Après la décision du Conseil Constitutionnel, fin de partie, mais pour qui ? / Lula en Chine : le Sud global contre l’Occident ? / n°294 / 23 avril 2023

Téléchargez le pdf du podcast.

APRÈS LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL, FIN DE PARTIE, MAIS POUR QUI ?

Introduction

Philippe Meyer :
La loi réformant les retraites et portant l'âge légal de départ à 64 ans a été promulguée au « Journal Officiel » dans la foulée de son approbation par le Conseil constitutionnel. Cette approbation n’a pas calmé la colère de l’intersyndicale, qui a décliné l’invitation d’Emmanuel Macron à le rencontrer, le 18 avril. Le secrétaire national de la CFDT, Laurent Berger, a réclamé un « délai de décence », ajoutant que l'intersyndicale s'était donnée comme horizon pour entamer les discussions l'« après 1er mai », date d'une nouvelle journée de mobilisation des opposants à la réforme des retraites. Les treize organisations de salariés et de défense de la jeunesse, réunies en intersyndicale, ont diffusé, dès la décision du Conseil constitutionnel connue, une déclaration commune titrée : « Ce n’est pas fini ! ». L'intersyndicale promet un 1er mai « unitaire et populaire ». Un 1er mai unitaire serait une première depuis 2002, quelques jours après le fameux 21 avril qui avait vu Jean-Marie Le Pen accéder au second tour de l'élection présidentielle.
Lors de son allocution télévisée, lundi, le président de la République a listé trois chantiers prioritaires : le travail, la « justice et l’ordre républicain et démocratique » et « le progrès pour mieux vivre ». Il a donné rendez-vous dans « cent jours », au 14 juillet, pour « faire un premier bilan ». Elisabeth Borne, confortée à son poste, détaillera sa feuille de route la semaine prochaine. Pour Laurent Berger, il n’en ressort « rien de concret », il s'est agi d'un « énième discours de la méthode » qui « ne nous a rien appris et ne met pas fin au ressentiment des gens ».
D'après une enquête pour Libération, réalisée par l'institut Viavoice, 76 % des personnes interrogées estiment que la démocratie française est actuellement « en mauvaise santé », tandis que 39 % sont encore plus critiques, la jugeant même « en très mauvaise santé ». 74 % pensent que la mauvaise santé de la démocratie est due au moins en partie au fait que les élus sont « déconnectés des réalités des Français ». Selon un sondage de l'institut Elabe réalisé les 15 et 16 avril, l’image du président de la République s’est fortement dégradée, en France comme à l'étranger. Avec seulement 25 % d'opinions positives, Emmanuel Macron est proche du taux d'impopularité où l'avait plongé la crise des Gilets jaunes (23% en novembre/décembre 2018) observe Bernard Sananès, président d'Elabe. Loin du Président « protecteur » des années Covid, ou du Président « chef de guerre » du premier semestre 2022, c'est aujourd'hui l'image d'un chef d'État autoritaire, voire brutal qui domine dans l'opinion.
Figure de la lutte contre la réforme des retraites, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, dont l’organisation a gagné 31.000 adhérents dans les dernières semaines, a annoncé mercredi qu’il quittait ses fonctions en juin au profit de Marylise Léon, actuellement numéro deux du syndicat. Elle se décrit elle-même comme « pas facile, surtout dans les négociations » et veut, elle aussi, un 1er mai « historique » face à la « surdité de l’exécutif ».

Kontildondit ?

