Les brèves

Journal, janvier-juin 2020

Jean-Louis Bourlanges, créée le 23-06-2024

"D’autre part, j’ai lu le journal qu’a publié Agnès Buzyn. D’un point de vue littéraire (et surtout éditorial), on peut regretter qu’il ait été publié à la va-vite, et contienne beaucoup de répétitions. Il est cependant chargé d’une émotion extraordinaire. Mme Buzyn l’a rédigé pendant la crise de la Covid, et on ne peut que penser à la phrase de Turgot : « notre problème, c’est de prévoir le présent ». Je crois qu’elle a fait ce qu’elle pouvait face à cette crise énorme, dont l’ampleur se dévoilait peu à peu. Et là encore, on prend conscience de l’indignité du sort qui lui a été réservé. Quand une ministre aussi dénuée d’informations que tout un chacun doit réagir face à une crise aussi gigantesque et inédite, on ne peut apprécier son action que sur le mode « capable » ou « non capable ». Ici, on a plutôt privilégié « coupable » ou « non coupable ». On a fait d’elle un bouc émissaire, et ce n’est pas à l’honneur des juridictions ou de la société française. Mais on voulait absolument trouver des coupables puisqu’il y avait des victimes."


Clause de conscience

Richard Werly, créée le 23-06-2024

"Gilles Martin-Chauffier a longtemps été critique littéraire à Paris Match. Il signe ce roman, qui nous fait entrer dans la cuisine des journalistes français, et notamment dans les rédactions quand les journaux sont rachetés par des milliardaires. L’auteur nous montre que quand vous avez quelques dizaines d’années d’expérience de journaliste et que votre publication est rachetée, vous ne pensez plus qu’à une chose : votre clause de conscience, c’est-à-dire l’indemnité que vous pourrez toucher en démissionnant (la clause de conscience est automatique en France, quand un journal change de propriétaire). J’ai trouvé cela très intéressant, l’auteur nous raconte avec une grande candeur la façon dont la plupart des journalistes ne sont que dans le calcul : combien ils peuvent toucher en quittant tel milliardaire avant de rejoindre tel autre … l’essentiel étant de trouver le bon, c’est-à-dire celui qui paiera le mieux. C’est un remake contemporain des Illusions perdues de Balzac, qui nous fait réfléchir au spectacle qu’offrent les médias à un moment où ils ne cessent de juger les politiques."



Projet DÉMOS

Béatrice Giblin, créée le 23-06-2024

"Je vais parler de cette initiative qui m’a réjouie. J’espère qu’en cette période inquiétante il en sera de même pour vous. DÉMOS signifie « Dispositif d’Education Musicale et Orchestrale à vocation Sociale ». Il s’agit de faire découvrir la musique à des enfants entre 7 et 12 ans, venant de milieux défavorisés, qui n’y auraient pas eu accès autrement. DÉMOS leur fait pratiquer un instrument, et le leur prête pendant trois ans. S’ils veulent poursuivre ensuite, ils le garderont. Il y a cinquante orchestres dans toute la France, et plus de 11.000 enfants ont découvert la musique ainsi. Hier, à la Philarmonie, j’en ai entendu plusieurs (dont ceux de Caen et de Marseille), qui donnaient le concert de l’année et c’était formidable. Joyeux, coloré, enthousiasmant, cela rappelait à quel point la musique a un rôle important à jouer pour nous faire vivre ensemble. On peut aider DÉMOS, et je vous encourage à le faire."


Revue Telos

Philippe Meyer, créée le 23-06-2024

"Je vous conseille la revue en ligne Telos, qui publie un article quotidien dont je trouve que la lecture est à la fois agréable et riche, elle ouvre des tas de pistes. Par ailleurs, le galeriste Alexis Nabokov a posté cette citation de Pier Paolo Pasolini sur les réseaux, que je trouve particulièrement pertinente à l’heure actuelle et que je reprends ici : « Il existe aujourd'hui une forme d'antifascisme archéologique qui est en somme un bon prétexte pour se décerner un brevet d'antifascisme réel. Il s'agit d'un antifascisme facile, qui a pour objet et objectif un fascisme archaïque qui n'existe plus et qui n'existera plus jamais. [...] Voilà pourquoi une bonne partie de l'antifascisme d'aujourd'hui ou, du moins, de ce que l'on appelle antifascisme, est soit naïf et stupide, soit prétextuel et de mauvaise foi; en effet, elle combat, ou fait semblant de combattre, un phénomène mort et enterré, archéologique, qui ne peut plus faire peur à personne. C'est, en somme, un antifascisme de tout confort et de tout repos. Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé « la société de consommation », définition qui paraît inoffensive et purement indicative. Il n'en est rien. »"


Portée et limites des nationaux-populistes

Nicole Gnesotto, créée le 16-06-2024

"Je vous ramène à nos angoisses populistes, pour vous signaler la parution de deux documents. Le premier est une étude d’envergure de l’Institut Montaigne, dirigée par Marc Lazar, sortie en avril dernier. Il s’agit d’une comparaison entre les différents mouvements européens. C’est très éclairant, il y a par exemple tous les votes des députés actuels au sujet de l’aide à l’Ukraine. Et il y a une partie prospective, où l’étude essaie de montrer l’influence de ces mouvements sur les futures priorités de l’UE."


