#15 - Corse & Moyen-Orient

Le problème Corse

Introduction

Dimanche dernier a eu lieu en Corse le second tour des élections territoriales pour la nouvelle collectivité unifiée. Déjà largement majoritaire lors du premier tour, la liste des autonomistes et indépendantistes Pè a Corsica (« Pour la Corse ») emmenée par Gilles Simeoni a recueilli 56,5% des suffrages soit 41 sièges sur les 63 que comptera la nouvelle assemblée corse. Cette nouvelle collectivité unique en France réunit les deux départements de l’île et la collectivité territoriale en une seule et même instance. Elle verra le jour au 1er janvier 2018. Le reste des suffrages se partage entre la droite régionaliste de Jean-Martin Mondoloni (18,7%), le parti La République en Marche (13,2%) et la liste Les Républicains (11,5%). Aucun parti de gauche n’avait réuni assez de voix au premier tour du scrutin pour figurer au second tour. Le scrutin a par ailleurs été marqué par une forte abstention, 52,6% des inscrits ne s’étant pas rendus aux urnes.
Forts de leur résultat, les autonomistes et indépendantistes réclament plusieurs concessions à ce qu’ils appellent le « gouvernement de Paris ». Parmi ces revendications figurent la mise en place d’un statut d’autonomie pour la Corse au-delà de la collectivité unique actuelle, la reconnaissance de la langue corse comme seconde langue officielle, la création d’un statut de résident Corse pour accéder à la propriété sur l’île et l’amnistie des prisonniers politiques, dont les assassins du préfet Erignac. Mardi, le leader autonomiste Gilles Simeoni a exhorté le gouvernement à sortir « du silence et du déni » pour ouvrir « un dialogue véritable » afin de trouver « un règlement politique par le haut » à la question corse. Le même jour, son allié indépendantiste Jean-Guy Talamoni déclarait sur France Info : « la Corse n'est pas une circonscription électorale, c'est une nation ».
S’affichant ouvert au dialogue, le Premier ministre Edouard Philippe a proposé de recevoir début janvier à Matignon les nouveaux dirigeants de la collectivité Corse. Il a cependant rappelé que la solution, pour girondine qu’elle soit, devrait s’inscrire dans le cadre de la Constitution. Le gouvernement a chargé Mme Jacqueline Gourault, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, de suivre ce dossier Corse au sein du gouvernement.
Les négociations qui vont s’ouvrir sur le statut d’autonomie de la Corse font écho à celles d'une autre île de la République. En Nouvelle-Calédonie, le référendum sur l’autodétermination de l’île doit avoir lieu avant novembre 2018. Le résultat pourrait entraîner une indépendance pure et simple de cette collectivité française d’Outre-mer et par là-même précipiter le destin de la Corse.

Jérusalem

Introduction

Mercredi 6 décembre, le président des États-Unis a reconnu officiellement la ville de Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël. Il a annoncé le transfert de l’ambassade américaine, aujourd’hui située à Tel-Aviv, sans préciser le délai. Donald Trump a présenté cette décision comme la réalisation d’une promesse de campagne, qui fait écho à des revendications profondes au sein du Parti républicain. Il a également rappelé que le Congrès avait déjà voté en 1995 une loi en ce sens, sans cesse ajournée par ses prédécesseurs.
Si elle ne rompt pas directement avec la position traditionnelle des États-Unis, cette décision revêt une portée symbolique importante. À la création de l’État d’Israël en 1947, la ville de Jérusalem devait être placée sous administration internationale. D’abord divisée d’est en ouest après la guerre israélo-arabe de 1948, elle connaît une administration israélienne de fait depuis l’invasion de Jérusalem-Est pendant la guerre des Six-Jours. Cette situation n’a cependant jamais été reconnue par la communauté internationale, qui rappelle la nécessité de revenir aux frontières de 1967 pour garantir une solution à deux États.
Si les dirigeants israéliens ont salué un « pas historique », une majorité de chefs d’État ont en revanche pris leurs distances avec la décision américaine. Lors d’une réunion d’urgence convoquée vendredi 8 décembre, les Nations Unies ont déploré une décision « qui sape les perspectives de paix dans la région » et qui « n’est pas conforme aux résolutions du Conseil de sécurité ». Les autorités saoudiennes ont dénoncé « une initiative injustifiée et irresponsable », tandis que le roi de Jordanie ou le roi du Maroc ont rappelé leur attachement au symbolisme de Jérusalem, où se trouve le troisième lieu saint de l’Islam. Le président turc Erdogan a évoqué le franchissement d’une ligne rouge et menacé de rompre les relations diplomatiques avec Israël. Enfin, le Hamas a appelé au déclenchement d’une nouvelle Intifada.
L’escalade de violence attendue n’a cependant pas eu lieu. Les affrontements qui ont opposé les populations palestiniennes à la police israélienne sont restés sporadiques. L’Autorité palestinienne n’en ressort pas moins affaiblie de cette crise. La division des partis et la résignation des habitants de Jérusalem-Est sont autant de facteurs qui entravent le processus de paix auxquels les Palestiniens ne croient plus.
Dans ce contexte international extrêmement tendu, Emmanuel Macron a reçu le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, dimanche 10 décembre à l’Élysée. Le président français y a réaffirmé son opposition à une initiative qualifiée d’unilatérale et de « contraire au droit international et dangereuse pour la paix ». Il a invité M. Netanyahou à « donner une chance à la paix » en reprenant les négociations avec l’autorité palestinienne.

