Hommage à Jean-François Kahn

Brève proposée par Jean-Louis Bourlanges dans l'émission La gauche décomposée ? / Quelle paix pour l’Ukraine ? / n°387 / 26 janvier 2025, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Hommage à Jean-François Kahn

Jean-Louis Bourlanges

"Je voudrais m'associer aux hommages qui fleurissent autour de la personne de Jean- François Kahn. Parce que je l'ai bien connu, à la fin des années 1960, quand j'étais très jeune. Nous dînions avec Roger Paré, un intellectuel mort prématurément, qui a beaucoup fait pour ma formation intellectuelle, chez un démocrate, un diplomate américain démocrate, que je soupçonnais d'ailleurs d'être lié à la CIA. Et j'ai découvert Jean-François Kahn à ce moment-là. Je l'ai retrouvé au moment du bicentenaire de Victor Hugo. Nous étions associés, sous l'égide de Robert Badinter, à l'illustration et à la défense de Victor Hugo, l'Européen. J'étais évidemment assez opposé à sa conception du centrisme, qu'il avait qualifié de révolutionnaire. Moi je crois que c'est une antiphrase. pour moi le centrisme est fondamentalement lié à la modération. C'est pour cela d'ailleurs que je ne suis pas très sexy sur le plan politique, tandis que lui l’était bien davantage. Mais je voudrais signaler un trait de caractère. En 2004, François Bayrou lui avait demandé de prendre la tête d'une liste régionale pour les Européennes, alors que la candidate sortante était Nathalie Griesbeck, députée tout à fait compétente et tout à fait reconnue. Et Jean-François a dit à ce moment- là : j'accepte, mais s'il doit n’y avoir qu'un seul élu, je me désisterai au profit de Nathalie. Et Nathalie Griesbeck a eu le courage de lui faire confiance, alors qu' on sait ce que valent ce genre de promesses chez les hommes politiques. Il y a eu un seul élu, Jean-François Kahn a tenu sa promesse, Mme Griesbeck est restée députée. Je crois que c’était la marque d'un esprit magnanime et fidèle à ses engagements."


Les autres brèves de l'émission :

Du rimmel et des larmes

Philippe Meyer

"Je vous recommande un livre de Jacqueline Remy, naguère journaliste à l'Express, qui est une biographie de Rachida Dati. Le livre date de 2009. Il est illustratif de ce qu' est du bon journalisme, c'est-à-dire un journalisme sans préjugés, et documenté. Il nous apprend beaucoup de choses, et sur une certaine façon de faire de la politique, ou plutôt d'avancer dans la politique, et aussi sur une certaine façon dont la société, et notamment les gens les plus « convenables », peuvent être saisis tout à coup de divers démons qui vont du démon du patronage à des démons … moins convenables."


Où est l’espoir ?

Richard Werly

"Jean Ziegler a maintenant 90 ans, et le titre de son nouveau livre résume parfaitement son propos. Pour ma part, je trouve que c’est une excellente question. Jean Ziegler, tiers-mondiste avoué et acharné, a quelques fois adopté cette posture chavisto-léniniste dont nous parlions, mais la liste qu’il dresse des inégalités et des malheurs de ce monde est absolument terrifiante. Il faut prendre ce livre pour ce qu’il est : un plaidoyer. Pour un monde qui resterait tout de même géré par des nations unifonctionnelles. Autrement dit un monde qui n’est pas celui de Donald Trump. Malgré les désaccords que je peux avoir Ziegler, je préfère largement ce monde qu’il propose à celui de M. Trump."


Der Duft der Imperien (Le parfum des empires)

Michaela Wiegel

"Je voudrais recommander un livre de l'historien allemand Karl Schlögel (qui par ailleurs vient de gagner le prix Jacques Delors du livre européen pour un autre ouvrage). Celui-ci raconte l'histoire assez incroyable de deux parfums, le célèbre « numéro 5 » de Coco Chanel et un parfum qui était un peu l'odeur de l'Union soviétique, appelé « Moscou rouge ». Et à travers l'histoire des deux femmes qui ont fait ce parfum, il raconte les méthodes de ces empires, c'est-à-dire l'empire nazi et l’empire soviétique. Ce livre n'est malheureusement toujours pas traduit en français, alors qu' il existe dans beaucoup de langues … Vivement qu' une maison d'édition ait envie de le traduire ! "


Quand la Chine parle

Michel Eltchaninoff

"Je voudrais vous parler de ce livre publié aux éditions Les Belles Lettres, sous la direction de Gilles Guiheux et de Lu Shi, deux spécialistes de la Chine. Il recense tous les mots qui sont apparus en Chine depuis une vingtaine d'années, c’est illustré, et absolument passionnant. Parce qu’en Chine, on n’a pas le droit de s'exprimer librement ou de manifester, les internautes inventent des mots pour lutter contre ce que le pouvoir leur interdit de dire. On parle par exemple des « grands hommes en blanc » pour ces personnes qui vous forçaient à rester chez vous pendant le Covid. Comme on n'a pas le droit de parler des violences sexistes et sexuelles, les Chinois vont montrer des photos de riz et de lapin. Et « riz lapin », ça se prononce « mi tou » en chinois … Bref, il y a une quantité de mots très amusants. « Petite viande fraîche », ce sont les garçons coquets, « petits grands frères », ce sont les livreurs. Sans oublier les journalistes citoyens, etc. Bref, ce sont des mots qui, comme disent les auteurs, font malice. Ces mots sont combattus par le pouvoir chinois, mais sans succès. "