Lenine, L'invention du totalitarisme

Brève proposée par Nicolas Baverez dans l'émission #19 - Le nouveau traitement du chômage & les tribulations de Macron en Chine, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Lenine, L'invention du totalitarisme

Nicolas Baverez

"Le grand enjeu historique de XXIème siècle ce sera sans doute la lutte entre la démocratie et la démocrature, mais cela n’empêche qu’il reste très intéressant de comprendre le totalitarisme, car il y a quand même un lien entre certaines de ces démocratures et les totalitarismes du XXème siècle. Et cent ans après la révolution soviétique, c’est vrai que la biographie de Stéphane Courtois, la biographie de Lénine, est extrêmement impressionnante. D’abord parce qu’elle empreinte à de nouvelles sources, mais surtout parce qu’elle dissout le mythe selon lequel le bon Lénine aurait été trahi par le méchant Staline. En réalité la religion de la violence, la religion de la dictature, c’est chez Lénine, et c’est lui qui a conçu ce système. Et ce qui est intéressant aussi c’est que cela différencie la Révolution soviétique de la Révolution française, comme l’a montré François Furet, la Terreur c’est un accident après 1789, il n’y a pas d’accident dans l’Union Soviétique, elle a été construite d’emblée pour être un système totalitaire."


Les autres brèves de l'émission :

La Communauté

Michaela Wiegel

"Je voulais recommander le livre qu’ont publié deux journalistes du Monde, Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, qui est intitulé La Communauté, et j’espère que cela va vite être traduit en allemand parce que c’est un récit qui montre comment une ville, Trappes, a pu devenir la plus grande pépinière de djihadistes d’Europe. C’est surtout un récit qui montre le déni de tous les acteurs, de tous ceux qui pouvaient voir, mais qui ne voulaient pas voir, et c’est sans jugement moral en permanence, c’est vraiment très descriptif, et je trouve que cela mérite aussi d’être lu aussi ailleurs, nous sommes dans une autre étape de l’immigration, parce que cela montre ce qu’il ne faut pas faire pour ne pas arriver à une situation comme à Trappes."


MÉMOIRES, Édition intégrale

Philippe Meyer

"J’ouvre cette séquence des brèves en vous signalant avec une joie toute particulière, la reparution des mémoires de Jean-François Revel, dans la collection de poche Bouquins, aux éditions Robert Laffont. Ce sont les mémoires de Jean-François telles qu’ils avaient été publiés sous le titre, « Le Voleur dans la maison vide », augmentés d’un certain nombre de textes, dont le « bada » qu’il préparait, le bada étant comme le savent tous les Marseillais le petit supplément que le marchand de glace ajoute sur les glaces que vous avez commandées. Ce bada est tout aussi étonnant, traduit une vie tout aussi extraordinaire que celle de Jean-François Revel. Je pense que les gens qui disent que personne n’est irremplaçable n’ont jamais connu Jean-François Revel. C’était un personnage tout à fait extraordinaire, qui était polyglotte, qui lisait les journaux dans six langues, ce qui explique la qualité de ces éditoriaux toujours fondés sur des informations Il avait un goût qui allait de la cuisine à la peinture, à la musique, et je ne parle même pas de la littérature et de la philosophie (son Histoire de la philosophie est, de tous ses ouvrages, celui qui a la vie la plus longue dans les librairies). C’était un homme d’une exigence absolument constante, c’est lui qui m’a attiré vers le journalisme, qui m’a fait quitter mon métier. Travailler avec lui était exceptionnel : quand vous lui envoyiez un article, il vous le renvoyait non pas pour essayer de vous faire changer d’avis mais pour le corriger en vous disant « Mais non, là je comprends ce que tu veux dire, avec quoi je ne suis pas d’accord, mais tu ne le dis pas bien, il manque quelque chose, il y a une cheville qui manque, il y a un paragraphe, une explication, ce n’est pas clair. » Sans compter le temps qu’on pouvait passer avec lui à disputer des mérites respectifs de l’œuf mayonnaise et du hareng pommes à l’huile, sa capacité à connaître les endroits les plus étonnants pour y partager des repas. Je n’ai de ma vie rencontré quelqu’un qui ait une pareille largeur d’humanité, et une pareille largeur d’intelligence mais c’est aussi un écrivain. C’est un écrivain qui manie l’humour, l’ironie et quelque fois la férocité, avec une efficacité redoutable, Je pense à son portrait en six lignes d’Alain Minc. Si on faisait mon portrait dans cette tonalité là, j’irais directement chez l’armurier pour acheter comme dirait l’autre, une corde pour me pendre."


Les Napoléons

Lionel Zinsou

"Je voudrais faire écho à une réunion qui a eu lieu à Val d’Isère ces deux derniers jours, et qui est celle des Napoléons. Napoléons c’est un réseau social réfléchissant sur l’innovation, qui fait interagir des artistes, des sportifs, des intellectuels, quelques patrons, quelques décideurs politiques, qui n’est pas du tout une organisation fermée et qui prend un thème, un thème d’hiver et un thème d’été. Ils se sont rendus un petit peu célèbre en invitant monsieur Barack Obama, début décembre, à être le premier orateur à Paris sur leur thème qui était celui des journées de Val d’Isère : la peur. La peur dans les décisions individuelles, la peur de l’entrepreneur, la peur de la disruption, la peur du changement du travail. Ils tiendront session à Arles à partir du 18 juillet sur un thème plus dangereux. : la vérité."


Résistances : la démocratie à l’épreuve

Jean-Louis Bourlanges

"Je voudrais recommander un bref livre de Laurent Cohen-Tanugi, Résistances : la démocratie à l’épreuve. Je crois que ce livre est intéressant. Il ne dit pas des choses totalement nouvelles, il situe pleinement la crise que nous vivons comme une crise grave, une crise de la démocratie avec ses traits classiques : le populisme, le complotisme, l’identitarisme, l’hyper individualisme, tout cela est analysé et dénoncé. Les causes sont mises en perspective, notamment la révolution numérique, la révolution géopolitique qui fait que l’occident est à la fois subverti dans ses intérêts, ses valeurs, ses principes, et se divise lui-même comme on l’a vu à travers des épisodes comme l’élection de Trump et le Brexit, donc tout cela est dit. Ce qui me paraît frappant, et qui m’a inquiété en lisant ce livre, cet excellent pro-européen qu’est Cohen-Tahugi, c’est un certain désenchantement. Cet homme qui a voté pour Emmanuel Macron, qui adhère au projet qui est actuellement celui du gouvernement, est en même temps profondément inquiet sur le devenir de tout cela. Son livre s’appelle Résistances et on a le sentiment qu’il y a quelque chose d’un peu nostalgique, il y a la nécessité de sauvegarder un héritage qui est très souvent méconnu - on parle de l’héritage de la Troisième République – mais l’héritage qui est souvent méconnu, c’est celui de l’humanisme occidental européen de la Quatrième République de l’époque de l’après-guerre, c’est cet héritage là que nous sommes en train de liquider, et Laurent Cohen-Tanugi regarde cette disparition, ce naufrage, avec un effroi qui je crois est justifié."