Le nombre et la raison

Brève proposée par Jean-Louis Bourlanges dans l'émission Joseph R. Biden et le leadership américain / L’islamo-gauchisme est-il un néo-conformisme ? / n°182 (28 février 2021), que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Le nombre et la raison

Jean-Louis Bourlanges

"Je vous conseille la réédition d’un livre paru il y a une vingtaine d’années, de Patrice Gueniffey. L’ouvrage traite des procédures électorales pendant la Révolution française, un sujet très peu étudié. Le livre présente deux intérêts particuliers. D’abord il est précédé d’un avant-propos qui éclaire les relations entre Patrice Gueniffey, grand historien de droite, désinvolte, nonchalant et étranger aux mœurs universitaires, et François Furet, qui deviendra son disciple. Ensuite, il y a la thèse du livre, qui est très intéressante. Elle montre que la façon dont les élections étaient organisées pendant la Révolution niaient toute forme de démocratie directe, de débat programmatique, voire de candidature. C’était un bizarre creuset, ne pouvant en aucune façon servir d’alternative crédible au droit divin monarchique. Et on décèle dans ces imperfections électorales l’une des origines du malaise démocratique français tout au long du 19ème siècle et d’une partie du 20ème."


Les autres brèves de l'émission :


La tête, la main et le cœur

David Djaïz

"Pour ma part, je vous conseille le dernier livre de David Goodhart, qui trouve une actualité incroyable dans le crise Covid, puisqu’il décrit notre société partagée en trois catégories de métier. Ceux de la tête, que j’appelle pour ma part « les manipulateurs de symbole », autrement dit les métiers de l’intellect et de l’abstraction ; ceux de la main, comme les artisans ou les ouvriers, et ceux du cœur, qui sont les métiers du soin. L’auteur montre que dans nos sociétés post-industrielles qui regorgent de surdiplômés, tout le système social est fait pour favoriser « la tête ». Alors que l’utilité sociale de certains de ces métiers est parfois douteuse. C’est un plaidoyer très équilibré pour remettre en valeur les métiers de la main et du cœur. Il en va de notre contrat social, et une clef pareille à ce genre de problématiques est souvent plus efficaces que des approches « macro » comme la mondialisation ou la crise de la démocratie."


L’inconnu de la poste

Nicole Gnesotto

"Je vous recommande avec beaucoup d’enthousiasme la dernière enquête que vient de publier Florence Aubenas. C’est à la fois un grand plaisir littéraire, ses qualités d’écrivain sont indiscutables, et j’espère qu’elle s’essaiera bientôt à la fiction, mais cette enquête à propos d’un fait divers est aussi le prétexte à l’analyse d’une région et d’un milieu social en déliquescence. L’histoire est double, il est à la fois question du meurtre d’une postière dans un petit village sans histoires, et de la disparition d’un comédien. Les deux histoires sont vraies, et mélangées avec brio par Florence Aubenas, dont le talent pour la narration policière n’a rien à envier à Agatha Christie."


Paul Morand

Philippe Meyer

"Le propre d’une biographie réussie, me semble-t-il, c’est de reconstituer l’époque autour de son sujet. Pauline Dreyfus la peint et la croque et, pour ce qui me concerne, réussit à intéresser sans défaillir à son personnage sans plaidoirie ni réquisitoire. Je n’aimais pas Morand avant de la lire. Je l’aime encore moins après, mais je sais bien mieux maintenant pourquoi et je crois comprendre moins mal l’histoire de ce monde de gens de lettres dont Morand croyait être un marginal alors qu’il me paraît en avoir été un parangon illusionné et un fanfaron impénitent, mais c’est peut-être justement là qu’il est le plus intéressant à découvrir à travers cette biographie : pour ce qu’il représente au moins autant que pour ce qu’il est."