Témoin à charge

Brève proposée par Philippe Meyer dans l'émission Mesure pour mesure(s) / ASEAN, l’encerclement par la Chine / n°168 (22 novembre 2020), que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Témoin à charge

Philippe Meyer

"L’une des règles de cette émission est de ne pas dire du bien les uns des autres, mais quand d’autres parlent favorablement de l’un d’entre nous, pourquoi ne pas leur faire écho ? Nicolas Baverez a reçu le prix de l’essai de l’Académie Française pour son livre Le monde selon Tocqueville. Nicolas est avocat, une profession qui m’a tenté grâce à deux films. Le premier est Autopsie d’un meurtre, d’Otto Preminger, et le deuxième vient d’être superbement réédité, il s’agit de Témoin à charge (Witness for the prosecution) de Billy Wilder. Outre un suspense absolument formidable et des retournements de situation étonnants, ces deux films ont en commun qu’à chaque fois l’avocat se fait absolument flouer par son client. "


Les autres brèves de l'émission :

L’anomalie

Nicole Gnesotto

"Par ces temps sinistres, j’aimerais vous vanter le roman le plus jubilatoire de la rentrée, dont j’espère vraiment qu’il aura le Goncourt. Il s’agit de L’anomalie, d’Hervé Le Tellier. Il y a deux romans dans ce roman. D’abord un roman d’aventures, policier, d’espionnage, de science-fiction, où tout se mélange dans un suspense tenu jusqu’à la dernière page. A côté de cela, il y a un livre beaucoup plus sérieux sur le sens de la vie, la fragilité des destins que nous choisissons. Nous aurions tous pu avoir une autre vie, il aurait suffi d’un infime détail, d’un minuscule virage pour que nous soyions autres. Je vous recommande ce livre et parie qu’il aura le Goncourt. "


Window swap

Marc-Olivier Padis

"En ces temps de confinement, je vous recommande un site internet : Window Swap. Sur ce site, juste une image fixe et un seul bouton à cliquer, qui vous propose « d’ouvrir une nouvelle fenêtre quelque part dans le monde ». Que voit-on ? Une image fixe, prise par une webcam, de ce que voit un particulier par sa fenêtre. Des internautes partagent la vue qu’ils ont de chez eux. On passe ainsi de Bombay à une petite ville du Canada, de Moscou à Birmingham. La vue n’a souvent rien de remarquable, une arrière-cour, quelques arbres devant la rue, une pelouse un peu grise, avec des collines en arrière-plan, parfois un joli jardin anglais. C’est rafraichissant, c’est le dépaysement à portée de clic. Mais ce qui est fascinant, c’est le rapport étrange, que seul procure internet, entre l’intime et le public. Car nous sommes bien chez des particuliers, dont nous ne savons rien. Et nous voyons à l’extérieur, depuis leur intérieur. Le cadrage fait parfois apparaître l’encadrement de la fenêtre, une partie limitée de la pièce, avec sa décoration, quelques plantes, des objets quotidiens. Mais guère plus. Ce qu’on voit, c’est le paysage familier, observé jour après jour, de quelqu’un qu’on ne connaît pas mais qui partage avec nous un aspect très privé de sa vie et pourtant presque impersonnel dans sa banalité : ce qu’il voit depuis sa fenêtre."



Disparition de Daniel Cordier

Nicolas Baverez

"Je voulais rendre hommage à Daniel Cordier, qui vient de s’éteindre à 100 ans. Il eut un destin extraordinaire, fait de quatre vies. La première fut placée sous le signe de l’extrême-droite, avec l’influence de son beau-père antisémite. Au moment de la débâcle, Cordier décide de rejoindre Londres, et de s’engager dans les services du BCRA. Il sera le secrétaire de Jean Moulin avec qui il organisera la résistance et créera le CNR. Il contribuera aussi après la guerre à réorganiser les services secrets mais démissionnera quand de Gaulle quitte le pouvoir en 1946. Sa troisième vie fut consacrée à l’art moderne puisqu’il fut un galeriste important. Sa quatrième vie, inattendue, est celle d’un historien. Cette occupation se décide sur un coup de sang, quand Henri Frenay accuse Moulin d’avoir été un agent communiste. Cordier, l’un des grands témoins de la période, va se muer en un historien dont la compétence et le sérieux forceront le respect des professionnels, en publiant sa série Jean Moulin : L’inconnu du Panthéon. Daniel Cordier était l’avant-dernier Compagnon de la Libération, il n’en reste plus qu’un : Hubert Germain, qu’il convient de saluer. "