Les brèves

Zone de Mort

Philippe Meyer, créée le 12-02-2018

"J’ouvrirai cette séquence des brèves en recommandant un ouvrage de feu Paul Yonnet, le regretté Paul Yonnet. Livre qui s’intitule Zone de mort et qui est préfacé par Jean-Pierre Le Goff. Cela fait 7 ans maintenant que Paul Yonnet, spécialiste des pratiques populaires, du jeu par exemple et du sport, est mort. Un sociologue tout à fait atypique très original, non pas par goût de l’originalité mais par capacité à penser par lui-même. Il y a donc 7 ans que Paul Yonnet est mort et c’est sur la période dans laquelle il a su qu’il allait devoir affronter la mort pour la seconde fois de sa vie mais cette fois-ci la bonne ou la mauvaise comme on voudra que comme l’écrit Jean-Pierre Le Goff : « Paul Yonnet l’expérience limite d’un individu avec sa propre histoire et son rapport au monde ». Mais par delà ce parcours unique et tragique, il dévoile une vérité abrupte qui s’adresse à tous, celle de l’individu confronté à la souffrance et à la mort et d’une société qui fait tout pour les mettre à distance. Ce texte, l’écrit Jean-Pierre Le Goff, est un coup de poing contre ce monde aseptisé, l’envers du décor de l’optimise enjoué des bien-pensants de la postmodernité et des partisans doucereux du suicide assisté. Et c’est édité aux éditions Stock dans la collection Les Essais."


Questions Internationales

Nicole Gnesotto, créée le 12-02-2018

"Moi je vais à l’autre extrême, je vais parler, non pas d’ouvrage savant, mais d’une revue de vulgarisation mais d’excellente vulgarisation sur les questions internationales qui s’appelle justement Questions internationales qui est publié depuis 10 ans par la Documentation française avec comme rédacteur en chef à la fois un diplomate et un professeur d’université Gilles Andréani et Serge Sur. Et c’est une revue formidable je trouve parce que tous les mois elle réunit des articles avec un certain sérieux académique et le plaisir de l’écriture. Le dernier numéro qui vient de sortir c’est sur l’Arabie Saoudite, transformation ou illusion. Il y avait le mois dernier un numéro sur l’avenir de l’Europe, sur Cuba, le numéro sur le désordre mondial du mois d’août. Donc c’est une excellente revue qu’on trouve dans les kiosques et dans les librairies."


Les origines de la France contemporaine

Jean-Louis Bourlanges, créée le 12-02-2018

"On m’a offert pour Noël et je me suis replongé avec délice dans : Les origines de la France contemporaine de Taine. Et je dois dire que Taine fait partie de ces auteurs sur la Révolution Française dont le grand historien Georges Lefebvre, grand historien de gauche de la Révolution et de l’Empire, disait avec cette hypocrisie fondamentale qui caractérise l’historiographie révolutionnaire. Il le disait d’Augustin Cochin, mais il aurait pu le dire de Taine : « Il faut le lire mais il ne faut pas le dire » et effectivement c’est formidable.
Raymond Aron a été en fait à l’origine de la résurrection dans l’opinion publique après la seconde guerre mondiale de Tocqueville, il a imposé Tocqueville. Furet aurait pu faire sur Taine, il s’est manifestement beaucoup inspiré de Taine mais Taine n’a pas encore acquis, retrouvé l’audience malgré le fait qu’il soit édité en bouquin. Moi j’ai eu une édition très ancienne et très sympathique mais c’est formidable, il faut rendre hommage à tous ces grands érudits du XIXe siècle qui ont fait un travail de rigueur d’intelligence absolument incroyable et dont nous devons utiliser beaucoup plus les fruits qu’on ne le fait, savourer les fruits."


Solitude volontaire

Marc-Olivier Padis, créée le 12-02-2018

"J’ai lu cette semaine un essai de philosophie extrêmement bien écrit de Olivier Remaud, ça s’appelle Solitude volontaire chez Albin Michel. L’originalité de cet essai c’est que ce n’est pas un essai conceptuel ou spéculatif sur la solitude et le rapport à la société mais c’est une réflexion sur des exemples de personne qui ont choisi la solitude. Des exemples aussi variés que les explorateurs des pôles mais aussi Glenn Gould, le pianiste qui était un reclus. Et donc en passant d’un exemple à l’autre, il développe toute sa réflexion et il montre que la solitude est une manière de faire société avec les autres."


