Alain Aspect élu à l’Académie française

Brève proposée par Philippe Meyer dans l'émission Le conclave sur les retraites / La guerre USA-Iran / n°409 / 29 juin 2025, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Alain Aspect élu à l’Académie française

Philippe Meyer

"Je me réjouis de l’élection jeudi à l’Académie française de notre ami Alain Aspect. D’abord parce qu’il est un ami de notre peau de caste depuis le début. On peut d’ailleurs réécouter l’émission que nous avions enregistrée avec lui sur sur la physique quantique et l’obtention de son prix Nobel, il y a deux ans. Je m’en réjouis aussi parce que c’est un homme qui a une passion de la découverte, qui est très impressionnante. Et je m’en réjouis enfin parce que cela devrait l’aider dans sa défense du Palais de la Découverte, du Planétarium, dont la réouverture dans le Grand Palais est repoussée, si repoussée qu’on finit par croire qu’elle n’aura jamais lieu, et pour laquelle la ministre de la Culture semble n’avoir absolument aucune idée de la manière dont le Planétarium, le Palais de la Découverte, ont pu aider à éveiller l’intérêt pour les sciences dans les jeunes classes."


Les autres brèves de l'émission :

L’opération anti-sans papiers du ministre de l’Intérieur

Lucile Schmid

"J’avais prévu de vous parler de ma vie culturelle mais finalement, je vais plutôt lancer un cri d’indignation. À propos de l’opération massive anti-immigrants clandestins dans les gares, organisée par Bruno Retailleau, et qui mobilisé 4.000 policiers. Il se trouve que je mène une mission chez Emmaüs depuis bientôt deux ans, et que je côtoie beaucoup de personnes migrantes, dont certaines sont sans papiers. Cette façon dont la lepénisation, dont l’extrême-droite pénètre au cœur même du gouvernement, qui dit pourtant vouloir pratiquer la « démocratie sociale », est quelque chose qui en fait affaiblit l’ensemble de nos institutions. Un sans-papiers ou un migrant n’est pas un criminel en puissance. Ne l’oublions pas. Un certain nombre d’associations vont d’ailleurs défendre l’État de droit et montrer que certaines choses ne relevaient pas de ce qui est permis par le droit en termes de discrimination. Défendre l’État de droit, défendre la démocratie et défendre le droit des personnes qui ont des difficultés à accéder à leurs droits, ça fait partie aussi de la façon dont la France peut être une démocratie."


À ma place

Michaela Wiegel

"Inspirée par l’enthousiasme de Nicole Gnesotto, j’ai lu à mon tour le livre de Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale. Habituellement, les personnalités politiques ont des scribes, et leurs livres sont assommants. Là, il semble que Mme Braun-Pivet a vraiment écrit elle-même, et on apprend des choses assez hallucinantes pour les femmes. Par exemple, cet appel de Stéphane Séjourné, quand elle a été élue contre toute attente à la tête de la commission des lois, qui lui dit : « Mais non, tu as cinq enfants, tu ne pourras pas exercer ce poste. » Les rumeurs avaient été lancées en disant : « Elle a demandé son mercredi libre pour s’occuper de ses enfants », et elle était un peu ridiculisée. L’autrice parle sans fard de la façon dont, au sein même du parti présidentiel, qui s’appelait encore En Marche à l’époque, on a essayé de ne pas la laisser exercer, tout simplement parce qu’elle était une jeune femme. Et il y a un autre aspect que je trouve très intéressant : c’est tout son passé familial. Sa grand-mère qui a dû fuir la persécution des Juifs à Munich. Et donc, cette perspective qu’elle avait sur l’Allemagne qui s’est changée. Je vous recommande vivement cette lecture édifiante. "


Dans la forge du monde : comment le choc des puissances façonne l'Europe

Antoine Foucher

"Je recommande très chaudement ce livre de Pierre Haroche, un chercheur universitaire qui travaille entre Paris et Londres. Il s’agit d’une histoire de la dialectique entre l’Europe et le reste du monde depuis la Renaissance. Ce recul de cinq siècles redonne de l’espoir : il est possible que la dynamique du monde nous pousse hors de la « lamentabilité » dans laquelle nous sommes aujourd’hui. L’auteur montre très bien qu’il y a trois phases. La première, qu’il appelle l’Europe impériale, où il montre — dans la lignée de Kundera — que le maximum de diversité dans le minimum d’espace, c’est l’Europe. Cela pousse les nations européennes à se confronter entre elles, jamais tranquilles derrière leurs frontières, contrairement à l’Empire chinois, par exemple. C’est ce qui les a conduites à optimiser les techniques de guerre, et à acquérir la supériorité technologique qui a ensuite permis de conquérir le monde. Puis on arrive au XXème siècle, avec les deux « suicides collectifs » des deux guerres mondiales, qui placent l’Europe dans une situation subordonnée ; elle est cependant encore un enjeu pour le reste du monde : on ne peut pas être puissant si on n’est pas en Europe. Et enfin aujourd’hui, où la situation de l’Europe laisse le monde indifférent : l’Europe provinciale. Les États-Unis s’occupent davantage de Taïwan que de l’Ukraine. D’après l’auteur cette provincialisation va nous conduire à nous rassembler, parce que c’est notre seule option pour ne pas disparaître et devenir une colonie des autres puissances du monde."


« Diriger un pays comme une entreprise »

Jean-Louis Bourlanges

"Je voudrais faire faire état d’un agacement que j’ai ressenti à plusieurs reprises (et notamment vendredi matin) quand j’entends des chefs d’entreprise — en l’occurrence le président d’une entreprise tout à fait remarquable, Saint-Gobain — dire que les hommes politiques ne sont pas sérieux, qu’ils ne savent pas diriger le pays, qu’il faut prendre modèle sur les chefs d’entreprise. J’en ai par-dessus la tête de ce discours. Je ne dis pas que les dirigeants publics français soient bons, loin de là. Ils sont impuissants, ils sont incapables d’orienter le mouvement, mais ce n’est pas pour rien. Si vous mettez un chef d’entreprise à la place des dirigeants actuels, ça donnera le même résultat. Parce que c’est quelqu’un qui est responsable devant des actionnaires, qui attendent principalement une chose — ce n’est pas le critère unique, mais c’est le critère principal — c’est le profit. Donc le choix est relativement simple en termes normatifs. Les hommes politiques, eux, dépendent d’électeurs qui sont divisés. Et quand on dit que l’homme politique devrait faire preuve de courage, en général, ça veut dire une chose : s’affranchir de ceux qui l’ont élu. C’est quand même un peu paradoxal d’élire des gens et de dire « Ah, je vous élis, et vous n’êtes même pas capables de vous éloigner de moi ». Donc, le problème politique est fondamental, mais n’assimilons pas les fonctions très éminentes et très nécessaires de chef d’entreprise avec celles de dirigeant d’une communauté humaine profondément divisée sur ses valeurs et divisée sur ses orientations."