La Politique de Santé
Introduction
Jean de Kervasdoué vous êtes titulaire de la chaire d’économie et de gestion des services de santé du Conservatoire National des Arts et Métiers et membre de l’académie des technologies. Nommé directeur général des hôpitaux entre 1981 et 1986 par François Mitterrand, vous avez été l’artisan de la réforme du financement qui attribue un budget annuel à chaque établissement et vous avez également introduit le Programme de médicalisation des systèmes d’information, ou PMSI, qui recueille et analyse les actes réalisés par les hôpitaux. Ingénieur agronome et économiste spécialiste des hôpitaux, vous êtes critique du système de santé français plaidant pour une plus grande autonomie des structures hospitalières face à l’intervention systématique de l’Etat. Vous vous dressez contre ceux “qui confondent service du public et service public, voire défense du statut public” et vous dénoncez la centralisation forcée du système de santé. Vous êtes notamment l’auteur de “Très cher santé”, ouvrage publié en 2009 dans lequel vous mettez en évidence les failles de notre système de soin marqué, selon vous, par “un corporatisme médical libéral” et “un syndicalo-corporatisme hospitalier”. Vous dénoncez entre autre le fait que “le raisonnement économique” soit ignoré ou combattu lorsqu’il s’agit de médecine en France et vous préconisez une plus grande maîtrise médico-économique des budgets. L’actuelle ministre de la santé, Agnès Buzyn, déclarait elle-même en décembre 2017 à Libération: “Sur l’hôpital, nous sommes arrivés au bout d’un système’. En effet, les hôpitaux publics auront connu un déficit historique de 1,5 milliard d’euros en 2017. La part de l’hôpital dans les dépenses totales de santé est ainsi passée à 40% en France contre 29% en Allemagne tandis que 25% des dépenses de santé aujourd’hui sont le fruit d’actes inutiles ou redondants. Les services hospitaliers auront été marqués ces derniers mois par de nombreux mouvements de grève engagés contre la baisse des moyens, la dégradation des conditions de travail et le manque d’effectifs constant. Frédéric Valletoux, président de la Fédération des hôpitaux de France (FHF) déclarant même en décembre de l’année dernière: “La ligne rouge est dépassée”. Pour faire face, Agnès Buzyn s’est engagée à “ne pas faire d’économie, mais à voir comment avec le même montant de dépenses, on peut améliorer la qualité de vie des français”. Cinq groupes de travail ont ainsi été créés afin d’étudier de mars à mai les différents défis du système de santé dans l’optique de rendre une feuille de route détaillée des solutions avant l’été. Parmi les grandes problématiques, diminuer le renvoi systématique des patients vers les structures hospitalières en développant l’ambulatoire, une meilleure répartition des actes entre professionnels de santé et une nouvelle forme de tarification dite au “parcours de soin”. La ministre propose également de réorganiser les hôpitaux de proximité au profit d’une gradation des soins au sein des territoires jugeant “qu’on ne peut maintenir des activités de haute technicité dans tous les lieux de proximité”. La ministre entend développer l’usage du numérique en permettant au patient un meilleur suivi, une meilleure prise en charge et la possibilité d’évaluer son parcours de santé. De plus, Les données médicales des patients et leurs prescriptions seront dématérialisés et consultables en lignes tandis que la télémédecine et les téléconsultations seront généralisées d’ici à 2020. Du côté de la prévention, le premier ministre Edouard Philippe et la ministre de la santé ont présenté “25 mesures” afin de “simplifier et de rendre plus lisible et plus efficace l’action publique”. Au programme: lutte contre les addictions avec le remboursement des patchs nicotiniques, vaccination obligatoire élargie, généralisation des brevets de premiers secours et protection de la petite enfance. Le tout aidé d’un “nouveau bras armé pour la politique de prévention” à travers le déploiement de 48 000 futurs médecins, sages-femmes et infirmiers chargés d’intervenir dans les collèges, lycées, prisons et entreprises... Enfin, dans le cadre de la loi de financement de la Sécu pour 2018, la ministre propose d’ajouter 1,8 milliard d’euros pour l’hôpital public en augmentant de 2,2% l’objectif national des dépenses d’Assurance-maladie. Mais derrière ces réformes en profondeur, la ministre se veut rassurante, mettant de côté un discours catastrophiste et déclarant “Partout ou presque, les hôpitaux français sont des lieux de soin de qualité et même des centres d’excellence”. Le resteront-ils, la question reste posée?...