Qu’attendent les Français des hommes politiques ? / n°425 / 19 octobre 2025

QU’ATTENDENT LES FRANÇAIS DES HOMMES POLITIQUES ?

Introduction

ISSN 2608-984X

Philippe Meyer :
Après la nouvelle nomination de Sébastien Lecornu à Matignon le 10 octobre, 56 % Français ne souhaitaient pas que l'une des motions de censure déposées par La France insoumise et le Rassemblement national soit votée, selon une enquête "L'Opinion en direct" menée par Elabe pour BFMTV, publiée mercredi. Ils ont été exaucés, avec le rejet des deux motions de censure jeudi matin. Le Premier ministre Sébastien Lecornu, a annoncé dans sa déclaration de politique générale qu'il proposerait au Parlement la suspension de la réforme de 2023 sur les retraites « jusqu'à l'élection présidentielle ». Selon le sondage Elabe, 67 % des Français sont pour cette suspension et 29 % s'y disent même « très favorables » et 38% « plutôt favorables ». 33 % des Français sont contre cette suspension, dont 13 % de Français qui se disent « très opposés » à cette annonce du chef du gouvernement. Toutefois, 64 % des Français sont mécontents de la composition du gouvernement et 51 % des personnes interrogées sont même favorables à une dissolution et à de nouvelles élections législatives.
Dans la perspective de l’élection présidentielle de 2027, Jordan Bardella et Marine Le Pen se maintiennent en tête des personnalités suscitant le plus de satisfaction si elles remportaient l’élection présidentielle (33 % dans les deux cas), selon le baromètre politique Ipsos bva-CESI École d'ingénieurs pour La Tribune Dimanche. Pour la première fois, la troisième place du podium est occupée par une personnalité du même bord : Marion Maréchal, avec 24 % des Français qui seraient satisfaits. Cette progression de Marion Maréchal dans le classement s’explique par une baisse importante pour les autres personnalités, situées à droite et au centre, comme Bruno Retailleau qui enregistre une forte baisse (20 %, -7 points en un mois). Au centre, on observe aussi des baisses importantes pour Edouard Philippe (22 %, -3 points), Gabriel Attal (19 %, -5 points) et Gérald Darmanin (19 %, -5 points). Le pouvoir d’achat demeure la première préoccupation des Français (50 %, -1 point), devant l’avenir du système social, cité par 44 %. La préoccupation pour l’avenir du système social progresse de 3 points en un mois et de 9 points depuis juillet.  88 % des Français sont pessimistes sur la situation économique du pays et 67 % sur leur propre situation économique. Ils ont notamment le sentiment que la situation du pouvoir d’achat va se détériorer (78 %), tout comme celle du niveau de la dette publique (77 %) ou encore du niveau de la fiscalité (70 %).

Les brèves

Colombiennes

Philippe Meyer

"Je voudrais recommander aux éditions Philippe Rey ce livre de Pierre Boncenne. Pierre Boncenne a été l’ami et le correspondant de Simon Leys, l’ami et le biographe de Jean-François Revel et l’ami et le bras droit de Bernard Pivot pour Apostrophes et aussi pour son magazine lire. Personne ne sera étonné que son livre constitue une savoureuse promenade littéraire parmi les écrivains d'Amérique latine. Il en parle d'une manière qui donne envie de se replonger dans ceux de ces auteurs que l'on a déjà eu le bonheur de lire et de découvrir ceux à côté desquels on est passé. À cette promenade littéraire s'ajoute une promenade dans une famille franco-colombienne vivant à Paris dans un attachement tantôt pittoresque et tantôt poignant pour ses racines et pour une fratrie où coexistent le souvenir d’un ancien président de la République, de divers ambassadeurs érudits et du prêtre apôtre de la théologie de la libération, Camilo Torres, oncle de l’auteur, mort dans la guérilla dont il brosse un portrait affectueux et impressionnant. C’est enfin une déambulation vengeresse au milieu des clichés qui ont fleuri de tout temps au sujet de l’Amérique latine qu’il s’agisse de son histoire, de sa géographie ou de ses régimes politiques. C’est avec une implacable tranquillité et une imparable connaissance des faits, des dits et des écrits de tous les idiots utiles qui ont gobé et propagé âneries, billevesées, insanités et plastronnades que Pierre Boncenne les renvoie à leurs ridicules comme à leur malfaisance."

