Ukraine : de nouveau des bruits de bottes / Présidentielle : qui sera le numéro 2 ? / n°232 / 13 février 2022

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UKRAINE : DE NOUVEAU DES BRUITS DE BOTTES

Introduction

Philippe Meyer :
Tandis que la Russie mobilise depuis octobre quelques 127 000 soldats aux frontières de l’Ukraine et qu’en réponse Washington a envoyé 3 000 soldats sur le flanc Est de l'Otan - dans les pays baltes et en Pologne - tout en armant l'Ukraine, le président Emmanuel Macron s’est rendu lundi à Moscou afin de tenter d'esquisser les bases d'un compromis susceptible d'ouvrir la voie à la « désescalade ». La présence des troupes russes à la frontière ukrainienne fait craindre aux Occidentaux une invasion de l'Ukraine par la Russie, qui a déjà annexé la Crimée en 2014 et soutient dans le Donbass les séparatistes en guerre avec les forces ukrainiennes depuis la même année. Un conflit qui a fait plus de 13 000 morts et qui n'a jamais cessé malgré les accords de paix de Minsk. A l’issue de leur rencontre, le président Vladimir Poutine a salué la visite d'Emmanuel Macron, estimant que « certaines de ses idées peuvent servir de base à des avancées communes », et a promis, plus tard, d’être prêt à des « compromis ». Il a toutefois réitéré ses exigences sur la fin de l'élargissement de l'Otan et le retrait des moyens militaires d'Europe de l'Est. Alors que Paris a fait savoir que le président français avait reçu des garanties personnelles de Vladimir Poutine sur la crise ukrainienne, le Kremlin a relativisé dès le lendemain les résultats de la rencontre, en affirmant que Vladimir Poutine n'avait rien promis à Emmanuel Macron, ni sur le front ukrainien ni sur le front biélorusse. Le président français s’est ensuite rendu mardi à Kiev, où il a rencontré son homologue Volodymyr Zelensky qui a rappelé ses lignes rouges : intégrité territoriale, refus de négocier directement avec les rebelles du Donbass, refus de toute interférence dans la politique étrangère de l'Ukraine. Emmanuel Macron a terminé sa tournée diplomatique mardi soir à Berlin, avec le chancelier allemand Olaf Scholz, de retour de Washington, et le président polonais Andrzej Duda. Si ses visites à Poutine et Zelensky n'ont pas produit d'avancées concrètes sur le conflit qui oppose les deux pays, le président français revient tout de même avec un demi-succès : le dialogue se poursuit. Pour amorcer une désescalade, Emmanuel Macron a appelé à une réunion entre les représentants français, allemands, russes et ukrainiens, dans le « format Normandie », qui associe les quatre pays depuis 2014. Celle-ci s’est déroulée jeudi à Berlin. Sans succès.
Jeudi, les armées russe et biélorusse ont lancé des exercices conjoints en Biélorussie, aux portes de l'Ukraine. Ils se dérouleront jusqu'au 20 février. Le président Biden a appelé jeudi les citoyens américains à quitter « maintenant » l'Ukraine en raison du risque accru d'une invasion russe. Si Moscou et Minsk ont déjà mené des manœuvres militaires communes, les dernières en septembre 2021, elles se déroulent d’ordinaire à l'automne et sont annoncés au moins six mois à l'avance. Cette fois, l'annonce n'a été faite que le 18 janvier. Samedi, Washington a annoncé qu’il allait envoyer 3 000 soldats supplémentaires en Pologne.

Kontildondit ?

