Les brèves

La Capitale

Nicole Gnesotto, créée le 17-02-2019

"Je voudrais recommander un roman que je n’ai pas encore totalement fini mais que pour l’instant je trouve très réjouissant. C’est un roman de Robert Menasse qui est un écrivain viennois et non pas autrichien sorti en 2017 aux éditions verdier et qui a eu le prix du livre allemand cette même année. Ce roman s’appelle La Capitale et je crois que c’est le premier roman européen car la capitale c’est Bruxelles, capitale des institutions européennes. C’est un roman à la fois cocasse et un peu « thriller » parfois complètement déjanté sur la vie d’un haut fonctionnaire européen qui s’appelle Florian ( ça ne s’invente pas). C’est un roman à la fois très critique sur bon nombre de fonctionnement de l’Union. Mais c’est un roman très pro-européen sur une République européenne etc. Ça commence de façon très drôle : un cochon fou qui court dans toutes les rues de Bruxelles, qui renverse un Turc, lequel est sauvé par un Bruxellois et continue dans un échalas et quelqu’un se fait tuer dans un revolver. Le haut fonctionnaire qui est à sa fenêtre se met à réfléchir au rôle de l’union européenne dans le monde. "


Cet étrange nazi qui sauva mon père

Michaela Wiegel, créée le 17-02-2019

"Je voudrais recommander le livre de François Heisbroug, le spécialiste des relations internationales des questions de sécurité qui est un livre très personnel. Il s’intitule cet étrange nazi qui sauva mon père. Il traite de Franz von Hoiningen qui, je vous rassure, n’est pas très connu en Allemagne non plus. Il a sauvé des centaines de juifs et de résistants et, parmi eux, le père de François Heisbourg, Georges Heisbourg. C’est une étude très intéressante sur ce qu’appelle François Heisbourg, la banalité du bien, c’est à dire malgré tout des gens qui, dans un régime dictatorial, ont essayé, même en affichant en quelque sorte leur adhésion à ce régime, à faire quelque chose pour les autres. Ça se lit d’une traite. "


Misbehaving. The Making of behavioral economics

Nicolas Baverez, créée le 17-02-2019

"Depuis 2008, on sait que les hypothèses d’efficience des marchés ou de rationalité des agents économique sont évidemment plus contestées. Il y a une école économique qui s’appelle : « l’économie comportementale ». Richard H. Taler est un des deux grands auteurs qui a réfléchi à cela. Le Seuil a publié en 2018, ce qui est un peu le traité de l’économie comportementale : Misbehaving et ça montre comment au-delà de la rationalité les passions jouent un rôle extrêmement important dans l’économie avec ce qui est le génie des anglo-saxons : des exemples concrets extrêmement drôles sur les jeux télévisés, sur le football américain. C’est de la bonne économie théorique et on ne s’ennuie pas. "


La ligue du LOL

Philippe Meyer, créée le 17-02-2019

"Je voudrais ouvrir la séquence des brèves avec un fait d’actualité. Les participants à la ligue du LOL; ceux qui à la naissance des réseaux sociaux les ont utilisés pour harceler hommes et femmes, s’en prendre à leur physique, ridiculiser leur travail en substituant l’injure à l’argument. Ceux qui les calomniaient, ceux qui arrivaient à truquer des photos pour les mettre dans des situations qui n’étaient pas extrêmement sexuellement flatteuses et tout autre chose du même genre que cela ont été à leur tour dénoncé, mis à pieds, licenciés et vilipendés sur Twitter et sur Facebook. Celui qui blessera par le réseau social sera blessé par le réseau social. Je crois qu’il n’y a rien à dire là-dessus et que peu de comportements sont aussi antipathiques que ceux de ces meutes. Les uns après les autres, les harceleurs se frappent la poitrine mais leurs employeurs - et je pense notamment à ces deux confrères que sont Libé et les Inrocks - ont été très rapides, très prompts à les licencier mais je me demande aussi si ces derniers n’auraient pas à réfléchir eux-mêmes à ce qui dans leur propre comportement institutionnel d’entreprise ne relevait pas de l’arrogance et de l’absence de respect d’autrui. J’ai en mémoire quelques articles : un article sur une actrice italienne, Ornella Muti qui était traitée de loukoum, un article sur Alain Resnais qui était traité de crétin… C’est peut être en se remémorant et parcourant leurs propres archives que, à leur tour, les employeurs de ces harceleurs pourraient peut être se rendre compte de ce qu’a été et de ce qu’est encore leur comportement. "


Comment gouverner un peuple-roi ? Traité nouveau d’art politique.

