L’obligation de diversité dans la presse

Brève proposée par Jean-Louis Bourlanges dans l'émission Les pays européens, l’Ukraine et les propositions de Macron / n°340 / 10 mars 2024, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

L’obligation de diversité dans la presse

Jean-Louis Bourlanges

"Je voudrais prolonger la réflexion de Philippe à propos des problèmes posés par cet arrêt du Conseil d’Etat. Je ne comprends absolument pas cette obligation de diversité. Je comprends parfaitement qu’elle s’applique au service public audiovisuel. Ce sont des organes qui appartiennent à la nation, qui est composée d’un ensemble de familles spirituelles, politiques, culturelles, qui doivent trouver le moyen de s’exprimer équitablement. Mais pour ce qui concerne les publications privées, je ne vois pas pourquoi on n’applique pas à l’audiovisuel les mêmes règles qu’à la presse écrite. Pourquoi pose-t-on en principe ce devoir de diversité ? Philippe a raison de dire que l’obligation fondamentale, c’est la vérité , le refus des informations fausses, de la calomnie, etc. Mais il est normal qu’une presse catholique soit catholique, ou qu’une presse communiste soit communiste … Arrêtons ce brouet de bienséance dans tous les domaines … Chacun doit pouvoir s’exprimer, à la condition de ne pas dire de mensonges. Si nous voulons sauver la démocratie, distinguons la diversité à préserver de la vérité à exiger."


Les autres brèves de l'émission :

Les médiateurs de presse

Philippe Meyer

"À la suite de l'arrêt du Conseil d'état concernant le respect des obligations de pluralité qui s'imposent à l'information audiovisuelle, il m'est revenu qu'il y a plusieurs années la presse écrite et audiovisuelle avait créé des postes de médiateurs. Les citoyens étaient invités à les saisir lorsqu'ils constataient ou croyaient constater que ces obligations étaient méconnues ou violées. Cette vertueuse disposition, imitée des pays scandinaves et de leurs ombudsmen, ne me semble pas avoir connu l'avenir qu'elles promettaient et, très rapidement, dans le plus grand nombre des cas les médiateurs ce sont transformés en éléments de la stratégie de communication de leurs organes de presse. La décision du Conseil d'état à laquelle je viens de faire référence a suscité de nombreux commentaires. Soulignons le risque d'une sorte de police de l'information exercée par l'Arcom sous le contrôle de notre plus haute juridiction administrative. Je me demande si l'un des moyens d'éviter ce risque ne serait pas que chaque organe de presse accepte, mais cette fois-ci réellement, d'assurer lui-même la régulation des obligations de pluralisme et celles de la véracité de l'information, bref, que les médiateurs soit assurés de leur indépendance et qu'il jouissent des moyens d'exercer leur mission."


Les vies d’après

Marc-Olivier Padis

"J’avais déjà eu l’occasion de vous parler d’Abdulrazak Gurnah, ce romancier qui a reçu le prix Nobel. Ce roman présente des personnages qui sont pris dans des conflits coloniaux entre Anglais et Allemands, en Afrique de l’Est. Les deux camps recrutent des troupes locales pour se faire la guerre, et on voit vraiment cette Histoire d’un point de vue très différent du nôtre. Ces gens pour qui l’océan Indien est un véritable carrefour de commerce, entre les caravanes qui traversent le continent, les bateaux qui viennent d’Inde … Ce renversement du regard nous montre la centralité de l’océan Indien, mais aussi de l‘Afrique de l’Est. Passionnant."


Les yeux de Mona

Nicole Gnesotto

"Le livre dont je vais vous parler a été à la fois une déception et un plaisir. Le fait que ce soit un best-seller mondial alors que cela parle de tableaux m’a beaucoup intriguée, c’est pourquoi je l’ai lu, d’autant que Thomas Schlesser est un historien de l’art tout à fait recommandable. La déception, c’est parce que la trame du roman n’est qu’un prétexte pour l’analyse de 52 chef-d’œuvres se trouvant à Paris. L’intrigue est tirée par les cheveux, et franchement pas intéressante, il y a des pages qu’on peut tout à fait sauter. Mais je comprends que si le livre n’avait été que des fiches sur tel et tel tableau, il se serait bien moins vendu … Et pourtant, c’est cette description des tableaux qui est passionnante. En principe, voir un tableau est d’abord un choc de formes et de couleurs. Ici, l’auteur nous les décrit, phrase par phrase, avec un talent tel qu’on voit l’œuvre surgir sous nos yeux. On apprend beaucoup, et c’est cela le vrai plaisir. "


La fascination russe

François Bujon de L’Estang

"Je vous recommande le livre d’Elsa Vidal, une journaliste que vous avez certainement eu l’occasion de voir à la télévision. Elle est responsable du monde russophone sur RFI, parle elle-même le russe et a vécu en Russie. Mais cet excellent livre a pour sujet la France. Elle analyse la politique française, et sa complaisance à l’égard de la Russie. Elle montre au fil de son récit comment nous avons accumulé les idées reçues, les erreurs de jugement, et mélangé une fascination (justifiée) pour la culture et la civilisation russe, et une admiration tout à fait inconsidérée pour les dirigeants russes. Beaucoup des nôtres ont commis l’erreur de faire preuve de complaisance à l’égard de la Russie. On pense par exemple au président Sarkozy et à François Fillon, qui étaient à eux seuls un lobby pro-russe à Paris, ou au président Giscard d’Estaing. Elsa Vidal nous montre que nous avons été victimes d’un mirage, c’est une leçon de lucidité très utile à un moment où il nous faut revoir toutes nos idées reçues sur la Russie. "