LES INTERVENANTS

Lucile Schmid

Lucile Schmid est diplômée de lettres, de Sciences Po et de l’ENA. Elle a travaillé au Ministère de l’économie sur les questions européennes puis a été conseillère économique en Algérie entre 1992 et 1995. Chargée des questions d’immigration et d’intégration sous le gouvernement Jospin (2000-2002). Elle est aujourd’hui co-présidente de la Fondation verte européenne (Green european foundation), contribue à la revue Esprit et a notamment écrit "La seconde guerre d'Algérie, le quiproquo franco-algérien" (Flammarion 1996) et "La France résiste-t-elle à l'écologie?" (Bord de l'eau 2017).

 

Les brèves proposées par Lucile Schmid:

Critique: Corée, combien de divisions?

"Je vais vous emmener très très loin puisque vous savez qu’une des dernières émissions était consacrée à la question des Corées, et je voulais recommander le numéro double de la revue Critique de janvier-février 2018, qui s’intitule La Corée : Combien de divisions. Critique c’est cette revue éditée aux éditions de Minuit créée par Georges Bataille. Et vous avez notamment dans ce numéro, des extraits d’une autobiographie d’un grand écrivain coréen Wang So Kiong. Ca montre que la Corée du Sud qui est aujourd’hui la onzième puissance économique mondiale, s’est structurée comme une puissance économique grâce à une dictature puissante. Ce que raconte Wang So Kyong dans Le prisonnier est absolument bouleversant et je pense que c’est une lecture très intéressante."


La fonte des glaces

"Je vais recommander deux livres mais très rapidement. Deux romans. D’abord parce que comme je travaille sur les questions écologiques, j’ai lu un roman formidable qui s’appelle ‘La fonte des glaces’ qui est paru chez l’éditeur POL qui raconte l’histoire loufoque d’un ancien charcutier à la retraite qui tombe amoureux d’un manchot empereur empaillé et qui du coup fait le tour du monde qui va dans l’Antarctique et dans l’Arctique et qui finit en espèce de trader d’eau issue de la fonte des glaces et je trouve que c’est une manière excellente de comprendre le réchauffement climatique en s’amusant, ça je pense que c’est un truc important.
La deuxième chose c’est le livre d’un auteur, d’un jeune auteur mais néanmoins pas si jeune par l’âge car on peut écrire à tout âge qui s’appelle Camille Guichart, un livre intitulé Pique-Nique et qui en fait revient sur l’année 62. Emmanuel Macron avait été ennuyé pendant sa campagne concernant l’Algérie. Qui revient sur cette année si fondamentale pour la France, De Gaulle termine la guerre d’Algérie. Elle raconte ça à partir des émois d’un adolescent dans une forêt."


Les clés retrouvées

"Je voulais recommander un livre qui n’est pas sorti ces derniers mois mais en 2015 qui s’appelle Les clés retrouvées de Benjamin Stora. Et qui est sans doute son livre le plus personnel parce qu’il raconte qu’en 2000 il a retrouvé les clés de la maison de Constantine où il vivait avec ses parents et à partir de là il trace une sorte de généalogie familiale et c’est très intéressant par rapport à la question de l’Islam et de la judéité. Parce qu’au fond ce qu’il raconte c’est l’histoire de ses deux familles les Stora et les Zaoui, les Stora étaient des juifs attirés par la France et les Zaoui étaient proche des arabes. En fait il montre bien à partir de là cette question algérienne qui m’est chère et qui travaille énormément la société française aujourd’hui. Il montre bien comment, d’une certaine façon, être juif pour lui c’est à la fois être juif, arabe et surtout être resté attaché à ce qu’était la vie en Algérie. C’est à dire, bon d’abord, une vie quotidienne mais aussi un espace, une beauté, une esthétique et une vision de la France à travers une diversité culturelle. Un livre très émouvant par rapport à ce qu’on vit aujourd’hui."


Les arbres doivent-ils pouvoir plaider?

"Sans transition, je voulais recommander un ouvrage aux éditions du Passager Clandestin, ce qui est déjà tout un programme, qui s’appelle : Les arbres peuvent-ils plaider ? En ces temps de salon de l’agriculture, c’est la réédition d’un article écrit dans les années 70 par Christopher Stone qui est un professeur de droit, qui en forme de boutade, traite la question de la préservation de l’environnement et qui dit, au fond, si les arbres pouvaient plaider on conserverait mieux notre environnement et notamment ces parcs naturels qui aujourd’hui sont menacés par la politique de Donald Trump. La préface qui a été écrite par Catherine Laraire qui est une grande philosophe des questions d’écologie est hyper intéressante notamment sur la question du loup qui aujourd’hui agite les campagnes et les éleveurs. Cette boutade sur Les arbres peuvent-ils plaider ? nous renvoie à la manière dont nous pouvons intégrer au fond la question de la nature dans un fonctionnement démocratique qui a été conçu à une époque où l’humanité était totalement triomphante et n’imaginait pas qu’on pouvait consommer 6 planètes. Je trouve que c’est quelque chose qui nous fait réfléchir aux procédures démocratiques et aux contenus des vrais débats, des vraies priorités qui rejoint le débat que nous avons eu sur la ruralité en début d’émission."


Testament à l'anglaise

"Je voudrais dire, en ces temps de Brexit, qu’il faut lire et relire Jonathan Coe. Je recommanderais de lire Testament à l’anglaise, d’ailleurs un titre bien tourné par rapport au Brexit mais qui d’abord nous rappelle par rapport aux questions de relations internationales que la notion de l’argent est quelque chose de fondamental puisque ce livre retrace le récit d’une grande famille anglaise qui fait du trafic d’arme, fait de l’élevage industriel, je rappelle que le salon de l’Agriculture c’est bientôt, et le personnage principal on ne peut qu’avoir une grande sympathie pour lui, c’est un romancier dépressif qui retrouvera le sens de la vie en allant en quête de ce que nous abordons dans ce Nouvel Esprit Public"



Cantatrix Sopranica L. et autres écrits scientifiques

"Je suis comme Rex Tillerson, je ne suis pas sur Twitter. J’ai observé que cette semaine Twitter avait fait un peu de littérature en invitant les Twittos à faire des tweets sans « e » comme l’avait fait Georges Perec dans son roman La disparition et moi je voulais conseiller de lire ou relire Georges Perec qui est un auteur que j’aime beaucoup et je voulais conseiller un petit bijou, moins connu que ses ouvrages principaux. C’est en fait un pastiche incroyable de tout ce qui peut-être ouvrage scientifique. Le maître article est un article en anglais, toujours un pastiche scientifique, qui raconte les effets du jet de tomate sur la cantatrice. Il faut aller jusqu’à lire les notes de bas de page où en fait il invente des articles signés Roux et Combaluzier comme la marque d’ascenseur. Et donc je vous invite à relire du Georges Perec après ces conseils venant de Twitter."


Rapport des syndicats SNCF

"Comme vous le savez, on est au début d’une grève perlée de la SNCF et on voit que la pression s’accentue du côté du gouvernement. Emmanuel Macron va intervenir la semaine prochaine à la télévision sur le sujet, Nicolas Hulot vient de donner dans le JDD une interview montrant que la réforme de la SNCF était aussi écologique, Edouard Philippe nous en parle aussi. Moi je pense que ce qui est important c’est d’avoir tous les termes du débat, je voulais donc recommander la lecture du rapport qui a été fait par les syndicats et notamment par la CGT sur cette question de réforme de la SNCF. Je trouve que dans ce rapport, qui est un contre-rapport Spinetta, il y a des éléments qui méritent d’être pris en considération notamment sur la façon dont aujourd’hui il faudrait considérer davantage le chemin de fer comme un avenir. Mais c’est un rapport qui met en lumière aussi des choix de société la question des routes versus chemins de fer, la question du fret etc. Il y a donc quelque chose autour du modèle de société et je pense qu’un des bienfaits de l’élection d’Emmanuel Macron c’est que les choses se déroulent assez différemment du côté des syndicats, ce n’est plus seulement une grève de rapport de force c’est aussi une grève sur le contenu. Si le Parlement n’est plus un contre-pouvoir il faut donc se poser la question de savoir si nous, citoyens, sommes des contrepouvoirs."


