Les brèves

Quel avenir pour la dissuasion nucléaire ?

Nicole Gnesotto, créée le 26-02-2023

"Mon conseil de lecture concerne la dissuasion nucléaire, un aspect très particulier de la guerre en Ukraine, à propos duquel on se rend compte que les gens sont souvent très mal informés. On entend des choses un peu surréalistes sur ce qu’est la dissuasion nucléaire, ou sur ce que pourrait être l’emploi de l’arme atomique. C’est pourquoi ce tout petit ouvrage sera si précieux. Il est paru en octobre dernier, et il est signé de Bruno Tertrais, le meilleur spécialiste français (voire européen) de la dissuasion nucléaire. C’est un très long article, ou un livre très court, qui est accessible gratuitement en ligne. Tout y est : les différents concepts, l’historique, les débats et surtout les questions pour l’avenir. En particulier celle de la moralité de la dissuasion ou de l’emploi de l’arme nucléaire, mais aussi la prolifération iranienne comparée à celle d’Israël, la spécificité de l’arme nucléaire française, l’échec de la dissuasion en Ukraine. Une lecture extrêmement pédagogique et très éclairante. "


The Fabelmans

Nicolas Baverez, créée le 26-02-2023

"J’ai trouvé le dernier film de Steven Spielberg très réussi. Il est très personnel puisqu’il raconte l’enfance d’un futur cinéaste. Comment sa passion et sa curiosité sont inspirés par une scène de film qu’il s’efforce de reproduire chez lui (un accident ferroviaire), et aussi par sa vie familiale, avec la séparation de ses parents. Spielberg parvient à nous montrer comment le cinéma peut parfois être plus vrai que la réalité. "


Faith Ringgold

Lucile Schmid, créée le 26-02-2023

"Je vous conseille d’aller voir l’exposition de Faith Ringgold au Musée Picasso, à Paris. C’est la première rétrospective française de cette peintre américaine, qui a accompagné le mouvement des Black Panthers. Pour des raisons d’espace, il n’y a qu’une cinquantaine d’œuvres, mais elles sont remarquables. Faith Ringgold se forme aux arts à New York à une époque où les femmes n’en ont pas le droit. Elle apprend donc en travaillant directement avec des peintres. C’est un voyage à travers l’Europe, notamment en Italie et en France, qui va lui permettre de prendre son envol. Il y a des tableaux très figuratifs, puis son travail évolue vers des œuvres beaucoup plus composites, dans lesquelles elle assemble des matériaux divers. Une série la met en scène dans le Paris des années 1930. Pour cette artiste, la question noire a toujours été liée à la question de l‘émancipation féminine. Faith Ringgold a aujourd’hui 92 ans, et dit : « je ne peux pas penser aujourd’hui à une période plus libératrice dans ma vie que les années 1960. C’est alors que j’ai appris à porter mes cheveux au naturel. Plus de peigne chaud dans mes cheveux. Black is beautiful. Black pride and Black power en un seul geste ». Je trouve extraordinaire la façon dont elle se réfère à son corps pour porter cette ambition artistique et politique. "


L’appel de la tribu

Nicolas Baverez, créée le 26-02-2023

"Dans notre conversation d’aujourd’hui, Richard Werly s’est demandé où trouver une droite intelligente. Nous avons désormais bien compris qu’il est inutile de la chercher dans la vie politique française, on sera sans doute mieux inspiré de lire ce livre de Mario Vargas Llosa. Il s’agit d’une autobiographie intellectuelle, où l’on croise le panthéon personnel de l’auteur. On suit la façon dont il est passé du marxisme au libéralisme, accompagné de sept penseurs d’envergure. Adam Smith, José Ortega y Gasset, Friedrich von Hayek, Karl Popper, Isaiah Berlin, et deux Français : Raymond Aron et Jean-François Revel. "