François Bujon de l’Estang :
La question qu’il faut se poser dans cette affaire me semble être : que veut vraiment Vladimir Poutine ? Que cherche-t-il, quels sont ses objectifs ? Du côté de la stratégie, cela paraît évident : il cherche à recréer le socle impérial de la Russie éternelle. Au delà des changements de régime, il s’inscrit dans une longue continuité, qui va de Nicolas Ier ou Alexandre II, jusqu’à Staline. Or ce socle impérial russe inclut évidemment l’Ukraine. Zbigniew Brzeziński, que je voyais souvent à Washington, avait une formule très claire : « sans Ukraine, pas d’empire ». C’est tout à fait ce que pense Poutine. Notons que c’est aussi le cas des autres anciennes républiques socialistes soviétiques. Mais le président russe veut en outre rétablir la traditionnelle zone d’influence de la Russie, perdue à la dissolution du Pacte de Varsovie, tout en limitant l’expansion de l‘OTAN.
Tout ceci s’accompagne des recettes traditionnelles russes en matière de politique étrangère. Un narratif victimaire tout d’abord, dans lequel ils excellent depuis quelques années (et qui n’existait pas avant 1991). « On nous a ignorés pendant trente ans », « l’Occident a abusé de notre faiblesse », « on nous avait promis que … » etc. Et puis d’autres ingrédients plus anciens, comme la « pactomanie ». Les Russes ont proposé deux traités en bonne et due forme aux Américains, mais ils contiennent évidemment des choses inacceptables. Ajoutons enfin le traditionnel complexe d’encerclement, et les démonstrations de force, sous la forme d’un fort bruit de bottes.
Voilà pour la stratégie. Du côté de la tactique, M. Poutine cherche à créer une pression, qu’il maintiendra et qui lui permettra de déstabiliser l’Ukraine, pour l’empêcher de devenir une success story, qui risquerait de donner des idées à la société civile russe. Je ne sais pas si Poutine veut la guerre, mais il veut indéniablement une tension, une menace de guerre qui lui permet de déployer sa politique et articuler ses exigences. Il veut attirer l’attention de Washington, car il n’a jamais digéré le fait que l’administration Obama avait déclaré, après qu’il eut refusé de se rendre à Chicago pour un G8, que la Russie était « une puissance régionale ». Il s’agit de rétablir le dialogue comme à l’époque des superpuissances. Il pense que les Etats-Unis sont dans une phase de faiblesse sans précédent : il a observé attentivement l’affaire de la ligne rouge en Syrie, ainsi que l’abandon des Kurdes, puis des Afghans. Il pense pouvoir compter sur le soutien de la Chine (que Xi Jinping lui a encore réitéré à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques), et considère l’Europe comme quantité négligeable. La France ne l’intéresse pas, l’Allemagne a trop besoin du gaz russe, et le Royaume-Uni n’est qu’un satellite des Etats-Unis, le « 51ème état de l’Union ». Il pense qu’il est le plus fort, tout simplement parce que personne en Occident n’est prêt à mourir pour Kiev.
Jusqu’à présent, il a récolté un premier succès : il a désormais la pleine attention de Washington et de Joe Biden. Les Américains et les Russes ont renoué le contact. Pour le reste en revanche, il n’a à peu près rien obtenu : les Américains ont fermement refusé ses demandes, les Etats-Unis et l’Europe ne se divisent pas, et même les Européens semblent à peu près unis.

Béatrice Giblin :
Je me demande moi aussi ce que veut Poutine, il semble s’être mis lui-même à croire à son discours de déclin de l’Occident et des Etats-Unis, et d’une Europe inexistante ; tous ces thèmes qu’il associe à une certaine décadence, comme le mariage homosexuel, etc. Il s’est tant raconté cette histoire qu’il a fini par y croire, et pense qu’en montrant ses muscles (apparemment un de ses passe-temps préférés) il va faire peur et sera respecté.
Mais si on y réfléchit un peu, à quoi a mené cette stratégie ? Si l’on regarde sur une carte où se massent les troupes russes : en Biélorussie, à la frontière russo-ukrainienne, dans le sud de l’Ukraine, en Mer Noire, on voit bien que c’est davantage l’Ukraine que la Russie qui a des raisons de sentir encerclée … Mais surtout, où a mené cette attitude ? A relancer l’OTAN. On disait l’organisation en état de mort cérébrale, la voilà remise au centre de toutes les attentions. Alors que cherchait Poutine ? A ne plus être ignoré des Etats-Unis, certes. Et il est vrai que cela au moins a réussi. Mais peut-on réellement imaginer qu’il attaque l’Ukraine ? Qu’il aille jusqu’à Kiev ?
Pour le moment, la principale conséquence de sa politique est d’éloigner les Ukrainiens de la Russie, alors qu’il y a des liens historiques et culturels immenses entre les deux pays. La politique actuelle de Poutine ne fait que radicaliser le nationalisme ukrainien, qu’il a de toutes façons toujours considéré comme un fascisme venant de l’Ouest. Il semble ignorer qu’une nation se construit aussi « contre ». Tout se passe comme si, pour les Russes, l’Ukraine n’existait pas, et que l’existence d’un sentiment national ukrainien était impensable.
D’une certaine manière, il fait un peu la même chose en soutenant Loukachenko en Biélorussie. Si bien qu’une partie de la population biélorusse, traditionnellement très proche de la Russie, commence à s’en éloigner. Qu’est-ce que Poutine a à gagner avec cette affaire ukrainienne ? Le Donbass ? C’est une région de vieilles industries, en très mauvais état. En étant cynique, l’Ukraine pourrait presque dire « bon débarras ».