L'évènement 68 d'Emmanuel Loyer

"Je voulais proposer de lire un ouvrage qui s’appelle L’événement 68, c’est un recueil de texte réunis par Emmanuelle Loyer, qui est une historienne qui a beaucoup travaillé sur la culture, qui est paru chez Flammarion, reprise d’une précédente édition. Ce qui est très intéressant c’est qu’on évoque toujours mai 68 autour de la commémoration avec tous ces témoignages de personnalités qui ont vécu mai 68. On retrouve cette espèce de liesse comme ça 50 ans après et en même temps on a ceux qui sont anti-mai 68. En revenant au plus près du texte on s’aperçoit qu’il y avait à la fois cette espèce de culture orale mais il y a eu aussi beaucoup d’écrits qui ont été produits en mai 68 avec des tracts etc. D’ailleurs à la Revue Esprit, on a trouvé un texte de Dany Cohn-Bendit et trois autres comparses qui nous racontaient pourquoi il fallait des sociologues et qui, évidemment, critiquaient vertement Alain Touraine et Michel Roziers. C’est très intéressant car c’est un mélange entre une culture orale très militante et le passage à l’écrit"


Ce qui nous guette - Laurent Quintreau

"Moi je voulais vous parler d’un roman qui vient de paraître aux éditions Rivage et qui s’appelle Ce qui nous guette. C’est un roman de Laurent Quintreau et qui raconte quelques scénettes sur les moments de notre vie où nous perdons le contrôle. Je vous donne un exemple, vous êtes en train de participer à une émission de radio et puis finalement vous vous mettez à raconter n’importe quoi devant le micro et au lieu de vous sentir coupable, vous éclatez de rire. C’est un peu ce qui arrive à l’une des jeunes femmes de ce roman. A un moment donné elle anime une conférence extrêmement intéressante et d’un coup éclate de rire parce que son invité prestigieux au lieu de s’asseoir dans le bon siège, s’assoit par terre. Il y a une autre scénette extrêmement drôle, vous êtes un jeune père divorcé, vous mettez votre enfant au train et puis brusquement le train part et vous restez sur le quai, c’est un moment d’angoisse inextinguible. Le roman se finit par l’entrée dans la Science-Fiction, il montre comment on pourrait résoudre ces questions en nous clonant de nouveaux cerveaux sachant que le clonage pourrait nous apporter de nouveaux problèmes. "


Des poches sous les yeux sur Radio Béton

"Je voulais vous parler de Patrick et Mélanie qui anime à Tours une radio qui s’appelle Radio Béton. Sur cette radio ils animent une émission qui s’appel Des poches sous les yeux et qui est une émission littéraire. Ils ont lancé une book box littéraire avec chaque mois un thème surprise. Dans la lecture, la question de la curiosité et de la découverte étant quelque chose d’essentiel, je voulais vous inciter à aller regarder ce que donne cette book box. Parmi les thèmes qu’ils ont explorés : le cœur des femmes ; les terrains de sport ; les nouveaux mondes ; les histoires d’eau. Avoir ce cadeau sans savoir ce qui vous attend, je trouve qu’en lecture c’est quelque chose de très important. "


Chris Marker à la cinémathèque et dans la revue Esprit

"Moi je voulais recommander d’aller à la cinémathèque française pour aller voir l’exposition sur Chris Marker qui porte le nom de « Les 7 vies de Chris Marker » et il se trouve qu’en même temps, la revue Esprit publie un numéro qui s’appelle « Les engagements de Chris Marker ». Vous savez Chris Marker c’est un artiste voyageur polymorphe et il y a notamment dans ce numéro de la revue Esprit un article qui s’appelle « Croix de bois et chemin de fer ». C’est un article qui raconte un voyage de Chris Marker en Allemagne en train dans les années 50 où il se confronte à des allemands et notamment il y a une citation absolument extraordinaire où quelqu’un lui dit : « Je suis arrivé à Paris en juillet 1944, pas de chance nous avons été obligés de repartir tout de suite » et je trouve que par rapport à ce qu’a dit Jean-Louis Bourlanges sur la dérision ça résume toute la pensée de Chris Marker"


Le Baron perché - Italo Calvino

"Moi j’avais envie de dire que c’était bien, puisqu’on parle beaucoup d’Italie de lire et de relire Le baron perché d’Italio Calvino paru en 1957, période de fondation de l’Union Européenne. Pourquoi lire et relire ? Parce que l’histoire de ce jeune baron qui à 12 ans décide de monter dans les arbres car il ne veut pas manger le plat d’escargot que lui a servi son père psychorigide, est quand même une leçon de liberté remarquable. Je voulais citer cette phrase : « il vécut dans les arbres, aima toujours la terre et monta au ciel ». Donc ça je trouve que c’est merveilleux. Et rappeler que vivre dans les arbres n’est pas une leçon de solitude, on peut y vivre une histoire d’amour, y rencontrer Napoléon et au fond vivre une relation apaisée avec la société car on sait prendre de la distance. "


Exodus, Reckoning, Sacrifice: Three Meanings of Brexit de Kalypso Nicolaidis

"Moi je voulais parler des travaux de Kalypso Nicolaidis qui est une professeure de relations internationales, qui dirige les recherches européennes à Oxford et qui comme son nom l’indique est française. Elle a publié un ouvrage très intéressant justement sur le Brexit et qui s’appelle « Exodus, Reckoning, Sacrifice: Three Meanings of Brexit ». Elle essaye de mettre en relation le Brexit avec des mythes de la mythologie grecque pour expliquer pourquoi au fond c’est un événement politique extrêmement pluriel. Il renvoie à l’idée d’exode par rapport à l’Angleterre qui avait une position si particulière dans l’Union Européenne, à l’idée de reckoning et d’au fond « qu’est ce que ça nous a apporté », avec ce slogan de « I want my money back » Et puis il y a aussi ses bénéfices puisque quand on veut être soi-même puissant, il faut se séparer de quelques choses qui est devenue au fond indéfinissable. Je trouve que ses travaux sont très intéressants. "


Neige de Orhan Pamuk

"Je voulais demander de lire et relire ce roman d’Orhan Pamuk, prix nobel de littérature, grand écrivain turc, Neige, sorti en 2005, qui se passe dans une ville d’Anatolie et qui est extraordinairement actuel. C’est l’histoire d’un journaliste qui vit en Allemagne qui revient faire une enquête sur les suicides de jeunes filles dans cette ville. Est-ce parce qu’il y a une pression islamiste ou parce qu’elles sont voilées ? On ne sait pas. Ce qui est très intéressant c’est que le livre donne la parole à différentes expressions de la société turque. Représentées soit par un jeune étudiant soit par le commissaire de police, soit par les généraux soit par les islamistes. Ca nous renvoie à cette difficulté d’articuler démocratie, islam et autoritarisme. Je trouve que ce livre est particulièrement remarquable. Je rappelle qu’Orhan Pamuk est sans doute l’un des premiers intellectuels turcs à avoir reconnu qu’il y avait eu un génocide arménien et que 30 000 kurdes avaient également perdu la vie. C’est un roman mais je trouve qu’il y a une portée visionnaire par rapport à ce qui se passe extraordinairement actuelle."


Emmanuelle Pagano, Serez-vous des nôtres ? (POL)

"C’est un roman qui parle d’eau. C’est le dernier volume d’une trilogie qui s’appelle la trilogie des rives et il décrit dans deux univers parallèles deux amis qui ont la quarantaine. Pour l’un ça se passe en une journée auprès d’un lac qui s’appel Caspienne. (J’ai découvert du coup que la mer Caspienne n’était pas forcément une mer mais que cela se discutait). L’autre s’est enfermé dans un sous-marin nucléaire pour échapper à cet univers de ruralité. Il y a deux univers d’eau, je trouve ce roman extraordinaire parce qu’il nous transporte dans un univers à la fois angoissant et très étrange. "


La guérilla des animaux

"Je voulais vous parler d’un premier roman pour continuer ce moment écologique ouvert par la démission de Nicolas Hulot. C’est un roman qui s’appel La guérilla des animaux (Alma), il est écrit par un jeune romancier qui s’appel Camille Brunel. C’est un roman qui ne laisser personne indifférent car il parle beaucoup de violence. C’est une réflexion sur le fait de tuer ou de garder la vie qui est fondamentale par rapport à la période que nous vivons. C’est aussi un livre sur la guerre au fond. Le style est extrêmement vif, c’est un parcours dans le monde entier qui associe un goût savant pour les espèces animales à des réflexions sur la jeunesse : quand on a 25 ans et que l’on écrit sur la jeunesse on le fait avec une force que nous devrions garder. "


Freedom

"Je ne sais pas si beaucoup ont lu Freedom qui est roman magnifique de Jonathan Franzen paru en 2011. Il réussi à décrire à travers la vie d’un couple, Patty et Walter, les contradictions de la société américaine que nous avons évoquées ce matin. C’est un grand roman d’écologie car Walter adore la paruline azurée qui est un petit oiseau en voie de disparition. Ceci nous renvoie aux contradictions de la société américaine qui n’est pas seulement pro ou anti Trump, c’est aussi une société profondément démocratique, profondément névrotique. J’observe que Donald Trump n’a pas évoqué ce terme de freedom dans les enjeux de la campagne, à mon avis il faut que la société américaine se libère de Donald Trump. "


Les médiateurs du Pacifique

"Je voulais vous recommander un film assez ancien qui parle de la Nouvelle Calédonie parce que j’ai un attachement particulier à ce territoire et parce qu’il y a eu ce référendum le 4 novembre. Il faut voir Les médiateurs du Pacifique qui est un film qui date de 1997 et qui assez pro-rocardien puisqu’Olivier Duhamel en était le coscénariste. C’est un film documentaire qui reconstitue un moment très particulier de l’histoire de ce territoire quand Michel Rocard (qui joue son propre rôle) devient premier ministre et qu’il envoie pendant 3 semaines 7 médiateurs comme les 7 samouraïs en Nouvelle Calédonie au premier rang desquels Christian Blanc avec son gros cigare pour aller rencontrer les différentes parties prenantes. Parmi les médiateurs il y a des représentants de chaque communauté : un représentant des protestants, un représentant des catholiques, un représentant des francs maçons. Ce film montre comment une médiation peut aboutir et c’est quelque chose d’assez passionnant vis-à-vis d’une situation minée. Il y a des moments très drôles en plus lorsque certaines personnalités jouent leur propre rôle. En outre le film est disponible via le lien suivant : https://charlesbelmont.blogspot.com/2018/11/les-mediateurs-du-pacifique-en-acces.html. "


Lobbytomie

"Je vous recommande un livre document d’un journaliste qui s’appelle Stéphane Aurel dont le titre assez drôle est Lobbytomie. Ca commence en expliquant qu’être lobbytomisé c’est être lobotomisé par un lobby. C’est une enquête passionnante au cœur de l’Union européenne, je vous recommande particulièrement le chapitre 9 : docteur poumon et professeur diesel. Ca vous donne une idée de la manière dont c’est écrit et dont ça rend palpitant des sujets sérieux et parfois graves. "


