Macron et les religions; Erdogan Mamamouchi (#43)

Macron et les religions

Introduction

Mardi 26 juin, le Président de la République s’est rendu pour la première fois au Vatican où il a eu avec le Pape François un entretien d’une heure environ. Il a accepté le titre de premier et unique chanoine d’honneur de Saint jean de Latran. Près d’un an après sa rencontre avec le Dalaï-Lama, ce voyage traduit la volonté d’Emmanuel Macron de redonner aux religions une place dans le débat public. Depuis le début de son quinquennat, le président a mis en avant son attachement fort au principe de laïcité comme à l’héritage religieux de la France dont il a souligné les fortes traces culturelles, intellectuelles, politiques et patrimoniales. Le chef de l’État a reçu en ddécembre dernier les représentants des cultes juif, orthodoxe, catholique, protestant, musulman mais aussi bouddhiste au cours d’une consultation sur les questions de bioéthiques. Les députés de la majorité ont voté dans le cadre du projet intitulé « Pour un État au service d’une relation de confiance » le retrait des associations religieuses de la liste des lobbies. Le président avait affirmé à l’occasion de ses vœux aux autorités religieuses sa volonté de travailler à la restructuration de l’Islam de France afin de l’inscrire dans « une relation apaisée avec l’État ». A cet effet, la formation des imams et le financement du culte musulman ont été annoncés comme les deux axes majeurs de l’action du gouvernement là où les quelques 300 imams actuellement en France sont majoritairement financés par les états du Golfe et du Maghreb. Emmanuel Macron a souhaité voir se réduire l’influence des pays arabes afin que l’Islam de France ne tombe pas dans la « crise majeure » que cette religion est « en train de vivre à échelle internationale » L’objectif est d’associer les « acteurs de terrain » à chaque décision afin d’offrir une meilleur assise territoriale à l’Islam mais aussi de l’organiser dans le cadre des institutions républicaines et de l’inscrire dans le dialogue des cultes avec l’État voulu par le gouvernement.

Erdogan Mamamouchi

Introduction

Dimanche 24 juin dernier, le président turc Recep Tayyip Erdogan a été réélu dès le premier tour des élections présidentielles avec plus de 52% des voix pour une participation d’environ 88%. Les élections législatives ont conforté la domination du président sortant son parti, l’AKP, obtenant 339 sièges soit la majorité absolue au Parlement. Si le chef de la mission d’observation de l’Oragnisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, Ignacio Sanchez Amor a mentionné quelques irrégularités dans certains bureaux de vote, l’opposition, en partie muselée, a finalement reconnu sa défaite lundi soir. Balayant ces allégations d’un revers de la main, le président élu depuis 2003 s’est empressé de déclarer que la lutte menée “avec le peuple contre les vandales et les traîtres” avait finalement porté ses fruits, la Turquie donnant ainsi “une leçon de démocratie au monde entier”. Pourtant depuis le putsch raté de juillet 2016, la Turquie est régulièrement pointée du doigt notamment par l’Union Européenne pour ses atteintes aux libertés individuelles. 150 000 fonctionnaires et enseignants ont été limogés et c’est plus de 50 000 personnes qui ont été arrêtées depuis la mise en place de l’état d’urgence à la fin 2016. Au début de l’année dernière, Erdogan a fait adopter par référendum une nouvelle constitution offrant une concentration des pouvoirs sans précédente au chef de l’état. Désormais, le président pourra nommer les hauts-magistrats, décider seul du budget du pays et se passer de l’aval du Parlement pour de nombreuses décisions. Selon l’opposant social-démocrate, Muharrem Ince : “C’est une façon d'institutionnaliser la dérive autoritaire de ces dernières années” En avançant d’un an et demi ce double scrutin, le président Erdogan comptait également échapper aux effets de la crise économique larvée. En effet, l’économie turque connaît depuis peu une forte récession, un taux de chômage atteignant les 10% et une inflation galopante. Diplomatiquement, les tensions avec l’Occident ont récemment été ravivées à la faveur de la guerre en Syrie ou de la crise migratoire tandis qu’en parallèle le président turc se rapproche de la Russie de Vladimir Poutine. Ce dernier a d’ailleurs salué l’élection de son homologue turc soulignant que “les résultats attestent pleinement de la grand autorité politique de Recep Tayyip Erdogan”. En Europe, les grandes capitales sont restées silencieuses, seul le Premier ministre hongrois Viktor Orban a réagi, déclarant, en référence à la crise des migrants “La stabilité de la Turquie est une bonne nouvelle pour l’Europe”...