Jean-Louis Bourlanges, créée le 17-02-2019

"Je voudrais recommander le livre de ce philosophe qui s’appelle Pierre-Henri Tavoillot et a écrit un ouvrage au titre oxymorique : Comment gouverner un peuple-roi ? Traité nouveau d’art politique. Ce livre est très utile, bien documenté, bien écrit très élégant. D’autre part, après ces torrents d’irresponsabilité que nous avons évoqué tout à l’heure c’est un livre qui aborde la politique telle qu’elle est. Monsieur Tavoillot est le Racine et non pas le Corneille de la politique. Il nous présente la politique telle qu’elle est et non telle qu’elle devrait être. Ce qui nous montre, à travers une réflexion intéressante sur le peuple, c’est que la politique est un art de gérer l’imparfait. Imparfait évidemment car c’est la gestion des choses floues, c’est la gestion de l’écart entre nos désirs et la réalité, entre le temps présent et le temps lointain de l’espérance. Monsieur Tavoillot, rappelle que c’est un art et non pas un science : l’art de gouverner, l’art de se faire élire, l’art de prendre une bonne décision, l’art d’être controlé. Alors en ces temps de pataphysique générale sur le plan politique, saluons l’artiste. "


Chefs d’état en guerre

François Bujon de L’Estang, créée le 10-02-2019

"Plus prosaïquement je voudrais vous recommander le livre du Général Bentegeat qui s’intitule « Chefs d’état en guerre » paru aux éditions Perrin. René Brouillet avait fait remarquer à de Gaulle que dire "un normalien sachant écrire" était un pléonasme, on peut cependant se dire qu’une général sachant écrire n’en est pas un. Or le général Bentegeat a une plume forte élégante et le livre est très intéressant car il juge l’action d’un certain nombre de chefs d’état, anciens et modernes, du point de vue de chef des armées, de stratège et de commandant en chef devant les milices. Il y a deux chapitres très intéressants à la fin sur Mitterrand et sur Chirac qui ont l’épaisseur du vécu puisqu’il a travaillé avec l’un et avec l’autre - Chirac durant la guerre de Bosnie et du Kosovo par exemple . Mais il remonte beaucoup plus loins dans l’Histoire en évoquant Clémenceau ou encore Napoléon III et Lincoln pendant la guerre de sécession. Il juge également Hitler et Staline en chef de guerre et pas seulement en homme d’état. Cette vision d’un militaire intelligent et cultivé sur des vrais commandants en chef est extrêmement intéressante. "


La revanche de la nation : Passions politiques en Pologne aujourd’hui 

Marc-Olivier Padis, créée le 10-02-2019

"A un moment où l’on s’interroge sur ce qui va se passer pour les élections européennes, je vous recommande d’aller sur le site de l’institut Jacques Delors et de récupérer un travail réalisé par Aziliz Gouez intitulé « La revanche de la nation : Passions politiques en Pologne aujourd’hui ». C’est une très bonne synthèse sur la stratégie du parti au pouvoir, le PiS (Droit et Justice) à la fois d’un point de vue social et démocratique. Ça n’est pas un discours anti européen qui serait favorable à sortir de l’Europe mais une tentative de développer une nouvelle idée de l’Europe. C’est quelque chose d’assez riche du point de vue idéologique et cela est très éclairant."


Le gang de la clef à molette

Lucile Schmid, créée le 10-02-2019

"Au moment où l’on parle beaucoup de manifestations écologiques ou écologistes, je me suis dit qu’il serait intéressant de relire un grand texte fondateur de l’éco-activisme aux Etats-Unis intitulé Le gang de la clef à molette écrit par Edward Abbey. Ce n’est pas un gang fondamentalement violent mais qui démolit des chantiers de ponts qui détruisent l’Ouest américain. Ce sont quatre mousquetaires qui sont tout à fait extraordinaires. Il y a par exemple une femme très belle entourée de trois hommes dont un vétéran de la guerre du Vietnam. Ce sont tous ces grands romans américains où le souffle, la description de la nature, nous emportent très loin de romans français parfois un peu trop nombrilistes. Dans ce souffle, il y a toujours de l’imprévu. Je vous invite à relire ce roman et à retrouver les intuitions des années 1970 car ce qu’il dit aujourd’hui peut s’appliquer à l’aménagement du territoire tel qu’on l’applique toujours. "


Qu'est-ce qu'une saine colère ?

