Le secret de Sybil

Brève proposée par Marc-Olivier Padis dans l'émission Quelle politique de Défense ? / Le retour du protectionnisme / n°282 / 29 janvier 2023, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Le secret de Sybil

Marc-Olivier Padis

"Dans un genre tout à fait différent, je recommande le nouveau livre de la romancière Laurence Cossé. Il s’agit d’un récit, celui de l’amitié d’enfance de l’autrice pour Sybil. C’est un très beau texte sur l’amitié et l’enfance, mais aussi une enquête sur la façon dont cette amitié s’est défaite, et dont Sybil s’est enfermée en elle-même. Laurence Cossé restitue tout cela avec son talent de plume habituel, une finesse et une sensibilité sans pareilles."


Les autres brèves de l'émission :

Amin Dada

Philippe Meyer

"Je voudrais signaler la remarquable biographie d’Idi Amin Dada, qui tint pendant huit ans, de 1971 à 1979 l’Ouganda sous sa botte, biographie éditée par Perrin et signée par Jean-Louis de Montesquiou. Barbet Schroeder qui lui consacra un documentaire, a dit d'Amin Dada qu’il était la somme mais aussi la caricature de tous les dictateurs. Trois ans après son arrivée au pouvoir, on estimait à 90.000 le nombre de morts à porter à son débit et il ne s‘arrêta pas en si bon chemin, ne serait-ce que pour masquer ce que ses impulsions contradictoires, sa brutalité, le désordre de ses ambitions successives, son racisme envers les Indiens, les Arabes, les Européens et les mulâtres eurent comme conséquences désastreuses sur ce pays qui avait été la perle de l’Afrique qui, en 1978, s’est retrouvé ruiné avec une agriculture qui ne suffisait pas à nourrir la population. Amin Dada était démesuré en tout. A la fin de sa vie, il pesait 200kgs – adulte, il n’en avait jamais pesé moins de 120 - il avait fait 60 enfants à 21 mères, dont 5 officielles. Il fut président de l’OUA, et, intervenant à ce titre à la tribune de l’ONU, il contribua au vote de la résolution 3379 qui déclare « le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ». Humour macabre, sous son règne, l’Ouganda devint membre de la Commission des droits de l’Homme des Nations unies… Ce n'est pas le moindre intérêt du livre de Jean-Louis de Montesquiou que de dresser un tableau extrêmement bien informé du jeu joué par les différentes puissances, la Grande Bretagne, Israël, les Etats-Unis, l’Arabie saoudite, la France et, bien sûr, les nations africaines dont les calculs égoïstes maintinrent pendant huit ans au pouvoir celui qui, dit Montesquiou, « offre une figure chimiquement pure du mal », un spécimen de laboratoire de ce que Kant appelait le mal radical, c’est-à-dire la prééminence de l’amour de soi sur toute autre considération."


Marées

Lucile Schmid

"Je vous recommande un roman cette semaine, le premier de son autrice, la canadienne Sara Freeman. Il a déjà été salué par la critique aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en France. C’est aussi un peu un objet littéraire, avec des paragraphes disjoints. L’héroïne a vécu un drame qui la conduit à refuser toute forme d’intimité, à disparaître et à aller s’installer dans une petite ville au bord de la mer, au moment où la saison touristique se termine. Elle passe son temps à aller se baigner la nuit, à trouver le moyen de vivre sans vivre, pour remonter la pente peu à peu. Je trouve le roman extraordinairement émouvant, et très réussi dans ce que le drame provoque d’incommunicabilité. "


Journal : 1890-1945

François Bujon de L’Estang

"C’est toujours dans la musique que je cherche refuge contre les tracas du monde. J’ai donc été très intéressé quand Gallimard a publié le journal de Reynaldo Hahn, un musicien sous-estimé. Espérons que l’ouvrage servira à la réhabiliter. Le personnage est très intéressant, d’abord sur le plan personnel : ce rejeton d’une famille juive allemande immigrée au Venezuela et qui retrouva l’Europe par la France du Second Empire. Extraordinairement doué, élève de Massenet au Conservatoire, pour lequel il a des mots très affectueux et admiratifs. Il a traversé la première moitié du XXème siècle, et cette publication est en réalité un florilège. Ce journal va du flirt du jeune Reynaldo avec Cléa de Mérode, de la complicité avec Marcel Proust, jusqu’à son refuge à Monaco pendant l’occupation. Ses propos sur Pétain et Vichy sont très intéressants. Ce pur produit du XIXème siècle, brillant compositeur qui nous laisse une œuvre très belle et très riche, finira par diriger l’Opéra de Paris en 1946. Sa plume fait penser à un oursin, il y a beaucoup de piquants et de méchanceté. Tout à fait savoureux. "


À l’aube de nouveaux horizons

Nicole Gnesotto

"Une fois n’est pas coutume, je vais vous recommander un ouvrage de sciences dures, en l’occurrence d’astrobiologie. Nathalie Cabrol fait le point sur l’Histoire de la recherche de la vie dans l’univers. L’autrice travaille depuis 1998 à la NASA, et dirige un programme au SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence). On apprend donc où en est l’exploration : sondes, satellites, etc. Nous connaissons aujourd’hui plus de 5000 exoplanètes, et elle dit un moment que « penser que nous sommes seuls dans l’univers est une aberration mathématique ». C’est à la fois passionnant et très lisible. Même si cela peut sembler paradoxal, elle montre à quel point les frontières de l’infiniment grand continuent de s’éloigner, avec des distances qui dépassent mon entendement personnel. En même temps, elle montre comment l’existence d’autres formes de vie est non seulement possible, mais de plus en plus probable. L’ouvrage peut donner le vertige, mais il a le mérite de rendre modeste."