Les brèves


Gladiator II

Philippe Meyer, créée le 08-12-2024

"Le précédent film de Ridley Scott, Napoléon, m’avait paru ennuyeux, sans compter que son rapport à l’histoire était à peu près celui du Lycée Papillon : « Vercingétorix, né sous Louis-Philippe, battit les Chinois un soir à Roncevaux » … J’ai donc hésité à aller voir Gladiator II, et je me réjouis d’avoir surmonté mes hésitations. D’abord parce que cette suite est un très bon divertissement où, Hollywood oblige, les effets spéciaux sont certes nombreux, mais ne sont qu’un moyen de raconter l’histoire sans la noyer. C’est très bien rythmé, et bien distribué, par des acteurs très bons mais qui ne vous font pas vous lever de votre fauteuil. A une exception près : Denzel Washington, absolument formidable. Comme me le disait l’ami avec qui je suis allé voir le film, il ne joue pas dans un blockbuster hollywoodien mais dans une pièce de Shakespeare. Sa performance est un régal."


Mélusine reloaded

Lucile Schmid, créée le 08-12-2024

"Je vous recommande ce roman, le premier de la poétesse Laure Gauthier. On connaît l’histoire de la fée Mélusine, partie d’Ecosse et arrivée dans le Poitou, ici elle est « reloaded », une Mélusine du temps présent. Le roman est une sorte de conte philosophique un peu dystopique, où Mélusine se promène dans le monde d’aujourd’hui, et nous aide à prendre conscience de cette société des apparences dans laquelle nous vivons, où nous ne vivons pas réellement les choses. Il y a un moment très métaphorique de la sélection des dix meilleures couvertures de livres, qu’on se contente de photographier, car les livres n’ont plus de contenu … Très poétique, enchanteur, mais aussi assez corrosif."


Wartime Elegy

Jean-Louis Bourlanges, créée le 01-12-2024

"Je veux attirer l’attention de nos auditeurs sur un ballet, diffusé par la chaîne Arte le 10 novembre dernier, et disponible depuis en replay. La réalisation est de Bertrand Normand, et le ballet est chorégraphié par Alexei Ratmansky. C’est l’Opéra de Kyiv qui donne ce ballet, dont la réalisation s’est faite dans des conditions passionnantes. Le chorégraphe est russe, il a eu des responsabilités importantes au BolchoÏ, et a épousé une ukrainienne. Cela nous montre quelque chose de très profond dans cette guerre : derrière toutes les rodomontades de M. Poutine et de ses adulateurs, une bonne partie des Russes ne le suivent pas, et ont des liens très étroits avec les Ukrainiens. Ce ballet s’est joué sous les bombes. Les représentations s’interrompaient à chaque alerte de bombardement, mais pendant les répétions, les danseurs préféraient courir le risque de continuer. Cela force le respect, et nous montre le courage des élites culturelles de l’Ukraine, qui travaillent inlassablement, dans les conditions les plus difficiles. Un aperçu de ce qu’il y a de meilleur dans leur pays."


Le cantique des cantiques : chant d’amour, icône de l’Evangile

Lionel Zinsou, créée le 01-12-2024

"Je recommande une lecture à la fois spirituelle et érotique cette semaine. Louis Pernot, grand ministre du culte protestant, signe ce petit livre, qui verset par verset, commente et éclaire ce texte, qui est à la fois un hymne à l’amour entre un homme et une femme, mais aussi entre un époux, qui est le Christ, et l’humanité. Bien que cela ne ressemble pas beaucoup à un texte issu de la Bible, le texte est cependant considéré dans la tradition juive comme l’un des passages les plus fondamentaux du canon biblique. Je trouve que cela convient très bien à la période de Noël, dont nous souhaitons tous qu’elle soit fortement spirituelle et un peu érotique."


La plus précieuse des marchandises

Philippe Meyer, créée le 01-12-2024

"Je vous recommande ce film de Michel Hazanavicius, d’après un conte de Jean-Claude Grumberg. C’est un film d’animation, où la parole est réduite au strict nécessaire, un exercice où le metteur en scène excelle. Il me semble qu’à un moment de torréfaction de la haine civique et sociale dans le monde (et notamment dans les sociétés occidentales), ce conte-là, même s’il fait référence à une période précise de l’histoire de la haine, est un moment précieux, dont la diffusion est nécessaire."


Actuelles, vol. IV : face au tragique de l’Histoire

Nicolas Baverez, créée le 01-12-2024

"Je vous recommande la lecture de ce livre d’Albert Camus qui vient de sortir, constitué, présenté et annoté par Catherine Camus et Vincent Duclert. Quand Camus est mort le 4 janvier 1960, on a retrouvé dans la voiture la sacoche noire contenant le manuscrit du Premier homme, qui était très avancé et fut publié en 1994. Sur sa table de travail, il y avait deux feuillets dans une chemise, avec les textes qu’il souhaitait intégrer à un projet d’écrits politiques. Ce projet a été mis en forme par Francine Camus et René Char, et pour des raisons de polémiques à l’époque, il n’est pas allé jusqu’au bout et fut stoppé en 1961. Il est aujourd’hui enfin publié, et il est très intéressant. On y retrouve toute la puissance et la sincérité de Camus, dans des textes portant sur l’Espagne et sur l’Europe de l’Est (Berlin, Pologne, Hongrie), sur la Résistance, mais aussi le discours de Suède du prix Nobel, les éditoriaux de l’Express, et le très émouvant compte-rendu du professeur Meyer du dernier entretien avec les étudiants de l’université d’Aix, le 14 décembre 1959. Une vraie réussite."


