Le livre de l’intranquillité

Brève proposée par David Djaïz dans l'émission Fin de l’abondance, crise ou défi ? / n°261 / 4 septembre 2022, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Le livre de l’intranquillité

David Djaïz

"J’admire Fernando Pessoa depuis longtemps, mais je n’avais encore jamais lu ce livre dont plusieurs personnes m’avaient assuré qu’il changerait ma vie. Une espèce de journal de bord, où l’auteur prête ses propres propos à plusieurs personnages fictifs. Il y a eu une polémique autour de la réédition récente de ce livre, car outre la nouvelle traduction,ce sont en réalité trois livres de l’intranquillité, car il y a trois personnages, et non un seul. Pessoa est quelqu’un qui a consacré une énergie folle à ne pas être un homme d’action, je ne résiste pas au bonheur de vous le citer : « Le rêveur n’est pas supérieur à l’homme actif parce que le rêve serait supérieur à la réalité, la supériorité du rêveur vient de ce que rêver est beaucoup plus pratique que vivre, et que le rêveur tire de la vie un plaisir beaucoup plus varié que l’homme d’action. Pour le dire mieux et plus directement, c’est le rêveur qui est le vrai homme d’action. »"


Les autres brèves de l'émission :

Leila et ses frères

Béatrice Giblin

"Je vous recommande ce film iranien, réalisé par Saeed Roustaee, qui avait déjà réalisé l’impressionnant « La loi de Téhéran ». Ce réalisateur, dans des conditions extrêmement difficiles (son film est censuré en Iran seulement parce qu’il a été sélectionné au festival de Cannes), nous dépeint une famille iranienne : une sœur qui a la tête sur les épaules, quatre frères vélléitaires et plutôt ratés, et un père âgé qui appartenait à une très grande famille. Il espérait donc à la mort du parrain, devenir lui-même le parrain, titre honorifique accompagné d’une charge financière, dans un milieu extrêmement précaire. "


Salman Rushdie

Philippe Meyer

"Au mois d’août dernier à New York, Salman Rushdie a été poignardé et grièvement blessé. A la suite de cette agression, un certain nombre d’intellectuels et d’éditeurs ont été interrogés par Le Monde. J’aimerais reprendre une citation de Salman Rushdie qu’a utilisée Françoise Nyssen : « La littérature se réjouit des contradictions et, dans nos romans et nos poèmes, nous chantons notre complexité humaine, notre capacité à être simultanément à la fois oui et non, à la fois ceci et cela, sans en éprouver le moindre inconfort. A cette époque où l’on vise à tout simplifier, cette magnifique complexité n’a jamais été plus importante. (…) On nous somme de nous définir de plus en plus étroitement, de comprimer notre personnalité multidimensionnelle dans le corset d’une identité unique, qu’elle soit nationale, ethnique, tribale ou religieuse. J’en suis venu à me dire que c’était peut-être cela le mal dont découlent tous les maux de notre époque. Car, lorsque nous succombons à ce rétrécissement (…), alors il nous devient plus facile de voir en l’autre un ennemi. »"


Tu seras mon père

Richard Werly

"Je vous conseille ce roman, qui parle d’un pays bientôt dans l’actualité, à cause des élections législatives qui s’y tiendront le 25 septembre. Elles seront sans doute très importantes, puisque pour le moment c’est Mme Meloni, dirigeante du parti d’extrême-droite Fratelli d’Italia, que les sondages placent en tête. Ce roman éclaire beaucoup sur l’Italie et la psyché italienne. Il parle de la période encore très obscure des Brigades Rouges, avec ce qu’il y a eu d’idéal. Il parle aussi des pressions extérieures, des Etats-Unis, et de la CIA notamment. C’est cet imbroglio italien qui est ici traité, nous en verrons peut-être le résultat le 25 septembre prochain."


La mémoire, l’histoire, l’oubli

Lionel Zinsou

"Quand il avait 22 ou 23 ans, Emmanuel Macron était l’assistant de Paul Ricœur. Lors de son récent voyage en Afrique, le président français a fait montre de l’influence du penseur. Ses discours autour de la question de la mémoire ont profondément changé le regard que les Est-Africains portent sur la France. Il faut lire Paul Ricœur pour comprendre Emmanuel Macron. On peut aussi aller sur le site de la revue Esprit, et regarder ce que le jeune Macron écrivait à propos de l’œuvre de Ricœur. Le macronisme est sans doute un peu plus qu’une idéologie, presque une théorie. S’il y a quelque chose qui a été réussi ces 5 ou 6 dernières années entre la France et l’Afrique, ce n’est probablement pas le combat contre les djihadistes au Sahel, ou la progression de tel ou tel intérêt économique contingent ; c’est de changer complètement le regard de l’autre sur vous, ou le vôtre sur autrui. Traiter les mémoires qui s’opposent dans une Histoire qui rassemble est on ne peut plus ricœurien."