Les brèves

Mélancolie(s)

Philippe Meyer

"J’avais déjà dit ici tout le bien que je pensais du travail de Julie Deliquet qui dans le monde de la mise en scène est quelqu’un qui a une personnalité extrêmement forte et qui réussit me semble-t-il remarquablement. Elle avait avec beaucoup de succès monté au théâtre du Vieux Colombiers de la Comédie Française, Vania, et elle vient de monter un spectacle qu’on peut voir jusqu’au 12 janvier au théâtre de la Bastille qui s’appelle Mélancolie(s) et qui est la fusion des Trois Soeurs et d’Ivanov. Donc on est en plein dans Tchekhov, il y a davantage d’Ivanov que des Trois Sœurs mais c’est un travail très étrange parce qu’il s’agit d’improviser, à partir du texte de Tchekhov, les comédiens n’ajoutent pratiquement rien sauf quelques petites chevilles pour que les choses tiennent ensemble et ils montent - avec cette excellente idée de marier ces deux pièces - un spectacle qui est extrêmement fort et extrêmement naturel. On parle beaucoup de revisite, ce n’est pas la revisite, c’est d’avoir pris ce texte de Tchekhov et de lui permettre d’avoir tout son naturel, et je trouve que Julie Deliquet est quelqu’un de tout à fait remarquable. "

GAUGUIN L'ALCHIMISTE

François Bujon de L’Estang

"Je voudrais encourager ceux de nos auditeurs qui sont tentés, de se précipiter au Grand Palais pour voir l’exposition Gauguin tant qu’il est encore temps puisqu’elle va se terminer je crois à la mi-janvier. Je sais que certains critiques ont exposé des réserves mais il y a toujours des esprits chagrins. C’est une magnifique exposition, c’est un éblouissement de couleurs, et elle a le mérite de montrer des œuvres de Gauguin qu’on ne voit pas souvent, notamment des sculptures ou des céramiques par exemple. Mais beaucoup de ses grands tableaux sont exposés, y compris ceux qu’on trouve dans les musées russes notamment au musée Pouchkine, et qui étaient déjà venus à Paris avec la collection Chtchoukine l’année dernière, on les retrouve dans une exposition qui est très complète, qui est très belle et qui je dois dire est une joie à visiter."

Marcel PROUST : Eloge de la mauvaise musique

Marc-Olivier Padis

"On a lu beaucoup de commentaires dans les médias à propos de l’enterrement de Johnny Halliday et parmi de nombreux commentaires j’ai trouvé un commentaire par anticipation en quelque sorte écrit par Marcel Proust dans Les Plaisirs et les Jours et je ne résiste pas au plaisir de vous lire une citation courte de quelques lignes : « Détestez la mauvaise musique, ne la méprisez pas. Comme on la joue, la chante bien plus, bien plus passionnément que la bonne, bien plus qu'elle elle s'est peu à peu remplie du rêve et des larmes des hommes. Qu'elle vous soit par là vénérable. Sa place, nulle dans l'histoire de l'art, est immense dans l'histoire sentimentale des sociétés. Le respect, je ne dis pas l'amour, de la mauvaise musique n'est pas seulement une forme de ce qu'on pourrait appeler la charité du bon goût ou son scepticisme, c'est encore la conscience de l'importance du rôle social de la musique. ». "

