La Vème République à l’épreuve de la majorité relative / La Cour suprême, l’IVG et le climat / n°253 / 10 juillet 2022

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LA Vème RÉPUBLIQUE À L’ÉPREUVE DE LA MAJORITÉ RELATIVE

Introduction

Philippe Meyer :
Au lendemain d’un nouveau remaniement, lors de son discours de politique générale mercredi, la Première ministre n’a pas demandé la confiance des députés. Elisabeth Borne a appelé à bâtir « une majorité d'idées » autour de grands objectifs (réformer les retraites, atteindre le « plein emploi », « répondre à l'urgence du pouvoir d'achat » ou « apporter des réponses radicales » à « l'urgence climatique ». Avec le président Macron, elle s’apprête à gouverner sans majorité, en allant chercher des alliances texte par texte, afin de pallier le manque de 44 députés pour atteindre une majorité absolue. La Ve République a connu plusieurs périodes de majorité relative à l’Assemblée nationale et la Constitution de 1958 donne des armes à l’exécutif pour agir en situation minoritaire. Elle a d’ailleurs été pensée afin de permettre à l’exécutif de gouverner sans majorité absolue, car une telle majorité n’était pas pensable à l’époque. De fait, de 1958 à 1962, de Gaulle n'a pas eu de majorité absolue à l'Assemblée. Durant la période 1976-1981, le parti de Valéry Giscard d'Estaing (l'UDF) était minoritaire et devait constamment négocier avec le RPR. Il en a été de même pour François Mitterrand de 1988 à 1993. Entre 2014 et 2017, François Hollande n'avait plus qu'une majorité relative du fait des frondeurs du PS qui sont allés jusqu'à vouloir déposer une motion de censure contre leur gouvernement.
En Europe, rares sont les partis politiques à disposer seuls d'une majorité absolue au Parlement - à l'exception de quelques pays comme le Portugal, la Grèce ou encore Malte. L’analyste d’opinion Paul Cébille, un ancien de l’Ifop, a établi la représentativité des gouvernements des 27 membres de l’UE en comparant, pays par pays, les scores aux législatives des partis représentés au gouvernement. En moyenne, les gouvernements dans l’Union européenne représentent 48% des votants et 32% des inscrits. En France, le gouvernement Borne 2 ne pèse que 26% des votants et 12% des inscrits (le score de La République En Marche et de ses alliés au premier tour), soit un Français adulte sur huit, classant la France au 27e rang sur 27 dans l’Union européenne.
L’arme de l’opposition est la motion de censure. Plus de 100 ont été déposées depuis 1958 : une seule a été adoptée, en 1962, faisant chuter le gouvernement de Georges Pompidou.

Kontildondit ?

Lionel Zinsou :
Je suis frappé par les commentaires alarmistes sur la gravité de la situation d’une majorité relative à l’Assemblée. Je les trouve un peu élémentaires, car cela ne va pas plus loin que la simple comparaison : « il y a deux mois vous aviez une large majorité, deux mois plus tard, pas de chance, vous n’en avez plus. Une coalition est possible entre vos oppositions, qui bloquera toutes vos réformes ». La situation est certes complexe, mais comme vous le disiez en introduction, elle n’est pas spécialement nouvelle. De 1958 jusqu’aux frondeurs sous François Hollande, en passant par la motion de censure signée par certains députés de la majorité. A chaque décennie de la Vème République, on a eu des majorités relatives.
Si l’on examine la situation dans le temps long, on s’aperçoit qu’il fallut à chaque fois faire des compromis, des coalitions, des majorités d’idées … Nous avons des instruments qui ont été utilisés des dizaines de fois, comme l’article 49.3 ; certes, il est aujourd’hui plutôt bridé, ce sera donc plus compliqué que du temps de Michel Rocard, mais nous avons tout de même eu trois Premiers ministres (Rocard, Cresson, Bérégovoy) qui ont dû gérer des situations de majorité relative. Il existes quelques autres moyens : vote bloqué, contrôle de l’agenda du Parlement, etc.La situation est complexe, mais elle n’a rien qui ne sorte particulièrement de l’ordinaire.
Que peut-il se passer dans les mois qui viennent si tout reste bloquée ? On peut dissoudre l’Assemblée, à n’importe quel moment. Et si ça bloque de nouveau, on expédiera les affaires courantes jusqu’à pouvoir dissoudre de nouveau (on ne peut dissoudre plus d’une fois par an). Certes, ce n’est pas idéal, pas très stable, mais cela existe dans les institutions. Au fond, il y aura un grand bénéfice en cas de dissolution : cela inversera le calendrier électoral très gênant dans lequel les présidentielles précèdent de peu les législatives. Ce serait probablement meilleur pour la démocratie, car l’organisation actuelle pose de grandes difficultés à la représentativité du Parlement. Je relève d’ailleurs que même le plus pessimiste de nos éditorialistes, notre ami Nicolas Baverez, fait dans Le Point un papier remarquable surprenant de sa part, puisqu’on y décèle presque une lumière possible au bout du tunnel : nous sommes dans un tel déclin qu’il va bien falloir s’unir d’une façon ou d’une autre. Si même Nicolas Baverez dit cela, je ne vois pas pourquoi on désespèrerait.

