Les brèves

L’assiégé : dans la tête de Dominique Venner, le gourou caché de l’extrême-droite

Michel Eltchaninoff, créée le 28-01-2024

"Je vous recommande ce livre captivant, et qui se lit très vite. Renaud Dély a fait le roman vrai de cette personnalité peu connue du grand public mais véritablement très importante. On en a entendu parler le jour de son suicide à l’arme à feu en 2013 à Paris, dans la cathédrale Notre-Dame. Venner vient d’une famille de collaborateurs, qui a fait l’Algérie, qui a torturé et a tué … Il est devenu un grand idéologue de l’extrême-droite dans les années 1960-70, et a voulu « finir en beauté », comme il le disait lui-même, d’où son suicide spectaculaire, inspiré de Mishima, qu’il admirait. C’est une biographie vraiment très bien racontée, qui nous fait comprendre la façon dont Dominique Venner a transformé la pensée d’extrême-droite dans les années 1960. Il l’a faite sortir du vieux nationalisme français pour faire de la défense de l’Europe blanche menacée par les flux migratoires la pierre angulaire de toute la pensée d’extrême-droite actuelle. Les mouvements identitaires d’aujourd’hui se réfèrent aujourd’hui - explicitement ou implicitement - à l’œuvre, éminemment raciste, de Dominique Venner. Très éclairant. "


Le grand carnet d’adresses de la littérature à Paris

Nicole Gnesotto, créée le 28-01-2024

"Je recommande ce livre très agréable. Il est très volumineux et lourd : plus de 1200 pages ; vous ne l’emporterez pas partout, mais il est formidable. Il vient de paraître, et est signé de Gilles Schlesser. L’auteur a fait le tour de toutes les rues de Paris, pour voir où habitaient les écrivains français. Plus de mille sont recensés dans cet ouvrage, et c’est véritablement extraordinaire. Loin d’être un catalogue (qui ne serait pas intéressant), le livre comporte des anecdotes, des citations, des extraits à propos de l’adresse en question. On se précipite pour étudier ses quartiers préférés, c’est très jouissif. C’est un livre dans lequel on va régulièrement piocher avec délectation. Un travail absolument colossal, pour un grand plaisir de lecture."


Réflexions sur la question antisémite

Béatrice Giblin, créée le 28-01-2024

"J’ai été frappée par l’augmentation du nombre d’actes antisémites : on en est à 1676, soit plus de 1000%, depuis le 7 octobre dernier. Je suis donc allée relire le livre de Delphine Horvilleur, paru en 2019. Comme toujours avec cette autrice, c’est extrêmement intelligent, avec une pointe d’humour. Le livre nous montre comment le Juif voit l’antisémite, et comment la cause juive vit avec ce qui veut sa perte. Elle explique en quoi l’antisémitisme n’est pas un racisme comme les autres, avec un « en haut » qui méprise un « en bas ». C’est au contraire une pensée qui rejette celui qui est perçu comme ayant davantage. Une forme de jalousie envers le Juif, à qui on reproche toujours d’avoir trop (de richesses, de respect … et sans tenir compte de la situation réelle de celui qu’on méprise, évidemment)."




Du rimmel et des larmes

Richard Werly, créée le 21-01-2024

"Je me suis intéressé au destin de Rachida Dati, dont la récente nomination comme ministre de la Culture a surpris presque tout le monde. Je me suis replongé dans son itinéraire, et parmi les différents livres écrits sur elle, j’ai trouvé cette pépite, dont le titre est magique. Il a été publié au début des années 2010, et il raconte l’incroyable destin de la ministre, qui a réussi, grâce à une ténacité à toute épreuve et à des talents naturels dont elle a su user et abuser, à parvenir aux sommets du pouvoir. Ce qui m’a le plus surpris, ce n’est pas tant la volonté farouche de Mme Dati, c’est la manière dont la bonne société (masculine) parisienne la voit débouler, et ne sait pas quoi faire, tout en étant terriblement tentée par ce profil de jeune femme issue de l’immigration. Je ne sais pas ce qu’est devenue cette déstabilisation du début des années 2000, mais cet itinéraire météorique méritait un rappel. "


Wax stories

Lionel Zinsou, créée le 21-01-2024

"En faisant l’éloge de ce livre, je vais transgresser une règle éthique, puisque ma fille Marie-Cécile Zinsou en est responsable. Il s’agit d’un livre d’art, d’un « beau livre », qui est une encyclopédie du pagne Wax, en coton tissé, très coloré, qui fait tout le paysage de l’Afrique de l’Ouest, et de plus en plus celui de l’Afrique Centrale. Mais on le trouve aussi dans les communautés afro-américaines des magasins chic de la 5ème avenue, car ce vêtement est devenu « trendy ». Cela dit quelque chose de très intéressant à propos de la mondialisation de l’économie. Ce pagne est devenu complètement africain, alors qu’il avait été conçu par les Néerlandais pour l’Indonésie. S’il est devenu si complètement africain, c’est parce qu’il existe un langage codé pour chaque motif, chaque couleur. Si vous mettez par exemple telle couleur avec tel motif, vous dites « je sors avec mon mari, mais je n’ignore pas qu’il sort avec d’autres ». C’est arrivé à des femmes de politiciens haut placés qui ignoraient ces significations … Le livre est superbe, mais on peut en trouver gratuitement le contenu sur internet sur le site de la fondation Zinsou."