Le palmier

Lucile Schmid

"J’aimerais recommander Le palmier, le dernier roman de Valentine Goby, paru à la rentrée littéraire. L’histoire se déroule dans le sud de la France, région dont l’autrice est originaire, et s’inspire très librement de son univers personnel. Le récit part de la mort d’un palmier au cœur d’un jardin luxuriant, pour interroger notre rapport à la nature, à la fois nourricière, esthétique et parfois menaçante. Le roman est écrit du point de vue d’une petite fille, Vive, qui mène une sorte d’enquête sur elle-même et sur sa famille, au milieu d’une végétation décrite avec une érudition botanique extraordinaire. Ce qui m’a beaucoup touchée, c’est la manière dont le paysage du jardin devient le miroir d’un paysage intérieur : les arbres, les fleurs, tout ce qui meurt ou renaît, reflètent les émotions et la reconstruction de Vive. C’est un livre très sensible, qui offre une autre vision du sud de la France, bien loin de celle du Rassemblement national, et qui célèbre la beauté fragile du monde vivant."

Bénin, aller et retour. Regards sur le Dahomey de 1930

Lionel Zinsou

"Je recommande vivement une visite au musée et au jardin Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt, qui est en ce moment magnifique dans ses couleurs d’automne. On y découvre une exposition intitulée Bénin, aller et retour, consacrée à une expédition ethnologique exceptionnelle menée en 1930, au moment où l’anthropologie connaissait un essor spectaculaire. C’est une époque contemporaine de la mission Dakar-Djibouti et du travail de Michel Leiris dans L’Afrique fantôme. L’exposition rassemble des milliers de documents, de films, de photographies, qui témoignent du regard porté à l’époque sur l’Afrique de l’Ouest. Ce qui la rend particulièrement stimulante, c’est le dialogue qu’elle établit entre ces archives et les œuvres d’artistes africains contemporains — photographes, peintres, plasticiens — qui revisitent aujourd’hui la vision que l’on portait alors sur leurs sociétés, celles de leurs grands-parents. C’est une plongée à la fois esthétique, historique et intellectuelle, le tout avec un jardin magnifique. À ne pas manquer."

Mémoires et identités juives dans la France contemporaine

Antoine Foucher

"Je recommande la relecture d’un article de Pierre Nora, paru en 2004 dans Le Débat et intitulé Mémoires et identités juives dans la France contemporaine. C’est un texte lumineux, toujours d’une grande actualité, surtout à la lumière du contexte proche-oriental et de ses répercussions en France. Nora y explore, sur la longue durée, l’entrelacement profond entre l’identité juive et l’identité française. Il montre comment les grands moments de l’histoire nationale — la Révolution française et l’émancipation des Juifs, l’affaire Dreyfus et la fondation républicaine, la tragédie de 1940 — sont aussi des tournants majeurs de l’histoire juive moderne. En relisant Nora, on comprend à quel point il avait, vingt ans à l’avance, perçu les tensions et les défis que nous voyons resurgir aujourd’hui. L’article fait apparaître une vérité saisissante : il y a un lien entre la grandeur de la France et la sécurité de ses citoyens juifs."

Les musiciens et le pouvoir en France : de Lully à Boulez

Jean-Louis Bourlanges

"À l’approche des fêtes, je recommande un beau livre, celui de Maryvonne de Saint-Pulgent, Les musiciens et le pouvoir en France, qui prouve qu’un livre peut être à la fois érudit et splendide. L’autrice, déjà connue pour son admirable histoire de Notre-Dame, y analyse avec une précision remarquable la relation entre la musique, le mécénat et l’État. Elle y met en lumière les différentes formes de patronage, du mécénat de Lully à celui de Boulez, et montre comment les régimes politiques influencent la création artistique. C’est une thèse fascinante : ce sont souvent les régimes autoritaires qui soutiennent le plus vigoureusement la musique. Mais quelle que soit le régime politique, il oriente la composition vers deux directions — une vocation élitiste, incarnée par Pierre Boulez et appuyée par plusieurs présidents successifs, et une vocation sociale, dans la lignée de Blum, Malraux ou Jack Lang, aujourd’hui dominante. Cette évolution, note-t-elle, a contribué à marginaliser la musique contemporaine. Ce lien entre le mode de mécénat et le contenu même de l’œuvre musicale est, à mes yeux, l’un des aspects les plus stimulants et originaux de ce livre remarquable."