Nicolas Baverez :
La situation est aujourd’hui aussi claire que bloquée. Du point de vue juridique, la loi sur les retraites a été adoptée et promulguée, elle va donc entrer en application. En apparence, le processus est donc terminé. Ce n’est en revanche absolument pas le cas de la crise sociale et politique, qui continue et tend même à s’amplifier. Le président et son gouvernement ne peuvent pas se déplacer en France sans être accueillis par des concerts de casseroles, et une violence endémique se répand dans tout le pays. Une mobilisation importante se profile pour le 1er mai, et par ailleurs le groupe parlementaire LIOT a décidé d’utiliser sa fenêtre parlementaire pour une proposition de loi qui remettrait en question la retraite à 64 ans. Contrairement aux espoirs du président, la promulgation de la loi n’a donc absolument pas arrêté la séquence contestataire.
Emmanuel Macron a essayé de mettre en place un « antidote », avec cette mobilisation autour des « cent jours » mais celui-ci a fait long feu. Notons au passage que la résonance politique de ces cent jours est pour le moins ambiguë, puisque s’il s’agit de Napoléon, cela ne s’est pas bien terminé, et si c’est le New Deal de Roosevelt, on peine à voir les similitudes. On pourrait aussi évoquer Néron, bref ces « cent jours » ont une connotation de fin de règne, et les évoquer un an après avoir été élu est une idée tout à fait baroque. Pour le moment, le président de la République ne semble pas avoir de solution, le triptyque qu’il a évoqué (travail, ordre, mieux vivre) est très abstrait, on n’a toujours pas de majorité, bref ces cent jours ne sont qu’une espèce de sursis pour la Première ministre, qui est en place jusqu’au 14 juillet, sans qu’on sache vraiment pourquoi.
Pourquoi ce quinquennat est-il déjà mort-né ? C’est une question qui donne le vertige. Car Emmanuel Macron est non seulement isolé dans le pays mais aussi sur la scène internationale. Il est discrédité en Europe suite à ses déclarations sur la Chine, ses échecs intérieurs le déconsidèrent aux yeux des grandes puissances, bref le blocage politique est quasiment complet. La France est paralysée à un moment où elle se trouve en grand danger. Elle est profondément divisée et n’a plus de vrai cap, alors que les chocs se multiplient : choc énergétique, choc alimentaire, choc sanitaire, choc financier, choc climatique, choc géopolitique …
Qu’on regarde les marchés, les investisseurs, nos partenaires européens ou tout simplement les Français, on s’aperçoit que le taux de croissance est à peu près nul, que le taux de chômage reste élevé, et que le dialogue social est complètement arrêté. Normalement, le point de fort de la Vème République est d’être un régime certes peu libéral et démocratique, mais conçu pour supporter les chocs de l‘Histoire. Or on s’aperçoit que c’est aujourd’hui insuffisant, que le régime croule sous le poids d’un Etat obèse et impuissant, avec un président qui a achevé sa métamorphose en Jupiter. Autoritaire, mais si isolé qu’il en est réduit à l’impuissance.

Michaela Wiegel :
Parfois, il peut être éclairant de regarder la France avec les yeux Allemands, qui ne suivent pas la situation de l’intérieur. J’ai personnellement tendance à partager l’inquiétude de Nicolas, mais quand je m’entretiens avec des Allemands qui voient tout cela de plus loin, l’image n’est pas tout à fait celle-là. D’un côté, on a l’impression que si le président réussit à imposer cette réforme, ce sera une victoire pour lui : il aura réussi à faire en sorte que les Français acceptent de travailler un peu plus longtemps, et à assainir les systèmes sociaux très déficitaires. Les « cent jours » sont donc interprétés en Allemagne non comme une référence napoléonienne, mais plutôt comme le temps qu’il reste à tenir bon, avant que les vacances d’été ne fassent leur œuvre naturelle d’apaisement.
Pour moi, l’image du président Macron a davantage pâti de son voyage en Chine. Le maintien de sa position est vécu en Allemagne, en Pologne ou dans les pays baltes comme une indépendance française qui divise profondément. Il y a donc une situation paradoxale : auparavant, c’était l’état intérieur du pays (notamment celui de l’économie) qui inquiétait et diminuait la portée des propositions internationales d’Emmanuel Macron. Aujourd’hui, c’est l’orientation même de sa politique étrangère qui inquiète. Notamment cet entêtement à répéter que la France ne doit pas devenir une vassale des Etats-Unis. C’est une pique à destination de l’Allemagne mais pour les Allemands, il s’agit d’une conception très étrange de la vassalité. Car si l’Allemagne était réellement vassale des Etats-Unis, elle aurait davantage investi dans sa Défense, ne serait pas devenue dépendante à l’énergie russe, ou ne commercerait pas comme elle le fait avec la Chine. Le positionnement du président français paraît donc à contre-temps : d’un côté il redécouvre des tonalités gaullistes au moment où nous aurions besoin d’un Occident uni, de l’autre il fait une réforme intérieure que ses partenaires attendaient depuis très longtemps mais qui engendre des contestations intérieuress très fortes.

