"Je pense que le meilleur hommage que l’on puisse rendre à ce grand professeur, intellectuel et savant, c’est de le relire. Relire « L’Etat culturel », « Quand l’Europe parlait français », « La Diplomatie de l’esprit ». "
"Je voulais aussi signaler la réédition de ce livre, préfacé par Jean-Noël Jeanneney, qui est le produit collectif de la lutte de la vieille école de Sciences Politiques contre les interprétations réductrices et caricaturales de Sternhell sur l’origine du fascisme français. On trouve dans cet ouvrage collectif toutes les nuances, l’intelligence et la rigueur de ce qu’est l’école historique française. "
"Je voulais moi aussi évoquer la disparition de Marc Fumaroli. Dans son Chateaubriand, il a écrit une comparaison entre Chateaubriand et Tocqueville, absolument admirable. Et encore plus pour moi, puisque mon mémoire de maîtrise portait sur le même sujet. Quand j’ai lu le texte de Fumaroli, je me suis dit « voilà tout ce que j’aurais dû faire si j’avais eu du talent ». On voit ce qu’un grand universitaire peut faire de magnifique quand il s’empare d’un tel sujet. Il y avait chez lui une rigueur, un luxe de détails et de nuances qui mérite vraiment d’être salué. "
"Je voudrais recommander ce livre qui est malheureusement sorti en français juste après le début du confinement. Il est signé d’Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019, plus jeune récipiendaire de ce prix et deuxième femme à l’avoir obtenu, normalienne d’une promotion très récente, et de son mari Abhijit Banerjee. Ce livre a l’air un peu long, il commence par une boutade : une dame vient d’apprendre qu’elle n’a plus que six mois à vivre, elle demande à son médecin que faire de ce temps. « Epousez un économiste », lui recommande le médecin. « Pour quoi cela, docteur ? ». « Parce que vous allez trouver le temps très long ». C’est pourtant tout à fait l’inverse avec ce pavé de 510 pages. Mais il est constitué de petites séquences de 3 ou 4 pages à propos des lois économiques (très simplifiées) et de leur mise en pratique, qui permettent de comprendre l’économie d’aujourd’hui et de faire des choses utiles non seulement pour le grand combat d’Esther Duflo (vaincre la pauvreté), mais aussi de traverser les questions d’économie internationale, des politiques publiques, etc. C’est extrêmement bien fait, et c’est un excellent livre pour l’été, malgré les apparences."
"Une fois n’est pas coutume, un peu d’auto promotion. Je recommande à nos auditeurs la lecture du dossier que publie la Fabrique écologique (think tank créé en 2013). Il ne s’agit pas d’une convention citoyenne, mais vous y trouverez des propositions sur la question de la place des sciences, la démocratie, mais aussi les questions européennes. Il faut lire ce dossier."
"Tirer les leçons de la crise sanitaire qui nous occupe toujours est aussi une oeuvre historique. Nous venons de parler de la disparition de Marc Fumaroli, et bien un autre historien français vient de nous proposer une belle mise en perspective dans son opus «Virus ennemi» dans la collection Tracts de Gallimard. Jeanneney montre combien les déclarations durant la crise furent presque les mêmes que d'autres déclarations, lors des guerres et crises que dut affronter la France. "
"J’ai découvert, grâce à Matthias Fekl, l’écrivain égyptien Alaa el Aswany. J’ai commencé avec « L’immeuble Yacoubian », un roman tissé d’une foule de petites histoires qui auraient été observées avec clairvoyance et précision par un successeur de l’étudiant Cléofas, à qui Asmodée, le diable boîteux, permit de soulever les toits des maisons. Alaa el Aswany voit tout de ce qui se passe dans l’immeuble Yacoubian, il superpose toutes les vies qu’il abrite, celle des puissants, celle des corrompus, souvent les mêmes, celles pour qui le pays ne se remettra jamais de la prise du pouvoir par Nasser, celles à qui l’on vient d’enlever l’espoir d’un avenir, celles qui se jettent dans les bras des islamistes, celles qui essaient de trouver chaque jour les moyens d’atteindre le jour suivant. Toutes ces vies, et c’est le talent d’El Aswani, nous deviennent en quelques lignes familières, nous nous soucions d’elles, nous attendons de leurs nouvelles, nous espérons leur réussite, nous nous réjouissons de leurs amours, nous souhaitons leur châtiment. Je me suis derechef plongé dans un autre roman d’El Aswany, « Automobile club d’Égypte » et, là aussi, je me délecte de son réalisme magique. "