Thématique : La Chine Afrique, avec Jean-Joseph Boillot (#48)

La Chine Afrique

Introduction

Jean-Joseph Boillot vous êtes agrégé de sciences économiques et sociales et docteur en économie. Vous avez enseigné à l’École Normale Supérieure et votre carrière de chercheur associé au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) s’est orientée vers l’Asie Vous avez effectué de multiples séjours en Inde et en Chine au cours des années 1980 et vous êtes aujourd’hui co-Président du Euro-India Economic & Business Group (EIEBG), membre du comité éditorial d’Alternatives Economiques, de Confrontation Europe et Conseiller scientifique à l’ISEG. Spécialiste des grandes économies émergentes, vous avez élargi votre champ d’investigation à l’Afrique depuis 2006. Dès la conférence de Bandung en 1955, la Chine a manifesté un vif intérêt pour l’Afrique. Elle s’y affirme politiquement à travers la diffusion du maoïsme mais aussi diplomatiquement comme, en 1958, lorsque le pays reconnaît le gouvernement provisoire algérien, elle y soutient certains mouvements de libération nationale. La Chine montre aujourd’hui un intérêt plus économique pour l’Afrique. Les échanges commerciaux entre le pays et le continent ont été multipliés par 10 en 20 ans, faisant des Chinois les premiers investisseurs devant les nord-américains et les européens. Cette volonté de rapprochement a été officialisée en 2000 après la création du forum sur la coopération sino-africaine (FOCSA). Depuis, la Chine a offert au continent sa main d’œuvre, son savoir-faire mais aussi des prêts à taux réduit et de nombreux avantages financiers. Ces aides au développement sont appréciées des gouvernements africains qui y voient un moyen d’éviter l’interventionnisme des anciennes puissances coloniales ainsi que les réformes imposées par les instances internationales, comme le FMI, en contrepartie des aides fournies. Pour la Chine, dont la dépendance énergétique est devenue une préoccupation majeure, le continent africain représente un immense réservoir de matières premières allant du pétrole aux minerais rares et un nouveau marché florissant pour les entreprises chinoises qui peuvent y écouler leurs produits manufacturés à bas prix. Cependant, si le niveau de vie des Africains a pu bénéficier de ces relations commerciales privilégiées, les industries locales peinent aujourd’hui à lutter contre la concurrence chinoise. De plus, environ 400.000 travailleurs chinois naturalisés sur le sol africain ont été recensés en 2017, ce qui contribue là encore à étouffer la concurrence de la main d’œuvre locale. L’Afrique ne représente que 3% du total des échanges commerciaux chinois tandis qu’à l’inverse, le continent présente un coefficient de dépendance aux exportations de Pékin parmi les plus élevés du monde. Cette coopération cache donc de nombreuses disparités. Au delà des intérêts commerciaux, le continent africain est au cœur de la stratégie géopolitique chinoise. Pékin désirant limiter l’influence des États-Unis, perçus comme un concurrent majeur sur la question des hydrocarbures dans la région. Cette forte implantation en Afrique lui permet également de contrer Taiwan ou le Japon qui recherche là aussi des alliés afin d’appuyer sa candidature comme membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU. Comment se dessine l’avenir des relations sino-africaines ?

Les brèves

Chindiafrique: La Chine, l'Inde et l'Afrique feront le monde de demain

Philippe Meyer

"Cet essai de prospective montre comment les trois géants – Chine, Inde, Afrique – vont renforcer leurs complémentarités et former un nouveau triangle de développement. Analysant les conséquences de cette recomposition, Jean-Joseph Boillot et Stanislas Dembinski mettent au jour ses risques et ses opportunités pour l’Occident : dynamisme économique et culturel des diasporas, diffusion d’un low cost de qualité, business models frugaux et dont pourraient bien s’inspirer les pays riches. On voit ainsi se dessiner un monde où les changements sont infiniment plus rapides et plus massifs qu’ils ne l’ont été pour notre révolution industrielle. Et si la Chine se place en tête de cette course à la croissance, les auteurs montrent qu’elle est en voie de stabilisation, tandis que l’Inde et l’Afrique devraient révéler tout leur potentiel dans les prochaines décennies. Un décalage dont l’Europe devrait savoir jouer afin de contrebalancer une Chine trop hégémonique. "

CHINE, HONG KONG, TAÏWAN. UNE NOUVELLE GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE DE L’ASIE

Philippe Meyer

"Le nouveau millénaire s’inscrit dans une tendance profonde à la régionalisation de l’économie mondiale, autour des trois grands pôles que sont l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie. Les logiques géographiques de chacun de ces pôles sont néanmoins contrastées. pour l’asie, le principe majeur de localisation des activités suit un axe maritime nord-sud allant du japon à l’indonésie. C’est une véritable Méditerranée asiatique bordée de pôles industriels, marchands et financiers, et d’une mosaïque de petites mers intérieures qui la structurent en zones de voisinage de plus en plus intégrées au fur et à mesure que les conflits s’éloignent et que les économies s’ouvrent sur le schéma de croissance tirée par l’exportation et l’investissement direct (IDE). La montée rapide du monde chinois (Chine, Hongkong et Taïwan) instaure non seulement une structure géopolitique bicéphale (Japon-monde chinois) en asie de l’est, mais elle entraîne également un véritable effet d’attraction sur toute la région par le seul effet des masses démographiques et financières : près de 750 millions d’actifs pour la seule chine continentale contre 180 dans le reste de l’asie émergente et moins de 70 millions au Japon. Cet ouvrage est une présentation empirique des espaces économiques chinois dans la nouvelle géographie économique de l’asie. Un accent plus particulier est mis sur le triangle de chine du sud qui constitue indéniablement le grand succès économique des vingt dernières années. à l’aide des outils de la » nouvelle géographie économique » (Paul Krugman notamment), les auteurs montrent que les miracles chinois illustrent très largement les effets dynamiques des spécialisations territoriales à l’oeuvre sur les bordures côtières. Plus que les avantages comparatifs traditionnels, ce sont les rendements d’échelle et les externalités positives qui tirent les économies chinoises et structurent de plus en plus la région Asie."

L'économie de l'Inde

Philippe Meyer

"Alors que la Chine connaît en 2015 les premiers soubresauts de sa mutation postdécollage, certains voient l’Inde prendre le relais pour les trente prochaines années. Est-ce crédible ? En dépit d’une croissance qui s’est accélérée, l’Inde bute sur un ensemble de contradictions qui obèrent le développement, comme la pauvreté de masse et les inégalités. Il en résulte une lenteur de la transition industrielle et de forts goulets d’étranglement dans les infrastructures. Faut-il pour autant ignorer l’Inde ? Certainement pas. À la différence de nombreuses économies émergentes, les structures de la plus grande démocratie du monde lui confèrent une forte résilience face aux tensions internes comme externes. Le modèle indien continuera de s’affirmer comme un modèle de développement unique, qu’il faut connaître et comprendre pour se repérer dans le monde de demain. Au-delà des notions d’innovation frugale, de gradualisme dans les réformes ou de tension entre démocratie et société de castes, quelles sont les caractéristiques de ce modèle, qui suscite trop souvent des jugements extrêmes ?"