D'Annunzio le magnifique

François Bujon de L’Estang, créée le 07-02-2018

"Et bien puisque nous remontons le courant de l’Histoire en direction de la guerre de 14 et à travers la bataille d’Essling. Moi je m’arrête un peu à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème pour vous recommander une biographie de Gabriele d’Annunzio, intitulée Gabriele d’Annunzio, le magnifique, publiée aux éditions Grasset par notre ami Maurizio Serra qui fut l’ambassadeur de l’Italie à l’UNESCO et à qui nous devons déjà un certain nombre de livres et notamment deux autres grandes biographies sur des hommes de plume italiens qui ont marqué le 20ème siècle. Son livre sur D’Annunzio clôture une trilogie qu’il avait commencée avec une biographie sur Malaparte, continuée avec une très intéressante biographie sur Italo Svevo et qui se conclue maintenant par cette grosse mais très lisible biographie sur Gabriele D’Annunzio. Personnage baroque, outré et invraisemblable, le dernier Don Juan qui enjambe le 19ème et le 20ème siècle, on oublie qu’il avait déjà 50 ans au moment de l’Affaire de Fiume, par exemple. Cet aviateur poète séducteur s’est ensuite effacé pendant le fascisme mais sa germanophobie l’a rendu un peu fréquentable aux yeux de Mussolini, il est mort en 1938 mais sa vie est un roman et Maurizio Serra la décrit avec beaucoup de verve et de façon très intéressante."


Phantom et Quobuz

Philippe Meyer, créée le 05-02-2018

"Il se trouve que pour Noël j’ai reçu un Phantom, le Phantom c’est quelque chose qui est fabriqué par la maison Devialet, qui est une enceinte qui se branche sur des ordinateurs ou des smartphones et dont la qualité sonore est absolument extraordinaire, le tout sur un tout petit volume. Grosso modo je ne comprends pas grand chose à la technique mais c’est la puissance du numérique avec la qualité, la finesse de l’analogique. Ce Phantom, que j’ai transporté dans ma maison dans le Massif central, a été la joie de mes vacances de Noël.
Il a été deux fois, la joie de mes vacances de Noël parce que j’ai découvert un site de musique de streaming qui s’appelle Quobuz et je l’ai trouvé infiniment meilleur que tout les autres que j’avais essayé parce que la qualité sonore, parce que la diversité de l’offre est considérable parce qu’en plus la plupart des enregistrements qu’on peut entendre est accompagnée de livrets qui vont avec et que donc on trouve des tas de renseignements. On est pas voué à une consommation passive et un peu bêtasse. Ces deux outils sont pour moi source d’une volupté considérable. Ca n’est pas donné ni dans un cas ni dans l’autre mais enfin le jour où on décide de casser sa tirelire soit pour soi-même soit pour faire un cadeau, on en est absolument récompensé."