Lucile Schmid :
Essayons de qualifier un peu plus précisément la situation actuelle. Une majorité relative, ce n’est ni la cohabitation, ni la possibilité d’exercer un pouvoir jupitérien. On sait bien que pendant les législatives, ce qui a monopolisé le débat public était la question : « à qui la majorité ? Macron ou Mélenchon ? » C’est ainsi que s’est présenté le narratif de cette campagne électorale. Emmanuel Macron nous a dit qu’il allait placer son second mandat sous le signe d’un pouvoir plus démocratique et moins verticalement exercé.
Nous sommes dans une sorte de trou d’air, dans un entre-deux qui se prolonge. Nous sommes réduits à commenter l’actualité politique en disant que l’élection de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée nationale est historique, puisque c’est la première femme à ce poste. A ceci près que personne ne connaît Mme Braun-Pivet. Sera-t-elle une bonne présidente de l’Assemblée ? Ce rôle est-il si important que cela, au fond ? Là-dessus, il semble que les Français soient un peu dans le flou, car bien peu d’entre eux savent en quoi consiste la vie parlementaire. On nous fait la litanie des nouveaux députés, plus remarquables les uns que les autres, mais par ailleurs, la vie parlementaire ne commence pas. Tout se passe comme si chacun se contentait de montrer ses muscles, de se rencontrer autour d’une table, et de dire à la sortie : « le plus fort c’est moi ». A partir de là, on n’est pas rassuré en tant qu’électeur sur le fait que la vie parlementaire va désormais être l’alpha et l’oméga d’une vie politique riche, dense et marquée par la possibilité de se coaliser. On a au contraire le sentiment qu’il n’y a que des seconds rôles qui s’expriment.
Dès lors, on se retrouve dans une drôle de situation, où Emmanuel Macron finit par nous manquer. Sa parole, si longtemps omniprésente, omnisciente, très portée sur l’international, a disparu. On se demande s’il est déprimé, s’il sait par quel bout prendre ce nouveau quinquennat. Beaucoup de Français s’interrogent, ne serait-ce que parce que nous avions été habitués à ce que la vie politique française tourne autour d’une seule question : aime-t-on Macron ou non ? Nous ne savons plus quoi faire ni quoi penser.

Isabelle de Gaulmyn :
Du temps que j’étais étudiante, on nous apprenait le « parlementarisme rationalisé de la Vème République ». Cette fois nous y sommes, nous allons enfin voir comment tout cela va fonctionner, comme le disait Lionel il existe tout de même plusieurs outils, ce devrait donc être particulièrement intéressant à observer. Je vois un premier avantage : on va moins légiférer. Cela fait tout de même des années qu’on nous dit qu’il y a beaucoup trop de lois (sans même parler des décrets d’application).
Le soir des résultats du second tour des législatives, je me souviens d’un journaliste qui demanda à une députée quels compromis elle allait faire. Elle a répliqué « pas de compromission », sans même se rendre compte de la différence. J’ai trouvé cette confusion très révélatrice de l’atmosphère politique en France. C’est pour cela que suis perplexe à propos des rêves d’unité nationale. A mon avis c’est une chimère, héritée de notre passé de royaume catholique puis du jacobinisme. Il nous faut au contraire enfin accepter que nous sommes différents. Il faut à mon avis chercher plutôt le dialogue et la négociation que l’unité.
Je suis allée voir ce que Paul Ricœur dit du compromis et c’est assez éclairant. Il parle du « courage du compromis ». Cela implique de renoncer à une partie de ses propres convictions au nom du bien commun. D’autre part, il s’agit de prendre ses responsabilités, car on ne peut s’installer éternellement dans une posture d’opposition totale.
Je reconnais que la façon dont s’est tenu le discours d’Elisabeth Borne a de quoi inquiéter : on se serait cru dans une cour de récréation. Il y a toujours eu un peu de cela à l’Assemblée, mais on a cette fois-ci battu des records. Il était assez navrant de constater l’incapacité d’un certain nombre d’hommes politiques à tout simplement écouter. J’admire la Première ministre d’avoir su garder son calme, tant les propos tenus étaient indignes. Dans la violence qui monte dans la société, je crois que les hommes politiques ont une responsabilité. Leur premier devoir est de bien se conduire quand ils sont élus.
Si la nouvelle configuration politique fait qu’on a moins de lois et qu’on parvient à dialoguer, tout ne sera pas perdu.