Marc-Olivier Padis :
Sommes-nous dans une simple phase d’impopularité du président, ou s’agit-il au contraire d’une vraie crise des institutions ? On voit que les niveaux d’hostilité personnelle à l’encontre d’Emmanuel Macron ont atteint des niveaux comparables à ceux qu’avait connus Nicolas Sarkozy, et les trois quarts de nos concitoyens sont inquiets sur l’état de la démocratie française. On ne peut être que frappé de la disproportion entre une réforme qui visait à trouver 16 milliards d’euros (une somme qui n’est tout de même pas le bout de monde) et une impression de crise de régime.
C’est cette interrogation sur nos institutions qui explique l’extraordinaire attention portée à l’avis du Conseil constitutionnel. Ce qui a été remarquable, ce ne fut pas tant l’avis lui-même, qui était plutôt attendu, mais bien l’attente qu’il a suscité. Le Conseil a dit que le gouvernement était libre d’emprunter le véhicule législatif de son choix pour sa réforme, et a confirmé le fait que les institutions de la Vème République peuvent donner un tel pouvoir à l’exécutif ; pouvoir qui peut paraître exorbitant à certains égards, mais qui est juridiquement fondé. D’un point de vue démocratique, on peut dire que le parlementarisme rationalisé a été utilisé dans toutes ses dimensions pour limiter la capacité de délibération du Parlement (même si certains groupes ont saboté le débat de l’intérieur, à la grande colère des syndicats qui auraient préféré un vrai débat parlementaire). Toujours est-il que c’est une réalité de la Vème République : l’exécutif a la capacité de faire passer un projet de loi impopulaire, même en l’absence de majorité parlementaire. Comme le disait Nicolas, ce fait était censé être une force des institutions, mais apparaît aujourd’hui comme une faiblesse : une espèce d’absolutisme inefficace, de divorce avec une opinion qui n’accepte pas cette situation.
On en revient donc à l’interrogation vertigineuse de Nicolas : le quinquennat est-il mort-né ? Certains observateurs font observer que le gouvernement a tout de même fait voter 20 textes de loi avant cette crise, et qu’une manière de fonctionner avec le Parlement existe donc bel et bien. Ceci dit, l’état de tension actuel peut laisser croire qu’il sera de plus en plus difficile de fonctionner comme cela. Ou alors, il faudrait une alliance en bonne et due forme, mais on peine à voir des candidats potentiels. Les Républicains se sont montrés divisés, et probablement incapables de négocier un véritable accord de gouvernement. Que peut faire le gouvernement ? Pas de majorité, pas de coalition possible, et surtout, aucun renouvellement de la pratique politique, car c’était là la vraie promesse d’Emmanuel Macron : « avec vous » (son slogan de campagne). Le lendemain du premier tour de l’élection présidentielle de 2022, pendant une interview à BFMTV, il s’était déclaré prêt à recourir au référendum consultatif à propos de l’âge de départ à la retraite. Il est curieux que personne ne le lui ait rappelé. Il a mené sa campagne sur le fait de gouverner autrement, puis a montré qu’il n’entendait pas renoncer à tous les outils que lui donne l’institution.
Pendant ce temps, Laurent Berger propose une espèce de contre-portrait du responsable public : à l’écoute, empathique, et n’ayant pas peur de renoncer à ses fonctions quand il estime que le temps est venu. Il rappelle le sens de la démocratie sociale, qui n’est pas suffisamment prise en compte dans la situation, alors qu’elle fait tout de même partie, elle aussi, de nos institutions. L’Elysée a sans doute pris trop à la lettre des sondages qui estimaient que l’opinion était « résignée », qui parlait de « grande flemme ». Or les Français n’ont pas eu la flemme d’aller manifester, ce n’est pas la résignation qui domine, mais le mécontentement.

