La surprise espagnole; Les fractures françaises (#40)

La surprise espagnole

Introduction

Le 5 juin dernier, le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy, dont le gouvernement avait été́ renversé la semaine précédente, a annoncé qu’il allait quitter la tête du Parti Populaire. Homme fort du PP depuis 2004, un “congrès extraordinaire” est attendu prochainement afin de désigner son remplaçant. Mariano Rajoy avait pourtant surmonté de nombreuses crises politiques allant de la récession à la cure d’austérité́ jusqu’au aux tentatives sécessionnistes catalanes de l’année passée. Mais, après plus de 6 ans au pouvoir, le chef du gouvernement conservateur est tombé en moins d’une semaine après le dépôt d’une motion de censure le 25 mai, victime des révélations de l’affaire Gürtel. L’Audience Nationale, haut tribunal espagnol chargé notamment du crime organisé, a en effet conclu à l’existence d’un “authentique système de corruption institutionnelle” au sein du PP au travers d’une “caisse noire” et d’une “manipulation des marchés publics” que Mariano Rajoy avait constamment nié. Pedro Sanchez, un économiste de 46 ans secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol, prend donc désormais la tête du gouvernement espagnol. C’est son parti, le PSOE qui avait déposé́ la motion de censure contre le gouvernement de Rajoy., soutenu par six partis et 180 des 350 députés. Si c’est bien le parti socialiste qui prend la tête du pays, ce dernier ne dispose que de 84 sièges. Adriana Lastra, vice-secrétaire générale du PSOE a tenu à rassurer les électeurs espagnols déclarant que son parti “comptait convoquer des législatives anticipées” sans pour autant en préciser la date. Pedro Sanchez a présenté́ le 6 juin un gouvernement provisoire pro-européen, composé de onze femmes – la plupart à des ministères régaliens- et de six hommes. Parmi ces nouveaux ministres europhiles, la directrice générale du budget à la Commission européenne Nadia Calviño au Ministère de l’économie et l’ex- président du Parlement européen Josep Borrell au Ministère des affaires Étrangères. A propos de la Catalogne, Pedro Sanchez s’est dit prêt à jeter les ponts du dialogue sans pour autant reculer sur l’essentiel: l’unité́ de l’Espagne...

Les fractures françaises

Introduction

Un an après son entrée à l’Élysée, Emmanuel Macron a tenu huit de ses promesses de campagne et 45 sont en cours de réalisation comme la réforme de l’éducation ou celle du code du travail qui comptent parmi les plus importantes de son programme. Sur la scène internationale, le président a réussi à offrir une image renouvelée de la France tout en donnant de la visibilité et de la voix à Paris. En Europe, il n’en doit pas moins faire face aux pressions souverainistes et aux rivalités politiques qui compliquent son positionnement de chef de file des vingt-huit membre de l’Union. Ce succès relatif à l’international est contrebalancé par les fractures sociales marquant toujours vives. Si les Français reconnaissent au président sa volonté réformatrice, son action apparait déséquilibrée et l’idée du « libérer-protéger » défendue durant sa campagne semble d’une réalisation incertaine. Alors que l’exécutif entre dans la deuxième année de son quinquennat, malgré la reprise des investissements, notamment étrangers, le chômage reste élevé, le déficit du commerce extérieur se creuse et, le pays est en proie à de forts mouvements sociaux allant de la lutte pour la sauvegarde du service public scolaire, universitaire ou ferroviaire à la protection globale des salariés du privé. Rien n’a encore réussi à réduire l’écart social, économique ou territorial qui marque le pays. L’accès aux infrastructures et la qualité de vie restent inégaux entre les espaces urbains et ruraux, notamment dans l’accès au soin, aux services publics ou aux transports. Hors des grandes agglomérations, 7 millions de français vivent à plus de 30 minutes d’un service d’urgence et ce, sans mentionner les départements ultramarins qui connaissent de grands niveaux de difficulté. L’augmentation des loyers et de l’immobilier depuis le boom des années 2000 a accentué les inégalités d’accès à la propriété et chassé les ménages les plus modestes vers la périphérie. Les inégalités dans les régions défavorisées tendent à se reproduire sans que le système scolaire ne parvienne vraiment à les réduire. La France reste le pays d’Europe qui enregistre le plus de disparité entre les élèves selon leur origine sociale. Le plan Borloo pour la réconciliation nationale qui devait permettre de dessiner les grandes lignes d’une politique capable d’assurer l’homogénéité du territoire a été jugé trop cher et mis de côté par le président, tandis que les zones rurales se sentent délaissées. La réponse aux menaces terroristes n’est pas claire et la gestion de la situation des migrants semble surtout policière. Après ce début de quinquennat une partie des soutiens d’Emmanuel Macron exprime un sentiment de désorientation et presse le président d’exécuter son engagement de faire de la « protection » le maître mot de la suite.

