Y a-t-il un dealer dans l’avion ?

Brève proposée par Richard Werly dans l'émission Comment répartir l’effort du désendettement ? / Trump contre la Californie / n°407 / 15 juin 2025, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Y a-t-il un dealer dans l’avion ?

Richard Werly

"Je vais terminer sur une note à la fois vertigineuse et drôle dans sa réalisation : cette série documentaire diffusée depuis mercredi dernier sur Netflix. Ce sont trois épisodes relatant l’affaire connue sous le nom Air Cocaïne. Ce jet qui était allé prendre en République dominicaine une dizaine de valises remplies de 700 kilos de cocaïne, qui a été intercepté par les forces de police dominicaines à l’aéroport. Et ensuite, il y a eu tout ce feuilleton avec les pilotes qui ont réussi à s’évader, etc. D’abord, l’affaire est rocambolesque, c’est un bon moment d’écran, c’est assez bien tourné, avec une manière de raconter les choses assez bien troussée. Mais surtout parce qu’il y a un bon choix : c’est celui d’avoir raconté cette histoire dans les yeux, et avec pour fil rouge, la justice. D’une certaine façon, la série rend hommage à Christine Saunier-Ruellan, juge que je ne connaissais pas, et qui est toujours en fonction. Parce qu’on voit une galaxie de pieds nickelés (même si certains sont très patibulaires) et elle, qui, en tant que juge d’instruction, chemine avec deux questions seulement : pourquoi et comment ? Cela montre le vertige d’une juge, dans une juridiction à Marseille qui, a priori, a des moyens pour lutter contre la grande criminalité, mais pas tant que ça, et qui se trouve face à des événements qui dépasseraient tout le monde, et qui tente de tout reconstituer méticuleusement. D’ailleurs, elle déploie en permanence devant elle une sorte de grand rouleau de papier, sur lequel elle passe au Stabilo les différents noms des protagonistes. Un bon moment de télévision, mais aussi un enseignement sur la façon dont chemine une instruction judiciaire. "


Les autres brèves de l'émission :

Le chagrin et la pitié

Philippe Meyer

"Je vous recommande le documentaire de Marcel Ophüls et André Harris, que j’ai revu plus de 50 ans après sa sortie, désormais accessible sur la plateforme de France Télévisions. Premièrement, parce que c’est un chef-d’œuvre de documentaire : construction, probité dans les interrogations, précision dans les questions. Et deuxièmement parce que je n’avais déjà pas compris au moment de la sortie en salles (puisque la télévision française n’avait pas voulu, contrairement à la télévision allemande, diffuser ce film) pourquoi on disait que c’était un film qui montrait l’avilissement, et la lâcheté des Français en général. Il y a évidemment dans ce film des gens dont le courage ou l’honnêteté ne sont pas les premières vertus, mais il me semble qu’on ressort du visionnage du documentaire avec une formidable admiration pour des gens comme ces deux paysans, les frères Grave, qui ont été deux résistants admirables, y compris jusqu’après la déportation, et quand il découvre qui est la personne de son village qui l’a dénoncé, il ne cherche pas à se venger, et il dit : « Je ne vais pas me mettre à son niveau. » Je pense aussi au témoignage de Pierre Mendès-France, qui est d’une qualité absolument remarquable. Bref, contrairement à ce qu’on a dit à l’époque, il me semble qu’on sort de ces quatre heures de documentaire avec une idée de l’humanité qui vous élève plutôt qu’elle ne vous écrase."


54 nuances d'Afrique : investir en Afrique : essai enthousiaste pour déconstruire les préjugés

Lionel Zinsou

"Pour les gens qui s’intéressent à l’Afrique, je vous recommande ce livre. Étienne Giros est un bon connaisseur de l’économie africaine. Il préside des entreprises qui investissent en Afrique. Il y a 54 pays qui ont un territoire en Afrique, il y a donc 54 nuances d’Afrique différentes. Et donc l’auteur prend 54 clichés sur l’Afrique et il les démonte l’un après l’autre de façon très efficace. Il y a vraiment très peu de connaissances réelles et fines sur l’Afrique. C’est une façon agréable de rentrer dans quelque chose d’érudit et de passionnant sur l’Afrique d’aujourd’hui."


Revue Hérodote n°196 - Géopolitique de la Mer rouge

Lucile Schmid

"On connaît bien Hérodote ici, puisque Béatrice Giblin est directrice de rédaction de cette revue toujours très éclairante. Je vous recommande le numéro du premier trimestre 2025, qui porte sur la géopolitique de la mer Rouge. Cette zone ne peut pas vraiment être qualifiée de région — puisque d’un côté de la mer Rouge, vous avez des États parmi les plus pauvres du monde, et de l’autre côté, des États parmi les plus riches en termes d’investissement — l’ouvrage montre comment la fragmentation des États, la question de la conflictualité, la possibilité d’avoir des échanges, tout ça a été totalement impacté par l’attentat terroriste du Hamas le 7 octobre 2023. On y trouve une introduction de Marc Lavergne que je trouve remarquable, mais aussi des choses sur l’Érythrée passionnantes. Et Christophe Ayad a écrit sur la quasi disparition de l’Égypte de la scène internationale. Lisez ce numéro, on y dit des choses, au fond, assez rares dans le débat public."


Cas d’écoles

Antoine Foucher

"Je voudrais profiter du fait que l’on est aujourd’hui à l’École Alsacienne pour recommander le livre de son directeur, à mon sens, l’un des livres les plus éclairants sur l’histoire de l’Éducation nationale dans notre pays ; plutôt du côté de la pédagogie que des institutions. Je donne deux exemples, parce que le livre n’est pas résumable en 30 secondes. Le premier, c’est : en tant que parent, on a souvent le sentiment d’être un peu mis à l’écart par l’institution scolaire en France, surtout quand on a eu la chance d’être parent dans d’autres pays ou d’avoir été élevé dans d’autres pays. Ça vient de très loin, et de très longtemps, plusieurs siècles. Et il y a une forme de continuité entre l’institution scolaire d’aujourd’hui (qui considère les parents un peu comme des ennuyeux qui prennent trop soin de leurs enfants), l’école de la Troisième République, qui suspectait toujours les parents d’avoir peut-être voté pour l’empereur et d’être antirépublicains, et l’école des jésuites de l’Ancien Régime, qui suspectait toujours les parents d’être tentés par la Réforme. Cette continuité est extraordinairement bien montrée dans le livre. Et puis un deuxième exemple : j’ai toujours eu du mal à comprendre pourquoi, dans toutes les études internationales sur le système scolaire français, il est établi depuis des décennies que les élèves français sont ceux qui ont le moins confiance en eux quand ils sortent du système scolaire. Lisez Cas d’écoles, et vous comprendrez pourquoi."