Le traquet kurde

"Je voudrais recommander la lecture du roman de Jean Rolin qui s’appelle Le traquet kurde. Cet auteur aime beaucoup l’ornithologie et ce roman retrace l’histoire d’un petit oiseau qui se retrouve au sommet du Puy de Dôme. Ce qui est très intéressant c’est qu’à travers cet itinéraire on se repenche sur la question kurde et le lien entre la migration humaine et ornithologique. On revient également sur l’histoire impériale de la Grande-Bretagne et on voit à travers des grandes figures dont celle de Lawrence d’Arabie une manière de raconter la mondialisation qui est romanesque mais manque cruellement dans notre manière de le raconter politiquement. "




Le gang de la clef à molette

"Au moment où l’on parle beaucoup de manifestations écologiques ou écologistes, je me suis dit qu’il serait intéressant de relire un grand texte fondateur de l’éco-activisme aux Etats-Unis intitulé Le gang de la clef à molette écrit par Edward Abbey. Ce n’est pas un gang fondamentalement violent mais qui démolit des chantiers de ponts qui détruisent l’Ouest américain. Ce sont quatre mousquetaires qui sont tout à fait extraordinaires. Il y a par exemple une femme très belle entourée de trois hommes dont un vétéran de la guerre du Vietnam. Ce sont tous ces grands romans américains où le souffle, la description de la nature, nous emportent très loin de romans français parfois un peu trop nombrilistes. Dans ce souffle, il y a toujours de l’imprévu. Je vous invite à relire ce roman et à retrouver les intuitions des années 1970 car ce qu’il dit aujourd’hui peut s’appliquer à l’aménagement du territoire tel qu’on l’applique toujours. "


Chimère

" Je vais recommander un roman qui traite d’écologie mais qui est très drôle, je tiens à le préciser, paru en août 2019, d’Emmanuelle Pireyre qui avait eu en 2012 le Prix Médicis pour Féérie générale. Ce livre nous emmène dans une espèce de vagabondage écologique, où une romancière doit écrire une tribune sur les OGM auxquels elle ne connaît rien. Elle va rencontrer une chimère, mi-homme mi-chien, vautrée sur le canapé à regarder des films d’animation, ainsi que des citoyens réunis en convention, c’est une convention européenne, on a aussi tiré au sort les sujets dont doivent s’occuper les Etats, et les Français ont tiré « le temps libre ». Au lieu de disserter dessus, ils vont concrètement expérimenter ce qu’est le temps libre, la paresse, la flânerie. Je vous laisse découvrir ce livre, que j’ai trouvé d’une inventivité incroyable."


Les Faux-semblants du Front national / Les inaudibles : Nonna Mayer

"Je voulais revenir sur les travaux de Nonna Mayer parce que je trouve que dans les entretiens qui ont été réalisé sur l’antisémitisme c’est l’une des plus remarquables. Je souhaiterais donc recommander deux de ses livres parus en 2015 - qui par ailleurs ne portent pas spécialement sur l’antisémitisme mais qui peuvent aider à comprendre comment il se nourrit. D’une part, Les Faux-semblants du Front national paru aux Presses de Sciences Po qui est très intéressant pour analyser objectivement comment ce mouvement peut se nourrir. Par ailleurs, encore plus important en ces temps de Gilets Jaunes, les Inaudibles qui est un livre écrit avec Céline Braconnier sur la question des précaires avec l’idée que ces inaudibles ne sont pas désafilliés politiquement cependant ils sont hors d’un système. Je pense que les gilets jaunes sont les inaudibles qui veulent se faire entendre. "



Petit Paysan

"Je voulais aussi parler des paysans et vous dire de voir ce film qui était sorti en 2017, Petit Paysan avec Swan Arlaud dans lequel il jouait ce jeune éleveur de vache qui aime tellement ses vaches qu’il va s’engager dans une sorte de thriller psychologique qui est un drame en même temps. Swan Arlaud qui est à l’affiche dans le film de François Ozon « Grâce à Dieu », qui est un acteur absolument remarquable. Je pense que si, Hubert Charuel, a aussi bien réussi ce film c’est qu’il vient de la ferme. "



Lancer l’alerte

" A l’heure où Julien Assange déffraie la chronique : est-il un lanceur d’alerte ? est-il un allié de Trump ou de Poutine ? Je voulais recommander le dernier numéro de la revue Esprit : Lancer l’alerte. Il donne la parole à Patrick Weil qui propose de donner l’asile à Edward Snowden. Il donne également la parole à Francis Chateauraynaud qui est le chercheur qui a inventé ce terme français de lanceur d’alerte qui n’est pas du tout la traduction littérale de « whistleblower ». "




France-Algérie : 50 ans d’histoire secrète

"On parle, ces derniers temps, beaucoup de l’Algérie et je voulais recommander la lecture de France-Algérie : 50 ans d’histoire secrète publié chez Fayard par le politologue algérien Naoufel Brahimi El Mili. A travers cette approche historique, on comprend pourquoi il est si compliqué pour la France de prendre position par rapport à ce qui se passe en Algérie parce qu’au fond l’essentiel de la relation diplomatique entre la France et l’Algérie est fondée sur des secrets. "


Kafka sur le rivage

"J’aime beaucoup Haruki Murakami car il nous emmène dans nos rêves d’une manière tout à fait remarquable. Je vous invite à relire Kafka sur le rivage. Ça raconte l’histoire d’un jeune garçon qui a quinze ans et se fait appeler Kafka et d’une vie homme qui cherche les chats. Dans ce roman les chats parlent et on se promène sur les rivages de la vie; celle qui se termine et celle qui commence. C’est une poésie remarquablement mélancolique. Je voudrais terminer sur une citation de ce livre : « Nous perdons sans cesse des choses qui sont précieuses : des occasions, des possibilités, des sentiments et c’est cela aussi vivre. »Je crois que c’est tout à fait vrai et que les japonais ont cette mélancolie sans basculer dans la nostalgie. "


Dans la tête de Viktor Orbán

"Je voulais recommander un livre d’Amelie Poinssot qui est dans la collection « dans la tête de … » d’Actes sud. C’est un livre qui était paru en mars 2019 : « Dans la tête de Viktor Orban ». C’est remarquable car Amélie Poinssot connait la Pologne, la Hongrie de par son passé de correspondante média dans ces pays et en parle la langue. Elle décrit la trajectoire de ce jeune étudiant libéral qui dès 1990 se présente aux élections à partir du moment où il y a cette libéralisation de toute l’Europe de l’Est et qui en 1998 à 33 ans a été le plus jeune chef de gouvernement auprès de l’UE. C’est notre Erdogan européen. Il y a quelque chose de la façon dont on s’en remet à un homme fort mais un homme fort politicien professionnel et très bon orateur. "


Le retour du Prince

"Je voulais recommander un essai écrit par Vincent Martigny, professeur à l’X et à Sciences Po, intitulé : Le retour du Prince. Il met en avant l’importance de la désentimentalisation des promesses du politique en prenant conscience que nous, citoyens, avons une responsabilité dans la manière d’élire nos chefs. Il souligne la question du collectif, des représentants et des citoyens également sur cette notion de chef. C’est un essai engagé et passionnant. "


Ma part d’elle

"Je recommande le roman Ma part d’elle de Javad Djavahery paru chez Gallimard. Ce qui est très poignant dans ce roman écrit par un iranien vivant en France depuis 1983 c’est que l’on réalise combien la vie était douce en Iran. Je trouve qu’il y a quelque chose comme chez le grand romancier turc, Orhan Pamuk, le sentiment d’un monde disparu, de ces moments où la vie était douce. Il y a quelque chose qui nous renvoie à une nostalgie d’un monde perdu que nous connaissons également en France. "




Perdre la Terre

"Je voulais recommander un essai d’un romancier américain qui s’appelle Nathaniel Rich. L’essai s’appelle « Perdre la Terre » paru aux éditions du Seuil. Il est d’abord issu d’un article du New York Times qui avait été publié en 2018. Ce qui est passionnant c’est que c’est un récit du moment où les Etats-Unis auraient pu être à la tête de la lutte contre le réchauffement climatique et par le jeu de quelques acteurs en fait c’est le scénario inverse qui se produit. On suit une sorte de perte de mémoire organisée de la société américaine donc je voudrais rappeler qu’elle a été dans les années 60 et 70 la société où les scientifiques disaient le plus que le réchauffement climatique allait arriver, qui avait les lanceurs d’alerte les plus puissants. C’est très romanesque et palpitant. "


Et le monde devint silencieux

"Je voulais vous recommander le livre de Stéphane Foucart, le journaliste du Monde, qui s’intitule : « Et le monde devint silencieux ». Il est sous-titré « comment l’agrochimie a détruit les insectes ». Le titre est une référence explicite au livre de Rachel Carson, publié en 1962, « Silent Spring ». Elle parlait des oiseaux à l’époque, Stéphane Foucard parle des insectes. C’est une enquête que je qualifierais de démocratique. Si nous citoyens, voulons comprendre le monde tel qu’il se passe et le transformer, nous devons investiture sans cesse, pas seulement dénoncer mais expliquer comment ces néo-nicotinoïdes sont par exemple une nouvelle robe de Médée. "


On ne peut pas tenir la mer entre ses mains

"Un merveilleux roman, écrit par Laure Limongi, qui dirige aussi le master de création littéraire du Havre. C’est un roman qui nous porte, avec une héroïne certes Corse mais universelle, née en 1976 en même temps que le FLNC, qui nous porte à travers toute cette décennie des années 90 où la violence s’installe en Corse. C’est également un roman familial, où le secret de famille est lui aussi universel. La mer est là, mais les larmes le sont aussi. "



I am Europe

"Dans la continuité de notre débat sur la PMA, un spectacle qui a lieu aux ateliers Berthier du théâtre de l’Odéon, qui s’appelle I am Europe, qui n’est pas, contrairement à ce qu’on pourrait penser, un vibrant plaidoyers pour le parlement européen. C’est en fait un spectacle où une vingtaine de jeunes acteurs-chanteurs-danseurs, absolument formidables, racontent leur pérégrinations en Europe. Ils y abordent leur histoire intime, leur sexualité, leur relation à l’enfant. "


Zineb Sedira L’espace d’un instant

"Je veux recommander d’aller au musée du Jeu de Paume, où se tiennent deux formidables expositions. L’une est de Zineb Sedira, artiste d’origine algérienne vivant aujourd’hui à Londres, qui a beaucoup travaillé sur deux sujets qui me tiennent à cœur. D’abord la mémoire post-coloniale, en mettant à disposition sa collection de dessins humoristiques et ironiques Algérois réalisés pendant la décennie noire. Il faut prendre conscience que les Algériens ont une tradition extraordinaire d’humour et d’ironie. Il y a aussi des choses superbes sur la question écologique, notamment une très belle installation appelée The end of the road, qui montre une casse automobile."