Nicole Gnesotto :
D’un point de vue européen, il y a deux énigmes. D’un côté, la stratégie russe, qui vient d’être analysée, et de l’autre, celle des Américains. Du côté russe, une surenchère de la force, et du côté américain, une surenchère de l’alarme. Vu d’ici, les deux sont assez incompréhensibles.
Si les Américains veulent dissuader les Russes d’attaquer l’Ukraine, il y a autre chose à faire que de dire « j’enlève mes troupes, et la guerre aura lieu vers le 20 février ». Aucune réponse militaire, le risque d’escalade étant trop grand, donc ce seront des sanctions, et ce sont les Européens qui vont en faire les frais. Si Joe Biden voulait dissuader les Russes, il ne déclarerait pas qu’il s’en va. Quand la crise sera terminée, il faudra tout de même que les Américains nous expliquent leur stratégie …
Du côté russe, cet amoncèlement de forces est très inquiétant. Il dure depuis plusieurs mois : les forces convergent vers l’Ukraine depuis la Sibérie, 30 000 Russes participent aux manœuvres en Biélorussie, une partie de la flotte russe est passée de la Baltique à la Mer Noire. Les Russes ont d’ailleurs annoncé des manœuvres navales sur tous les océans. Il serait fou de ne pas s’en inquiéter, même si l’on peine à voir ce que Vladimir Poutine a à y gagner.
Les Européens seront les victimes de ces deux stratégies. Y a-t-il un réel risque de guerre ? Il faut s’entendre sur le mot. Si l’on entend un conflit américano-russe à grande échelle, « à l’ancienne » à propos de l’Ukraine, il me semble que le risque est nul, à cause de la dissuasion nucléaire. S’il s’agit d’une « petite » guerre entre l’OTAN et la Russie, pour défendre par exemple les pays baltes (qui pourraient subir des dérapages russes), je n’y crois pas non plus, parce que personne à l’OTAN n’a envie d’un conflit contre les Russes. Là encore, le risque d’escalade est dissuasif. S’il s’agit d’actions militaires agressives dans certaines parties de l’Ukraine en revanche, cela paraît possible. Comme au Donbass, mais c’est étrange car d’une certaine façon, la Russie possède déjà le Donbass. De toutes façons, la réponse des Occidentaux sera celle de Cheysson en 1981, quand les Russes déstabilisaient la Pologne : « bien entendu, nous n’allons rien faire ». On ne voit pas comment les Européens pourraient répliquer militairement. La seule réponse reste donc les sanctions, mais on sait qu’historiquement, elles n’ont d’effet que si la planète entière les applique. Ici, avec l’allié chinois, on peut craindre qu’elles ne soient sans effet. C’est aux Européens de prendre le dossier diplomatique en main, et je me félicite qu’Emmanuel Macron ait déjà tenté quelque chose.

Jean-Louis Bourlanges :
Poutine a trois objectifs possibles. D’abord, l’exigence de sécurité, derrière le narratif victimaire dont parlait François. Cette exigence est une vaste blague. Qui peut penser sérieusement que l’Occident ou l’Ukraine sont des menaces pour l’indépendance de la Russie ? Certes, nous avons été maladroits à Bucarest, et avons fait ce que Machiavel condamne : menacer sans frapper. Nous avons dit que l’Ukraine pourrait entrer un jour dans l’OTAN, mais que le moment n’était pas opportun. Nous aurions dû dire que la place de l’Ukraine n’était pas dans l’OTAN, et pour des raisons très profondes, non liées à la sécurité de la Russie, mais à l’intimité historique des sociétés russe et ukrainienne. Dans ces conditions, l’enrôlement de l’Ukraine dans l’organisation atlantique était provocatrice.
Second objectif : éviter la contagion démocratique. Les Russes ont été gênés et hostiles face aux manœuvres de l’Union Européenne, visant à intégrer la Russie dans son modèle économique et politique. Le choix fondamental de Poutine est le refus des valeurs occidentales et de la démocratie pluraliste. Il s’allie donc avec tout ce qui est imprésentable : la Chine, Loukachenko, Orbán, (qu’il n’aime que parce que nous ne l’aimons pas), et même Erdogan, l’adversaire historique. C’est à croire qu’on ne trouve grâce à ses yeux que lorsqu’on est un « méchant ».
Troisièmement, la reconstitution de l’ex-empire soviétique, dont vous avez parlé. Il occupe aujourd’hui une partie de la Moldavie, une partie de la Géorgie, une partie de l’Ukraine, s’est érigé en protecteur de l’Arménie, du Kazakhstan, de la Biélorussie, il y a incontestablement une entreprise vigoureusement poursuivie.
Face à ces trois objectifs, que peut-on faire ? Il me semble que si Macron s’est rendu en Russie, c’est pour dire « si vous avez un problème de sécurité, nous pourrons le résoudre. Le président Zelensky est un homme modéré, il a besoin de la sécurité et de l’indépendance, si nous pouvons les lui garantir, tout le monde comprendra très bien que l’Ukraine ne peut pas rejoindre l’OTAN ». Cela répond donc à l’un des objectifs, mais pas aux deux autres. Pour ceux-là, Macron n’est pas en mesure de régler le problème.
Que va faire Poutine ? Il semble difficile de croire qu’il ne fera rien, car cela lui ferait perdre la face. Il a mobilisé des moyens considérables, mais qu’a-t-il réussi à faire ? A ramener le regard des Américains vers l’Europe. A mobiliser des Etats neutres comme la Finlande et la Suède. Cette dernière vient de voter un acte législatif autorisant son gouvernement à rentrer à tout moment dans l’OTAN, ce qui est très insolite de la part d’un champion traditionnel de la neutralité comme la Suède. Enfin, il a sorti l’OTAN de son coma cérébral. Si la seule contrepartie qu’il obtient est de ne pas être menacé par l’Ukraine, c’est très peu …
Quels seraient les avantages d’une guerre ? Nous sommes très embarrassés sur les sanctions, qui feraient énormément monter le prix du gaz. On ne peut pas ignorer les manœuvres, les moyens considérables mobilisés, et les discours contradictoires (il assure d’abord à Macron que les manœuvres vont cesser, puis fait dire qu’il ne s’est engagé à rien). Quelle est la nature de la guerre qu’il peut faire ? Soit il renforce sa position entre la Crimée et le Donbass, soit il attaque Kiev par la Biélorussie. Mais il y a d’autres enjeux. La Moldavie par exemple est très menacée. Enfin, derrière l’entente russo-chinoise, n’y a-t-il pas une possibilité d’action combinée, en Ukraine et dans le Pacifique, avec une intensification de la pression sur Taïwan ? C’est vraiment la crise la plus grave depuis celle de Cuba.