Jean-Louis Bourlanges :
Je trouve le titre choisi pour notre discussion « fin de partie, mais pour qui ? » très judicieux, parce qu’en réalité, tout le monde est en fin de partie. Le président de la République bien sûr, mais il n’est pas sorti d’affaire pour autant. Et sa situation est d’autant plus bloquée qu’il n’est pas rééligible. Il lui reste quatre ans, avec des parlementaires qui savent tous que celui pour lequel ils se battront dans quatre ans ne sera pas Emmanuel Macron (sans pour autant savoir qui ce sera).
C’est une fin de partie pour la Première ministre, dont il faut saluer le sang-froid et la dignité dans une épreuve terrible. Elle a mené son affaire à sa manière. Ce ne devait pas être facile pour cette femme plutôt à gauche que de conduire une réforme de droite. Elle a tenté de maintenir le dialogue social le plus possible, ce qui a manifestement fini par agacer le président. Les propos que l’on tient à l’Elysée sur la Première ministre ne sont pas encourageants. Elle a cent jours, et on peut effectivement craindre qu’ils ne s’achèvent par un Waterloo ...
C’est également une fin de partie pour les syndicalistes. Il est d’ailleurs intéressant de voir que les deux protagonistes essentiels, les leaders de la CGT et de la CFDT sont respectivement déjà parti ou s’apprêtant à partir. On s’interroge : ils ont mené ce combat, et la mobilisation a été massive. Tous les amis de Laurent Berger reconnaissaient que celui-ci s’engageait sur un sentier délicat. Car certes, il était très habile de dire que le programme sur lequel M. Macron avait été élu était illégitime, voire cruel, mais à un moment donné, quand l’ensemble des procédures institutionnelles ont validé la réforme, pour un syndicaliste c’est franchir un certain Rubicon que de continuer à la combattre. Par conséquent, le départ de Laurent Berger l’arrange bien d’une certaine manière, car ce ne sera plus directement son affaire. A partir du moment où M. Berger a posé le problème en des termes si éminemment politiques, il devient inévitable que le débouché soit politique. Il a créé à gauche une image radicalement différente de celle de Jean-Luc Mélenchon, il occupe donc un créneau politique très favorable, mais il dit « non », comme avait pu le faire Jacques Delors. Il dit qu’il se consacrera au militantisme, plus en retrait de l’attention médiatique. Il y a donc un décalage profond entre le capital politique qu’il a acquis et le niveau de son ambition.
Il y a une fin de partie pour la Nupes, qui a montré qu’elle ne savait pas se servir de sa situation de « forte minorité » parlementaire. Elle a gâché ses cartes, et a présenté une image assez navrante de la représentation nationale, dont tous les parlementaires ont pâti. Le Parlement ressort étrillé de cette affaire. Je m’entretenais il y a quelque jours avec le président ivoirien, qui s’amusait de tous ces déboires parlementaires. Pour dire les choses comme elles sont, on a l’air un peu grotesques …
Enfin, il s’agit d’une fin de partie pour le peuple français, car au bout du compte, que veut-il ? Ce débat n’a été que négatif. On entend « nous voulons une autre réforme », personnellement je n’en crois rien. On a sorti l’argument de la durée, mais il n’y avait pas de réelle proposition d’opposition. Certains disaient qu’il n’était pas nécéssaire de travailler plus, d’autres qu’il fallait certes travailler davantage, mais on était en réalité dans une pure négativité.
Dans ce débat de détestation du président de la République, je crois que les responsabilités sont partagées. Je pense que le président s’y est mal pris sur le plan psychologique, avec ces formules abusives, agaçantes et donneuses de leçons, mais les Français eux-mêmes sont dans un état de détestation à l’égard de tous les responsables politiques qui est réellement très inquiétant. Je vois bien les tombereaux d’injures qui s’abattent sur les parlementaires (quand ce ne sont pas des menaces), alors que très franchement, on n’est pas pires que d’habitude ! Les parlementaires sont des citoyens comme les autres, qui sont au contact de leurs électeurs. Je reconnais être un cas un peu à part, car il est difficile d’être vraiment implanté dans une circonscription comme la mienne, dans banlieue assez insaisissable. Mais tous ceux qui sont dans des zones semi-rurales ou rurales sont en prise directe avec leurs électeurs, mesurent leur désarroi et essaient d’y répondre de leur mieux. Seulement, nous ne faisons pas face à une demande mais à un mécontentement. L’écart se creuse entre les Français et les procédures démocratiques. Je ne sais pas comment cela finira, mais la seule qui ne semble pas être en fin de partie, c’est Mme Le Pen.

LULA EN CHINE : LE SUD GLOBAL CONTRE L’OCCIDENT ?

Introduction

Philippe Meyer :
  Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a effectué du 13 au 14 avril une visite officielle en Chine. Il a rencontré le président Xi Jinping. Objectif affiché : permettre à la première puissance d'Amérique latine de revenir au centre de la géopolitique mondiale, consolider son rôle au sein des pays émergents et sécuriser ses exportations, alors que la situation économique du pays est précaire. Avant de rejoindre Pékin, Lula s’est arrêté à Shangaï où il a assisté à la cérémonie d’investiture de Dilma Rousseff, en tant que présidente de la Nouvelle Banque de Développement, la banque des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), appelé le « G7 des émergents ». Cette banque vise à « aider à financer les économies en développement, en particulier dans les infrastructures et la transition énergétique durable ». Le dirigeant brésilien en a profité pour fustiger le Fonds monétaire international, qu'il a accusé d’« asphyxier les économies de pays comme l'Argentine » et estimé que la banque des Brics « a un grand potentiel de transformation », car elle « libère les pays émergents de la soumission aux institutions financières traditionnelles ».
Les échanges entre le Brésil et la Chine ont atteint en 2022 un record de 152 milliards de dollars, loin devant les États-Unis (89 milliards). Un chiffre multiplié par vingt depuis la première visite de Lula, en 2004, avec un excédent de 28 milliards en faveur du Brésil. Le géant sud-américain vend des matières premières et achète des produits manufacturés à haute valeur ajoutée. La Chine est le premier partenaire commercial du Brésil, qui est également le premier récipiendaire des investissements chinois dans la région, avec 6 milliards de dollars en 2021, dans des secteurs stratégiques, comme les routes, les usines hydroélectriques et les télécommunications, en particulier en déployant le réseau 5G de Huawei malgré l'hostilité de Washington. Au terme de sa visite à Pékin, le président brésilien a signé quinze accords économiques couvrant des domaines tels que la technologie des satellites, l'économie numérique, les énergies renouvelables, l'industrie automobile et l'agro-industrie.
Tant sur le plan diplomatique qu’économique, les deux pays ont décidé de développer leurs relations pour « se débarrasser de règles injustes et réaliser un développement plus juste et plus équilibré », selon les termes de Lula. Comme la Chine et la plupart des pays émergents, le Brésil n'a pas imposé de sanctions à la Russie. Le président Brésilien qui se refuse toujours à envoyer des munitions à l’Ukraine « au nom de la paix » a affirmé à Pékin que « les Etats-Unis doivent cesser d’encourager la guerre et parler de paix, l’Union européenne doit commencer à parler de paix ». Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain a observé que « dans ce cas précis, le Brésil se fait l'écho de la propagande russe et chinoise sans prendre en compte les faits ». En revanche, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, avant sa rencontre lundi avec le président Lula à Brasilia a déclaré : « Nous sommes reconnaissants envers nos amis brésiliens pour l'excellente compréhension de la genèse de cette situation » en Ukraine.