Amazonia

"C’est un roman de Patrick Deville, qui fait partie de son grand projet « abracadabra ». L’auteur veut écrire des romans sans fiction, et se donne une contrainte précise : il va dans un lieu (il a auparavant écrit « Kampuchéa » et « Equatoria »), collecte toutes les informations sur les faits historiques qui sont arrivés après 1860, et mélange à ce récit des faits historiques quelque chose qui relève de l’histoire personnelle. Ce qui est très intéressant dans Amazonia, c’est qu’on y croise non seulement Aguirre et Humboldt, mais aussi Patrick Deville et son fils de 30 ans, qui font une remontée de l’Amazone ; il mêle ce lien intime et affectif avec son fils et notre histoire universelle et cette région dont nous entendons tous parler."


Billebaude n°15

"Je voulais recommander le dernier numéro de la revue du Musée de la chasse et de la nature, qui a une revue appelée Billebaude (« billlebaude désigne la chasse spontanée et non organisée). Cette revue est un objet extraordinaire, qui mélange philosophie, les photos, l’art contemporain. Le dernier numéro s’appelle « fauve », un terme profondément ambivalent, qui renvoie à notre animalité, au lien entre celle-ci et notre humanité. Vous y trouverez à la fois un article de Michel Pastoureau sur la couleur fauve, mais aussi un merveilleux entretien avec Nastassja Martin, cette anthropologue qui a vécu une étreinte avec un ours, qui a failli lui coûter la vie et l’a profondément changée. "



Le chant des bêtes

"Un ouvrage passionnant et original de Jean-François Lattarico, qui porte sur la présence de l’animal à l’opéra. Peut-être certains d’entre vous avaient-ils lu le silence des bêtes, d’Elisabeth de Fontenay, . Il y a une certaine résonance avec ce livre-ci, qui raconte comment la scène lyrique regorge d’animaux : perroquets, rossignols, bulldog d’Offenbach ou grenouilles de Rameau. Dans ce moment où la question du langage est bouleversé, ce livre donne à voir comment, à travers les questions du chant, de l’aboiement, du cri, nous trouvons d’autres manières de nous parler. À la fois érudit, très émouvant et passionnant."


Chronique des années égarées

"Je voulais recommander de lire ou relire Serge Moscovici grand penseur de l’écologie et de la psychologie sociale mais aussi grand européen, anthropologue, témoin de l’histoire de notre continent au XXe siècle. Notamment sa trilogie « Essai sur l’histoire humaine de la nature. », « la société contre nature » et « hommes domestiques et hommes sauvages », ouvrages importants en ces temps où l’écologie est partout débattue. Mais je crois avoir préféré entre tous ses livres la « Chronique des années égarées » cette autobiographie qui nous fait ressentir la beauté des plaines de Bessarabie dont venait le jeune Serge, qui ressuscite ce moment où la Roumanie bascule dans le fascisme et qui illustre à travers son choix de tout faire pour venir à Paris la façon dont la créativité et la fécondité de la recherche en France doivent tant à des esprits venus d’ailleurs. "


Ouvrages de Loïc Blondiaux / Le nouvel esprit de la démocratie

"Je trouve que c’est le moment où jamais de lire ou relire Loïc Blondiaux, qui est professeur de droit, et un fervent partisan, depuis très longtemps, de la démocratie interactive, participative ; il appartient également au comité de gouvernance de la conférence citoyenne pour le climat. Il y a beaucoup de choses à lire, mais le nouvel esprit de la démocratie, qui date de 2008, expliquait déjà comment il fallait organiser cette vie démocratique de façon à inclure l’ensemble des citoyens. Remettre de l’émotion au moment où l’on parle beaucoup du numérique me paraît essentiel."


La part sauvage du monde

"Je recommande la lecture de cet ouvrage de la philosophe Virginie Maris, paru en 2018. Pendant le confinement, la Nature a été elle, déconfinée, puisque libre de notre présence. Ce livre développe une conception de l’altérité de la Nature, en montrant sa part de sauvagerie irréductible. Il aide à penser la question de l’écologie différemment. On pense surtout « climat », pense-t-on suffisamment « Nature » ? Ce livre est absolument passionnant et d’une clarté remarquable."



La société écologique et ses ennemis

"Je vous recommande la lecture de cet ouvrage que j’ai adoré, signé de l’historien des idées Serge Audier. On réalise en le lisant à quel point la question écologique était inscrite dans l’histoire des idées françaises, notamment avec la question du fourriérisme. Le sous-titre du livre est : « pour une histoire alternative de l’émancipation ». Il y a un aller-retour entre une pensée de gauche dominante et productiviste décrite dans le livre, les ennemis, et puis cet espèce de fourriérisme, ce communautarisme, cette capacité à organiser une alternative. Je pense que des choses que nous vivons aujourd’hui, comme la convention citoyenne par exemple, prennent un autre sens quand on réalise qu’il existe un enracinement historique dans les territoires, mais aussi dans l’utopie ..."


Le pire n’est pas certain

"Je vous recommande la lecture de ce livre de Catherine et Raphël Larrère. Il prend le contrepied d’une certaine école de la pensée écologiste sur la collapsologie. Il aide à y voir clair dans cette pléthore de mots qui envahissent l’espace autour de l’écologie. Le lien entre la transition écologique et la question de l’anthropocène y est clairement expliqué, par exemple. Mais surtout, il donne de l’espoir, nous laisse libres de choisir des institutions et des comportements, et nous montre que les khmers verts, ce n’est pas pour demain. "


L’intimité

"Je vous recommande ce roman d’Alice Ferney. Il est extraordinaire parce qu’il explore le couple sur un mode plutôt inédit, mêlant récit et conversation philosophique, le tout avec une plume vraiment magnifique. Le livre évoque aussi beaucoup la question du choix d’être mère ou pas, à un moment où le fait d’avoir des enfants paraît aller de soi, autour de trois personnages féminins remarquables. J’ai adoré ce roman, à la fois philosophique et nourri de vrais caractères."





Les sentiers de la victoire

"Je recommande ce livre de Gaïdz Minassian, dont le sous-titre est : « Peut-on encore gagner une guerre ? ». C’est un essai qui s’intéresse à la notion de victoire, avec l’idée qu’au fond, aujourd’hui, la victoire n’existe plus, et que la guerre est sans fin. C’est un pavé, mais qui fait écho à nos discussions sur l’inexistence d’un système international organisé. L’auteur y explique des choses assez passionnantes, notamment sur la Libye ou sur notre engagement au Sahel. "


Minorités d’Orient

"Pour compléter notre conversation à propos du voyage du pape, je vous recommande cet ouvrage. Il est signé de Tigrane Yégavian, un jeune chercheur. Il est très intéressant car il décrit l’approche victimaire des minorités d’Orient, il invite à ce qu’il appelle une « géopolitique critique » et pose une question très forte : comment se penser comme citoyen s’il n’y a pas d’Etat de droit ? Le livre appelle à davantage de responsabilité politique. Le pape ne peut pas tout faire tout seul."


Le chant du poulet sous vide

"Je vous recommande la lecture d’un premier roman. Il est signé de Lucie Rico, et je parie que nous entendrons parler d’elle. L’histoire est très drôle, elle met en scène une végétarienne qui hérite d’une ferme d’élevage de poulets. Pour surmonter sa difficulté à exercer cette activité, elle va écrire la biographie de ces volailles. Et grâce au « marketing vert », elle va attirer l’attention d’une grande chaîne de distribution, et ainsi assurer un grand succès à ses biographies. Pour une fois qu’un roman à propos d’écologie est drôle, ne vous en privez pas, l’écriture est acérée."



Chaudun la montagne blessée

"Je vous recommande ce livre que j’ai adoré, qui a aussi les faveurs de Richard Werly, je crois. Il s’agit d’une enquête très minutieuse menée par l’ancien directeur des rédactions du Monde, sur l’histoire de Chaudun, petit village des Hautes-Alpes abandonné à la fin du 19ème siècle. La vie y était tellement dure que les habitants ont demandé au ministre de l’Agriculture de racheter leur village et de leur donner des terres en Algérie. Luc Bronner a reconstitué et parfois imaginé toutes ces existences et leur dureté. On s’attend à une lecture très triste, elle est certes très émouvante, mais c’est aussi une merveilleuse description de la vie à la montagne, et de la place que la nature y occupe."