Béatrice Giblin :
Je reste convaincue que Poutine a commis une erreur d’analyse, et qu’il s’est raconté une histoire fausse. Il est désormais dans une situation dont il aura du mal à sortir. Il y a des formes de guerre nouvelles, comme les cyberattaques. Cette déstabilisation de l‘Ukraine va durer longtemps. Il en est capable et il a le temps pour lui. N’oublions pas que la situation interne de la Russie est mauvaise. La Russie a le PIB de l’Espagne, et subit un véritable effondrement démographique. Aujourd’hui le pays ne compte plus que 110 millions d’habitants, et voit une émigration massive des jeunes. Le réflexe nationaliste jouera sur une partie de la population russe, mais pas chez les plus jeunes.

François Bujon de l’Estang :
La fin des manœuvres en Biélorussie est prévue le 20 février. Nous verrons s’il maintient ses troupes ou non. Mais pour les jours qui viennent, il y a trois mots clefs à garder à l’esprit.
Le premier est dialogue. J’insiste sur ce point, Poutine est très heureux de dialoguer avec Washington. C’est un véritable succès tactique qu’il va développer, et dont il pourrait sortir de bonnes choses, et sur d’autres sujets que l’Ukraine, sur le contrôle des armements par exemple. La poursuite du dialogue est un succès, qui lui permettrait le cas échéant de proclamer la victoire et sauver la face.
Le deuxième est désescalade. La Biélorussie sera le premier test. Car ce ne sont pas les accords de Minsk qui vont offrir des voies de progrès.
Le troisième est finlandisation, c’est à dire le fait que l’OTAN accepte que l’Ukraine ne la rejoindra pas. C’est un mot absolument tabou, que personne n’ose prononcer. Il rend les Ukrainiens hystériques et sent la guerre froide à plein nez, mais tout le monde y pense. Seulement la finlandisation n’est pas quelque chose qui se négocie ou se proclame par traité. Historiquement, ce fut un état de fait, découlant d’une attitude sagement adoptée la Finlande, qui conduisit à son indépendance sans avoir besoin d’entrer dans l’OTAN. Il faudrait que les Ukrainiens œuvrent dans ce sens, sans le proposer par écrit, sans traité. Cela fait vingt ans que nous aurions dû nous fixer cette ligne de conduite.

Nicole Gnesotto :
Poutine a déjà réussi beaucoup de choses, et d’une certaine façon c’est plutôt rassurant, car cet empilement de succès lui épargnera peut-être l’action militaire. D’abord, il est redevenu le centre du monde. Tout le monde se soucie comme d’une guigne des Jeux Olympiques de Pékin. Ensuite, il fait peur, et cela suffit pour déstabiliser l’Europe. Son objectif n’est pas de reconquérir la Pologne ou les pays baltes, mais de déstabiliser la zone tampon entre lui et l’OTAN. Force est de reconnaître qu’il y parvient très bien. Enfin, s’il est vrai qu’il a ressuscité l’OTAN, il l’a par la même occasion entièrement décrédibilisée militairement. L’OTAN ne pourra pas intervenir, puisqu’aucun de ses pays membres n’est prêt à prendre les armes pour défendre l’Ukraine.
En outre, il a déstabilisé l’Europe. En France, nous sommes scandalisés de l’absence de l’Union dans cette crise, et nous nous réjouissons que Macron y aille. Mais nos partenaires européens sont très contents que l’Amérique mène ces négociations. On nous avait répété que les Etats-Unis ne s’intéressaient plus qu’à l’Asie ; les autres pays de l’Union sont ravis de ce revirement, et très irrités contre Macron.

