"Robert Redford qui vient de mourir a réalisé une dizaine de films. Il marquait une préférence pour son premier, Des Gens ordinaires, non seulement parce qu’il avait dû affronter toutes sortes d’obstacles pour le monter, mais parce qu’il s’y exprimait sur un thème pour lui essentiel que l’on retrouve dans Et au milieu coule une rivière, celui de la complexité et de la difficulté des liens familiaux, celui de l’amour des uns pour les autres qui se heurte à d’incompréhensibles obstacles qui n’ont rien à voir avec le manque d’affection mais avec l’incapacité à l’exprimer, ou à la traduire en actes. Je crois que l’essentiel de ce qu’a réussi à montrer Redford est exprimé par le pasteur presbytérien, père des deux frères de Et au milieu coule une rivière, aussi dissemblables que pleins d’affection l’un pour l’autre et pour leurs parents, qui expriment leur proximité, non dans les mots mais une passion commune pour la pêche. Longtemps après la mort tragique du plus jeune, dans son prêche d’un dimanche qui clôt le film, le pasteur s’adresse ainsi à ses ouailles, à sa femme et à son fils aîné : « Il arrive dans la vie de chacun d’entre nous un moment où, voyant un être aimé dans le besoin, nous nous demandons : je veux l’aider, seigneur, mais de quoi a-t-il besoin ? Car nous pouvons rarement aider nos proches, soit que nous ignorions quelle part de nous-mêmes donner, soit que la part que nous avons à donner ne convienne pas. Ainsi ce sont ceux que nous devrions connaître qui nous échappent, mais nous pouvons les aimer quand même, aimer complètement sans comprendre entièrement. »"