Le lièvre d’Amérique

"Je vais rester dans un registre poétique et vous recommander un roman écrit par une autre poétesse, québécoise cette fois, Mireille Gagné. On y suit une employée modèle, essorée au travail, qui va se faire greffer un gène de lièvre d’Amérique pour devenir encore plus efficace. A travers cette transformation génétique que nous vivons en direct, nous allons réintégrer un univers profondément poétique, celui de l’Isle-aux-Grues. Il s’agit d’une île sur le Saint-Laurent, où l’héroïne redécouvre ce qu’est être un lièvre, ainsi qu’un amour adolescent. Il y a dans ce roman une atmosphère aussi poétique qu’exotique. Il est également tout à fait fantaisiste, tout en proposant une réflexion à la fois sociale et naturaliste."


Une bête entre les lignes

"Je veux vous parler de ce livre d’Anne Simon que j’ai beaucoup aimé. L’auteur est une spécialiste de Proust. Mais parallèlement à cette carrière, elle a mené une quête insatiable sur la façon dont les animaux sont décrits dans nos œuvres littéraires, avec un programme appelé « animots ». Dans cet ouvrage qui vient d’être publié, la partie consacrée à Proust est incroyable. Contrairement à Colette, l’auteur de La Recherche n’aimait guère les animaux, mais dans son œuvre, les descriptions de protozoaires, de microbes, du Baron Charlus décrit comme un gros bourdon ... Si vous n’aimez pas tant que ça les animaux, il faut que vous lisiez Une bête entre les lignes."


La Revue des deux mondes

"J’ai envie de consacrer cette brève à Romain Gary, un auteur que j’aime beaucoup. Il se trouve que la revue des deux mondes lui consacre un dossier passionnant ce mois-ci. On y trouve notamment un texte de Myriam Anissimov, qui a écrit une superbe biographie de l’auteur. Il y a aussi dans ce numéro un article intitulé « La France est-elle un pays communiste ? » dont je tiens à dire que je ne partage pas totalement l’orientation. A propos de Romain Gary, et en écho à notre conversation sur François Mitterrand, je vous recommande un autre ouvrage paru en 2014, Le Sens de ma vie, qui est le dernier entretien accordé quelques semaines avant son suicide. On peut notamment y lire : « Je crois surtout que c’est la vie qui nous a, qui nous possède, c’est l’Histoire qui m’a en quelque sorte embobiné ». "


Le continent de la douceur

"Ce roman d’Emmanuel Bellanger était paru en 2019, l’année des élections européennes. Et le continent de la douceur, c’est L’Europe. L’auteur invente un petit pays, le Karst (qui n’est pas sans rappeler la Biélorussie), dont certains de ses citoyens exilés aux USA essaient de provoquer l’intégration à l’Union Européenne. Il y a là-dedans quelque chose d’assez romanesque. On peut y lire : « l’Europe est une chose qu’on invente et dont on ne sait pas ce qu’est le type de gouvernance ». C’est un roman fleuve de 850 pages, à la fois poétique et politique. "



La société écologique et ses ennemis / L’âge productiviste / La cité écologique

"Je vous recommande de lire ou relire la trilogie du philosophe et historien Serge Audier. Il écrit depuis déjà longtemps sur la façon dont l’écologie traverse l’histoire des idées à gauche. Cette trilogie a commencé en 2017, et l’année dernière, Serge Audier a osé un livre plus programmatique. C’est l’une des premières fois que je m’aventure moi aussi sur le terrain de la République, et je trouve intéressant que l’auteur aborde les limites de l’écologie politique, telle qu’elle est notamment incarnée par les Verts, avec l’idée que, comme elle a toujours été incarnée par une minorité, elle n’a jamais vraiment abordé la question de l’exercice du pouvoir. Comment les écologistes pourraient-ils s’emparer des institutions et cesser de ne se voir que comme un contre-pouvoir ?"


Lake success

"Je vous recommande ce roman de Gary Shteingart. L’auteur est américain, mais né en URSS en 1972, et arrivé aux USA à l’âge de sept ans. L’histoire se déroule pendant l’été 2016, juste avant l’élection de Donald Trump. Le héros est un multimillionnaire qui, à la suite d’une dispute conjugale, décide sur un coup de tête, en pleine nuit, de prendre un bus en direction du Nouveau-Mexique. Il va ainsi rencontrer l’Amérique qui va voter Trump, ce qui ne serait jamais produit sans ce voyage imprévu.Pendant ce temps, sa merveilleuse épouse new-yorkaise entame une liaison avec un écrivain qui pourrait bien être un double de l’auteur. Passionnant, et plein d’humour."


Pleine terre

"Je voulais vous recommander ce roman de Corinne Royer que j’ai trouvé magnifique. Il raconte l’affaire Jérôme Laronze. Peut-être avez-vous lu cet été dans Le Monde le récit par Florence Aubenas de la cavale de cet agriculteur bourguignon, éleveur de vaches charolaises et porte-parole de la confédération paysanne, qui s’est retrouvé poursuivi pour non-respect des normes et finalement tué par les gendarmes. Le récit de Corinne Royer est complètement habité, elle en fait une espèce de saga qui va au-delà de Jérôme Laronze, et nous éclaire sur la façon dont la question agricole est primordiale dans nos interrogations sociétales. Il y a dans ce roman une intensité extraordinaire, car la destinée de Jérôme Laronze (renommé ici Jacques Bonhomme) nous renvoie à l’absence de sens, et à la façon dont il faut incarner ces questions écologiques dont nous parlons sans cesse. Corinne Royer parvient dans ce roman à humaniser la question écologique, qui reste trop souvent scientifique ou abstraite."


L’anti-démocratie au XXIème siècle Iran, Russie, Turquie

"Cet ouvrage d’Hamit Bozarslan compare les évolutions des régimes iranien, russe et turc. L4auteur récuse le terme de démocrature, il nous montre ici les points communs entre les trois régimes, qu’il choisit de qualifier « d’anti-démocratiques », pour susciter un réveil démocratique. Il ne faut pas oublier que la démocratie est une chance. La question de la lutte contre les institutions, telle qu’elle a pu être portée par les Gilets Jaunes, montre sans doute que nous ne regardons pas assez comment certaines institutions sont dévoyées. On peut ainsi tout à fait endosser des vêtements démocratiques pour en fait pervertir les institutions. L’auteur montre comment les citoyens se battent pour la démocratie. L’anti-démocratique nous interroge sur la façon dont nus pouvons, par la vitalité du sentiment démocratique, refaire nôtres des institutions. "


Une histoire des luttes pour l’environnement

"Je vous recommande cet ouvrage que je trouve très fort, signé de quatre historiens. Réinscrire dans l’Histoire des choses qui paraissent d’une actualité brûlante aide à comprendre leur force et leur intensité. J’en donne deux exemples : dès 1830 en Ariège, face à un nouveau code forestier, on assiste à une mobilisation des paysans pour combattre cette « privatisation » des forêts. Ou bien la création de la première société protectrice des animaux par des Anglais en 1824. Ce livre inscrit la question écologique dans une Histoire, et non sans humour (ce qui est plutôt rare à propos de ces questions). Nous réalisons ainsi que nous n’inventons rien, et que les problèmes et les causes sont seulement devenus plus urgents."


Cultivons-nous Bien manger avec les paysans d’aujourd’hui

"Le deuxième livre que je vous recommande est très différent, il a été coordonné par Edouard Bergeron, le réalisateur du film « Au nom de la Terre » qui a eu un très grand succès. J’ai aimé ce livre parce qu’il va contre les idées reçues. Rien n’y est tout noir ou tout blanc, il ne faut par exemple pas opposer le bio à l’agriculture conventionnelle. C’est bourré de portraits très émouvants, il y a des recettes de cuisine, et tout un travail sur le parcours à accomplir pour réintégrer le lien entre agriculture et nourriture. Je trouve ce livre absolument palpitant. "



Quelles ambitions pour les Verts allemands ?

"Je vous recommande une lecture très sérieuse, celle d’une note de l’Institut Jacques Delors, datant du mois de septembre 2021, juste avant les élections législatives allemandes. Vous savez que les Verts sont désormais partie prenante du gouvernement allemand, puisqu’Olaf Scholz a réussi à faire un accord de coalition. C’est donc un vert, Robert Habeck, qui sera vice-chancelier, et Annalena Baerbock (qui était la tête de liste) la Ministre des Affaires Étrangères. Les Verts ont par ailleurs obtenu de désigner le prochain commissaire européen allemand. La question européenne est placée au centre de l’accord de coalition, et l’on sait que les Verts allemands ne partagent pas les options de politique étrangère de la France. Il est donc essentiel pour nous de nous pencher sur ce qu’ils vont porter au niveau international et européen. Se couleront-ils dans la Realpolitik et cesseront-ils du même coup d’être Verts ? A suivre. "


The diary of a nobody

"Pour nous réconcilier avec la perfide Albion, je vous recommande un livre en anglais. Il date de la fin du XIXème siècle, et a été écrit par les frères Grossmith. Il est très drôle et nous rappelle à quel point l’humour est constitutif de la culture britannique. Il met en scène un anti-héros appelé Putter, un employé de bureau essayant en vain d’utiliser tous les codes de l’ascension sociale. Les personages préfigurent Laurel et Hardy, c’est Courteline au pays de Boris Johnson. Irrésistible."


