Disparition de Mario Vargas Llosa

Brève proposée par Nicolas Baverez dans l'émission La France et le contrôle de ses finances publiques / Bilan de l’action diplomatique du pape / n°400 / 27 avril 2025, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Disparition de Mario Vargas Llosa

Nicolas Baverez

"J’aimerais évoquer la mémoire de Mario Vargas Llosa. Pour le coup, c’était un vrai Latino-Américain, mais qui a été sans doute le plus européen des Latino-Américains. Un homme qui croyait en l’écriture, qui croyait en la vie et qui croyait en la liberté. Il était le dernier représentant de cette génération incroyable d’auteurs latino-américains : Cortázar, Fuentes, évidemment son ami García Márquez, avec lequel il s’est brouillé. Son œuvre continue à nous éclairer sur ce qu’est le populisme — La fête au bouc, sur la fin de Trujillo, c’est un livre magnifique — mais ça montre bien ce mélange de mensonges et de peur qui est en train de gagner les États-Unis d’aujourd’hui. Et on peut rappeler aussi qu’il a fait une autobiographie intellectuelle et politique, qui s’appelle L’appel de la tribu, dans laquelle il résume les sept auteurs qui l’ont converti du communisme au libéralisme. On trouve José Ortega y Gasset, bon Hayek, Karl Popper, Isaiah Berlin, et deux Français : Raymond Aron et Jean-François Revel. Cette éthique, cette politique de la liberté est vraiment importante dans ce moment d’âge des empires, d’âge des prédateurs et des hommes forts."


Les autres brèves de l'émission :

L’art est dans la rue

Philippe Meyer

"Je vous recommande cette exposition du musée d’Orsay, qui nous présente les affiches et leur formidable essor pendant la seconde moitié du XIXème siècle. Elle donne à voir ce que nombre de maîtres de l’affiche, comme Bonnard, comme Chéret, comme Steinlen et comme Toulouse-Lautrec ont pu faire. C’est une exposition importante, complète, où on voit aussi bien l’affiche comme instrument de la publicité, de la vente des marchandises, que comme instrument politique ou comme instrument de la réclame pour les spectacles. Par ailleurs, la scénographie en est très agréable. Pour ceux qui voudraient s’y rendre, je signale qu’après avoir interrogé un gardien et la vendeuse de la librairie, le jour le plus recommandé est le mercredi, ou le jeudi matin, juste à l’ouverture."


Silence

Marc-Olivier Padis

"Notre conversation d’aujourd’hui m’a fait penser à ce roman japonais de Shûsaku Endô. Le pape François avait déclaré qu’il avait regretté de ne pas pouvoir se rendre au Japon, où il rêvait d’aller quand il était jeune jésuite. Et de fait, le Japon est un pays particulier pour les Jésuites, puisque saint François-Xavier y est allé dès le XVIème siècle et avait converti quelques petites communautés au catholicisme. Mais les missionnaires chrétiens ont été expulsés du Japon en 1614, et des persécutions ont été menées par le pouvoir contre les Japonais convertis au christianisme, ce qui a été le prélude à la fermeture du Japon, qui a ensuite duré fort longtemps. C’est ce que raconte ce roman, dans lequel trois jeunes prêtres jésuites sont entrés clandestinement au Japon pour soutenir les communautés catholiques persécutées. C’est une belle réflexion sur la foi, le prosélytisme, la rencontre entre le catholicisme et le Japon, dont Martin Scorsese a tiré un film, qui s’appelle aussi Silence, avec toutes les obsessions autour du catholicisme que l’on connaît dans son cinéma."


Locarno

Michaela Wiegel

"Comment sauver la paix ? C’est la question qui est de façon romanesque décrite dans ce roman de Christine de Mazières. On sent qu’elle s’est plongée dans les archives allemandes et françaises pour décrire ces négociations entre Aristide Briand d’un côté, et Gustav Stresemann de l’autre, et pour montrer des questions qui restent aujourd’hui vraiment d’actualité : après le traité de Versailles, comment rapprocher et bâtir une paix qui soit durable ? On a parfois l’impression qu’effectivement, alors qu’on s’oriente vers une paix de diktat de la Russie sur l’Ukraine, nous, Européens, aurons probablement bientôt notre Locarno à faire pour rendre une situation entre l’Ukraine et la Russie plus viable."


Les grands ministres qui ont fait la France

Nicole Gnesotto

"Je vous conseille de vous plonger dans ce livre collectif dirigé par Jean-Christian Petitfils, paru en 2024. C’est simplement le portrait, depuis l’abbé Suger jusqu’à Georges Pompidou — de grands ministres, dont certains très connus, comme Talleyrand, Colbert ou Schuman, et d’autres, en tout cas pour moi, moins connus, comme Waldeck-Rousseau ou l’abbé Dubois, sous la régence de Philippe d’Orléans. Il n’y a aucune idée générale à tirer de ces portraits, mais ils sont formidables pour montrer, non les réussites ou les échecs, mais les défis auxquels ces gens ont été confrontés et comment ils ont abordé ces défis. Ce qui est extraordinaire, en revanche, c’est de voir à quel point tous ces grands hommes étaient pétris d’une culture classique dont on peine aujourd’hui à distinguer quelques bribes … Sauf peut-etre chez notre Premier ministre, agrégé de Lettres classiques ?"