Les brèves

De l'ardeur, Histoire de Razan Zaitouneh, avocate syrienne

Marc-Olivier Padis, créée le 09-01-2018

"Parmi les livres de la rentrée de cet automne j’ai lu le livre de Justine Augier, paru chez Actes Sud, qui s’appelle De l’ardeur, qui est une enquête sur une militante syrienne des droits de l’homme, avocate, Razan Zaitouneh. C’est une histoire assez triste puisqu’elle a fait partie des premières à se mobiliser dans les grandes manifestations contre le pouvoir syrien, et elle a été arrêtée, torturée, exécutée. Cette enquête en même temps donne un visage à cette opposition démocratique syrienne qu’on aurait bien aimé voir prendre plus de force. L’ensemble de ce récit n’est que plus amer aujourd’hui quand on voit le débouché de cette guerre."


L’art du pastel de Degas à Redon

Nicole Gnesotto, créée le 09-01-2018

"Moi je voudrais vous recommander d’aller voir l’exposition sur l’art du pastel, au Petit Palais, intitulée : « L’art du pastel de Degas à Redon » et que vous pourrez voir jusqu’au 18 avril 2018. D’abord parce que le Petit Palais je trouve c’est un musée absolument magnifique, trop souvent oublié, parfois désert, qui a des collections permanentes superbes, qui a un joli petit jardin exotique intérieur, absolument superbe. Et là il se trouve que le Petit Palais a sorti de ses collections 150 des 200 pastels qu’il possède et où on découvre que le pastel n’est pas du tout un art mineur, que c’est une technique extraordinaire entre le dessin et la peinture, avec des œuvres sublimes que moi j’ai totalement découvertes, je ne connaissais absolument rien de tous les artistes qui sont présentés, et c’est vraiment une très très belle exposition."


Fille de révolutionnaires

Jean-Louis Bourlanges, créée le 08-01-2018

"Je voudrais recommander un livre que je n’ai pas terminé mais je me suis lancé dedans avec un immense plaisir. Le livre de Laurence Debray, la fille de Régis Debray, Fille de révolutionnaires. Je trouve ce livre absolument fantastique, parce que moi j’ai pour Régis Debray une opinion complètement ambivalente. D’un côté je trouve que son engagement politique, qui a été courageux, est quand même un engagement d’adolescent. Il est depuis toujours, c’est une espèce d’éternel adolescent dans son culte de la révolution. Et d’autre part c’est un homme qui a énormément de talent, un bonheur d’écriture extraordinaire, et qui est dans la conversation, sympathique, plein d’humour, plein de distance. C’est un vieux sage quand on parle, et c’est un jeune adolescent éperdu de révolution quand il rêve. Et là Laurence Debray est vraiment à la charnière des deux. On montre ce que c’est qu’une petite fille et une jeune fille mêlées à cette histoire révolutionnaire extravagante, avec elle beaucoup d’humour, beaucoup de bon sens, beaucoup de tendresse. On trouve toute cette ambivalence, c’est vraiment très rafraîchissant, et ça donne le sentiment que Debray est quand même bien meilleur quand il écrit de jolies choses, que quand il s’engage dans des combats absolument impossibles pour la révolution, et que sa fille a pris le meilleur de lui-même."


Les Vaincus, Violences et guerres civiles sur les décombres des empires, 1917-1923

François Bujon de L’Estang, créée le 09-01-2018

"Je vous ramène à de plus dures réalités historiques hélas en vous recommandant la lecture d’un livre qui s’appelle Les Vaincus, qui vient d’être publié en français aux éditions du Seuil et qui est écrit par un professeur à l’University College de Dublin qui s’appelle Robert Gewarth. C’est un livre passionnant dans lequel je suis pour l’instant englouti, sur les années 1918 à 1923 en Europe, c’est-à-dire les suites de la Première Guerre mondiale et les conséquences de l’effondrement des empires, de l’Empire austro-hongrois, de l’Empire allemand. On oublie presque que ces années, entre la guerre d’indépendance polonaise, la guerre gréco-turque, la guerre d’Orient qui se prolongeait aux confins de la Bulgarie, ou les spartakistes à Berlin et Bela Kun en Hongrie, a été une période aussi – et je n’oublie pas l’Irlande – sanglante presque, que la période des quatre années de la Première Guerre mondiale. Le livre est tout à fait passionnant et se lit comme un roman policier."