Jean-Louis Bourlanges :
Je ne suis pas d’accord sur l’OTAN, car de deux choses l’une : soit Poutine gagne et le dialogue avec Washington est fructueux, soit il n’obtient rien, et alors l’OTAN aura été renforcée, aura gagné un pouvoir réel sans avoir besoins de combattre. Je ne connais pas la psychologie de M. Poutine, mais je le crois très orgueilleux. Il me semble que cette situation ne va pas le satisfaire. J’espère évidement la paix, mais je crains que le risque de conflit ne soit très réel.
Nicole a raison de souligner sa volonté de division des Européens. La presse internationale est injuste avec Macron à ce sujet, car il n’y est pas allé tout seul. D’abord, la France préside en ce moment l’Union Européenne, ensuite il s’est couvert de tous les côtés : Allemagne, OTAN, USA … Ceux qui n’ont pas été complètement « réglo » dans cette affaire sont les Allemands. Il eut évidemment été plus satisfaisant de faire une démarche commune avec le chancelier Scholz. Là il y a un vrai problème sur l’attitude des uns et des autres vis-à-vis de Poutine. Il y a M. Schröder derrière le robinet de gaz, il y a un mix énergétique allemand absolument ingérable, avec une dépendance très forte au gaz. Il y a une allergie très compréhensible du peuple allemand à toute forme de violence. Il y a enfin le départ du Royaume-Uni, notre alter-ego en matière de Défense. L’Union Européenne est profondément déséquilibrée sur ce dossier. Le PIB de l’Union européenne est huit fois celui de la Russie, et nous ne sommes pas capables de nous imposer en termes de puissance. J’ai mal à ma peau d’Européen quand je vois cela.

PRÉSIDENTIELLE : QUI SERA NUMÉRO 2 ?

Introduction

Philippe Meyer :
A deux mois du premier tour, et alors qu'Emmanuel Macron n'a pas annoncé officiellement une candidature qui ne fait aucun doute, les sondages sur les intentions de vote indiquent que quatre des finalistes peuvent espérer la qualification au second tour. Des jeux de vases communicants sont à l'œuvre, entre Marine Le Pen et Éric Zemmour, entre Valérie Pécresse et Emmanuel Macron, et entre Éric Zemmour et Valérie Pécresse. Dans le baromètre OpinionWay - Kéa Partners pour « Les Echos » et Radio classique le plus récent, publié le 10 février, derrière Emmanuel Macron (23 %) et Marine Le Pen, Valérie Pécresse et Éric Zemmour jouent à saute-mouton autour des 15 %.
 Selon un récent sondage Ifop, Emmanuel Macron l'emporte dans toutes les configurations jugées plausibles, contre Marine Le Pen, Valérie Pécresse ainsi qu’Éric Zemmour. Le dernier sondage Elabe pour L'Express et BFM TV, en partenariat avec SFR, publié le 8 février, précise qu’en cas d’un nouveau duel au second tour Macron-Le Pen, l'écart est moins important en faveur du président sortant qu'en 2017 (56%- 44%). Il est en revanche nettement plus élevé en cas d'accession d’Éric Zemmour au second tour (64%-36%). Emmanuel Macron bénéficierait dans cette configuration d'une bonne mobilisation des électeurs de gauche et de Valérie Pécresse, juge le sondeur Elabe. Zemmour ne disposerait pas ailleurs que d'une mobilisation partielle des électeurs de 1er tour de Marine Le Pen (48%). Presque huit Français sur dix n'apprécient pas la personnalité du candidat du mouvement Reconquêtes (84% chez les femmes). Le combat le plus serré reste celui qui opposerait le président sortant à Valérie Pécresse. Emmanuel Macron conserve cependant une avance confortable (54%, -1.5) dans cette configuration, et ce malgré un léger regain de la candidate LR (46%, +1.5), s'expliquant par un meilleur report de voix des électeurs de Marine Le Pen au premier tour.
Et si c'était Le Pen-Zemmour au second tour ?... s’interroge Sébastien Le Fol dans Le Point du 10 février. Un scénario qui va à l’encontre de celui les experts, pour qui il y aura au moins Macron ou Pécresse en finale. Au premier tour, les quatre candidats pourraient se retrouver dans un mouchoir de poche (entre 15 et 18 %). Mais à deux mois du premier tour de l'élection présidentielle, de nombreuses inconnues existent encore. Que ce soit l'impact de l'annonce de la candidature d'Emmanuel Macron, le nombre de candidats qui auront leurs parrainages, le niveau de l'abstention, les suites du « convoi de la liberté » ou le poids de la pandémie sur le scrutin.

