Mappa naturae

Brève proposée par Béatrice Giblin dans l'émission Planification écologique : le chemin des possibles ? / Giorgia Meloni dessine-t-elle l’avenir des droites européennes ? / n°317 / 1er Octobre 2023, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Mappa naturae

Béatrice Giblin

"« Je n’affirme pas qu’il est impossible de tenir une conversation intelligente sans l’aide d’un atlas, mais je dis que dès que les hommes commencent à parler de quelque chose de vraiment important, il faut aller chercher l’atlas ». Rudyard Kipling. Je vous recommande ce livre, signé par un collectif qui a pris le nom de Stevenson. C’est le troisième volume de cet travail sur les cartes, et celui-ci est consacré à la géographie physique (les deux précédents à la géographie urbaine et aux îles) : océans, montagnes, déserts, pôles ... On navigue dans tout cela et aussi à travers le temps, car certaines cartes sont très anciennes, il y a par exemple la première carte météorologique de Halley (celui-là même qui donna son nom à la comète). L’ouvrage est très beau et donne beaucoup à rêver. Et en face, il y a toujours des textes, de Kipling à Léonard de Vinci. Enfin, ce travail n’est absolument pas réalisé par des géographes, mais par des philosophes, des historiens. Personnellement, cela me désespère un peu pour les géographes, car cela prouve qu’ils n’ont toujours rien compris."


Les autres brèves de l'émission :

Croix de cendre

Philippe Meyer

"Je recommande ce roman d’Antoine Senanque, qui figure sur la liste des Goncourt. L’intrigue se déroule dans un milieu qui excite les curiosités, le milieu ecclésiastique, sur fond de rivalité entre religieux dominicains et prêtres séculiers au 14ème siècle, le siècle de Maître Eckart, l’un des héros de ce livre, juste après la peste noire. Antoine Senanque réussit à maitriser une documentation substantielle, il peint des personnages auxquels il n’est guère possible de ne pas s’attacher et d’autres - un autre notamment, l’inquisiteur de Toulouse - dont il n’est pas possible de ne pas être effrayé. Quand Antoine Senanque prend des libertés avec l’Histoire, ce sont des libertés fécondes et étonnamment vraisemblables. On a qualifié son roman de roman épique ou de polar moyenâgeux. Ce sont des qualificatifs incontestables, mais je leur ajouterai qu’Antoine Senanque est d’abord un écrivain de l’amitié. Cela m’avait frappé dans l’un de ses précédents romans Que sont nos amis devenus ? que j’avais signalé à nos auditeurs, c’est encore plus évident dans celui-ci et ce n’est pas le moindre de ses charmes."


Le dernier cortège de Fidel Castro

Philippe Meyer

"Je signale aussi que Matthias Fekl signe, aux éditions Passés Composés Le Dernier cortège de Fidel Castro, dans lequel il parcourt à l’envers le chemin qui a conduit les barbudos de Santiago à La Havane, de la révolution au parti unique. Il place en exergue de son livre cette phrase d’Ivan de la Nuez : « Depuis longtemps, à gauche comme à droite, Cuba est un endroit où l'on vient non pour découvrir la réalité mais pour confirmer un script ; les paradoxes sont remis à l'arrière-plan et les habitants condamnés à être de simples symboles des préjugés et jugements antérieurs des visiteurs. »"


Histoire totale de la seconde guerre mondiale

Nicolas Baverez

"Passons de la géographie à l’Histoire, puisque je vous recommande cet ouvrage d’Olivier Wieviorka. J’ai l’impression qu’avec ce travail, l’auteur a remporté son pari, pourtant très ambitieux. On a à la fois tous les fronts, mais aussi toutes les dimensions : militaire, stratégique, économique, sociale, politique, idéologique … C’est d’une certaine manière l’aboutissement de toute une vie de travail, ce livre est non seulement un grand livre d’Histoire, mais aussi un éclairage très précieux pour aujourd’hui. Quand on regarde la guerre d’Ukraine par exemple, il y a des souvenirs de la grande famine organisée par Staline. Du côté de Poutine, il y a la référence permanente à la guerre patriotique, et l’affirmation aberrante selon laquelle l’Ukraine serait dirigée par des nazis. "


L’énigme algérienne : chroniques d’une ambassade à Alger

François Bujon de L’Estang

"Faisant partie de cette corporation, j’ai été particulièrement frappé par la pluie de livres de souvenirs d’anciens ambassadeurs, c’est une véritable épidémie. Il faut donc être méfiant, mais tout de même, certains de ces livres sont intéressants, quand ils sortent de la catégorie des mémoires. C’est le cas de celui de Xavier Driencourt, publié en 2022. C’est le bilan d’une expérience forte (Driencourt a été deux fois ambassadeur en Algérie), et le livre et très éclairant sur le pays, et non sur les mémoires de son auteur. Le diagnostic que pose l’auteur sur l’Algérie est implacable, il démontre que le ressentiment anti-français est un fonds de commerce permanent, utilisé par les dirigeants algériens pour vivre d’une « rente mémorielle » ; c’est mis en lumière dans tous les chapitres qu’il examine, à propos de l’immigration, par exemple. Le fait qu’un pays qui critique ouvertement et constamment la France, et s’efforce d’éradiquer l’enseignement du français dans l’enseignement privé, vit toujours sur l’accord de 1968 sur l’immigration, donne à réfléchir."