Les dimanches de Jean Dézert

Philippe Meyer, créée le 26-02-2023

"Je voudrais signaler la parution aux éditions Finitude du seul roman de Jean de La Ville de Mirmont, mort dans les premières semaines de la première guerre mondiale, dont le nom nous est un peu connu comme poète, auteur du recueil posthume L’Horizon chimérique qui inspira Gabriel Fauré et Julien Clerc. Vaisseaux, nous vous aurons aimés en pure perte / Le dernier de vous tous est parti sur la mer / Le couchant emporta tant de voiles ouvertes / Que ce port et mon cœur sont à jamais déserts / La mer vous a rendus à votre destinée / Au-delà du rivage où s'arrêtent nos pas / Nous ne pouvions garder vos âmes enchaînées / Il vous faut des lointains que je ne connais pas /Je suis de ceux dont les désirs sont sur la terre / Le souffle qui vous grise emplit mon cœur d'effroi / Mais votre appel, au fond des soirs, me désespère / Car j'ai de grands départs inassouvis en moi. / Le Roman de Jean de La Ville de Mirmont, Les dimanches de Jean Dézert a pour héros un « figurant de la vie », un être naïf et conformiste qui n’a aucun départ inassouvi en lu, Un employé au ministère de l'encouragement ou bien direction du matériel. Au bureau comme dans la vie il ressemble nous dit l'auteur à ses choristes des théâtres d'opéras qui tout en songeant à leurs affaires personnelles ouvre la bouche en même temps que les autres pour avoir l'air de chanter avec eux. Cyril Piroux, dont la thèse porte sur « la figure littéraire du rond de cuir » parle à propos des dimanches de Jean Dézert, de l’art de faire un livre sur presque rien. Jean de La Ville de Mirmont maîtrise cet art doux-amer et les spirituelles illustrations que Christian Calleaux a réalisées pour cette édition ont la même saveur."


Hiver 1812 : retraite de Russie

Richard Werly, créée le 26-02-2023

"Puisque nous célébrons cette semaine le triste anniversaire de l’invasion russe de l’Ukraine, je vous recommande ce livre, dans lequel Michel Bernard nous fait vivre les campagnes napoléoniennes « de l’intérieur », par des journaux de soldats par exemple. Le récit de ce face-à-face entre la vision « occidentale » de Napoléon et ce mur russe de l’empire tsariste. En septembre 1812, Napoléon va vers Moscou. « Mais où commençait l’Est, où commençait l’Ouest ? Et que faire de la Pologne ? Les Anglais n’avaient guère eu besoin de manœuvrer. Les Russes, battus deux fois, à Austerlitz puis à Friedland, momentanément résignés, avaient souscrit à la paix napoléonienne par nécessité, sans conviction. Les inquiétaient la renaissance éventuelle d’un Etat polonais ragaillardi, sous l’aile française et le coût du blocus continental pour leur fragile économie. Tout en s’étonnant, avec une fausse candeur, des protestations et mises en garde de ses partenaires, la Russie incorporait de nouveaux contingents de soldats, les équipait et concentrait ses divisions. La guerre couvait ». Aujourd’hui, si vous remplacez « Pologne » par « Ukraine », tout y est. "


Hommage à Daniel Defert

Philippe Meyer, créée le 19-02-2023

"Un mot également pour rendre hommage à Daniel Defert, qui vient de mourir. Il fut la cheville ouvrière de tout ce qui s’est mis en place pour assister les patients atteints du Sida, dans l’idée de rompre avec un comportement très ancré dans la médecine, consistant à considérer que le malade n’est pas un acteur de sa maladie et qu’il n’a qu’à faire ce qu’on lui dit quand on le lui dit. Ce fut particulièrement vrai avec les malades du Sida. Daniel Defert était maoïste, et avait puisé dans cette idéologie l’idée que le peuple était capable de s’emparer de ses problèmes pour participer à leur résolution. En outre, malgré son engagement profond et constant, il était doté d’une légèreté, d’une malice et d’une drôlerie qui le rendaient particulièrement attachant."


L’encre en mouvement

Isabelle de Gaulmyn, créée le 19-02-2023

"Puisque nous avons parlé de la Chine, j’invite tous les Parisiens à se rendre au musée Cernuschi. D’abord parce que le musée est très beau, mais aussi parce qu’en ce moment ils pourront y voir une très belle exposition sur la peinture chinoise du XXème siècle. C’est passionnant, car on voit bien comment les artistes chinois ont réussi à absorber et restituer dans une tradition chinoise des influences japonaises mais aussi occidentales. Il y a des choses merveilleuses et très fines, pour ma part j’ai préféré tout ce qui précède 1949, mais il y a de quoi faire le bonheur de tous."


