Thématique : Le Portugal, avec Yves Léonard / n°18

Le Portugal, avec Yves Léonard

Introduction

Yves Léonard, vous êtes historien et spécialiste de l’histoire contemporaine du Portugal. Vous êtes diplômé de Sciences Po, où vous enseignez depuis 1997. Vous êtes également chercheur associé au centre d’Histoire de cette école. Vous avez publié plusieurs ouvrages dont, en octobre 2016, une Histoire du Portugal contemporain, parue aux éditions Chandeigne. Avec vous nous allons donc nous intéresser à la situation du Portugal.
Le 4 décembre dernier, le Portugais Mario Centeno a été élu président de l’Eurogroupe, la réunion des ministres des finances de la zone euro. Cette élection peut étonner : le Portugal, au même titre que d’autres pays du sud de l’Union Européenne fait en effet figure de mauvais élève sur le plan économique depuis la crise de 2008. Le pays est pourtant en train d’effectuer un redressement spectaculaire, au point que certains parlent d’un miracle portugais. Le gouvernement socialiste soutenu par la gauche radicale et les communistes en place depuis deux ans obtient d’excellents résultats économiques sous la direction de l’ancien maire de Lisbonne Antonio Costa. Le déficit public est en baisse et devrait atteindre 1% en 2018, tandis que le pouvoir d’achat des Portugais est en hausse. Au bord de la faillite en 2011, le pays avait dû subir la rigueur budgétaire imposée par le FMI et l’Union Européenne. Cette politique n’a cependant pas produit les effets escomptés, et s’est même traduite par le départ d’environ 140 000 Portugais vers l’étranger. M. Costa a donc fait des choix de politique économique radicalement opposés en augmentant le salaire minimum et les prestations sociales. Le chômage est passé de 17,5% à 9,8% entre 2013 et 2017, la balance commerciale est positive et la croissance atteint 1,6%. Ces bons résultats suscitent au sein de la gauche européenne l’espoir qu’une alternative existe à l’austérité.
Le Portugal est souvent perçu comme un pays à part du reste du continent européen. Nation de marins et d’explorateurs, il fut autrefois maître d’un empire s’étendant sur tous les continents, du Brésil à l’Angola en passant par le Mozambique ou Macao. Petit pays ne comptant guère plus d’un million d’habitants à l’époque de ses conquêtes coloniales (contre 10 aujourd’hui), le Portugal est, selon le mot du professeur Edouardo Louranço, « le premier exemple européen du désir de sortir de soi ». Les Lusitaniens ont donc cultivé dès le 15ème siècle une position dominante dans le monde, qui a définitivement pris fin avec les indépendances africaines des années 1970.
L’histoire récente du Portugal est marquée par les nombreux défis auquel le pays a dû faire face au 20ème siècle. Avec la décolonisation s’est posée la question de l’intégration de près d’un demi-million de retornados au sein de la société portugaise. Surtout, le régime de l’Estado Novo a maintenu le pays sous la coupe autoritaire d’Antonio Salazar pendant près d’un demi-siècle, de 1933 à 1974. La révolution d’avril 1974, dite révolution des Œillets, au départ orchestrée par les militaires, a rencontré un vaste écho populaire et débouché sur une transition démocratique pacifique. L’ancien Premier ministre et président de la République Mario Soares, mort en janvier 2017, a longtemps incarné ce Portugal européen, progressiste et modéré. De son exil forcé en France pendant la dictature à son combat pendant la révolution des Œillets en passant par l’entrée du Portugal dans l’Union Européenne, il a été au premier rang des derniers grands évènements du pays.
Aujourd’hui pays en bonne santé économique, terre accueillante pour ses anciennes colonies et à la forte homogénéité culturelle, le Portugal semble faire exception dans un paysage européen marqué par les difficultés économiques et les crises identitaires. Yves Léonard, d’après vous, y aurait-il un miracle portugais ?

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