Kontildondit ?

Marc-Olivier Padis :
Avec toute la sympathie que l’on peut avoir pour un président qui a vaincu Bolsonaro dans les urnes, on reste tout de même très perplexe devant cette proposition de médiation entre l’Ukraine et la Russie, qui commence par dire que l’Ukraine devrait renoncer à la Crimée, et pose donc un préalable inadmissible pour les Ukrainiens. Gageons que cette tentative tournera court assez vite.
Je suis également perplexe face à cette notion de « Sud global », expression assez nouvelle qui si je l’ai bien comprise, décrit le monde non-aligné sur l’Occident dans un contexte post-guerre froide. On n’est plus dans le « Est / Ouest / Tiers monde » d’antan, le Sud global, c’est autre chose. C’est un Sud qui inclut la Russie, ce qui géographiquement est assez acrobatique, dans une situation où la Chine est désormais bien plus puissante que la Russie, par rapport à la période de la guerre froide. Les défenseurs de cette notion de Sud global disent que ce qui est nouveau, c’est que c’est désormais le Sud qui aide le Sud. Pékin déploie des efforts considérables pour presenter la Chine comme investisseur principal dans des infrastructures, comme bonne partenaire commercial, voire comme puissance entendant remodeler les relations internationales. La Chine a longtemps été très présente en Afrique, mais le fait qu’elle parraine (même de loin et à la dernière minute) un accord entre l’Arabie Saoudite et l’Iran est tout à fait nouveau. Jusqu’où ira cet activisme diplomatique chinois ?
En tous cas, et pour le dire brutalement, il cache des situations de dépendances économiques brutales. Le Brésil est largement dépendant des engrais russes, donc le discours de Lula, même s’il se veut non-aligné, n’est donc en réalité pas complètement neutre. De même, quand les Chinois accordent des prêts dans le cadre de leurs nouvelles routes de la soie, ils créent des dépendances similaires. Et quand les débiteurs ne sont pas capables de rembourser leurs emprunts, on sait que la Chine n’hésite pas à s’approprier les infrastructures qu’elle a mises en place.
Autre occasion de s’interroger à propos de cette notion de « Sud global » : les intérêts chinois et russes diffèrent assez largement. Par exemple, les Russes sont très attachés à l’ONU, car ils y ont une place importante, alors que les Chinois préfèreraient sans doute des systèmes alternatifs moins multilatéraux. Mais leur position diffère surtout par rapport à l’Europe, car Pékin ne peut se permettre de perdre le marché européen. L’intérêt de la Chine consiste donc à ce que l’Europe ne soit pas entièrement solidaire de la politique américaine. Elle essaie donc de planter tous les coins possibles entre Etats-Unis et Union européenne. Alors que pour les Russes, l’Occident est perçu comme un seul bloc, ils n’ont aucune considération pour les européens, qu’ils considèrent comme de simples valets des Américains.
Mais pour finir, ce qui me surprend le plus avec le « Sud global », c’est qu’il y a un fort discours anti-occidental, mais dont la vieille notion « d’impérialisme » a disparu. Cela se comprend, car les Etats-Unis ont été (et sont peut-être encore) une puissance impériale, mais dans ce cas, que dire de la Russie et de la Chine ? Je comprends tout à fait que les Brésiliens soient hostiles à l’impérialisme américain, mais ils devraient regarder de plus près ce qu’est l’impérialisme russe. Cette guerre contre l’Ukraine est une guerre impériale, théorisée dans des textes par Vladimir Poutine, qui explique que l’Ukraine ne devrait même pas exister. Quand on regarde les Chinois, il y’a aussi une conception impériale, il suffit de regarder le Tibet ou Taïwan. Cette notion de Sud global cache donc une opposition entre des pays non-alignés (comme l’Inde ou l’Indonésie) et des puissances impériales qui n’ont pas renoncé à leurs rêves conquérants.