Louise Lannes duchesse de Montebello et Comment naquit la guerre de 14

Jean-Louis Bourlanges, créée le 05-02-2018

"Moi j’ai profité des moments dits de ‘trêve des confiseurs’ pour reprendre quelques livres d’Histoire. D’abord, j’ai lu une biographie qui était fondée sur un fond d’archives familiales, qui est la biographie de Louise Lannes, duchesse de Montebello, qui faisait partie de ces maréchales éternelles. Les maréchaux meurent et les vrais maréchaux ce sont les femmes des maréchaux, qui restent éternellement. Un livre qui est du à la plume de Régis de Crépy et l’épopée napoléonienne côté femme. Louise Lannes est intéressante puisqu’elle représente ce lien qui est très compliqué à analyser mais fondamental dans notre histoire politique, entre le bonapartisme, l’épopée impériale, et elle a été très profondément libérale, elle a contribué à la création du Globe comme le général Foy, c’est comme un ensemble de gens qui ont glissé du bonapartisme au libéralisme et pour moi, pour nous, en tout cas, il y a une incompatibilité profonde entre le jacobinisme militaire de Napoléon et le libéralisme à la Benjamin Constant, même si Benjamin Constant a écrit L’acte additionnel aux constitutions de l’empire mais on voit bien ces transitions et donc c’est une personne, de ce point de vue là, intéressante.
Le deuxième livre que j’ai lu c’est un livre d’Alfred Fabre-Luce Comment naquit la guerre de 14 ? qui est la reprise des grands ouvrages qu’avaient écrit Fabre-Luce dès les années 20, de remise en cause de l’interprétation officielle de la première guerre mondiale. C’est soutenu par une préface extrêmement documentée de Georges-Henry Soutou, c’est remarquablement écrit, remarquablement intelligent, c’était une prise de position extrêmement courageuse de la part d’Alfred Fabre-Luce. Je ne suis pas entièrement d’accord avec lui. Je crois qu’il a raison de souligner les responsabilités russes dans le déclenchement de la première guerre mondiale, je pense malgré toute et toujours, la littérature qui entoure aujourd’hui la Première Guerre mondiale qui remet un peu en cause la vision à la Renouvin, que la responsabilité de l’état major allemand et de la politique allemande est décisif quand ils envoient le télégramme, quand ils rédigent quasiment le télégramme d’ultimatum des autrichiens, je pense que les allemands sont déterminés à faire la guerre alors que les autres sont prêts à faire la guerre. J’ai une incertitude sur les russes. Mais enfin malgré tout c’est une remise en cause de tous les bobards officiels, de toutes les déformations et c’est magnifiquement écrit, je crois que c’est un livre qui mérite d’être lu."


Où atterrir : Comment s’orienter en politique ?

Béatrice Giblin, créée le 05-02-2018

"Moi c’est un petit livre qui est sorti aux éditions La découverte qui est écrit par Bruno Latour. Bruno Latour est quelqu’un qui se préoccupe beaucoup de la question écologique, je dirai que c’est un philosophe avec une sensibilité très forte et très ancienne sur ces questions là. Ca s’appelle Où atterrir : Comment s’orienter en politique ? et son hypothèse est de dire qu’en fait il y a un lien entre la dérégulation qu’on connaît depuis les années 90 et qui va s’accélérant, entre l’augmentation des inégalités et l’importance de ces inégalités qui se creusent avec les risques que cela peut faire poser. Un troisième élément qui est la montée des populismes où au fond on essaye de se protéger en revenant à un petit chez soi face à une dérégulation du monde et que tout ceci est lié à ce qu’il appelle : le Nouveau Climat. Et pas seulement « climat » au sens géographique du terme. Un climat avec un sens beaucoup plus large, un environnement dans lequel évolue désormais les sociétés. Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’il y a à l’intérieur de la réflexion de Bruno Latour mais je pense quand même que c’est un ouvrage qui peut permettre de réfléchir et de débattre sur des questions essentielles"


Revue America

François Bujon de L’Estang, créée le 29-01-2018

"Moi je voulais saluer la sortie du quatrième numéro en décembre de la revue America. Cette singulière revue éditée par François Busnel et le 1 qui est sous-titrée « l’Amérique comme vous ne l’avez jamais lue» et qui, comme vous le savez, a quatre numéros par an et se propose de paraître pendant les quatre ans de la présidence Trump. En réalité, cette revue continue d’être extrêmement intéressante et favorise d’ailleurs un regard qui est davantage littéraire et sociologique que proprement politique sur l’Amérique d’aujourd’hui. Le numéro 4 donc celui qui vient de sortir est particulièrement intéressant on y trouve une remarquable interview de Paul Auster qui est longue et fournie et qui donne tout à fait envie, ce que je vais faire incessamment, de lire son dernier roman qui s’appelle 4, 3, 2, 1 mais il y a aussi un article de Stephen King sur la violence en Amérique, sur le problème des armes à feu etc. Il y a aussi un très intéressant article et une interview de Tom Wolf. Nous trouvons là véritablement une revue de qualité sur l’Amérique d’aujourd’hui peut-être pas « comme vous l’avez jamais lue » mais comme il est agréable de la lire"


