"Jean Mistler disait : « le tourisme est une industrie qui consiste à transporter des gensqui seraient mieux chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux ». Nous en avons eu cette semaine une illustration, à travers les propos de Laurence Des Cars sur la situation du Louvre, qui a engendré une intervention du président de la République. Depuis le milieu des années 1990, on sait que le tourisme est quelque chose qu'il faut réguler, parce que son augmentation entraîne des transformations considérables. Autrement dit, on sait qu’il faut avoir une politique du tourisme. Paris en donne des exemples flagrants. L’explosion du nombre de touristes dans les quartiers historiques de la capitale a fait exploser les prix de l’immobilier, touchant à la fois l’habitat et les modes de consommation courantes, en transformant les magasins de première nécessité en boutiques destinées non plus à des habitants mais à des passagers. Mais depuis plus de trente ans quand on fait valoir cela, on se heurte toujours au même raisonnement financier à courte vue : « Ah, oui, mais le tourisme c'est de l'argent ». Ce que l’exemple du Louvre nous montre, c'est que désormais, c’est de l'argent qui coûte. C'est pourquoi j'ai trouvé absolument stupéfiants les propos du président de la République, qui veut faire passer le nombre de visiteurs du Louvre de 9 à 12 millions, et qui veut également doubler le nombre de visites scolaires. C'est-à-dire que pour mieux soigner la dégradation du bâtiment, on entend faire en sorte qu'elle aille plus vite. Ayons cette réflexion sur le tourisme avant qu'il ne nous arrive la même chose qu’à Barcelone, où un certain nombre de gens manifestent de manière très agressive contre les visiteurs étrangers ; il plus que temps de réfléchir à une politique touristique qui réfléchisse au tourisme culturel ; qu’on se demande en quoi il consiste vraiment. Est-ce vraiment un fait culturel que de s'entasser pour aller voir la Joconde, la photographier à toute allure et ficher le camp ? Il existe par ailleurs des possibilités de favoriser un tourisme intelligent, actif, qui ne soit pas seulement un tourisme de consommateur, en mettant en avant des ressources qui ne sont pas les plus connues du pays. Il y a autre chose que le Louvre et le musée d'Orsay à Paris, les églises sont par exemple des endroits d'une extrême richesse, à condition que la municipalité veuille bien les entretenir et les mettre correctement en valeur. C’est le cas pour quelques-unes, comme Notre-Dame de Lorette ou Saint-Germain-des-Prés. Donc j'espère qu'on n'appliquera pas les recommandations du président de la République et qu'on réfléchira aux possibilités de favoriser un autre tourisme que ce tourisme de consommation vorace. "