Kontildondit ?

Nicole Gnesotto :
La situation est inhabituelle, car s’il n’est pas rare d’avoir une quarantaine de candidats en début de course, après les parrainages, cela se réduit à généralement une dizaine, et ceux qui sont capables d’arriver au premier tour sont deux ou trois. Aujourd’hui, il y en a environ quatre (ou cinq si l’on compte Yannick Jadot), qui tournent tous autour des 15% et ne bougent pas, les variations n’excédant pas 1 ou 2%. Tous sont capables d’arriver au premier tour. J’explique cela par l’effet continu de la déflagration qu’a créée Emmanuel Macron dans le paysage politique français en 2017, en faisant en sorte que les partis traditionnels, en particulier le PS et LR, ne représentent plus l’électorat qu’ils sont censés représenter. C’est peu de dire qu’à gauche, le PS est dans une situation catastrophique (Mme Hidalgo est créditée de 1 ou 2% d’intentions de vote). De même, LR a du mal à tenir ses électeurs : une partie est allée chez Zemmour, une autre chez Le Pen, une troisième chez Macron. L’offre politique prolifère, et entraîne donc une très grande incertitude sur le premier tour.
Qu’est-ce qui pourrait faire que les candidats se démarquent les uns des autres, et que les tendances se précisent ? Trois choses, à mon avis. D’abord la liste des parrainages. On sait qu’Eric Zemmour peine à les récolter, je suis personnellement contre cette idée selon laquelle tous les candidats devraient obtenir leurs parrainages, je trouve très bien que les parrainages soient devenus transparents, et qu’on sache quel maire en France vote pour Eric Zemmour, personnellement, cela m’intéresse. Cela pourrait être un moyen d’écarter un ou deux candidats.
Ensuite, un évènement exceptionnel, comme la guerre. Il est évident que si les Russes passent à l’attaque en Ukraine, même à une petite échelle, il est évident que cela bénéficiera à Emmanuel Macron, et décrédibilisera largement Mme Le Pen (et dans une moindre mesure, Mme Pécresse, qui a récupéré beaucoup d’électeurs de François Fillon).
Enfin, les alliances possibles. Théoriquement, c’est un facteur de clarification, mais je vois mal comment une alliance pourrait émerger à gauche. Ce serait pourtant très tentant, puisque la somme des voix de gauche dépasse les 15%. A droite, cela semble tout aussi improbable.

Béatrice Giblin :
Bien malin qui saurait dire le ou la candidate présent au second tour à droite, étant donnée la course de petits chevaux qui se joue en ce moment. La proportion d’électeurs indécis est énorme : près d’un sur deux ne sait pas s’il va aller voter, et si oui, pour qui il votera.
Tout le monde attend l’arrivée de Macron en campagne, mais personnellement, cela me laisse perplexe : il est tout à fait évident qu’il est déjà en campagne, qu’est-ce qu’une annonce officielle changerait ? Tout le monde sait qu’il est candidat. Même occupé à gérer une crise internationale, il ne néglige absolument pas ce qui se passe en interne : il était à Belfort, dans la Creuse, dans le Pas-de-Calais, bref il occupe le terrain. Il fait en sorte que la hausse du prix de l’électricité ne soit pas trop brutale ; je rappelle qu’au Royaume-Uni, elle est de 54%. Je n’arrive pas à comprendre les commentaires selon lesquels la campagne n’aurait pas vraiment commencé tant qu’il n’y est pas officiellement.
Regardons quelques dynamiques. Il est vrai que les candidats sont sur des plateaux, mais tous ne sont pas au même niveau. Marine Le Pen baisse, Zemmour monte. Il semble rattraper les grandes maladresses de janvier, on est moins sur « le grand remplacement » et davantage sur « le grand déclassement ». Il pédale désormais à toute allure sur le pouvoir d’achat, et il a un réel talent pour enflammer les gens, il sait faire des meetings. Ce n’est pas le cas de Valérie Pécresse. On attend beaucoup de son Zénith de dimanche. Elle est censée y « fendre l’armure », incarner cette rencontre entre le peuple et une grande personnalité. Mais cela paraît douteux ; Valérie Pécresse n’a pas le même genre de profil qu’un Jacques Chirac, flattant la croupe des vaches au salon de l’agriculture. Mme Pécresse est plutôt une bonne élève, très sérieuse et très bourgeoise.
La dynamique actuelle m’inquiète, entre la montée de Zemmour et la très forte abstention, le candidat réactionnaire pourrait se retrouver au second tour.