Les brèves

Cause toujours Philippe Muray

Philippe Meyer

"Je rangeais des livres et j’ai retrouvé celui-là. Ce sont des chroniques que Philippe Muray, le regretté Philippe Muray, donnait à la Montagne. Il les a données pendant cinq ans, elles ont été sélectionnées et regroupées sous le titre Cause toujours aux éditions Descartes et Cie en collaboration avec la Montagne. D’abord, retrouver Philippe Muray est chaque fois quelque chose d’important. On est vraiment secoué, on s’arrête parfois et on est frappé par l’intelligence, la qualité du regard, la façon de voir les choses et évidemment aussi par la façon de les écrire. J’ajoute quand même qu’on pouvait reprocher à Philippe Muray d’être long et c’est arrivé dans un certain nombre de ses publications. Mais en même temps, il y a l’obligation, dans un journal, de format qui le sert formidablement. Je pense que Muray était d’accord avec la phrase de Gide « l’Art nait de lutte, vit de contrainte et meurt de liberté ». La contrainte du journalisme, cette contrainte de distance, à mon avis, potentialisait le talent de Philippe Muray et donc ça s’appelle Cause toujours et les références seront sur notre site."

Les Ondes Magnétiques de David Lescot

Marc-Olivier Padis

"J’ai peu l’occasion de parler de théâtre mais là je suis allé à la Comédie Française, au Vieux Colombier, pour voir une pièce de David Lescot qui est un jeune auteur et metteur en scène de théâtre, dont j’essaye de voir toutes les pièces qui m’enchantent. Celle qui se joue jusqu’au 1er juillet au Vieux Colombier s’appelle Les ondes magnétiques et c’est une pièce sur l’histoire des radios libres. David Lescot aime bien raconter des histoires collectives, de petits collectifs, de petits groupes plus ou moins clandestins, plus ou moins conspirateurs. Il retrace ici l’histoire glorieuse des radios libres, leur légalisation et puis leur destin commercial par la suite. C’est donc à la fois un théâtre documentaire avec une mise en scène très libre, très mélangée avec beaucoup de musique, de transformation des personnages et sans avoir vécu les radios libres ça m’a fait penser que nous vivions ici une renaissance des radios libres dans un lieu extraordinaire et qui donne presque l’impression d’être clandestin donc c’est très amusant de trouver cette histoire."

Bleu de Prusse - Philipp Kerr

Nicolas Baverez

"L’été arrive bientôt et pour tout ceux qui aiment les romans policiers, je voulais recommander le livre de Philippe Kerr qui est un auteur britannique qui est malheureusement décédé récemment. Son dernier livre s’appelle Bleu de Prusse et il emmène son personnage préféré qui s’appelle Bernie Gunther à Berchtesgaden en 1939 dans le nid d’aigle d’Hitler et le livre est particulièrement réussi. Comme tout bon policier, ça nous permet de découvrir une intrigue bien menée mais aussi une plongée dans l’Histoire et cette plongée dans l’Histoire est particulièrement bien réussie."

L'Odyssée de Daniel Mendelsohn

Béatrice Giblin

"Moi je suis en train de lire un livre qui m’enchante et qui s’appelle Une Odyssée de Mendelsohn. Cet auteur qui avait reçu le prix Médicis du roman étranger pour Les disparus, il y a 2 ans. Ca démarre sur la relation à son père, père avec lequel il a eu beaucoup de difficulté car c’est un littéraire le fils, spécialiste de grec et de latin et le père trouvait que c’était pas très sérieux tout ça et qu’au fond les mathématiques c’était nettement plus intéressant. Et puis il va y avoir cette découverte tardive et ils vont refaire le voyage d’Ulysse ensemble et c’est une relecture d’Ulysse par Mendelsohn. Il a fait son séminaire sur l’Odyssée et donc c’est extrêmement riche, fin et sensible sur cette relecture d’Ulysse associé à ce rapport père-fils que je trouve extrêmement séduisant et attachant. On passe un très bon moment."

France-Israël, histoires secrètes d'une amitié déçue Vincent Nouzille

François Bujon de L’Estang

"La semaine politique française ayant été marquée par la visite de Benjamin Netanyahu dont la présence au Grand Palais a permis de fermer la moitié de la ligne 1 dont je suis utilisateur régulier. J’en profite pour signaler un livre fort intéressant d’un journaliste d’investigation et producteur de film documentaire à la télévision. Il s’appelle Vincent Nouzille, il a déjà publié un nombre important de livres chez Fayard et chez l’éditeur Les liens qui libèrent. Il a consacré son dernier livre aux relations franco-israéliennes. Le livre s’appelle Histoire secrète : France Israël 1948-2018, le titre est bien sûr un peu racoleur mais il est extrêmement intéressant de retracer comme il le fait, en ayant eu accès à des documents français, américains, israéliens… qui ne sont pas toujours connus, l’histoire de relations bilatérales, relation je t’aime moi non plus très très difficile entre la France et Israël au fil des années. La façon dont il retrace les 20 premières années de 1948 à la guerre des six jours, qui étaient des années d’alliance étant trop étroite entre la France et Israël, la fracture complète de la guerre des six jours de 1967 et ensuite les tentatives maladroites, laborieuses e fonction des présidents français et des gouvernements israéliens pour essayer de renouer un dialogue constructif dans un Proche Orient qui est tout à fait ingouvernable, cette histoire est extrêmement passionnelle, extrêmement difficile et fort bien racontée par Vincent Nouzille."