Les brèves

Étienne Dinet, passions algériennes

Nicole Gnesotto, créée le 21-04-2024

"Ma deuxième brève est le contraire d’une recommandation, il s’agit plutôt d’une dissuasion. Gagnez du temps, et épargnez-vous cette exposition de l’Institut du monde arabe. La plupart des journaux nous l’ont présentée comme quelque chose de très important et de formidable, alors que cela n’a qu’un intérêt tout à fait anecdotique. D’abord, l’exposition est toute petite (une quarantaine d’œuvres en tout et pour tout), et même si le personnage de Dinet est intéressant (un peintre français tout ce qu’il y a de plus classique de la fin du XIXème siècle, qui tombe amoureux de l’Algérie, se convertit à l’islam, traduit et illustre une vie de Mahomet), son œuvre n’a pas un intérêt fou … "


Frantz Fanon : une vie en révolutions

Akram Belkaïd, créée le 21-04-2024

"Pour ma part, je vous recommande cette biographie du journaliste et universitaire Adam Shatz. Frantz Fanon était un penseur décolonial radical, qui avait rejoint le FLN pendant la guerre d’Algérie. Il connaît aujourd’hui un réel succès, il est relu par les jeunes générations un peu partout dans le monde, y compris en France et aux Etats-Unis. La biographie d’Adam Shatz est assez stimulante, parce qu’il y montre ce que fut Fanon : un homme engagé, mais aussi un psychiatre qui a beaucoup réfléchi aux questions de l’aliénation et de l’enfermement. Parmi les chapitres qui ont retenu mon attention, il y a celui qui concerne Les damnés de la terre, dont la fameuse préface de Sartre a éclipsé l’ouvrage lui-même. Pour Shatz, Sartre a fait une lecture très sommaire de l’œuvre de Fanon, en glorifiant exagérément la violence. Cette biographie a le mérite de remettre la pensée de Fanon au premier plan, et d’offrir des repères et des éléments de réflexion, des clefs pour permettre à cette pensée d’éclairer les débats d’aujourd’hui, sur toutes ces questions post-coloniales ou de mémoire."



L’avenir se joue à Kyiv : leçons ukrainiennes

Marc-Olivier Padis, créée le 21-04-2024

"J’attendais depuis longtemps la parution en français de ce livre de l’historien allemand Karl Schlögel, spécialisé dans l’espace russe et post-soviétique. En 2014, après l’annexion de la Crimée et le développement de mouvements irrédentistes dans le Donbass, l’historien américain Timothy Snyder, auteur du grand livre de référence Terres de sang sur cette région, avait organisé une rencontre à Kyiv. J’y étais, et j’y avais rencontré Karl Schlögel, qui avait pris la parole de façon marquante. Il avait expliqué comment, même en étant historien spécialiste de l’espace russe, il avait passé une trentaine d’années à ne pas voir l’Ukraine, comme si le pays était transparent. Dans cet essai d’égo-histoire, il revient sur son parcours, et analyse ce qu’il appelle « le russo-centrisme du regard allemand ». L’intérêt allemand pour la Russie, ainsi que toute l’Ostpolitik qui en a découlé, existe au détriment de l’Ukraine. Karl Schlögel a donc décidé de travailler sur l’Ukraine, réalisant son importance dans la culture russophone. L’autre particularité de son travail est que Schlögel s’intéresse beaucoup aux villes, il trouve qu’elles constituent la bonne mesure entre micro-histoire et macro-histoire, une ville est en quelque sorte du « temps condensé »."


Soutenez-nous !

Philippe Meyer, créée le 21-04-2024

"J’ai récemment lancé un appel au financement de notre émission, en soulignant à quel point il était vital, et à quel point son absence posait un risque existentiel pour nos conversations. Les réponses ont été à la hauteur de mon inquiétude, et je remercie celles et ceux qui n’ont pas tardé à réagir, mais nous ne sommes pas encore tirés d’affaire. Il faudrait que vos contributions (et notamment les contributions mensuelles, qui nous aident à à avoir une visibilité sur nos finances) soient encore plus nombreuses et substantielles pour que je puisse vous annoncer que le Nouvel esprit public est prêt à continuer. "


La france sous haute tension : colères, anxiétés et ressentis

Richard Werly, créée le 21-04-2024

"Je vous recommande ce petit livre, dont notre amie Lucile Schmid est l’une des coauteurs. Je le trouve très intéressant sur un point essentiel : l’importance du ressenti. Nous évoquions aujourd’hui la possible ferveur à propos des J. O. Et elle dépend entièrement du ressenti. Si celui-ci bascule dans le positif, pas seulement à cause des performances des athlètes, mais parce qu’on a le sentiment que la France et Paris ont quelque chose à y gagner, alors ces jeux seront une réussite. Dans le cas contraire, il y a de quoi s’inquiéter, car la France et les Jeux sont effectivement sous haute tension."