Evremond De Bérard

Philippe Meyer, créée le 01-02-2018

"François Sureau : Un élément nécrologique puis une recommandation. L’élément nécrologique c’est que le plus grand écrivain français depuis une quarantaine d’année est mort hier dans l’indifférence générale : Guy Dupré. Qui est l’auteur de Les fiancées sont froides, du Grand Coucher et des manœuvres d’Automne. Disparition qui a d’ailleurs été remarquablement saluée par le président de la République, ça fait plaisir de temps à autre quand on voit les platitudes auxquelles les discours officiels nous ont habitué sur le départ des grands écrivains, c’est assez frappant. Et Guy Dupré, j’engage tous nos auditeurs à trouver ses livres, c’est un personnage tout à fait étonnant, moitié japonais, moitié français, dont l’œuvre se situe aux confluents de Maurice Barrès et d’André Breton ce qui est quand même une gageure. Dans une phrase absolument magnifique avec une part énorme de l’incertitude et de la douleur française au travers des deux guerres mondiales, Guy Dupré était un auteur absolument exceptionnel.
Deuxième chose, il faut voyager et moi j’aime beaucoup les peintres voyageurs, vous savez comme les peintres de marine, et on publie ces jours-ci les œuvres complètes, l’œuvre picturale, c’est un petit livre d’art qui coûte pas cher, d’Evremond de Bérard qui a exploré un très grand nombre de pays. Il est né en 1822, il est mort en 1880 et l’essentiel de sa production c’est 1850-1860. Il y a des aquarelles et des gouaches de ses voyages en Perse, en Egypte en particulier qui sont d’une intelligence ethnologique et sensible absolument remarquable."


Le marxisme introuvable

Marc-Olivier Padis, créée le 31-01-2018

" Je voudrais saluer la mémoire d’un historien récemment disparu Daniel Lindenberg, qui a travaillé longtemps à la revue Esprits. Il a été célèbre pour la querelle des nouveaux réactionnaires il y a quelques années. Une querelle dans laquelle il tenait un rôle à contre-emploi, non pas sur le fond, non pas qu’il ait défendu des idées qui n’étaient pas les siennes mais en raison du rôle qu’il a été amené à tenir. Notamment dans le cadre d’une querelle très médiatisée parce qu’il n’avait pas du tout l’humeur d’un polémiste même si il aimait les controverses intellectuelles, il n’y avait jamais aucune méchanceté dans ses propos et ses écrits et plutôt que de reparler de ce livre, je voudrais juste citer deux livres dans sa production qui sont pour moi les deux livres les plus importants et qui restent très intéressants à lire aujourd’hui, c’est : Le marxisme introuvable. Un livre qui rappelait toute la richesse de la gauche non-marxiste. Et puis un livre plus personnel qui s’intitule Figures d’Israël et qui est une description des courants idéologiques du franco-judaïsme et dans lequel il défendait l’idée dans le fond, de la créativité culturelle de la diaspora juive. Daniel Lindenberg était quelqu’un qui n’était pas sioniste justement il croyait plutôt à la créativité de la diaspora et ce livre en est une belle illustration."


L'infini va bientôt finir

Philippe Meyer, créée le 21-01-2018

"Je recommanderai le livre les poèmes que Jean Pérol a rassemblés sous le titre L’Infini va bientôt finir (Editions La Rumeur libre). De la poésie de Pérol, Alain Jouffroy a écrit « elle atteinte plein fouet la cible ratée par tant de narcissiques du langage-pour-le-langage ».
Je vous en propose « Autres amours » :
ça mâchait du micron-ondake
le soir devant la télé
et pensait dur micro-pensable
sur le canapé des coeurs affalés
tapotait du micro-tweetable
pour des tweets sur des écrans bleus
ça broyait du micro-vivable
dans le lit sans pouvoir dormir
ça baisait du micro-baisable
En suivant les cours du comment jouir "