Algues vertes l’histoire interdite

"J’étais quelques jours en Bretagne pendant les fêtes, où j’ai pu discuter du problème des algues vertes, qui a encore augmenté de 40% en 2021. Je vous recommande donc la lecture de cette enquête graphique, menée par la journaliste Inès Léraud, et dessinée par Pierre Van Hove. C’est une saga incroyable, où l’on découvre que les corps des gens empoisonnés aux algues vertes n’ont pas été autopsiés, que les archives ont disparu, que la justice n’a pas statué … C’est en fait une bande dessinée sur l’état de notre démocratie, et la nécessité de lancer l’alerte. L’ouvrage nous rappelle aussi que le travail d’un journaliste ne consiste pas seulement à orchestrer des polémiques sur des plateaux de télévision , on peut aussi mener des enquêtes, et tenir ce rôle fondamental dans une démocratie, et redonner aux citoyens l’envie que des choses se passent. "


Oubangui-Chari, le pays qui n'existait pas

"Ce livre de Jean-Pierre Tuquoi date de quelques années, mais il est très éclairant sur le Sahel et l’Afrique de l’Ouest. Oubangi-Chari est en réalité le Centrafrique, et le livre raconte comment on a décidé qu’un blanc sur la carte africaine devait devenir français, comment on a créé un pays qui n’existait pas. Avec quelques missionnaires sans scrupules alliés à des militaires. On retrouve là des problématiques que nous avons évoquées à propos du Sahel : frontières arbitraires et floues, et difficulté à exister en dehors de l’intervention armée. "


Edvard Munch - Un poème de vie, d’amour et de mort

"Je vous encourage vivement à aller voir la magnifique exposition que le Musée d’Orsay consacre à Edvard Munch. Il n’y a certes qu’une centaine d’œuvres représentées, mais elles suffisent à donner une idée de la variété des techniques utilisées par l’artiste : peinture, dessins, lithographie … Mais surtout on cesse de le réduire au peintre du Cri : on voit qu’il commence par l’impressionnisme, continue avec le fauvisme, avant de devenir un des maîtres de l’expressionnisme. L’exposition met particulièrement bien en évidence une sorte de cycle de thèmes auxquels l’artiste revient en permanence. J’ai été particulièrement touchée par les jeunes filles sur un pont. Mais on peut aussi y trouver quelque chose de nietzschéen, avec un extraordinaires tableau d’hommes sur une plage, où l’on a l’impression d’avoir affaire aux surhommes du philosophe. "


Revue Esprit : retrouver la souveraineté ?

"Je vais faire un plaidoyer pro domo, mais il se trouve que le prochain numéro de la revue Esprit traite de souveraineté. Vladimir Poutine met en avant le concept de démocratie souveraine, et dans ce numéro, la revue s’efforce d’explorer ce que peut être la souveraineté à l’heure de la mondialisation, et comment on peut projeter cette question au niveau européen, ainsi qu’à l’échelle de la nation. David Djaïz y signe d’ailleurs un article sur la question de la souveraineté à l’ère planétaire. Je pense qu’à cette période où la question de la souveraineté est confisquée par les démocratures, il est bienvenu de réfléchir à la façon dont on peut imaginer la souveraineté démocratique, par opposition à la « démocratie souveraine » de M. Poutine."


Indice des feux

"Je vous recommande un recueil de nouvelles, signé d’Antoine Desjardins, un auteur québécois. Le thème directeur des nouvelles est la façon dont nous sommes modifiés par tout ce qui se passe autour du dérèglement climatique. L’une d’entre elles, Feu doux, raconte la trajectoire d’un jeune homme, promis à toutes les réussites, porté par l’ambition de sa famille, venant d’un milieu modeste, et qui choisit de se mettre en marge. On voit le désarroi familial que cela suscite, par rapport aux processus sociaux par lesquels nous avons l’habitude de projeter nos vies. Passionnant."


Mémo sur la nouvelle classe écologique

"Je voulais vous recommander ce petit livre qu’ont publié Bruno Latour et Nikolaj Schultz. Le livre se demande « comment faire émerger une classe écologique consciente et fière d’elle-même ». Il s’agit d’assembler des éléments apparemment contradictoires. Les auteurs nous disent par exemple que « l’écologie doit être une gauche au carré mais aussi assumer d’être réactionnaire ». Je ne vous dévoile pas le mystère de ce rapprochement, mais cette fondation d’une nouvelle forme de pouvoir, ou de conquête du pouvoir est particulièrement intéressante. La guerre en Ukraine nous force aussi à nous réinterroger sur les problèmes écologiques, et à ne pas comme d’habitude les mettre au placard le temps de régler d’autres problèmes. L’urgence est toujours là."


La France contre elle-même

"Je ne m’étais pas du tout concerté avec Richard Werly, mais il se trouve que je comptais moi aussi parler de son livre … Ce que j’ai aimé dans ce voyage le long de l’ancienne ligne de démarcation mise en place pendant l’occupation, c’est qu’on y croise des Français qui connaissent leur Histoire, et d’autres qui ne la connaissent pas, et notamment un certain nombre de Gilets Jaunes, qui ne savent pas que Vichy était sur la ligne de démarcation. C’est à mon avis très éclairant sur la possibilité ou l’impossibilité de penser son avenir."


Se libérer de la domination des chiffres

"Si je vous conseille ce livre, ce n’est pas seulement parce que j’ai regardé le débat d’entre-deux tours, où Emmanuel Macron maîtrisait tous les chiffres par rapport à Marine Le Pen qui semblait paniquer dès qu’il s’agissait d’en évoquer un. On apprend la construction qu’il y a derrière chaque chiffre, sinon idéologique du moins philosophique, notamment à propos du chômage ou de l’inflation. Il y a une anecdote passionnante sur la façon dont l’Insee a retenu pendant plusieurs mois le calcul de la baisse du chômage en France entre 2004 et 2006. Nicolas Sarkozy expliquait qu’il avait baissé de deux points, et l’Insee a accepté de donner ces chiffres en septembre 2007 (après l’élection présidentielle) : les deux points s’étaient réduits à un demi-point. Cela nous montre comment la technocratie est utile en démocratie, comment nous devons veiller à empêcher la manipulation des chiffres."


Adieu Zanzibar

"Je vous recommande la lecture de ce roman d’Abdulrazak Gurnah, prix Nobel de littérature en 2021. J’ai adoré ce livre et cette écriture, qui parvient à faire le lien entre le chatoiement de l’intime et la politique au sens le plus large du terme. Le livre raconte l’amour fou entre un Anglais et une jeune femme abandonnée par son mari. C’est un amour interdit, d’où naîtra une fille et à travers plusieurs générations, on voit comment l’amour maudit permet de se rendre compte de l’injustice du monde. On est en effet emmenés à Londres dans les années 1950 lorsque l’empire colonial britannique se défait. Il y a chez Gurnah une capacité à décrire les choses qui est proprement extraordinaire. Certains ont parlé des Mille et une nuits, je trouve que c’est une image d’Epinal très galvaudée, mais il sait raconter une histoire et poser une scène en faisant vraiment le lien entre ce qui nous arrive, ce que nous sommes, et puis ce qui arrive au monde. Passionnant."


Black Indians de la Nouvelle-Orléans

"Je vous recommande cette exposition parisienne, au Musée du Quai Branly - Jacques Chirac. Elle est très enthousiasmante, elle met en valeur le carnaval de la Nouvelle-Orléans. Les « Black Indians » ne sont pas des Amérindiens, ce sont à l’origine des esclaves noirs, mais qui ont repris à leur compte les oppressions subies par le peuple amérindien au moment de la colonisation de l’Amérique du Nord. L’exposition est à la fois luxuriante, car on peut y voir le costume du « Bison Blanc », mais on y apprend beaucoup. On réalise la proximité avec des rites yorubas issus d’Afrique de l’Ouest, on y voit aussi l’union de tous ceux qui ont été asservis, et qui grâce à la créativité et au syncrétisme échappent cette condition. Vous en sortirez avec une envie d’être carnavalesque, tout à fait bienvenue dans le monde d’aujourd’hui. "


La démocratie écologique

"Je crains que la lecture que je vous recommande ne soit moins palpitante, mais elle est tout de même passionnante. Depuis quelques jours, on a arrêté de penser à la Convention citoyenne sur le climat, au grand débat national, à tout ce qu’on appelle la « démocratie délibérative », au profit d’un retour à la « démocratie parlementaire » traditionnelle. Cet ouvrage collectif revient sur les multiples tentatives d’enrichissement de notre vie démocratique qui ont eu lieu pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, mais aussi sur leurs échecs, dus à la fois à des problèmes d’organisation, aux aspirations du président de la République, mais aussi à l’incapacité de notre société à transformer les essais. L’échec de la primaire populaire nous rappelle qu’enrichir la démocratie est une affaire complexe. Gardons cela en tête car le nouveau Parlement devra aussi se tourner vers la société, et pas seulement enchaîner les épisodes et les saisons de notre série politique française."


Purity

"Je vous recommande cette semaine un roman, paru juste avant l’élection de Donald Trump. Jonathan Franzen a écrit un véritable « page-turner », qu’on ne peut plus lâcher malgré ses 700 pages. L’héroïne, appelée Purity, va rencontrer Andreas Wolf, une espèce de double de Julian Assange. C’est une réflexion sur la question des réseaux sociaux, des médias et de la démocratie. On y découvre une Amérique qui n’est pas celle du noir et blanc, où la transparence affichée ne fait que mieux montrer que le secret est partout, et que ceux que tout a l’air d’opposer sont en fait pris dans des interactions complexes. Outre ce style américain si délectable, on y trouve une Amérique complexe, éternelle, telle qu’on l’aime. On voit bien que la question morale ne sert qu’à éviter la complexité de penser le politique. Il y a aussi une vraie réflexion sur le journalisme, avec une figure de journaliste « à l’ancienne », bien plus intéressant que les réseaux sociaux."


