Le maréchal Ney

Brève proposée par Richard Werly dans l'émission Que se passe-t-il au Soudan ? / La Suisse peut-elle rester neutre ? / n°295 / 30 avril 2023, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Le maréchal Ney

Richard Werly

"Ma brève revient sur le débat à propos de la neutralité suisse puisqu’elle plonge au coeur de ce qui l’a permise : les guerres napoléoniennes, et l’intervention des troupes de Napoléon sur la Constitution de la Suisse moderne. Je fais référence à l’acte de médiation de 1802, et à la biographie du maréchal Ney qui vient d’être publiée, signée de Franck Favier. Lorsque Napoléon décide de mettre de l’ordre en Suisse, qui à l’époque (entre 1798 et 1802) est particulièrement turbulente, il y envoie le plus brave de ses généraux. Ney prendra la tête de l‘occupation napoléonienne en Suisse, et cela aboutira à l’acte de médiation de 1802, qui permettra au canton de Vaud où nous enregistrons d’échapper à la férule de Berne. Ce très beau livre raconte tous les tourments de ce militaire héros des champs de bataille, mais nigaud et assez buté sur beaucoup d’autres points."


Les autres brèves de l'émission :

Le capitaine Volkonogov s’est échappé

Philippe Meyer

"Je recommande très vivement ce film russe, signé de Natalya Merkulova et Aleksey Chupov. Il est sorti en 2021, ce qui signifie qu’il a été fait vers 2019-2020. Il serait tout à fait impossible qu’il soit fait dans la Russie d’aujourd’hui. Bien sûr à cause de la guerre et du verrouillage des diverses formes d’expression, mais aussi parce qu’il pose - entre autres- la question de la mémoire du stalinisme, une question décisive. Si décisive qu’on voit bien l’action que Poutine a mené contre ceux qui tentaient d’entretenir la vérité à son propos. Ici, on est en plein dans le pire de cette période, les années 1936 à 1938, au moment de la grande purge de 1936 et de la famine en Ukraine. A Saint-Petersbourg, le capitaine Volkonogov fait partie des équipes chargées d’arrêter les suspects, de fabriquer des accusations, des preuves et de passer aux exécutions. Et un jour, alors qu’il comprend que son sort sera le même que celui des gens qu’il a torturés et assassinés, il s’échappe. Et pendant sa fuite, il a une révélation. Premièrement, qu’il y a une vie après la mort et que le paradis existe, et deuxièmement qu’il n’y entrera jamais s’il n’y a pas au moins un parent de l’une de ses victimes qui le pardonne. Il part alors en quête de cette rédemption. Je ne connais pas d’autre film avec un sujet pareil. En tous cas celui-ci en parle d’une manière extrêmement forte. C’est un petit film, il est sorti il y a quelques semaines en France, on pouvait donc craindre que son sort commercial ne soit rapidement scellé. Or le jour où j’y suis allé, j’ai eu la bonne surprise de voir que la séance était complète. Espérons que cet engouement continuera, et qu’il portera longtemps cette magnifique expression du cinéma russe."


Désordres (Unrueh)

Lucile Schmid

"C’est un film suisse que j’ai pour ma part envie de vous recommander. Je l’ai trouvé incroyable. Il raconte la façon dont Pierre Kropotkine, le célèbre anarchiste russe, va découvrir l’anarchisme en Suisse, dans le Jura, dans une usine d’horlogerie, par le biais d’une romance avec une jeune ouvrière prénommée Joséphine. On explique très bien dans le film comment dans ce milieu des ouvrières de l’horlogerie, contraintes à toujours plus de productivité à mesure que le XIXème siècle s’avance, on est fasciné par la Commune de Paris, par l’anarchisme en général. C’est ce qui changera Kropotkine, qui disait : « quand je quittai ces montagnes, après un séjour de quelques jours au milieu des horloges, mes opinons sur le socialisme étaient faites : j’étais anarchiste ». "


Grandeur nature

Nicole Gnesotto

"Je vous recommande la lecture du dernier ouvrage d’Erri De Luca, écrivain italien, qui vient de sortir chez Gallimard ce recueil de cinq nouvelles. D’abord parce que l’auteur est un personnage assez étrange : ancien communiste, anarchiste, proche à un moment des mouvements violents italiens. Il a fait de la prison, il a travaillé dans les usines, a voulu faire sa révolution ouvrière chez Fiat alors qu’il venait d’un milieu aisé, et puis un jour il a découvert la Bible et est devenu un érudit de la Torah et du Talmud. C’est aussi un alpiniste chevronné. Tout cela crée un personnage très épuré, très sec, semblable à sa langue, qui est aussi très lumineuse. Ce recueil parle de la paternité, au sens des rapports père-fils (il n’y a pas de filles dans ces histoires). Dans une nouvelle intitulée « leçon d’économie », un père se rend compte que son fils qu’il a élevé dans les livres et la culture et qui est ouvrier chez Fiat, écrit quand il rentre chez lui le soir, dans sa petite chambre de bonne. Un jour le père lit ce qu’écrit son fils et lui propose un salaire pour ne faire qu’écrire. Et le fils refuse. Et c’est la plus grande incompréhension qu’il y aura de leur vie entre Erri De Luca et son père. Et c’est raconté d’une façon exceptionnelle."