Michaela Wiegel :
Pour compléter l’analyse de Marc-Olivier, je propose de revenir au dernier congrès du Parti Communiste Chinois, car tout y est toujours annoncé. Il a montré que nous sommes désormais dans une nouvelle phase, celle d’une suprématie chinoise dans le monde, et d’une contestation de la suprématie étasunienne. Ce concept du « Sud global » n’est pas d’origine chinoise, mais il a été perçu par Pékin comme un outil très utile pour mener à bien cet agenda. Lors de la visite de Lula, on a bien vu y les trois éléments permettant de pousser les Etats-Unis dans leurs retranchements.
D’abord, la nouvelle technologie : la 5G et la volonté d’imposer Huawei partout où c’est possible, notamment en Amérique latine et son immense marché. La Chine, qui a dû accepter l’installation des usines Apple sur son sol, n’entend pas rater la prochaine révolution digitale.
Ensuite, il y a la remise en question du dollar américain comme devise dominante. Cela apparaissait clairement dans le discours de Lula, qui annonçait qu’à l’avenir, le Brésil passerait ses contrats en yuans. C’est déjà ce qui se passe avec la Russie, depuis les sanctions occidentales. Une nouvelle zone monétaire est en train d’émerger, certes c’est encore balbutiant, mais il est très intéressant de constater qu’Emmanuel Macron lui-même, pendant son récent voyage en Chine, reprend cet argument selon lequel l’extraterritorialité du dollar n’est plus justifiée.
Enfin, le conflit en Ukraine. Là aussi, rappelons-nous que M. Macron a réutilisé un mot qu’avait employé le général de Gaulle pour justifier la sortie de la France du commandement intégré de l‘OTAN. De Gaulle avait dit (à propos de la guerre du Vietnam) : « nous ne voulons pas être impliqués dans des conflits qui ne sont pas les nôtres ». On peut arguer que l’attitude de la Chine et du Brésil est exactement la même vis-à-vis de l‘Ukraine. Le nouveau statut des pays « BRICS » est un outil permettant de dire « nous désapprouvons ce conflit, mais il ne nous regarde pas, nous n’appliquerons donc pas de sanctions, nous refusons de nous aliéner les Russes et allons au contraire renforcer notre commerce avec eux ». Cela s’est traduit lors des votes aux Nations unies, où les abstentionnistes étaient quasiment tous les pays qu’on inclut dans ce « Sud global ».

Nicolas Baverez :
Cette visite était annoncée par Lula comme le retour du Brésil sur la scène internationale, mais en réalité, c’est plutôt au retour de la Chine qu’on assiste, après le gel de la période de Covid. Il est vrai que la notion de « Sud global » est en réalité éminemment politique, et que c’est un outil au service de la Chine.
Cette visite de Lula a en effet mis en lumière tout l’agenda de Pékin. Economiquement, comme cela a été rappelé en introduction, les échanges entre le Brésil et la Chine sont d’un montant presque deux fois plus élevé qu’avec les Etats-Unis. La bascule est donc faite. Rappelons que c’est également le cas avec toute l’Afrique et l’Asie, et que cela le devient avec le Moyen-Orient (Arabie Saoudite et Émirats arabes unis). Il y a aussi la technologie, avec la 5G mais aussi le secteur spatial.
En plus de la dé-dollarisation, il y a également une lutte contre l’extraterritorialité du droit des Etats-Unis. La guerre en Ukraine permet d’envoyer un message : cette guerre serait un problème occidental et non mondial. Ce narratif chinois est accepté par ces Etats du « Sud global », qui représentent la majorité de la population de la planète.
Enfin, il y a la mise en accusation de l‘Occident sur la crise climatique, avec le fonds de 200 milliards de dollars. Derrière tous ces thèmes, il y a une vraie diplomatie et de vrais objectifs. D’abord, avec cette nouvelle structuration des échanges, il y a la montée des BRICS et la mise en place de nouvelles institutions. Dilma Rousseff a pris la tête de la NBD, destinée à être en compétition avec la Banque mondiale. C’est tout un jeu de nouvelles institutions multilatérales non-occidentales et non-américaines qui se met en place. Enfin il y a effectivement des zones d’influence impériales, et qui sont parfaitement admises. Cela casse l’idée qu’il s’agit d’un antagonisme entre démocraties et empires autoritaires, parce que Russes et Chinois ont réussi à embarquer en grande partie l’Inde et le Brésil, au nom du ressentiment contre l’Occident et son passé colonial.
La conclusion pratique, c’est que l’Occident doit sérieusement réagir, et ne pas laisser le Sud s’aligner sur les empires autoritaires. La chute d’influence est spectaculaire. L’Amérique latine n’est plus l’arrière-cour des Etats-Unis qu’elle avait toujours été, la France est en train de se faire mettre dehors en Afrique … Il faut mettre en place une vraie politique vis-à-vis du Sud, et cela doit commencer une prise de responsabilités, car l’Occident a agi de manière totalement irresponsable avec les vaccins pendant la crise Covid. Il faut en outre répondre aux problèmes du Sud : crise alimentaire, crise énergétique, crise de la dette. La hausse des taux d’intérêts va mettre en grave difficulté les pays les plus pauvres dans les années à venir, ils se trouveront en défaut de paiement. Il est grand temps que l’Occident s’en préoccupe et propose des solutions.

