Les brèves

Lettres et carnets de Charles de Foucauld

David Djaïz, créée le 15-05-2022

"Aujourd’hui Charles de Foucauld est canonisé au Vatican. C’est un personnage qui me fascine depuis longtemps, car il a une vie qui fait penser à celle d’Ignace de Loyola. Une vie en plusieurs étapes : d’abord on est dans le monde, dans la dissolution et la dispersion. Foucauld avait bien commencé de ce point de vue : issu d’une famille de l’aristocratie alsacienne, élève de Saint Cyr, amateur de belles femmes et de bonne chère. Ensuite il y a le tournant spirituel : il traverse le Maroc déguisé en rabbin, et c’est le début de son exploration spirituelle mais aussi de sa curiosité géographique et ethnographique. Enfin, après un processus qui l’amènera dans les plus beaux endroits, de l’Ardèche au Hoggar en passant par Jérusalem, il devient ce grand chrétien dont la mort reste mystérieuse, plus de 100 ans plus tard. Je recommande de lire ses carnets, immense témoignage de sagesse. C’est l’histoire d’un chrétien, d’une reddition progressive. "


Anniversaire du journal l’Opinion

Jean-Louis Bourlanges, créée le 15-05-2022

"Jeudi dernier, le journal l’Opinion a célébré son anniversaire. J’aimerais le saluer, car l’affaire engagée par Nicolas Beytout n’était pas évidente. Je craignais que cela ne dure que quelques mois, or c’est un organe de presse qui a atteint une certaine vitesse de croisière. C’est un journal très intéressant, car d’un type assez particulier. Le journal de mon enfance, c’était France-Soir. On y apprenait les nouvelles. Peu à peu, on s’est informé autrement : par la télévision, les radios, internet, etc. Au point que nous sommes désormais saturés d’informations. Que devient la presse dans ce cas là ? C’est là que l’Opinion a fait un pari intéressant, puisqu’il il s’agit en quelque sorte d’une revue quotidienne. Cela donne le type d’information disponible dans une revue : un sujet creusé en profondeur. Des articles de fond, mais au quotidien. C’est un format limité, mais cela nous permet d’avoir un complément très utile au martèlement médiatique que nous vivons tous les jours. Longue vie à l’Opinion !"



Cendrillon

Philippe Meyer, créée le 08-05-2022

"Ma deuxième recommandation est pour un spectacle déjà assez ancien, mais que je n’avais pas encore vu. Cette pièce écrite et mise en scène par Joël Pommerat se joue au théâtre de la Porte Saint-Martin. Les trouvailles de mise en scène et de jeu sont très réussies, on remarque aussi la qualité des acteurs, des costumes, des lumières, bref tout est impeccable. Mais c’est surtout le fait que cette réussite formelle est au service du contenu. Jean-François Revel disait que ce qu’on cherche dans la poésie est un « voyage en tristesse » dont on sort rasséréné. Il y a quelque chose de cela dans la manière dont Pommerat regarde ce conte, et dont les éléments les plus tristes ne sont généralement considéré comme la mise en valeur d’une fin heureuse."


Misère(s) de l’islam de France

Béatrice Giblin, créée le 08-05-2022

"Je vous recommande cet ouvrage de 2017, qui vient d’être republié. L’auteur Didier Leschi est un haut fonctionnaire, ancien Préfet et actuellement directeur de l’Office français de l’immigration et de l’insertion. Il a un regard à la fois bienveillant et critique sur ces misères de l’islam de France. Il se demande pourquoi l’islam moderniste ne progresse pas véritablement dans l’ensemble de la population musulmane française. Beaucoup d’intellectuels musulmans écrivent des ouvrages remarquables, mais ils sont à une distance lointaine de ce que vit le musulman pratiquant moyen. Il est important et utile de réfléchir à ce problème, ainsi qu’au rôle relativement faible que tiennent les imams (à part quelques-uns très médiatisés) dans l’accompagnement d’une modernisation."


Le Liban du mythe phénicien aux périls contemporains

Akram Belkaïd, créée le 08-05-2022

"Daniel Meier vient de publier ce livre, consacré au Liban. C’est fait sous une forme très pédagogique et c’est une lecture assez stimulante. On y explique par exemple que l’origine phénicienne des libanais est largement mythique, et qu’elle est due en bonne partie à l’écrivain Ernest Renan. Mais il y a des choses plus récentes, comme l’explosion du port de Beyrouth en août 2020. Le Hezbollah a été beaucoup accusé, mais on se rend compte qu’en réalité les responsabilités sont multiples. On y trouve aussi une analyse fine du rôle de la Syrie dans ce pays depuis plusieurs décennies."


La République et les sauveurs

Jean-Louis Bourlanges, créée le 08-05-2022

"Je vous recommande ce livre de Gérard Grunberg. L’auteur s’était déjà signalé par une allergie assez sévère à Napoléon Ier. Dans ce livre, il s’interroge sur la tendance de ce peuple (qui a guillotiné son monarque absolu) à recourir épisodiquement à des sauveurs. Il en distingue cinq : les deux Napoléon, Boulanger, Pétain et de Gaulle. Il bâtit une typologie des raisons qui mobilisent l’appel des Français au sauveur : un état de crise, le goût pour l’Etat, une attente très forte d’autorité, une proximité entre le héros national et l’armée … Il regarde tout cela avec beaucoup de méfiance. On peut cependant critiquer sa démarche peut-être trop unifiante, je suis par exemple très sceptique sur le rapprochement entre Pétain et de Gaulle, ou même entre Pétain et Napoléon. Et puis il y a toute gamme de « demi-sauveurs », comme Gaston Doumergue ou Clémenceau. Grunberg finit par s’interroger sur le cas de Macron : est-il un sauveur ? Est-il un républicain ? La Vème République a greffé l’esprit du sauveur sur la République traditionnelle avec une gamme de solutions intermédiaires, qu’on appelle le présidentialisme à la française, dont il faut reconnaître qu’il est en difficulté. Personnellement, mon héroïne est la Reine d’Angleterre : presque 80 ans d’un dévouement absolu à une inexistence politique tout aussi absolue."