Politique étrangère, vol. 89, N°2 - été 2024 - Populismes et relations internationales.

Nicole Gnesotto, créée le 16-06-2024

"Et puis ce numéro de la revue de l’IFRI, dans laquelle j’ai retenu trois papiers. L’un de Jean-Yves Camus, sur la différence entre populisme et extrême-droite, une distinction qu’il est important de savoir faire, un autre d’André Cartapanis sur le bilan des économies populistes dans l’Histoire (qui ont toujours été des échecs), et enfin un article de Lauric Henneton sur Trump et la tentation autoritaire des Etats-Unis à venir."


Exposition « Mexica »

Lionel Zinsou, créée le 16-06-2024

"Pour s’éloigner des angoisses de l’actualité politique européenne, je vous recommande le musée Jacques Chirac du Quai Branly. La qualité de la muséologie française est tout à fait remarquable, elle s’attache ici à faire redécouvrir une civilisation aztèque, celle de la région de Mexico, à travers ses spiritualités, ses emblèmes de pouvoir. Il s’agit d’un travail scientifique récent, puisque c’est juste avant les années 1980 que réapparaissent des ruines de temples et une multitude d’objets, très rarement exposés et donc exceptionnels. Il se trouve que les grands succès de ce musée ont toujours été latino-américains. Cette exposition est indéniablement l’un d’entre eux, et elle est pluridisciplinaire, puisqu’il y a également un travail sur la musicologie … la qualité du travail accompli est vraiment admirable. Jusqu’à début septembre."


Les leçons de la crise syrienne

Jean-Louis Bourlanges, créée le 16-06-2024

"Je vous recommande ce livre de Fabrice Balanche, préfacé de notre ami Gilles Kepel. L’ouvrage est extrêmement fouillé et intéressant, il a nécessité une somme de recherche impressionnante. C’est évidemment le genre de livre qui n’est pas promis à des tirages énormes, mais c’est pourtant un travail important : la description archétypale de l’une des crises fondamentales de cette société moyen-orientale, qui est au cœur de toutes nos inquiétudes et de tous les dangers. "


Les « Carnets » d’Albert Camus

Michel Eltchaninoff, créée le 16-06-2024

"Même si on ne s’en aperçoit pas encore vraiment, l’été approche, et je vous recommande donc une lecture d’été. Il s’agit des carnets d’Albert Camus, apparemment bien connus, mais que je n’ai personnellement découverts qu’il y a quelques semaines. Il s’agit des notes prises par l’écrivain à partir de 1935. C’est très intéressant parce que la chronologie nous fait suivre son cheminement de pensée. Il y a à la fois des brouillons de ses livres, des notes très personnelles (derrière lesquelles on devine beaucoup de passions et d’amours), des notes de lecture, des aphorismes … Au lieu de se disperser entre L’étranger, Le mythe de Sisyphe, La peste, on suit vraiment le fil d’une pensée en train de se faire. On y retrouve les thèmes de l’absurde et de la révolte, mais tout est enchevêtré dans la tragédie intime d’un homme, qui lutte contre la dispersion. Il appelle cela « la chasteté », il cherche une ascèse à laquelle il ne parvient évidemment pas (car c’est un grand amoureux). Il y a aussi de très belles micro-fictions, et une phrase s’applique au contexte actuel : «  le contraire de la réaction, ce n’est pas la révolution, c’est la création »."


Rwama vol.1 : mon enfance en Algérie

Akram Belkaïd, créée le 02-06-2024

"Je vous recommande un roman graphique, signé de Salim Zerrouki. En algérois, le titre Rwama désigne les étrangers, les Européens, les Français. C’est l’histoire des habitants d’un immeuble sur les hauteurs d’Alger, au cœur de la cité sportive, qui compte beaucoup de réalisations d’Oscar Niemeyer. Dans ce bâtiment cohabitent des Algériens, mais aussi des représentants des « pays frères » d’Europe e l’Est. Le roman raconte la dégradation progressive de l’immeuble, qui va de pair avec celle de l’Etat algérien indépendant. Cela montre bien ce qu’ont été les années 1970, avec leur lot d’attentes, d’espoirs, mais aussi d’autoritarisme, pour déboucher sur l’émergence de l’islamisme dans les années 1980, et de ce qui a conduit le pays dans la guerre civile."


Le piège Nord Stream

Jean-Louis Bourlanges, créée le 02-06-2024

"En marge des élections européennes, je vous recommande deux ouvrages très différents. Le premier est ce livre de Marion Van Renterghem, qui est une espèce de roman policier autour de ce qui est cette « aventure follement perverse » de Nord Stream, instrument de la domination de l’Europe occidentale par la Russie de Vladimir Poutine. Il détaille la façon dont quantité d’acteurs (dont du personnel politique éminent, comme François Fillon ou Angela Merkel) ont réagi dans cette affaire. Pour éclairer le soubassement géopolitique de la confrontation avec la Russie, c’est très éclairant. "