Jean-Louis Bourlanges :
Je partage la déception de Marc-Olivier sur le président Lula. Je l’aimais beaucoup pendant son précédent mandat, j’avais même essayé de populariser à ce micro l’un de ses slogans : « Chavez : no, Lula : si ». Car Lula défendait une conception traditionnelle de la démocratie représentative au Brésil, il était très ouvert sur la nécessité de réformes économiques, il n’était pas du tout en conflit avec le FMI à l’époque. En même temps, il développait une politique sociale très active pour éliminer le paupérisme. Il y avait d’ailleurs une chose qui faisait hurler quand on proposait l’équivalent en France : lier les aides sociales à la fréquentation scolaire. Il représentait quelque chose de très positif, mais il est vrai que tout cela était adossé à une situation économique très prospère, avec un cours du soja très haut.
On constate un repli vraiment tragique. D’abord une indifférence totale à la question démocratique (évidemment après Bolsonaro, il ne peut apparaître que meilleur), car son discours sur la Russie, la Chine ou l’Ukraine montrent bien qu’il se soucie de la démocratie représentative comme d’une guigne. Ses propos sur l’Ukraine sont réellement inacceptables, on ne peut pas mettre sur le même plan l’Ukraine et la Russie. C’est tout simplement faux. L’Ukraine a été agressée par la Russie. D’ailleurs, il suffit d’entendre les félicitations de M. Lavrov pour réaliser que M. Lula fait fausse route.
Sur la question du dollar et de l’extraterritorialité, je comprends les revendications brésiliennes. Je ne peux m’empêcher de relier toute cette affaire à la ce que j’appelle la « peau de chagrin » du modèle occidental. Au lendemain de l’effondrement de l’Union soviétique, l’Occident a crié victoire, on a cru que les valeurs universelles de la charte des Nations unies allaient triompher et que c’était la fin de l’Histoire. Il suffisait d’attendre et tout allait s’arranger. Il y eut le printemps arabe, qui souleva des espoirs énormes. On a vraiment déchanté depuis. Comme le dit Jean-Marie Guéhenno, le modèle occidental n’a pas gagné après la chute du régime soviétique, c’est seulement le modèle bolchévique qui a perdu. On a vu ce que sont devenues la Russie et la Chine. En Afrique, on a vu combien notre devise « intervention - pacification - consolidation » s’arrêtait à la première étape. Tout le monde se réjouit de l’intervention, mais on ne parvient pas à pacifier, et encore moins à consolider. Même le président Macky Sall, pourtant bien disposé à notre égard, ne cesse de dire que son pays en a assez du paternalisme français. Il est vrai qu’en Afrique, exploiter le sentiment anti-français est devenu un bon moyen de gagner en popularité.
Ce sont les valeurs occidentales qui sont remises en cause. Le président Macron dit (pour la quatrième fois !) : « la Françafrique, les interventions militaires, tout cela est fini, nous sommes pour la démocratie, le temps des dictatures de 90 ans est révolu, nous voulons désormais nous adresser à la jeunesse africaine ». Or les Africains nous répondent : « on s’en fiche, nous on traite avec Wagner ». Or on sait bien que Wagner foule aux pieds les droits humains, et que tout cela finira par un pillage des ressources africaines.
Le slogan à la mode dans ces pays est le « multi-alignement », un terme oxymorique : si vous êtes « multi-aligné », cela signifie simplement que vous n’êtes pas aligné. C’est la position de l’Inde, du Mozambique (dont les réserves de gaz valent celles du Qatar). Tous ces gens sont dans une relation opportuniste. Certes, les Indiens sont très remontés contre la Chine, mais ils sont considérablement plus faibles. A travers ce « multi-alignement », nous avons en réalité moins affaire à l’émergence d’un Sud global qu’à un ressentiment anti-occidental, et à un refus des règles du jeu multilatéral.

Les brèves

Postures médiatiques : chronique de l’imposture ordinaire

Philippe Meyer

"Et puis je voudrais recommander le livre d'un agrégé de philosophie ancien inspecteur pédagogique régional dans cette matière, André Perrin. Ce livre a pour titre « Postures médiatiques » et comme sous-titre « chronique de l'imposture ordinaire ». Il s’emploie, exemple après exemple et démontage après démontage, à pourfendre le cléricalisme qui étouffe l’esprit critique ou même la simple prise de distance dans trop de médias écrits, audios ou vidéos. Je m'étais abstenu d'en rendre compte parce que beaucoup -mais pas toutes, il s’en faut- des prises à partie très documentées qui font la qualité de ce livre concernent France Culture et que je ne voulais pas qu'on puisse douter de la sincérité de mon éloge en le mettant sur le compte d’une tentative de règlement de comptes avec celle qui a dû démissionner de la direction de cette chaîne et qui s’est tant employée à nous nuire. L’auteur a trois qualités : la précision dans la critique, une mémoire qui lui permet de mettre les imprécateurs face à leurs contradictions, leurs incohérences et leurs impostures, et un humour dont les traits peuvent être ravageurs. J’en ajouterais volontiers une quatrième, la bravoure qui fait aller André Perrin sur tous les terrains minés par celles et ceux qu’il démasque. Lorsqu’il lui arrive, tout philosophe qu’il est, de se laisser emporter et de lâcher quelque sophisme, force est de reconnaitre que ce n’est pas, comme ceux dont il se moque, par peur de ne pas être dans le troupeau de Panurge."