François Régis Hutin, hommage

Jean-Louis Bourlanges

"Puisqu’on est dans les cérémonies religieuses et les obsèques, je voudrais dire que je suis très ému : je suis allé à Rennes jeudi pour les obsèques de mon ami, François Régis Hutin, qui était le patron, le directeur de Ouest-France. J’ai été profondément impressionné par la cérémonie, parce que c’était vraiment là toute la Bretagne républicaine et démocratique qui était rassemblée. L’Eglise qui rendait hommage avec beaucoup de sobriété et de style à un homme qui était à la fois son défenseur, son protecteur et son serviteur. C’était un homme de conviction et de presse assez exceptionnel. Alors c’est une France qui disparaît peut-être, la France démocrate chrétienne, les Desgrées du Loû etc. tout ce qui s’est fait à la fin du XIXème et qui a dominé la Bretagne tout au long du XXème siècle, je ne crois pas qu’ils disparaissent mais c’est quelque chose d’essentiel. Et cet homme a représenté à la tête de son journal, la volonté d’un engagement éthique qui ne serait pas partisan : engagement chrétien très tourné pour l’abolition de a peine de mort, vers l’accueil des réfugiés, vers l’ouverture sur l’Europe, donc le contraire d’une vision un peu étriquée, un peu étroite qui je crois est celle de Sens Commun aujourd’hui. Et je crois qu’à la tête de son journal il incarnait cela, je terminerai par cela, je me rappelle au moment de Maastricht il avait réunit sa direction pour poser la question à sa rédaction, et non pas imposer la ligne du patron, de savoir s’il fallait s’engager pour ce traité européen. Peut-être avait-il tort, je pense qu’il avait raison, et la rédaction dans son ensemble avait accueilli cette idée et avait porté dans le plus grand journal français – quand on voit l’exiguïté de la victoire du oui sur le non cela a sans doute été assez décisif – mais ce qui est intéressant c’est que ce n’est pas par les voies de l’autorité hiérarchique mais par la voie de la mobilisation d’un corps social, qui était le cœur des rédacteurs de Ouest-France, que cette affaire a été faite, et je crois qu’il fallait rendre hommage à ce très grand patron de presse et à ce très grand humaniste. Son dernier article était « Paix pour Jérusalem », sa femme m’a dit qu’il est mort juste après."

Exposition : Cent portraits pour un centenaire, les soldats de Foch vus par Burnand

Philippe Meyer

"François Sureau : Je voudrais recommander deux choses, que j’ai vues récemment et qui sont deux expositions. L’une est l’exposition Karmitz qui s’appelle Etranger résident, à La Maison Rouge, qui est une collection de photographies sur l’histoire du XXème siècle qui est absolument exceptionnelle, et l’autre aussi surprenante, c’est une exposition qui a lieu au Musée de la légion d’honneur, qui est en face du Musée d’Orsay à Paris, et cette exposition expose 100 portraits du peintre Eugène Burnand qui est un peintre assez extraordinaire, Eugène Burnand était un peintre vaudois qui a du mourir dans les années 30, fils de pasteur, et qui a fait des tableaux religieux qui marquent par leur grand réalisme, à tel point qu’il a été accusé d’être devenu inutile à l’époque de la photographie. Pour montrer que cela n’était pas le cas, il a demandé au maréchal Foch l’autorisation de peindre des portraits de soldats de la Grande Guerre. Ce sont des pastels qui sont peints de face comme si c’étaient des photographies. Il faisait venir chez lui ses modèles, le Malgache, le Slovène, le Serbe, le Monténégrin, le Français, le chasseur alpin, le légionnaire arménien, passaient des semaines retirés du front dans la villa d’Eugène Burnand qui les peignait. Ces 100 portraits de la Grande Guerre sont exposés dans une grande salle, ce sont toutes les nations alliées, représentées par des têtes d’hommes, et c’est une exposition absolument bouleversante."