Béatrice Giblin, créée le 10-02-2019

"Je recommanderais cette semaine la lecture de Philosophie magazine : Qu’est-ce qu’une saine colère ? qui est je crois un bon complément à la discussion que nous avons eu. C’est tout un débat de savoir à quoi sert la colère bien sûr. Pour écrire ce numéro, ils ont fait appel à tout un nombre de philosophes concernant l’analyse des gilets jaunes. J’ai été extrêmement intéressée par l’article de Francis Wolff : « Un mouvement antipolitique ou la réinvention d’un nous ? » C’est un texte très court qui donne vraiment à penser. "


La comédie des Halles : intrigue et mise en scène

Philippe Meyer, créée le 10-02-2019

" Je voudrais chaudement recommander un livre de Françoise Fromonot qui est architecte et professeure d’architecture paru aux éditions La Fabrique intitulé « La comédie des Halles ». Il porte sur l’aménagement des anciennes halles à Paris. Françoise Fromonot enquête sur les causes de ces dérapages et en fait voir les conséquences : une gare souterraine transformée en vestibule d’un centre commercial, des équipements publics relégués aux étages d’un forum qui n’a jamais si mal porté son nom, un jardin où l’on ne s’arrête plus planqué de caméras de surveillance et parsemé de grilles d’aération. Ce sont les stigmates d’une opération qui s’est soldée par la privatisation et la normalisation accrues de l’espace public dans la capitale pour le plus grand profit d’une firme qui s’appelle Unibail. Unibail est à l’urbanisme ce que Monsanto est à l’agriculture. "


Emmanuel Macron, pourquoi cette haine ?

Jean-Louis Bourlanges, créée le 03-02-2019

"Je voudrais signaler que sur le site Telos est paru un article de Dominique Schnapper : Emmanuel Macron, pourquoi cette haine ? C’est une analyse très intéressante sur les mécanismes de la haine dans ce que la sociologue appelle les « sociétés de démocratie extrême » c’est à dire d’égalitarisme forcené. J’aurais plutôt tendance - parce que le mot démocratie est un mot auquel je suis attaché tout comme Dominique Schnapper - à parler de sociétés de ressentiment. Ce qu’elle montre c’est qu’en réalité, le grand reproche qu’on pourrait faire à Emmanuel Macron n’est pas d’être un héritier. On pourrait dire de lui comme Magritte de sa pipe « ceci n’est pas une pipe » , « celui-ci n’est pas un héritier » et c’est précisément ce qui d’après Dominique Schnapper la raison pour laquelle il est si détesté : car il a réussi par un court-circuit absolument inattendu, jeune, tout seul, rien dans les mains au départ ni rien dans les poches. Il a réussi à s’imposer. De ce point de vue la, c’est une sorte de défi à ceux qui comme nous tous, sont dans la société méritocratie, et peine à passer de la misère à la pauvreté. Ce phénomène d’arrogance qui lui est reproché est un phénomène qui renvoie à la méritocratie et non pas à une société de privilèges transmis."


La comédie presque française 

Philippe Meyer, créée le 03-02-2019

"Je vais ouvrir cette séquence des brèves en parlant d’un programme radio. Pendant très longtemps et jusqu’à une date récente, la radio de service public a été épargnée par les considérations d’audience et elle s’est surtout concentrée sur l’idée que ses successifs présidents se faisaient de leur mission. Ça donne un trésor considérable d’archives. Ces archives sont régulièrement sélectionnées et diffusées par les Nuits de France Culture. On peut actuellement y télécharger une émission qui s’appelle « La comédie presque française ». C’est une émission qui avait été enregistrée à Hollywood pour une fin d’année dans laquelle des acteurs d’Hollywood - et pas n’importe lesquels -jouent en français des grandes scènes que l’on identifie au répertoire de la Comédie française. On peut notamment entendre Edward G.Robinson qui joue Monsieur Jourdain ainsi qu’Audrey Hepburn qui joue la fameuse scène d’Agnès dans l’Ecole des femmes. C’est charmant, très touchant et en même temps cela pousse à une réflexion sur la comédie française dans un endroit où l’on attend pas qu’elle soit célébrée; c’est à dire Hollywood. "