Le dernier des siens

"C’est un roman que je vous recommande, écrit par Sybille Grimbert. Il raconte l’amitié très forte entre le dernier des grands pingouins et un jeune naturaliste, au XIXème siècle. Le livre aborde une question qu’on n’a pas l’occasion de croiser souvent en littérature : comment être conscient du sentiment qu’il y a entre le dernier animal d’une espèce et un être humain ? C’est ce thème philosophique de la vie avec l’extinction que ce roman explore. C’est assez bouleversant, on prend conscience en le lisant de ce que nous allons perdre, mais aussi de ce qu’il nous faut éviter de perdre. "


L’inventeur

"Je vous recommande de lire ce roman de Miguel Bonnefoy, jeune romancier Franco-vénézuélien doté d’un merveilleux talent de conteur. Il revient dans ce livre sur le fabuleux destin d’Augustin Mouchot, entièrement ignoré aujourd’hui. Fils d’un serrurier bourguignon et passionné du soleil, il va, tout au long du XIXème siècle vivre des épisodes extraordinaires : créer des héliopompes, faire fleurir le désert en Algérie, exposer à l’exposition universelle de 1878, rencontrer Napoléon III, et connaître une fin tragique. Bonnefoy proclame qu’il n’aime pas la politique et s’en tient à l’écart. A travers ce conte philosophique, l’auteur nous parle de cette façon dont on invente des choses, et redonne ainsi ces enjeux écologiques et énergétiques leur juste place : des aventures humaines, et des parcours extraordinaires."


Peine des faunes

"Je vous recommande ce roman d’une jeune autrice d’origine roumaine et congolaise, Annie Lulu. Son premier roman avait été très remarqué, et ce deuxième ouvrage est clairement éco-féministe. Les femmes occupent le centre du récit, avec des scènes et des images extraordinaires. Une écriture chatoyante, qui nous transporte de Paris à Rome, de la Tanzanie à la campagne écossaise. Un univers merveilleux, qui nous invite à regarder les thèses éco-féministes en n’oubliant pas l’imaginaire, ni toute la capacité d’espérance qu’elles comportent. "


Marées

"Je vous recommande un roman cette semaine, le premier de son autrice, la canadienne Sara Freeman. Il a déjà été salué par la critique aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en France. C’est aussi un peu un objet littéraire, avec des paragraphes disjoints. L’héroïne a vécu un drame qui la conduit à refuser toute forme d’intimité, à disparaître et à aller s’installer dans une petite ville au bord de la mer, au moment où la saison touristique se termine. Elle passe son temps à aller se baigner la nuit, à trouver le moyen de vivre sans vivre, pour remonter la pente peu à peu. Je trouve le roman extraordinairement émouvant, et très réussi dans ce que le drame provoque d’incommunicabilité. "


Faith Ringgold

"Je vous conseille d’aller voir l’exposition de Faith Ringgold au Musée Picasso, à Paris. C’est la première rétrospective française de cette peintre américaine, qui a accompagné le mouvement des Black Panthers. Pour des raisons d’espace, il n’y a qu’une cinquantaine d’œuvres, mais elles sont remarquables. Faith Ringgold se forme aux arts à New York à une époque où les femmes n’en ont pas le droit. Elle apprend donc en travaillant directement avec des peintres. C’est un voyage à travers l’Europe, notamment en Italie et en France, qui va lui permettre de prendre son envol. Il y a des tableaux très figuratifs, puis son travail évolue vers des œuvres beaucoup plus composites, dans lesquelles elle assemble des matériaux divers. Une série la met en scène dans le Paris des années 1930. Pour cette artiste, la question noire a toujours été liée à la question de l‘émancipation féminine. Faith Ringgold a aujourd’hui 92 ans, et dit : « je ne peux pas penser aujourd’hui à une période plus libératrice dans ma vie que les années 1960. C’est alors que j’ai appris à porter mes cheveux au naturel. Plus de peigne chaud dans mes cheveux. Black is beautiful. Black pride and Black power en un seul geste ». Je trouve extraordinaire la façon dont elle se réfère à son corps pour porter cette ambition artistique et politique. "


Paul Strand ou l’équilibre des forces

"Je vous recommande cette exposition photographique à la Fondation Henri Cartier-Bresson. Paul Strand est un photographe américain, connu pour deux choses. D'abord, son goût de l'esthétique. Et puis, l'exposition est consacrée à toute la vision politique de Paul Strand, qui était membre de l’American Labour Party, et qui fut obligé de quitter les États-Unis à cause du maccarthisme. Il a poursuivi d'une manière assez singulière une sorte de quête : aller dans des lieux isolés, ceux de la précarité rurale, et prendre en photo ces familles dans la plaine du Pô, avec cette femme dont le mari a été battu à mort par les fascistes et qui survit avec six ou huit enfants qui n'ont aucun avenir. Mais Il va aussi aux Hébrides. Il a habité en France, à Orgeval jusqu'en 1976. C’est en Charente qu’il prendra sa photo la plus connue, celle d'un jeune homme en colère, qui nous fixe d'une manière incroyable. A chaque fois Paul Strand faisait parler les personnages qu'il avait pris en photographie, et associait très souvent un discours politique à ses clichés. Allez voir cette exposition, elle est magnifique. "


Désordres (Unrueh)

"C’est un film suisse que j’ai pour ma part envie de vous recommander. Je l’ai trouvé incroyable. Il raconte la façon dont Pierre Kropotkine, le célèbre anarchiste russe, va découvrir l’anarchisme en Suisse, dans le Jura, dans une usine d’horlogerie, par le biais d’une romance avec une jeune ouvrière prénommée Joséphine. On explique très bien dans le film comment dans ce milieu des ouvrières de l’horlogerie, contraintes à toujours plus de productivité à mesure que le XIXème siècle s’avance, on est fasciné par la Commune de Paris, par l’anarchisme en général. C’est ce qui changera Kropotkine, qui disait : « quand je quittai ces montagnes, après un séjour de quelques jours au milieu des horloges, mes opinons sur le socialisme étaient faites : j’étais anarchiste ». "


Love life

"Je recommande ce filme signé d’un réalisateur japonais que j’apprécie beaucoup, Kôji Fukada. Le titre ne rend pas vraiment compte de ce que montre le film, à savoir la vie d’une famille japonaise qui va peu à peu se dérégler. Love life, c’est la façon dont vos souvenirs et votre vécu vont venir bousculer un quotidien qui peut sembler sans histoires et même heureux. Comment la vie rêvée n’est jamais possible à vivre dans la vie réelle. C’est extrêmement poétique, il y a un grand formalisme, mais aussi une analyse d’ordre sociologique, on y traite aussi les relations très difficiles entre Coréens et Japonais. C’est très beau et assez subtil."


Deux innocents

"Pour ma part, je vous recommande le dernier roman d’Alice Ferney, qui est absolument bouleversant. Une espèce de tragédie grecque, qui met en scène trois femmes. L’une est professeure dans un établissement pour jeunes handicapés (avec surtout des trisomiques, en fait). Elle a une relation très forte avec la mère d’un des élèves. Et puis il y a la directrice de l’établissement. C’est le roman de l’anti-politiquement correct, et de la manière dont on met des étiquettes. La professeure va nouer une relation forte avec un étudiant, ce qui déclenchera un engrenage tragique, jusqu’à un procès. Le livre dénonce très finement la façon dont on nous colle des étiquettes, par les réseaux sociaux, la façon dont on est forcément vu comme coupable si l’on a eu un élan d’affection envers un jeune handicapé. Quand on est une mère et qu’on perd le lien avec son fils, on va au procès, etc. Le livre traite de la difficulté de vivre ses émotions et de vivre la nuance dans l’époque qui est la nôtre. J’ai trouvé ce roman merveilleux."


A la terre : s’installer paysan, se battre avec les champs

"Je vous recommande ce petit ouvrage, écrit par le journaliste Marin Fouqué. Il commence de manière étonnante par un étudiant aux Baux-Arts qui peint le cul d’une vache INRA 95, c’est à dire issue de ces races bovines créées spécialement pour produire beaucoup de beefsteak. Cet étudiant ira ensuite dans une ferme vers Manosque, s’initier et s’exercer aux travaux des champs. Et comment il n’y arrivera pas, ou quasiment pas, parce que son corps se rappelle à lui, et parce que la lutte contre la terre (glaiseuse, hostile) est trop dure. Une espèce de reportage saisissant sur la façon dont on a été fasciné par le « retour à la terre » après la pandémie, et dont ce retour est extrêmement difficile. Si la transition écologique est d’abord mentale, ce livre - extrêmement bien écrit et qui se lit très vite - nous rappelle à quel point elle est aussi physique. "


Ruth Orkin, Bike trip, USA, 1939

"Je vous conseille cette petite exposition qui se tient à Paris, à la Fondation Henri Cartier-bresson. Elle ne fait qu’une quarantaine de photos, mais c’est la première fois que sont montrées en France des clichés de cette grande photographe américaine. En 1939, alors qu’elle a 17 ans, Ruth Orkin décide de quitter Los Angeles avec son vélo, et documente son voyage. Elle parcourt les grandes villes américaines, et prend des photographies incroyables, dans lesquelles le vélo lui-même devient un sujet, voire un outil de cadrage. C’est une introduction idéale à l’œuvre remarquable d’Orkin, qui vous donnera peut-être envie de voir le film qu’elle a réalisé avec son mari, Little fugitives, adoré de Truffaut et Cassavetes, mettant en scène un jeune enfant de 6 ans perdu dans New York. Ruth Orkin associe la liberté au mouvement, et à une époque où nous aimons de plus en plus le vélo, cette exposition nous fait goûter à m’la sensation d’avoir 17 ans et de quitter ses parents pour parcourir les Etats-Unis."