Fauré : complete music for solo piano

François Bujon de L’Estang, créée le 14-04-2024

"Il n’y a plus grand chose qui fonctionne en France, si ce n’est l’enseignement musical, et notamment celui du piano. Lucas Debargue est un pianiste de 34 ans, dont la qualité de jeu ne cesse de nous éblouir. Il a été médaillé au concours Tchaïkovsky en 2015, et vient de publier chez Sony une intégrale de la musique pour piano de Gabriel Fauré que je trouve remarquable. Souvent, la musique de Gabriel Fauré est interprétée avec des brumes « debussystes ». Lucas Debargue évite cet écueil, il joue avec une clarté et une sérénité magnifiques ces œuvres pour piano particulièrement délicates, qui ont influencé toute la musique française du XXème siècle"


Courriel d’un auditeur après mon appel de dimanche dernier

Philippe Meyer, créée le 14-04-2024

"Votre appel à contribution diffusé dimanche dernier m'inspire deux choses. D'abord, une vilaine paresse morale, peut-être favorisée par la société de l'instantané et de l'oubli (parfois de l'oubli instantané) au sein de laquelle nous vivons, m'a conduit à ne pas exprimer jusqu'ici ma profonde gratitude pour l'œuvre de salut public que vous avez engagée et soutenue depuis tant d'années. Je souhaite réparer cette faute. Grâces vous soient rendues, du fond du cœur, pour cette entreprise. L'existence d'un débat véritable étant à mes yeux l'une des conditions les plus élémentaires de la vie démocratique, vous entretenez une flamme dont les torrents d'invectives et de fake news contribuent chaque jour à montrer combien elle est fragile, et combien elle est nécessaire. J'ai pris ce matin un abonnement mensuel pour soutenir l'effort de guerre."


Diên Biên Phu : les leçons d’une défaite

Richard Werly, créée le 14-04-2024

"Ce livre d’Histoire de Pierre Servent vient de paraître. Il est original en ce qu’il parle assez peu de la bataille elle-même (bien connue), mais davantage ce qui se passe dans l’état-major à Paris. Il nous fait comprendre ce qui a amené ce choix sidérant du site du Diên Biên Phu pour livrer bataille, ainsi que la cécité totale face aux capacités des Vietnamiens. C’est très éclairant : on s’aperçoit en le lisant que si une bataille n’est pas menée avec l’appui entier et lucide des politiques, elle ne peut pas être gagnée. "


Israël : le piège de l’Histoire

Nicole Gnesotto, créée le 14-04-2024

"Pour prolonger notre conversation, je vous recommande vivement ce livre. Il est formidable, c’est à mon avis de loin le meilleur ouvrage d’Araud. Parce que c’est certes d’un livre d’Histoire, mais il n’a rien d’universitaire. Gérard Araud a fait deux séjours diplomatiques en Israël, le premier à 30 ans comme conseiller à l’ambassade, le second 20 ans plus tard en tant qu’Ambassadeur de France. Il insiste sur trois évolutions qu’il a constatées : d’abord le passage de gouvernements de gauche à des gouvernements de droite, voire d’extrême-droite ; ensuite le passage d’une d’une culture ashkénaze à une culture séfarade, et enfin le passage d’une communion dans le souvenir de la Shoah à une religion fondée sur la lettre de la Torah, divine et donc non négociable. Ces trois passages expliquent à ses yeux la radicalisation de la politique de l‘État hébreu, dont la colonisation de la Cisjordanie, qu’il analyse de façon très sévère. Sa conclusion (pas très optimiste) est la suivante : si l’on veut dépasser le conflit israélo-palestinien, il faut oublier l’Histoire, car elle donne raison aux deux peuples."


Amateur d’art (Alias Caracalla 1946-1977)

Marc-Olivier Padis, créée le 14-04-2024

"De l’Histoire pour moi aussi, avec le deuxième tome des mémoires de Daniel Cordier, alias Caracalla. Daniel Cordier était le secrétaire de Jean Moulin pendant la guerre, et ce qui est vraiment passionnant, c’est que dès la fin de la guerre, Cordier refuse de rester dans un culte de la Résistance, ou d’apparaître comme un ancien combattant. Il décide donc de changer complètement de vie. Entré très jeune dans la Résistance, il n’a pas vraiment de formation, alors il hésite beaucoup, puis réalise qu’il a un excellent coup d’œil pour la peinture, et il devient galeriste. Il se passionne notamment pour l’Ecole de Paris. Le livre est très touchant, non seulement parce que la personnalité de Daniel Cordier est très attachante, mais aussi parce qu’il y a une continuité un peu mystérieuse avec Jean Moulin, puisque c’est lui qui avait initié Cordier à la peinture moderne. Daniel Cordier deviendra un galeriste important, ouvrant des succursales à Francfort et à New York, et participant à la création du Centre Pompidou. Il continue à suivre la vie politique et en 1958, sa réaction au retour du général de Gaulle est intéressante. En tant que résistant, il est un défenseur inconditionnel de de Gaulle, et pourtant il n’approuve pas les circonstances de son retour. "


M. François-Xavier Bellamy et le secret de l’isoloir

Jean-Louis Bourlanges, créée le 07-04-2024

"Cela fait 60 ans que je fais de la politique, et je croyais un peu naïvement avoir tout vu. J’ai été détrompé il y a quelques jours en entendant une interview de François-Xavier Bellamy, au cours de laquelle il refuse de dire pour qui il a voté au deuxième tour de la dernière élection présidentielle, en invoquant « le secret de l’isoloir ». Les bras m’en tombent. Comment un leader politique peut-il se présenter devant le peuple, en reconduisant une liste déjà défendue il y a cinq ans, mais en refusant de dire ce qu’il a fait entre temps, ou de reconnaître pour (et contre) qui il vote. Le secret de l’isoloir n’a pour but que de protéger les gens de manipulations, de s’assurer qu’ils ne sont pas contraints par qui que ce soit de glisser tel ou tel nom dans l’urne. Il n’a pas été fait pour permettre à un leader politique de dissimuler à ses électeurs ses orientations fondamentales. J’ai désormais tout vu."