François Bujon de l’Estang :
Mes dons de voyance étant particulièrement limités, je n’aime pas trop cet exercice consistant à deviner qui sera au second tour. On peut commenter les sondages éternellement (d’autant qu’il y en a de plus en plus, c’est désormais un par jour), mais pour ma part je préfère me concentrer sur ce qui distingue cette campagne présidentielle de celles du passé, à commencer par la précédente.
La première différence majeure est un président sortant qui se représente. Je suis tout à fait d’accord avec Béatrice : la date à laquelle Emmanuel Macron se déclarera officiellement ne changera rien à la campagne, c’est le faux problème par excellence. Il est candidat, il est en campagne, et tout le monde le sait.
Deuxième différence : il y a trois candidats de droite en compétition. Il y a un nouveau candidat d’extrême-droite, qui divise ce camp en deux, et une candidate de la droite républicaine traditionnelle, qui espère beaucoup qu’Eric Zemmour obtiendra ses 500 signatures, afin qu’elle ait une chance d’accéder au second tour. Les anciens soutiens de François Fillon, qui sont nombreux puisque ce candidat avait fait 20% en 2017, sont désormais divisés en trois groupes. L’un est évidemment chez Pécresse, d’autres comme Edouard Philippe ou Eric Woerth ont rejoint Macron il y a longtemps, mais une troisième partie, considérable, a rejoint Eric Zemmour. Les voix de droite se dispersent alors que la droite est majoritaire dans le pays. Quant à la gauche, elle est si morcelée qu’elle semble n’avoir aucune chance d’accéder au second tour.
Les sondages sont très nombreux, mais leurs résultats sont très stables, les écarts y sont très minimes. On constate qu’aucune vraie grande dynamique personnelle n’émerge. L’entrée en scène de Zemmour fut spectaculaire, et la victoire de Pécresse a unifié les Républicains. Mais depuis, on est sur un « faux plat », où il ne se passe pas grand chose. Cette campagne ne parvient pas à secouer l’apathie du corps électoral français. 64% de nos concitoyens se disent intéressés par l’élection présidentielle. Cela en laisse tout de même un sur trois qui s’en désintéresse …

Jean-Louis Bourlanges :
Comment se profile le deuxième tour de la présidentielle ? Il est vrai que cette question nous force à des pronostics, mais après tout c’est celle que se pose absolument tout le monde.
Je ne m’attarderai pas sur la gauche, qui est en miettes, pour des raisons personnelles, partisanes et surtout idéologiques. Partagée entre économie de marché et anticapitalisme, entre croissance et décroissance, entre radicalité islamophile et laïcité … Elle ne parvient pas à dépasser ces trois contradictions.
Il reste donc la droite. Cela pose la fameuse question du « milieu de l’escalier ». Quand vous voyez quelqu’un au milieu de l’escalier, il s’agit de savoir s’il monte ou s’il descend. Nous avons trois candidats qui sont à peu près dans les mêmes eaux, mais l’évolution est intéressante. Je dois d’abord reconnaître que je me suis fondamentalement trompé, et à plusieurs reprises ici même, à propos de la candidature Zemmour. J’ai vraiment cru qu’Eric Zemmour, par ailleurs talentueux et intelligent, était un « zozo », qui ferait trois petits tours et disparaîtrait dès qu’un candidat sérieux (le vainqueur de la primaire LR) arriverait. Cela en avait pris le chemin, mais ce mouvement s’est arrêté net. On voit qu’Eric Zemmour rassemble beaucoup d’électeurs, qui n’ont pas le sentiment qu’ils élisent un président de la République, c’est à dire un homme en charge du feu nucléaire, des arbitrages économiques, des grands choix sociaux, mais un homme qui représente une pulsion, sécuritaire et anti-immigrée. Zemmour monte l’escalier.
Mmes Pécresse et Le Pen, elles, le descendent. Si Valérie Pécresse est en baisse, c’est à mon avis à cause d’un erreur stratégique initiale. Elle aurait dû se positionner sur à peu près les mêmes thèmes que Macron, en un peu plus conservateur et traditionnel, et promettre qu’elle réussirait partout là où l’actuel président avait échoué. Rallier les déçus du macronisme, en somme. Au lieu de cela, elle a choisi un « en même temps » avec Zemmour, en la personne d’Eric Ciotti, qui a tout de même déclaré qu’il préférait Eric Zemmour à Emmanuel Macron. C’est pour moi tout à fait inacceptable, et une faute énorme, car Zemmour appartient à une certaine droite qui n’est pas acceptable pour tous ceux qui ont des valeurs républicaines et libérales. On voit bien d’ailleurs que tout le monde attend et espère son « recentrage ». Je ne sais pas si elle y réussira, mais son meeting au Zénith sera un tournant.
Un mot sur la question des parrainages. Je partage à ce sujet l’analyse de François Bayrou. Pour lui comme pour moi, il est absolument essentiel que des candidats représentatifs d’une partie importante de l’opinion française puissent figurer dans les choix offerts aux Français. Si Marine Le Pen, Eric Zemmour ou Jean-Luc Mélenchon étaient éliminés pour cause de manque de parrainages, ce serait une véritable calamité démocratique. Je puis vous assurer que les « convois de la liberté » seraient alors d’une tout autre ampleur …
Le système des parrainages est totalement idiot. Qui aujourd’hui en a le plus ? Anne Hidalgo. Elle en a davantage que Macron ! Les électorats des extrêmes sont divisés (entre Zemmour et Le Pen à droite, et entre Mélenchon et Roussel à gauche), les formations peinent donc à obtenir les parrainages. Chère Nicole, vous avez tort de dire que parrainer, c’est voter. Il faut revenir à la lettre de la Constitution : le parrainage consiste à dire que tel(le) candidat(e) a la représentativité requise pour se présenter devant le suffrage des électeurs. Je n’ai pas encore envoyé mon parrainage, mais je puis vous dire que je le remettrai à l’un de ces candidats, celui qui a le plus de difficultés à les réunir. Sans pour autant, croyez-moi, être zemmourien, ni lepéniste, ni mélenchoniste.