De la démocratie en France, République, nation, laïcité

Nicolas Baverez, créée le 08-01-2018

"Je souhaite recommander le livre de Dominique Schnapper : De la démocratie en France, République, nation, laïcité. En ces temps de polémiques furieuses sur l’islam, l’islamophobie, ce livre est très intéressant parce qu’il explique et analyse les rapports entre la citoyenneté, la république, et les religions (pas seulement l’islam mais aussi le judaïsme et le catholicisme). Il s’interroge sur l’échec du modèle républicain et sur ce que pourraient être des politiques multiculturelles. Il y a deux choses qui me paraissent importantes : d’abord c’est un livre qui aborde tout cela du point de vue de la connaissance sociologique, et pas seulement du point de vue du choc d’opinions furieuses. Et ensuite c’est un livre qui rappelle l’importance des institutions, et c’est vrai que dans un moment où les démocraties sont très chahutées, les institutions sont imparfaites mais elles sont extrêmement importantes pour la survie de la liberté."


Continental films

Philippe Meyer, créée le 08-01-2018

"Je recommande la lecture d’un livre publié par une vaillante petite maison d’édition cinéphile, pas seulement cinéphile mais très cinéphile, ce sont les éditions de La Tour Verte. Le livre est signé de Christine Leteux et il s’intitule Continental films. C’est donc un livre d’histoire sur cette firme allemande installée à Paris dirigée par Alfred Greven et qui a eu un rôle déterminant dans la production cinématographique pendant l’occupation, et qui a entre autres fait travaillée avec des gens comme Jean-Paul Le Chanois, comme Richard Pottier, comme Henri George Clouzot, Maurice Tourneur, et un certain nombre d’autres. Et c’est autour de cette Continental films que Christine Leteux fait une enquête méthodique qui permet de savoir qui a vraiment fait quoi, et comment. A l’intérieur de cette firme allemande, il y a eu d’un côté une volonté hégémonique allemande, mais de l’autre côté énormément de petites initiatives, qui ont fait en sorte que cette endroit soit un endroit où on fasse essentiellement des films, et surtout pas de la propagande. Christine Leteux ne dissimule ni qu’il y avait des salauds, ni qu’il y avait des profiteurs, ni qu’il y avait des imbéciles, ni qu’il n’y avait peu de juifs (quoique, comme Le Chanois, et aussi la manière dont un certains nombre d’entre eux ont été protégés par ceux qui étaient employés par la Continental). Et aussi elle examine un certain nombre de dossiers qui ont été jugés sans qu’il y ait eu une instruction ni à charge ni à décharge, ou plus exactement seulement à charge, notamment l’histoire du fameux voyages des 8 à Berlin : ils étaient 7 comédiens et 1 journaliste et en réalité on s’aperçoit que par exemple, Danielle Darrieux n’y est allée, que parce qu’elle a obtenu en échange de pouvoir voir son fiancé qui était dans un camp d’internement, que tel autre n’y est allé que parce qu’on lui avait dit que s’il n’y allait pas, on allait ressortir le livre antinazis qu’il avait publié avant la guerre et qu’il allait faire autre chose que du cinéma, … bref le seul qui était un collaborateur enthousiaste, c’était le journaliste qui les accompagnait, et tous les autres y sont allés en marche arrière, et c’est très intéressant. Sauf peut-être Susie Delair, qui va avoir 100 ans bientôt, mais on se demande si ce n’est pas parce qu’elle avait quand même Ein Ziegel in seinem Kopf, un pois chiche à l’intérieur du crâne. Quelque soit ces qualités d’actrices que l’on vient de pouvoir admirer de nouveau dans la rediffusion de Quai des Orfèvres, dans la version restaurée par Arte qui était vraiment une splendeur. Voilà donc Christine Leteux, Continental films, aux éditions de La Tour Verte."


