a monté un comité de soutien, très actif pour le faire libérer. Et ce comité a gardé des archives, conservées dans la maison familiale des Kauffmann. L’auteur a donc travaillé sur ces archives, comme le ferait tout historien, mais elles le touchent personnellement. A travers elles, il parvient à décrire les années 1980, ces années Mitterrand, une ambiance politique, un type de mobilisation alors nouveau, les controverses … Et puis sa vie de lycéen, la vie culturelle, comment il se construit dans une situation aussi dramatique. Un pari réussi. "


Si Rome n’avait pas chuté

Matthias Fekl, créée le 26-11-2023

"Je vous conseille ce livre de Raphaël Doan. L’auteur est un jeune magistrat administratif, énarque -et néanmoins tout à fait sympathique !- et tout à fait brillant. C’est à ma connaissance le premier livre d’Histoire écrit avec l’intelligence artificielle. Comme le titre l’indique, l’auteur imagine ce que serait l’empire romain s’il était devenu une puissance industrielle et technologique. Il y a des textes absolument incroyables, créés à partir de recoupements saisissants, des images complètement démentes (c’est aussi un magnifique livre d’un point de vue graphique). Et puis les commentaires de l’historien pour accompagner tout cela. Ce livre ouvre aussi une réflexion plus large sur l’intelligence artificielle, pas seulement sous l’angle des dangers, mais tout simplement sous celui de ce qui va changer. Pendant longtemps, les progrès technologiques ont menacé d’abord les métiers manuels. La remise en question qui arrive va aussi porter sur les métiers intellectuels, avec une nouveauté supplémentaire : la vitesse à laquelle ces bouleversements vont s’effectuer. Très stimulant intellectuellement, très beau, un cadeau de Noël idéal. "


Simon Leys : vivre dans la vérité et aimer les crapauds

Philippe Meyer, créée le 26-11-2023

"J’avais dit, il y a quelques semaines, le plaisir que j’avais éprouvé à relire Le Studio de l’inutilité de Simon Leys. Avec Alexandre Vialatte et, dans un tout autre genre, Georges Brassens j’y trouve beaucoup de l’humeur nécessaire à une échappée. Une échappée d’un univers d’injonctions, de certitudes et de simplifications. Dans le petit livre qu’il vient de consacrer à Simon Leys, Jérôme Michel note : « la littérature, Simon Leys la conçoit, à l'instar de Milan Kundera, comme le plus puissant et le plus salutaire antidote à la malédiction de la réduction qui s'acharna à défigurer l'humanité à l'âge des totalitarismes politiques et à en effacer les traits à l'heure contemporaine du non-sens bruyant, du bavardage permanent et de la disparition du monde de la vie derrière l'opacité des écrans. ». Dans son court essai, Jérôme Michel reprend tout ce que Simon Leys a appris de la Chine -et tout ce qu’il nous a appris qu’elle n’était pas quand des intellectuels possédés par le besoin d’appartenir débitaient des sornettes et proféraient des malédictions contre ceux qui avaient les yeux ouverts- mais aussi le passeur inlassable de romans et de romanciers que fut l’auteur du Bonheur des petits poissons. Au moment où sort sur les écrans le film de Ridley Scott sur Napoléon, Jérôme Michel rappelle que Simon Leys fut l’auteur d’un roman, La Mort de Napoléon, où l’on voit l’empereur évadé de Sainte-Hélène où il a laissé un sosie, devenir marchand de melons et de pastèques et se voir condamné à ne plus être que cela quand tous ses plans de reconquête du pouvoir tombent à l’eau parce que son sosie meurt dans son île lointaine. Après avoir visité un asile où pullulent les autoproclamés Napoléons, il ne lui reste plus qu’à examiner ce que fut sa vie. Où cet examen le conduira, c’est ce que je laisse découvrir aux lecteurs de Jérôme Michel et de La Mort de Napoléon."