Le dernier des Juifs

Philippe Meyer, créée le 21-01-2024

"En 2016 Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach relevaient dans leur livre L’An prochain à Jérusalem qu'en Seine-Saint-Denis, à Aulnay-sous-Bois, le nombre de familles de confession juive est passé de 600 à 100, au Blanc-Mesnil de 300 à 100, à Clichy-sous-Bois de 400 à 80, à La Courneuve de 300 à 80. C'est dans l'une de ces communes que vit Bellisha, avec sa mère Gisèle, qui ne parle que de déménager et qu’incarne Agnès Jaoui en évitant, ou plutôt en renouvelant les clichés de la yiddishe muter. Bellisha est le protagoniste du film de Noé Debré, Le Dernier des juifs, qui sera dans les salles mercredi. C’est un jeune homme cartilagineux qui vit en retrait. Il fait croire à sa mère - du moins le pense-t-il - qu’il effectue un stage en entreprise et qu’il fréquente une salle où il apprend l’auto-défense. En réalité, sa défense consiste à éviter tout ce qui pourrait le contraindre à faire des choix, à prendre des décisions. Il coule des heures agréables dans le lit d’une voisine musulmane et mariée, il s’occupe de sa mère malade et qui sort de moins en moins, sinon sur son balcon. Bellisha voit la situation : le dernier magasin cascher ferme, les derniers voisins juifs partent, mais, comme on dit, Bellisha n’imprime pas. Il amortit. C’est une trouvaille et une réussite de Noé Debré que de nous mettre devant les yeux une réalité que nous nous efforçons avec succès d’ignorer non pas à travers un militant ou un indigné, mais à travers un grand dadais si lunaire qu’il en est comique, excellement campé par Michael Zindel. Au fond, pourrions-nous nous dire, ces Juifs qui quittent le 9.3, ça n’est pas grave, ça n’est pas un exode, mais une simple évaporation…"


L’accélération de l’Histoire : les noeuds stratégiques d’un monde hors de contrôle

Béatrice Giblin, créée le 21-01-2024

"Cet essai de Thomas Gomart vient de paraître. L’auteur est un très bon analyste des rapports de forces géostratégiques, et ici, cet historien s’intéresse à la géographie, c’est sans doute ce qui m’a attirée dans ce livre. L’objet de cet essai est d’aider les Européens à ouvrir les yeux sur ce qui risque de leur arriver s’ils ne commencent pas à se réarmer (au propre comme au figuré) à court terme. Il voit cela à travers trois détroits : Ormuz pour le pétrole, Bosphore pour les céréales, et Taïwan pour les microprocesseurs. Il nous enjoint à sortir de nos représentations un peu dépassées pour regarder en face le nouveau partage du pouvoir mondial. Il est grand temps de le prendre en compte. "


Enver Hoxha : du totalitarisme en Albanie

Philippe Meyer, créée le 14-01-2024

"J’en profite pour signaler le livre de Bertrand Le Gendre, que je viens juste de recevoir et n’ai pas encore lu. Enver Hoxha était un dictateur extraordinairement pittoresque (sauf pour son peuple), qui a réussi à enfermer l’Albanie sur elle-même, après s’être fâché avec Staline, Mao, Tito, et à peu près tout le monde. Il était cependant très francophile (et francophone), au point d’avoir inspiré une secte en France, tout sanguinaire qu’il était … "


Il y avait du poison dans l’air

Akram Belkaïd, créée le 14-01-2024

"Je vous recommande ce roman de Jabbour al Douaihy, traduit de l‘arabe par Stéphanie Dujols. L’auteur est était libanais, il est décédé il y a peu, il s’agit de son dernier livre. Le roman raconte la vie d’un homme, de la fin des années 1950 jusqu’à l’explosion du port de Beyrouth. C’est le portrait d’un dandy, cultivé, épris de littérature, et dont la vie est un amoncellment de désillusions. Tout cela est très bien raconté, et dresse en creux le portrait d’un pays. C’est un instantané de l’Histoire du Liban, un peu l’inverse de ce que font beaucoup de Libanais qui quittent leur pays pour vivre à l’étranger. Ici, il s’agit d’un exil intérieur."


Enfin libre : grandir quand tout s’écroule

Michaela Wiegel, créée le 14-01-2024

"Alors que la conscience d’une Europe sur le déclin s’aiguise, j’ai trouvé très rafraîchissant ce livre d’une autrice albanaise, Léa Ypi, qui enseigne désormais à Londres. Elle nous rappelle d’une façon extraordinaire tous nos idéaux. Cela commence par sa grand-mère, qui dans l’Albanie communiste ne lui parle qu’en français, cette langue qui constitue un dernier espace de liberté. Ce qui est le plus sympathique dans ce livre, c’est le récit de la découverte de l’Occident, de l’ouverture jusqu’aux envoyés de la Banque mondiale envoyés pour convertir l‘Albanie à l’économie de marché, et comment tout cela a été vécu dans la population, à travers les yeux de l’adolescente qu’elle était alors. Si vous avez besoin d’un message d’espoir, ce livre est fait pour vous."