Le bal de la rue Blomet

Marc-Olivier Padis

"Je vous recommande ce roman de Raphaël Confiant, publié chez Mercure de France. Il s’appuie sur l’histoire vraie d’un bal très célèbre à Paris après la Grande Guerre, le bal du 33 de la rue Blomet, également appelé « le bal colonial » ou, suite à un article célèbre de Robert Desnos « le bal nègre ». Ce bal a revu le jour il y a quelques années, mais plus sous ce nom évidemment. C’était un endroit magnifique, rendez-vous des Martiniquais de Paris, les ouvriers du Quai de Javel venaient y danser la biguine, une musique dont l’ancienneté et l’authenticité le disputent au jazz. Raphaël Confiant raconte cette histoire avec nostalgie, car la biguine est aujourd’hui bien oubliée. Histoire de la musique, histoire de Paris, histoire des Antillais parisiens, le tout dans une langue magnifique."

Die Moskau Connection : Das Schröder-Netzwerk und Deutschlands Weg in die Abhängigkeit

Michaela Wiegel

"Je recommande ce livre, qui n’existe pour le moment qu’en allemand, mais mérite vraiment une édition française. Il montre pour la première fois, et de façon extensive, le réseau qu’avait créé Gerhard Schröder à Hanovre avant de devenir chancelier. Et comment ce réseau, déjà fondé sur de très forts liens avec la Russie, a continué de servir des intérêts très divers tout au long du parcours politique de Schröder. Entrepreneurs, approvisionnement de l’Allemagne en énergie, montée des jeunes politiciens SPD … On y apprend comment l’Allemagne de l’ère Merkel a pu glisser dans cette dépendance de plus en plus forte à la Russie, au point de vendre ses plus grands réservoirs de gaz directement à Gazprom, et de se couper de tous les moyens étatiques de prise de décision. Le livre est aussi très éclairant sur le rôle de Mme Merkel, d’abord très clairvoyante, puis qui a accepté de plus en plus de compromis pour maintenir sa coalition."

Erri De Luca

Nicolas Baverez

"Le festival du livre de Paris met l’Italie à l’honneur, et je voudrais vous inviter à découvrir Erri de Luca si vous ne le connaissez pas encore. Il est pour moi un écrivain absolument majeur. On vient d’éditer quinze de ses textes en Quarto. Il y a des romans, des poèmes, du théâtre … Parmi ses livres récents, on peut citer Grandeur nature, qui contient neuf histoires de parents et d’enfants, allant de mai 68 jusqu’à Abraham et Isaac, car De Luca est un grand lecteur de la Bible et du Talmud. Il adore la montagne, et il y a un petit livre appelé Impossible, qui est un dialogue entre un prévenu et un magistrat ; deux hommes se promènent en montagne. L’un fait une chute mortelle, l’autre qui a donné l’alerte, était tout près, et les deux se connaissaient bien. Celui qui est tombé était un ancien militant d’extrême-gauche repenti, qui a dénoncé tout son groupe. Le donneur d’alerte était un ami d’enfance membre du même groupe."

Rapport Schuman sur l’Europe 2023

Jean-Louis Bourlanges

"La fondation Schuman, présidée par Jean-Dominique Giuliani, édite un rapport par an, et il s’agit d’un outils de travail absolument nécessaire pour ceux qui suivent les affaires européennes. On y trouve tous les écrivains positifs à propos de l‘Europe et rien que cela en justifie la lecture, mais je suis frappé par un certain décalage, entre ce livre qui positive énormément le rapport à l’Europe, et les analyses publiques de Jean-Dominique Giuliani, qui sont beaucoup plus inquiètes, notamment sur la relation franco-allemande, sur l’incertitude de l’Allemagne sur son avenir européen, sur le rapport décalé du président français avec ses partenaires. Tout cela fait l’objet d’un analyse qui est à mon avis préoccupante à un an de la prochaine élection européenne. On dit que l’Ukraine a réveillé l’Europe, c’est sans doute vrai, mais l’Europe qui s’est réveillée est divisée, fragmentée, incertaine de ses objectifs, et surtout très ignorante des conditions et des responsabilités qu’implique la compétition internationale. "