Juré n°2

Nicole Gnesotto, créée le 24-11-2024

"Recommandation cinématographique pour ma part : le dernier film de Clint Eastwood, passablement étrillé par la critique. Pour ma part, je l’ai trouvé doublement excellent. D’abord parce que c’est un excellent thriller, parfaitement maîtrisé, avec une tension qui monte implacablement. Ensuite parce qu’il s’agit d’une réflexion sur ce que sont l’injustice et la justice. L’injustice, c’est assez clair. La justice, en revanche, est une question beaucoup plus complexe. Quelques jours après avoir vu le film, je ne sais toujours pas ce qu’il aurait été juste de faire, et sans divulgâcher le film, dont l’argument est connu, on peut se poser la question : est-ce qu’un homme qui en tue accidentellement un autre avec sa voiture, en pensant avoir percuté un cerf, qui sort de sa voiture, ne voit rien, pense que le cerf s’est enfui, remonte dans sa voiture et rentre tranquillement chez lui, est-ce que cet homme est coupable de meurtre ? Je me le demande encore …"


La grande rupture : de la chute du mur à la guerre d’Ukraine 1989 -2024

François Bujon de L’Estang, créée le 24-11-2024

"J’attire votre attention sur ce livre de Georges-Henri Soutou qui vient de paraître. Nous avons eu quantité d’analyses et de commentaires sur ce qui s’est passé entre la Russie et l’Occident depuis la dissolution du bloc soviétique, mais au fond très peu de livres d’historiens. Or Georges-Henri Soutou en est un, et son livre est très intéressant dans la façon dont il retrace le chemin tortueux qui va de la chute du mur à la rupture entre Moscou et l’Occident, puisque la situation d’aujourd’hui est plutôt pire que pendant la guerre froide. Mais on a presque oublié nombre de phases intermédiaires, notamment les années proches de 1991, pendant lesquelles l’OTAN a fait des ouvertures, avec la création d’un conseil OTAN-Russie … Le livre rappelle tout cela, explore les initiatives des uns et des autres, et finit par dire que les responsabilités sont partagées, entre errements occidentaux et retour sans concession de la Russie à une politique agressive et guerrière."


Bien-être

Nicolas Baverez, créée le 24-11-2024

"Et puis ce livre de Nathan Hill, plus léger. C’est l’histoire d’un couple de Chicago, qui vit un amour fou dans les années 1990. Vingt ans après, on les retrouve vivant le double cauchemar de l’achat d’un appartement sur plan, et d’un fils tyrannique. À travers cette histoire de couple, c’est toute l’histoire de la ville de Chicago qui se déploie, et d’une certaine façon, la décomposition de la classe moyenne américaine au cours du dernier quart de siècle. Extrêmement bien écrit, et très drôle."


Hommage à Bernard Manin

Marc-Olivier Padis, créée le 24-11-2024

"Je voudrais saluer la mémoire d’un auteur important qui nous a quittés le 1er novembre dernier, Bernard Manin. Il y a peu de chercheurs contemporains dont on peut dire que plusieurs de leurs papiers sont devenus des classiques. C’est le cas de Bernard Manin dont le travail magistral sur la démocratie représentative, le tirage au sort, la délibération et la social-démocratie ont été d’emblée considérés comme des références classiques. Normalien, agrégé de philosophie, directeur d’étude à l’EHESS, professeur à Sciences Po Paris, à Princeton, à Chicago puis à l’université de New York, il écrivait peu mais ses articles changeaient notre regard sur des points centraux de la philosophie politique, aussi bien par sa relecture des classiques, comme Aristote ou Montesquieu, que par son approche des questions contemporaines. Il était d’une discrétion et d’une modestie qui caractérise parfois les plus grands auteurs. Plusieurs de ses amis ont réussi à le convaincre ces derniers temps de publier des manuscrits qu’il gardait en réserve par excès de scrupule ou de republier des articles trop dispersés. C’est ainsi qu’on attend chez Hermann trois volumes consacrés à la Révolution française, au libéralisme et à ses travaux sur la délibération. On peut déjà lire son ouvrage le plus connu, Principes du gouvernement représentatif (« Champs », Flammarion) et se procurer chez Hermann un recueil de quatre articles lumineux sur Montesquieu, sobrement intitulé Montesquieu. Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas encore, un auteur à découvrir ; pour les autres, des textes enfin accessibles et rassemblés."


Faire parler les pierres : sculptures médiévales de Notre-Dame

Nicolas Baverez, créée le 24-11-2024

"À la veille de la réouverture de Notre-Dame de Paris, qui sera un moment certainement magnifique, mais sans doute aussi l’occasion d’une instrumentalisation politique, je vous recommande cette exposition du musée de Cluny. On peut y voir le résultat des fouilles effectuées dans la cathédrale après l’incendie. Les fragments qu’on peut y observer ont une puissance émotionnelle remarquable, et par ailleurs on peut admirer des morceaux du jubé de 1230, qui avait été démonté par la suite. Le travail pédagogique qui accompagne l’exposition est vraiment remarquable. "