Russie : un vertige de puissance 1986-2023

Béatrice Giblin, créée le 19-02-2023

"Je viens de recevoir cet ouvrage de Jean Radvanyi. Il s’agit d’une analyse critique et cartographique. Jean Radvanyi est géographe, c’est aussi un excellent connaisseur de l’Union soviétique, du Caucase, et des espaces post-soviétiques. C’est un très bon ouvrage de géopolitique, dans lequel il reconstitue l’engrenage des évènements qui ont conduit à la guerre en Ukraine. Il part de la catastrophe d’aujourd’hui, et remonte en arrière. Les chapitres sont synthétiques, la cartographie est excellente, très claire et facile à suivre. Très éclairant."


Profession fripouille

Philippe Meyer, créée le 19-02-2023

"Je voudrais recommander les mémoires du comédien Georges Sanders, Profession fripouille, paru ou plutôt reparu, aux éditions Séguier dans la remarquable traduction et avec la postface instructive de Romain Slocombe. George Sanders est connu pour un rôle qui lui valut l'Oscar dans All about Eve de Joseph Mankiewicz, celui du cynique et machiavélique critique de théâtre Adison DeWitt. On se souvient que la distribution de ce film qui remporta six Oscars et fut un total insuccès avant de devenir un film culte regroupait Bette Davis, Anne Baxter, Celeste Holm et une débutante dénommée Marilyn Monroe. La vie de George Sanders, qu'il raconte avec une légèreté et un humour délicieux peut être qualifiée de romanesque. Né à Saint-Pétersbourg où il passa son enfance avant que la révolution ne chasse sa famille, élevé en Grande-Bretagne, où il fut la croix plutôt que la bannière de différents collèges, cherchant fortune en Argentine en jetant par-dessus la carlingue d'un avion des petits parachutes publicitaires pour une marque de cigarettes, établi provisoirement au Chili, figurant de cinéma à son retour au Royaume-Uni, vedette à l'insu de son plein gré, marié 5 fois dont une à Zsa Zsa Gabor, il n'est pas un épisode de son existence qu'il ne raconte avec une distance amusée et fort amusante. Il n'en devait pas moins mettre volontairement un terme à son existence après avoir joué dans une considérable quantité de navets en laissant ces mots : « Je m’en vais parce que je m’ennuie. ». Dans ses mémoires, il décrit et explique un comportement qui ne lassait pas d’étonner ses contemporains : « Peut-être comprendra-t-on mieux, mon étrange indifférence au succès, si j’explique que la force motrice de ma vie a toujours été la paresse ; pour pratiquer celle-ci, dans un confort raisonnable j’entends, j’étais même prêt, ponctuellement, à travailler. »"


Deux mains la liberté

Akram Belkaïd, créée le 19-02-2023

"Je vous recommande d’abord une pièce de théâtre, écrite et mise en scène par Antoine Nouel, jouée au théâtre Lepic, à Paris. Elle est assez étonnante, puisqu’il s’agit du docteur Kersten, le médecin thérapeute de Himmler. Il a soigné et massé Himmler pendant toute la guerre, et dans le même temps il obtenait de ce monstre la libération de dizaine de milliers de prisonniers, juifs ou non. Le sujet est original, et la ressemblance physique entre Himmler et l’acteur qui le joue est assez troublante. Le docteur Kersten devait recevoir la Légion d’honneur des mains du général de Gaulle au début des années 1960 mais décéda pendant le voyage qui le menait vers la France. "


Stupéfiant Moyen-Orient

Akram Belkaïd, créée le 19-02-2023

"Et puis ce livre de Jean-Pierre Filiu, spécialiste du proche-Orient. Il s’agit de l’Histoire de la drogue et des addictions dans cette région du monde. On voit que c’est une vielle histoire, et que des choix politiques (de souverains locaux ou de puissances étrangères) ont introduit et façonné tout cela. En Iran par exemple, la question de l’addiction à l’opium qui génère aujourd’hui encore son lot de condamnations à mort, est apparue il y a plus de cinq siècles."