Humus

"Je voudrais vous recommander ce roman de Gaspard Koenig, qui a reçu le prix Interallié et le prix Jean Giono. On pourrait penser à l’auteur en tant que candidat malheureux à la présidentielle de 2022, mais je trouve intéressant qu’il se soit passionné pour les lombrics, au point de nous expliquer que le salut viendra sans doute des vers de terre, tout en mettant en scène deux jeunes étudiants en agronomie, Kevin et Arthur, qui auront tous deux un destin tragique. Le roman est bien ficelé, bien documenté. Kevin est le transfuge de classe, qui se fera avoir par le capitalisme vert, et Arthur, venu d’un milieu bourgeois et qui essaiera (sans y parvenir) de restaurer des terres. Le tout se termine dans une apothéose du type « extinction rébellion » à la sauce romanesque. Je vous conseille cette lecture assez exotique."


Jeunesse (le printemps)

"Je vous recommande d’aller voir ce film documentaire, présenté au dernier festival de Cannes. Il nous embarque dans des ateliers textiles de la ville de Zhili, à 150 kilomètres de Shanghai, et nous fait rencontrer cette jeunesse ouvrière, qui a 20 ans ou parfois moins. Ce sont des ateliers familiaux, à taille humaine, pas des grandes usines. Ce documentaire nous montre quelque chose d’extraordinairement vivant : des histoires d’amour, des histoires de sexe, des histoires de tout autre chose, des amitiés, des relations très difficiles avec des patrons qui ont le même âge que leurs ouvriers. C’est une vision absolument extraordinaire de l’exploitation humaine. Vous en sortez pourtant avec une impression de grande force quant à la société chinoise. Ces jeunes gens sont durement exploités, mais ils ont une force vitale absolument incroyable. Je préviens que le film dure 3h30, et que beaucoup de gens sont partis avant la fin dans la salle où je l’ai vu, sans doute peu habitués à des films sans rebondissement palpitant."


Et vous passerez comme des vents fous

"Je vous recommande un roman magnifique, écrit par Clara Arnaud. Le titre est une expression empruntée au grand poète arménien Hovhannès Chiraz. Le roman décrit les conflits autour des questions écologiques : biodiversité, ours dans les Pyrénées, etc. Le romanesque est parfois très fort, et dans un moment où l’on a l’impression d’impasses politiques quant à l’écologie, s’attacher à des personnages et à des histoires fait du bien. C’est un très beau roman, dont j’espère qu’il vous aidera à penser qu’on peut imaginer une société harmonieuse, entre agriculteurs et écologistes. "


Lire Serge Audier

"Je vous recommande de lire ou relire Serge Audier, et notamment cette trilogie magnifique, qui commence par La société écologique et ses ennemis, qui continue avec La cité idéale et se termine avec La République écologique. Audier nous explique que l’utopie sociale existe de très longue date sur les questions écologiques, et comment elle a toujours été cantonnée dans des limites. Aujourd’hui, il s’agit de lui permettre de s’épandre, en trouvent le lien avec les institutions. C’est une longue aventure que cette lecture, mais elle en vaut la peine."


La maison du silence

"Je vous recommande ce roman du grand écrivain turc Orhan Pamuk, paru en 1988. Il raconte l’histoire de trois jeunes qui viennent comme tous les ans rendre visite à leur grand-mère, qui vit dans une maison totalement délabrée, au bord de la mer, dans la région de Marmara. Les questions traitées dans ce roman sont celles dont nous avons parlé aujourd’hui : laïcité et islamisation, relation à l’Occident … Le livre est magnifique sur le plan littéraire (Pamuk est un grand admirateur de Flaubert), et très profond dans les thèmes qu’il aborde. Un régal. "


Ce que la gauche doit à l’écologie

"Ce livre est signé de Christophe Fourel, Céline Marty et Clara Ruault. Christophe Fourel est économiste, proche d’Alternatives économiques, et c’était surtout un grand ami d’André Gorz, dont il assume une forme d’héritage intellectuel. Céline Marty et Clara Ruault sont philosophes. L’ouvrage nous propose de revisiter des concepts fondamentaux pour la gauche : croissance, économie, capitalisme … Le livre démontre parfaitement que les contenus de cette approche sont différents quand on y intègre la pensée de la nature, du moyen terme. On voit que dans le logiciel politique de la gauche, il y a des notions économiques et une relation à l’écologie beaucoup plus imbriquée que l’on ne l’imagine a priori."


Théodore Rousseau, La voix de la forêt

"Je vous recommande cette exposition du Petit Palais. Théodore Rousseau est un peintre de la première moitié du XIXème siècle, amoureux des arbres, qui avait réussi à faire classer en « série artistique » une partie de la forêt de Fontainebleau. Il peignait les arbres comme il aurait peint des portraits. Il était surnommé « le grand refusé » car pendant très longtemps il ne put exposer au Salon. Mais cette réputation lui a permis de vendre ses tableaux assez cher, et ainsi pouvoir financer sa cause de la défense des arbres. L’exposition est magnifique. "


Mexica

"Je vous recommande vivement d’aller voir cette exposition au musée du Quai Branly. Elle m’a vraiment enthousiasmée, même si elle a aussi provoqué un peu d’effroi, puisque vous savez que dans la civilisation mexica (qu’on a longtemps appelée « aztèque »), le lien entre les dieux et les hommes se fait par le biais du sacrifice. On peut donc y voir des squelettes d’animaux revêtus d’atours guerriers, et même un squelette humain. Il y a plus de 500 objets découverts récemment, c’est vraiment une réalisation exceptionnelle, et puis n’oublions pas que cette civilisation n’a été conquise qu’à cause de la variole, et donc de l’absence de vaccins, ce que je trouve très parlant aujourd’hui encore. Allez admirer ces objets magnifiques, mais préparez-vous à être effrayés. "


Impossibles adieux

"Je vous recommande ce roman, de la romancière et poétesse coréenne Kang Han. Il nous plonge dans l’histoire de la Corée en 1948-1949, au moment où a lieu un grand massacre sur l’île de Jeju, au sur de la péninsule. Le roman est extraordinaire, car l’histoire se passe ne hiver, dans une ambiance où la neige ne cesse de tomber, et où les fantômes de ceux qui ont été massacrés vont resurgir progressivement, autour d’une famille dans le déni de ce massacre. Ces impossibles adieux sont les adieux aux disparus, ceux dont on ignore le sort (notamment où sont leurs corps). Ambiance incroyable où le rêve et la réalité ne cessent de se mêler, autour de la narratrice qui fait le voyage dans l’île pour des raisons très anecdotiques (nourrir le perroquet d’une de ses amies hospitalisée). Le roman nous montre aussi comment les démocraties peuvent aussi se construire sur le déni historique. Aussi intéressant que bouleversant. "


Dors ton sommeil de brute

"Je vous recommence ce roman de Carole Martinez, dont le titre est emprunté à Baudelaire. Le roman est totalement étrange, onirique, mystérieux. Il nous raconte comment tous les enfants du monde font au même moment, le même rêve. Ce faisant, le livre rend tangible cette question des générations futures dont on parle tant, car le rêve en question a une portée réelle, il dérange les parents, il dérange le monde. Ce roman onirique, dont l’héroïne est en Camargue, dans les marécages, vous emporte. Carole Martinez assume une langue magnifique, et montre comment le climat échappe aux négociations parce qu’il est aussi un nouveau langage planétaire."


Figures du fou : Du Moyen Âge aux Romantiques

"Je vous recommande moi aussi une exposition qui a commencé il y a peu, mais cette fois au Louvre. Évidemment, c’est notre sujet sur la santé mentale qui me l’a évoquée. Elle nous fait réaliser combien le fou est une figure à la fois symbolique et réelle, c’est chacun d’entre nous. De la cour du roi au carnaval en passant par le jeu d’échecs … On découvre ainsi que dans ce jeu (né en Inde), la figure commence par être un éléphant, puis un évêque (ce qu’il est toujours dans le jeu anglais), avant de devenir un fou. J’ai aussi découvert comment la période romantique est celle où l’on se réintéresse au fou, mais quand il est couronné : Charles VI, ou Jeanne de Castille, une figure que je ne connaissais pas du tout, à la biographie passionnante : décrétée folle parce qu’elle aimait trop son mari, et que son père désirait régner à sa place. Là encore, il y a de quoi méditer …"


Trois fermiers s’en vont au bal

"Face à l’actualité géopolitique un peu déprimante, je me suis dit que la littérature américaine ferait du bien. Je suis donc allée rechercher dans ma bibliothèque ce livre de Richard Powers, que j’avais lu il y a longtemps. C’est le premier livre de cet auteur qui a connu par la suite un immense succès avec L’arbre-monde. Il y revisite l’Histoire croisée des Etats-Unis et de l’Europe, et tout le XXème siècle, puisque le héros, jeune journaliste de Boston, est fasciné par une photographie d’August Sander, représentant trois jeunes fermiers allant au bal en 1914. Peut-être est-il bon dans la période actuelle de repenser cette Histoire qui nous unit, de nous dire qu’il y a plusieurs Amériques, et que l’une d’elle aime l’Europe et qu’elle aura peut-être un jour droit à la parole. "