Les brèves


Économie utile pour des temps difficiles

Lionel Zinsou, créée le 28-06-2020

"Je voudrais recommander ce livre qui est malheureusement sorti en français juste après le début du confinement. Il est signé d’Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019, plus jeune récipiendaire de ce prix et deuxième femme à l’avoir obtenu, normalienne d’une promotion très récente, et de son mari Abhijit Banerjee. Ce livre a l’air un peu long, il commence par une boutade : une dame vient d’apprendre qu’elle n’a plus que six mois à vivre, elle demande à son médecin que faire de ce temps. « Epousez un économiste », lui recommande le médecin. « Pour quoi cela, docteur ? ». « Parce que vous allez trouver le temps très long ». C’est pourtant tout à fait l’inverse avec ce pavé de 510 pages. Mais il est constitué de petites séquences de 3 ou 4 pages à propos des lois économiques (très simplifiées) et de leur mise en pratique, qui permettent de comprendre l’économie d’aujourd’hui et de faire des choses utiles non seulement pour le grand combat d’Esther Duflo (vaincre la pauvreté), mais aussi de traverser les questions d’économie internationale, des politiques publiques, etc. C’est extrêmement bien fait, et c’est un excellent livre pour l’été, malgré les apparences."


Chateaubriand Poésie et Terreur

Jean-Louis Bourlanges, créée le 28-06-2020

"Je voulais moi aussi évoquer la disparition de Marc Fumaroli. Dans son Chateaubriand, il a écrit une comparaison entre Chateaubriand et Tocqueville, absolument admirable. Et encore plus pour moi, puisque mon mémoire de maîtrise portait sur le même sujet. Quand j’ai lu le texte de Fumaroli, je me suis dit « voilà tout ce que j’aurais dû faire si j’avais eu du talent ». On voit ce qu’un grand universitaire peut faire de magnifique quand il s’empare d’un tel sujet. Il y avait chez lui une rigueur, un luxe de détails et de nuances qui mérite vraiment d’être salué. "



Routiers

Philippe Meyer, créée le 21-06-2020

"Je voudrais signaler un livre publié aux éditions de L’Iconoclaste par Jean-Claude Raspiengeas, journaliste à La Croix, « Routiers ». C’est un livre de reportage, comme il n’y en a pas assez, fruit d’une année passée dans les 40 tonnes sans lesquels nous n’aurions pas pu tenir pendant le confinement. De quoi est faite la vie quotidienne de ces soutiers de l’économie que nous voyons sans les voir ni les connaître, quelles pressions s’exercent sur eux, comment voient-ils le monde du haut d’une cabine qu’ils quittent de moins en moins, pressés par nos impatiences et nos exigences et bousculés par des employeurs impétueux, privés d’une bonne part de leur vie de famille, sur les routes jour et nuit, par tous les temps et qui maintiennent tant qu’ils peuvent quelques rassemblements qui leur permettent de croire à leur grande famille. On trouvera dans ce livre un chapitre sur Max Meynier, qui anima pendant des années toute la tranche du soir de RTL avec son émission « Les Routiers sont sympas », émission qui fit la preuve qu’on peut -qu’on pouvait- être une radio commerciale et programmer un véritable service public."


L’action publique face à la crise du Covid-19

Michaela Wiegel, créée le 21-06-2020

"Alors que les différentes commissions d’enquête parlementaires commencent à propos de la crise sanitaire, je vous recommande une note très complète et constructive de l’institut Montaigne, écrite par Nicolas Bauquet. Il a synthétisé tout ce qui ne fonctionnait pas dans l’action publique pendant cette crise, et il en tire des conclusions assez surprenantes : ce n’est pas tant l’Etat jacobin qui est fautif, mais plutôt le fait que cet Etat jacobin n’a plus les moyens d’exercer un pouvoir centralisé. Partant de là, il serait bon de donner un peu de chair à la décentralisation qu’Emmanuel Macron vient d’évoquer."