La fièvre des urnes 2500 ans de passions électorales

Lionel Zinsou, créée le 01-05-2022

"J’aimerais rendre hommage à la fondation Michalski qui accueille notre conversation de cette semaine. Elle est consacrée à l’écriture et à la littérature, il fallait donc trouver un livre qui va étonner beaucoup de gens, et peut-être les passionner. Il est signé d’un spécialiste de la rhétorique, et au demeurant un de mes amis de lycée et de l’Ecole normale. Alors certes, son champ d’expertise est très pointu, puisqu’il s’agit de la rhétorique hellénistique tardive. Comme je trouve que les commentateurs de scrutins sont souvent trop pris dans l’instant et dans l’immédiateté, je cous recommande cette lecture. On s’aperçoit que les élections sont toujours des histoires de passion. Aussi bien à l’époque des Gracques où la passion politique poussait au meurtre ou au suicide, qu’aujourd’hui où nous avons eu une campagne remarquablement calme et sans violence. Les dimensions de soif de justice, de désir de revanche sont toujours là, il s’agit d’histoires passionnelles. En France, ce sont les meilleurs orateurs qui ont fait les meilleurs scores aux élections. Emmanuel Macron est incontestablement brillant de ce point de vue, ses éloges funèbres sont par exemple excellents. Mme Le Pen était secrétaire de la conférence des avocats, elle est indubitablement une bonne oratrice. M. Mélechon a des qualités d’orateur exceptionnelles, au point d’inventer les hologrammes pour dire en douze endroits à la fois, en captivant tout le monde, des choses plutôt inefficaces. M. Zemmour a lui aussi fasciné les foules. La rhétorique est un élément absolument central du succès politique. "


Se libérer de la domination des chiffres

Lucile Schmid, créée le 01-05-2022

"Si je vous conseille ce livre, ce n’est pas seulement parce que j’ai regardé le débat d’entre-deux tours, où Emmanuel Macron maîtrisait tous les chiffres par rapport à Marine Le Pen qui semblait paniquer dès qu’il s’agissait d’en évoquer un. On apprend la construction qu’il y a derrière chaque chiffre, sinon idéologique du moins philosophique, notamment à propos du chômage ou de l’inflation. Il y a une anecdote passionnante sur la façon dont l’Insee a retenu pendant plusieurs mois le calcul de la baisse du chômage en France entre 2004 et 2006. Nicolas Sarkozy expliquait qu’il avait baissé de deux points, et l’Insee a accepté de donner ces chiffres en septembre 2007 (après l’élection présidentielle) : les deux points s’étaient réduits à un demi-point. Cela nous montre comment la technocratie est utile en démocratie, comment nous devons veiller à empêcher la manipulation des chiffres."


Crise de la connaissance et connaissance de la crise

Nicole Gnesotto, créée le 01-05-2022

"Je vous recommande ce gros livre que vient de publier le Conservatoire National des Arts et Métiers. Il regroupe les réflexions de 44 professeurs du CNAM, faites pendant les confinement, à propos de la façon dont les crises multiples que nous traversons remettent en cause nos connaissances traditionnelles. L’ouvrage est en trois parties : la crise des connaissances sur la santé, sur l’économie, et sur la géopolitique. C’est un ouvrage collectif, plusieurs analyses sont vraiment remarquables ; il est préfacé par Arnaud Fontanet, qui occupe la chaire d’épidémiologie."


La France contre elle-même

Lucile Schmid, créée le 01-05-2022

"Je ne m’étais pas du tout concerté avec Richard Werly, mais il se trouve que je comptais moi aussi parler de son livre … Ce que j’ai aimé dans ce voyage le long de l’ancienne ligne de démarcation mise en place pendant l’occupation, c’est qu’on y croise des Français qui connaissent leur Histoire, et d’autres qui ne la connaissent pas, et notamment un certain nombre de Gilets Jaunes, qui ne savent pas que Vichy était sur la ligne de démarcation. C’est à mon avis très éclairant sur la possibilité ou l’impossibilité de penser son avenir."


Révolution

Richard Werly, créée le 01-05-2022

"Je me suis pour ma part replongé dans le livre qu’Emmanuel Macron avait publié fin 2016. L’ouvrage était supposé être en même temps son programme et l’autobiographie par laquelle il se présentait aux électeurs. A le relire, je me suis aperçu qu’il y a une chose qui explique sans doute beaucoup du divorce (ou du moins de l’incompatibilité) entre Emmanuel Macron et une partie de la France : il est obsédé par l’avenir. Il y pense sans cesse. Je ne dis pas qu’il le pense bien, mais il regarde devant lui, et est prêt à prendre des risques. Or il y a en France (et cette observation a été confirmée par tous les voyages que j’ai faits pour travailler sur mon livre à propos de la ligne de démarcation) une France immobile, qui vit avec hantise la modernité et de l’avenir. "