Les brèves

« Simple » de Gaspard Koenig

Philippe Meyer

"Gaspard Koenig est philosophe et a créé un mouvement baptisé « simple », dont le but est de nous dépêtrer d’une saturation de règlements qui pourrit la vie publique, la vie sociale, la vie des entreprises et celle des individus. Je me suis d’abord demandé comment il était possible qu’une question aussi limitée puisse fonder une candidature à l’élection présidentielle. C’est peut-être parce que le fonctionnement démocratique est si insuffisant, et la démocratie si pétrifiée dans son fonctionnement, que pour que de telles questions soient audibles il faille se présenter à la présidence de la République. On voit venir le moment où il faudra le faire pour régler un problème de voisinage … Personnellement, j’aimerais que cette candidature reçoive les parrainages dont elle a besoin. "

L’enfer numérique voyage au bout d’un like

Béatrice Giblin

"Je vous recommande la lecture de ce livre de Guillaume Pitron. Ce journaliste d’investigation, qui a déjà signé un excellent livre sur les métaux rares, s’intéresse cette fois-ci à ce qui se cache derrière ces technologies auxquelles nous sommes sans cesse connectés, qu’on nous présente comme « virtuelles », mais qui sont en réalité on ne peut plus matérielles. Et cette matérialité a un coût très grand, surtout d’un point de vue environnemental. Nous sommes très préoccupés par la question des émissions de CO2 du trafic aérien par exemple, tandis que nous sommes totalement aveugles aux dégâts que produisent notre addiction à nos smartphones, pourtant bien plus grands. Le cloud n’a rien de virtuel."

Pensieri isolati

François Bujon de L’Estang

"Je n’ai pas pu jouer ici mon rôle de vigie en matière de nouvelles sorties de jazz pendant six mois, mais les convalescences ont au moins l’avantage de permettre d’écouter beaucoup de musique. Je vous recommande donc ce disque du pianiste italien Giovanni Mirabassi. Il joue habituellement en trio, mais cette fois-ci il s’agit de son premier disque en solo. Comme Bill Evans ou Keith Jarrett avant lui, des inspirations évidentes. Si vous ne réagissez pas avec émotion au « reactionary tango » par exemple, ou à « what’s new », deux des thèmes merveilleusement développés dans ce disque, c’est que votre cas est encore plus grave que vous ne le pensez."

Russia Today (RT)

Jean-Louis Bourlanges

"Je m’apprêtais à recommander le même livre que Béatrice, mais comme elle en a très bien parlé, je vous en conseille donc un autre, que je n’ai pour le moment que parcouru, mais qui m’intéresse déjà beaucoup. Il est signé de Maxime Audinet. Ce livre montre comment ce média s’est organisé, dans son personnel et dans ses choix éditoriaux, pour être un véritable instrument parfaitement docile de l’Etat russe, et parfaitement adapté à la logique poutinienne. Je cite la phrase du cinéaste Emir Kusturica, qui disait en 2015 : « la troisième guerre mondiale pourrait advenir si le Pentagone bombarde la chaîne Russia Today. Je ne doute pas que dans ce cas les Russes réagiraient en détruisant CNN. »"

Le grand monde

Nicole Gnesotto

"Je vous recommande cette lecture extrêmement jubilatoire, signée Pierre Lemaitre. C’est de l’excellente littérature populaire. Lemaitre avait eu le Goncourt pour une trilogie à propos de la guerre de 1914-1918, « au revoir là-haut ». Ce livre-ci est le début d’une autre trilogie sur les Trente Glorieuses. Il traite de la France coloniale, aussi bien à Beyrouth qu’en Indochine. Lemaitre est un conteur extraordinaire, et à travers les tribulations d’une famille c’est aussi l’Histoire de France qu’on lit. Je venais de terminer le Houellebecq j’avoue que j’ai été très déçue, lisez plutôt celui-ci !"