Les brèves

Les enfants du 209 rue Saint-Maur

Marc-Olivier Padis

"Un mot pour dire qu’on peut toujours voir sur le site internet de la chaîne de télévision Arte, un très bon documentaire qui s’appelle Les enfants du 209 rue Saint-Maur de Ruth Zylberman. C’est une sorte d’enquête et de retour dans le passé sur cet immeuble parisien où vivait de nombreuses familles juives persécutées pendant le guerre et l’occupation. Elle retrace le destin des enfants, qui pour certains ont été cachés et d’autres déportés, qui vivaient tous dans cet immeuble donc c’est un très beau documentaire."

La loi PLM

Philippe Meyer

" Je vais ouvrir la séquence des brèves en rappelant qu’on commence à évoquer telle ou telle candidature pour les élections municipales de 2020 ici ou là à Paris, à Lyon ou à Marseille. Mais personne ne parle de la loi scélérate qui fait que les habitants de ces trois villes ne votent pas pour leur maire mais pour un collège d’électeur. C’est la loi Paris-Lyon-Marseille qui a été fabriquée dans les cuisines de François Mitterrand pour sauver la peau de Gaston Deferre, ce qu’elle a d’ailleurs fait à Marseille, elle avait été dénoncée avec indignation par la droite et Jacques Chirac qui s’en est servi après avoir ajouté deux secteurs nouveaux à Marseille pour sauver la peau de Monsieur Gaudin qu’elle a d’ailleurs sauvé. C’est une loi qui permet qu’on soit élu avec une minorité. Pourquoi est-ce que les parisiens, les marseillais, les lyonnais n’ont pas le droit d’élire directement leur maire ? Pourquoi est-ce qu’il faut qu’on en arrive à des combinaisons de cette nature ? Pourquoi est-ce qu’un système qui nous a si profondément indigné quand aux Etats-Unis il a permis l’élection de Georges Bush Junior contre celle d’Al Gore alors que Bush était minoritaire en voix tout comme Trump ? Pourquoi faut-il qu’il y ait indignation de ce côté-ci de l’Atlantique et résignation de l’autre côté ? Personnellement, je suis pour certaines initiatives, et je crois que je vais contribuer à l’une d’entre elles, pour que ces lois scélérates soient abolies."

Neige de Orhan Pamuk

Lucile Schmid

"Je voulais demander de lire et relire ce roman d’Orhan Pamuk, prix nobel de littérature, grand écrivain turc, Neige, sorti en 2005, qui se passe dans une ville d’Anatolie et qui est extraordinairement actuel. C’est l’histoire d’un journaliste qui vit en Allemagne qui revient faire une enquête sur les suicides de jeunes filles dans cette ville. Est-ce parce qu’il y a une pression islamiste ou parce qu’elles sont voilées ? On ne sait pas. Ce qui est très intéressant c’est que le livre donne la parole à différentes expressions de la société turque. Représentées soit par un jeune étudiant soit par le commissaire de police, soit par les généraux soit par les islamistes. Ca nous renvoie à cette difficulté d’articuler démocratie, islam et autoritarisme. Je trouve que ce livre est particulièrement remarquable. Je rappelle qu’Orhan Pamuk est sans doute l’un des premiers intellectuels turcs à avoir reconnu qu’il y avait eu un génocide arménien et que 30 000 kurdes avaient également perdu la vie. C’est un roman mais je trouve qu’il y a une portée visionnaire par rapport à ce qui se passe extraordinairement actuelle."

Retour à Lemberg - Philippe Sands

Béatrice Giblin

" Je voudrais recommander un ouvrage qui s’appelle Retour à Lemberg de Philippe Sands. Qui est un avocat britannique appelé à faire une conférence en Ukraine dans la ville de Lemberg dont est originaire son grand-père. Et il se dit « Tiens je vais aller voir la maison de mon grand-père » Grand-père qui s’est exilé dans les années 30 pour venir vivre en France, sa femme l’a rejoint avec la femme de Philippe Sands qui est alors une très petite fille. Il s’intéresse du coup à essayer de retrouver des traces de sa famille et il tombe sur quelque chose qui est tout à fait intéressant. Il se rend compte que deux grands juristes, considérés comme des juristes britanniques et américains, sont originaires eux aussi de cette ville de Lemberg et sont à l’origine de la création du concept de génocide et du concept de camps d’extermination. Et ces deux grands juristes vont se trouver au procès de Nuremberg devant jugés un personnage nazi qui est Hans Frank et qui en 1942 est à l’origine de la liquidation de leurs propres familles. Ca se lit véritablement comme un thriller parce qu’on le suit dans la découverte pas à pas de cette histoire plus toute la réflexion sur le pouvoir de la Mémoire. Il part sur le souvenir d’une maison et ça prend une ampleur magnifique, c’est un livre magnifique."