Blog L’Autofictif, Eric Chevillard

Marc-Olivier Padis, créée le 21-12-2017

"Je voudrais parler cette semaine d’un écrivain, Eric Chevillard, qui avait une chronique dans Le Monde des livres, que je lisais chaque semaine avec beaucoup de plaisir notamment quand il avait une plume très sévère, il excellait. Malheureusement Eric Chevillard a arrêté sa chronique dans Le Monde des livres, mais on peut le retrouver sur son blog sur internet, il a un blog qui s’appelle l’Autofictif et sur lequel chaque jour il publie trois pensées très brèves, qui sont toujours charmantes ou très fantaisistes, il écrit par exemple « On me demande souvent si je sais comment finira le roman dont j'entreprends l'écriture, alors que je suis déjà extrêmement surpris par la façon dont il commence.», ou dans un style plus britannique d’humour absurde il écrit « Un homme en habit noir s'engagea derrière moi dans la porte tambour de l'hôtel et, bien évidemment, quand j'en sortis, ma veste blanche était grise.» Donc ‘est tout à fait charmant. Je vous recommande Eric Chevillard, l’Autofictif."


Time to Philo

Philippe Meyer, créée le 21-12-2017

"Je recommande un livre de Gaspard Koenig, publié chez Larousse, Time to Philo, sous-titré Notre monde vu par la philosophie. Pourquoi est-ce que la lecture de Tocqueville est intéressante pour comprendre le Front National, pourquoi est-ce que la question de la corruption peut être de manière intéressante traitée à la fois en lisant la Fable des abeilles de Mandeville et en même temps Kant, comment à partir de l’histoire d’Erostrate qui laissa un nom dans l’histoire comme incendiaire et profanateur, comment nous pouvons réfléchir à la manière dont nous parlons du terrorisme, et comment nous gardons le nom de celui qui a assassiné ces enfants juifs à Toulouse, que je ne prononce pas exprès, et non pas le nom des martyrs c’est à dire ces enfants et ces parents juifs. Tout cela est très brièvement, rapidement, de manière extrêmement vive illustré par le livre de Gaspard Koenig qui navigue d’un philosophe à l’autre et qui à mon avis donne le goût de la lecture en même temps qu’il alimente la réflexion."


Souvenirs dormants

Nicole Gnesotto, créée le 21-12-2017

"C’est la saison des prix littéraires donc je vais partager avec vous un moment de pure littérature qui est le dernier ouvrage de Patrick Modiano, Souvenirs dormants, paru en octobre chez Gallimard. C’est comme d’habitude une errance dans le souvenir entre six femmes rencontrées dans le Paris des années 60 par Jean le narrateur qui est un jeune homme solitaire, amoureux des errances nocturnes dans Paris si possible avec une valise noire dont on ne sait pas si elle est vide ou pleine. Bref, il ne se passe strictement rien, il n’y a rien à raconter, il n’y a même pas la restitution de l’intégralité des souvenirs, mais c’est un pur moment de plaisir et de grande nostalgie des amours passés."