Chanson bretonne

François Bujon de L’Estang, créée le 21-06-2020

"Dans ces temps de soucis géopolitiques, il faut avoir recours à la littérature pour essayer de survivre, et je vous recommande vivement ce livre de J-M G Le Clézio que je viens de lire avec énormément de plaisir. Il s’agit de deux textes, le premier est une promenade nostalgique dans les vacances bretonnes de Le Clézio dans les années 1950, le second s’intitule « l’enfant et la guerre », je trouve qu’il s’agit d’un texte très fort, très ramassé, à la fois beau, simple et rude. Le Clézio, à travers les souvenirs personnels qu’il évoque de ces années de guerre qu’il a passées caché dans l’arrière-pays niçois, s’interroge sur le sort de tous les enfants qui subissent les guerres, et considèrent la guerre comme une donnée de leur environnement, sans la comprendre, sans pouvoir l’influencer, en se bornant à la subir et à s’y adapter."


Et après ?

Nicolas Baverez, créée le 21-06-2020

"Je voudrais recommander la lecture du dernier livre d’Hubert Védrine. Il est passionnant, qui échappe à la division -d’ores et déjà trop entendue- entre le monde d’avant et d’après, mais regarde ce qui va durer, ce qui s’accélère, et ce qui va changer. Il s’interroge notamment sur la compatibilité entre rance économique et écologie, sur ce que va devenir le système multilatéral face à des risques globaux tels que cette épidémie, sur l’avenir de l’Etat-Nation ... Avec Hubert Védrine, on sait que l’on a affaire à un homme qui a eu une expérience politique et diplomatique au plus haut niveau, mais aussi à quelqu’un qui se remet en question et observe les problèmes de cette période singulière avec un regard neuf. Passionnant. "



Les vérités inavouables de Jean Genêt

Philippe Meyer, créée le 14-06-2020

"« Monition ». Monition est un mot issu du droit canon et qui signifie avertissement adressé par l’autorité ecclésiastique avant que ne soit infligée une censure. Le dérèglement du climat intellectuel fait que, chaque année, il pleut davantage de monitions sur les réseaux sociaux, puis dans ceux des médias qui croient y entendre la vox populi, réseaux et médias qui ont désormais remplacé l’autorité ecclésiastique. Ces derniers mois, les monitions ne tombent pas en pluie, mais en rafales et en giboulées. Ces dernières semaines, ces derniers jours, ce ne sont plus des rafales et des giboulées, c’est la mousson.  Des quantités de personnes notoires ou avides de le devenir, se précipitent à la recherche tantôt d’un gredin, scélérat, à moucharder, tantôt d’une victime à chaperonner. Ils entraînent derrière eux followers et journalistes. Pour que ces intentions aient de la noblesse, il faut qu’elles relèvent d’un souci de justice plutôt que du souci de soi. Pour qu’elles relèvent d’un souci de justice, il faut que les affaires sur lesquelles se prononcent ces personnes soient instruites à charge et à décharge. Or les charges sont toujours présumées et de décharge, on n’observe guère que la décharge d’adrénaline que procure à des bourreaux en herbe la perspective de faire tomber des réputations comme au chamboule-tout. A tous ces exécuteurs précoces, je propose un livre de l’historien Ivan Jablonka paru au Seuil en 2005. Ils y verront comment leurs prédécesseurs, dont beaucoup sont encore en service, on fait passer pour une victime, et même pour une sorte de porte-parole de toutes les victimes du monde, un écrivain qui avait célébré la radicalité du nazisme et de la milice et qui chanta la poésie du massacre d’Oradour sur Glane, où, il y a 76 ans, une unité de Waffen SS massacra 642 habitants, hommes, femmes et enfants. Le livre s’intitule « Les Vérités inavouables de Jean Genêt »."


L’universalité du racisme

Lionel Zinsou, créée le 14-06-2020

"Je voudrais vous recommander le livre d’un professeur, moi qui crois à l’éducation et à l’Histoire. Jean-Loup Amsellea publié il y a quelques semaines ce petit livre. C’est quelqu’un qui a co-écrit « en quête d’Afrique » avec Souleymane Bachir Diagne, qui était déjà excellent. C’est un grand anthropologie de l’Ecole des Hautes Études. Cela nous rappelle que le racisme est minoritaire partout, mais qu’il est aussi universel. "


Retour de service

Nicole Gnesotto, créée le 14-06-2020

"Je voudrais vous parler aujourd’hui du dernier roman de John Le Carré, qui vient de sortir. Je ne l’ai pas encore terminé, mais l’ouvrage est absolument passionnant? Je suis une fan de John Le Carré depuis « une petite ville en Allemagne ». Le Carré décrit la société britannique du Brexit avec une acuité extraordinaire. Il est à la fois un très grand romancier et un très grand journaliste politique. J’espère que la fin sera à la hauteur du début !"