La Corée du Nord en 100 questions

François Bujon de L’Estang, créée le 21-12-2017

"Philippe vous savez avec quel enthousiasme et quel zèle je suis les traces de M. Trump où qu’il aille. Il est ces temps-ci en Asie, en tournée, et nous en parlerons la semaine prochaine puisque son voyage n’est pas terminé. Je voulais donc vous recommander un petit livre sans grandes prétentions, publié chez Tallandier par Juliette Morillot et Dorian Malovic, qui s’appelle La Corée du Nord en 100 questions. Il examine de façon très méticuleuse les différentes composantes de l’énigme nord-coréenne en analysant à la fois son histoire, son économie, sa société. Et je trouve très intéressantes les informations qu’il contient mais le fait qu’au fond les deux auteurs calent un peu lorsqu’il s’agit d’expliquer l’ardeur avec laquelle la Corée du Nord poursuit son programme nucléaire militaire. Ils donnent deux ou trois explications mais ils hésitent devant cette conclusion qui me paraît pourtant évidente qui est que la Corée du Nord va de l’avant dans ce domaine simplement pour assurer sa propre survie et la survie de sa dynastie."


Le nouveau pouvoir, Régis Debray

Jean-Louis Bourlanges, créée le 21-12-2017

"Je voulais et je veux toujours vous présenter le livre de Régis Debray, Le nouveau pouvoir, qui est une espèce de réflexion sur ce que représente le macronisme. Alors il y a toute une théorie selon laquelle c’est du neoprotestantisme, c’est un livre intéressant qui montre bien à quel point les gens de ma génération sont complètement décalés par rapport au macronisme mais au bout du compte et c’est un peu désobligeant pour Régis Debray, je trouve que ce qui résume le mieux le livre c’est encore la citation de Paul Valéry qu’il fait au début et qui dit ceci : ”La vie moderne tend à nous épargner l’effort intellectuel comme elle fait de l’effort physique. Elle remplace, par exemple, l’imagination par les images, les raisonnements par les symboles et les écritures, ou par des mécaniques ; et souvent par rien. Elle nous offre toutes les facilités, et tous les moyens courts d’arriver au but sans avoir à faire le chemin. Et ceci est excellent : mais ceci est assez dangereux.”. Je trouve que Paul Valéry a tout dit, et Régis Debray le dit mieux encore."


Le Nouveau Mal français

Jean-Louis Bourlanges, créée le 21-12-2017

"Je voulais citer le livre de Sophie Coignard, Le Nouveau Mal français. Sophie Coignard est une très bonne journaliste qui s’est lancée sur les traces d’Alain Peyrefitte, « parlez, écrivez, agissez » écrivait Alain Peyrefitte et elle le cite, et elle essaye de réactualiser le mal français d’Alain Peyrefitte. Je dois dire que j’ai lu avec beaucoup d’intérêt mais j’ai le même sentiment que j’avais quand j’ai lu le livre d’Alain Peyrefitte, c’est qu’au bout du compte il reste pour moi une énigme ce mal français. Car en réalité tous ces livres ont en commun de focaliser tout un ensemble de causes dont aucune ne me paraît en soi satisfaisante : l’incompétence des députés, la centralisation des hauts fonctionnaires, les corporatismes, un certain nombre de vices moraux du pays qui sont l’immobilisme, la défiance, l’égoïsme, des défauts idéologiques comme la manie réglementariste, je trouve que tout cela existe, tout cela est vrai mais tout cela ne nous permet pas, et ce n’est pas pour rien que l’on bégaye en France depuis tant de décennies sur les réformes à opérer, en dépit des livres extrêmement brillants, savants et énergiques de Nicolas, tout cela ne nous éclaire pas sur le levier, sur la façon dont il faut régler la chose. Nous sommes un vieux pays d’Etat, effectivement dominé par le sommet, et à mon avis ce n’est pas dans une révolution totale qu’on peut arriver à faire évoluer la chose, mais c’est dans un processus réformateur dont je continue à penser qu’il n’est pas étudié de façon raisonnable, précise, méthodique, réaliste, par l’ensemble de ceux qui nous dirigent, je ne parle pas seulement des hommes politiques, mais de l’ensemble des responsables sociaux, économiques, administratifs et politiques. Je trouve que d’abord nous ne sommes pas assez modestes et appliqués, à essayer de voir ce qui exactement ne marche pas, et cela nous donne donc une espèce d’accumulation de tous nos échecs, accumulation vertigineuse et désespérante."