Philippe Meyer :
Il est vrai que cette séance a montré que Flaubert avait raison quand il prophétisait que ce siècle serait celui du « muflisme ». Quand on dit que la situation actuelle permet de revenir à davantage de parlementarisme, il me semble cependant qu’on oublie qu’un troisième terme s’est faufilé entre le législatif et l’exécutif : les médias. La muflerie particulièrement exubérante observée pendant le discours de Mme Borne s’adresse aux médias. Je crois qu’une grande partie des gens de l’opposition, notamment dans les rangs des formations extrêmes, LFI et le RN, se fichent comme d’une guigne de peser sur l’action du gouvernement ; ce qu’ils veulent, c’est avoir un plus grand nombre de représentants et un plus long temps d’antenne sur les plateaux de radio et de télévision.

Jean-Louis Bourlanges :
A propos de la muflerie, j’ai assisté de bout en bout au discours de Mme Borne, et j’ai trouvé que les groupes parlementaires n’étaient pas mufles, à l’exception de LFI. Mme Panot a effectivement eu une attitude particulièrement hargneuse, mais tous les autres groupes, y compris le RN, ont eu une attitude conforme aux critères parlementaires. M. Marleix a fait pour LR un discours équilibré, c’était évidemment le cas des groupes de la majorité ; Mme Borne a tenu des propos extrêmement dignes et sobres, que j’ai trouvés assez bienvenus, dans la mesure où ils ont tranché avec l’image très négative qu’on avait construite autour d’elle ces dernières semaines.
Les propos outranciers sont venus de l’extrême-gauche, qui n’en est d’ailleurs pas sortie indemne en termes de popularité. Mme Panot a eu des propos extrêmement maladroits, certes, mais globalement, les groupes se sont bien comportés. Personnellement je craignais bien pire.
J’en reviens à la situation parlementaire actuelle. Je crois que Lionel a raison d’avoir rappelé que cela s’était déjà produit à plusieurs reprises, même s’il ne s’agit pas d’une cohabitation. On n’a simplement pas encore épuisé toutes les configurations politiques possibles. On a eu la cohabitation après deux ans, celle après cinq ans, la cohabitation droite-gauche, la cohabitation gauche-droite, et voici que nous avons deux choses inédites : une majorité relative, c’est à dire sans alternative, qu’on avait côtoyée pendant 30 ans sans jamais l’avoir aussi clairement. Je n’ai cependant pas compris les commentaires des résultats : ceux-ci étaient incontestablement un échec du président de la République, mais certainement pas une défaite, et encore moins une déroute. Les groupes qui composent Ensemble ont tout de même une très large majorité relative et dominent de très loin tous les autres.
Autre nouveauté, très compliquée à gérer : c’est la première fois que l’on n’a pas une « cohabitation-sanction ». Autrefois le décalage entre les uns et les autres faisait que par exemple, quand une majorité de droite arrivait au pouvoir après cinq ans de François Mitterrand, on pouvait considérer qu’il s’agissait du désaveu de l’action conduite par le gouvernement. Ici, rien de tel : il n’y a pas de désaveu du président. Il a été élu à une large majorité, il n’a pas réellement commencé à agir, les législatives ont relativisé sa victoire, mais elle n’ont pas signifié qu’on voulait quelqu’un d’autre. Il faut donc trouver un équilibre entre des pouvoirs, des orientations données par le suffrage universel, qui sont à la fois différentes et légitimes.
Que la Première ministre n’ait pas posé la question de la confiance mais plutôt attendu une éventuelle censure était une attitude très adaptée à cette configuration inédite. Si elle avait demandé la confiance, elle obligeait des partis (qui avaient été élus sur l’idée qu’ils n’accorderaient pas au président une majorité) à se déjuger auprès de leurs électeurs, ou bien à ouvrir une crise qui remette en cause l’autorité du président de la République (ce que leurs électeurs n’avaient pas voulu non plus). On aurait donc enfermé la situation dans une alternative binaire, qui ne correspondait absolument pas au choix des électeurs. Ceux-ci ont dit : « on veut Macron, mais un Macron soigneusement contrôlé ».
Au contraire, laisser l’opposition libre de déposer une motion de censure (comme l’a fait la Nupes) mène à une situation intéressante, qu’on va voir se déployer dans le débat de la semaine prochaine. La censure sera très vraisemblablement refusée, pour trois sortes de motifs, différents mais également intéressants. Le premier motif, le plus évident, est celui des partis d’Ensemble : ils exprimeront un vote de confiance en ne votant pas la censure. Le deuxième motif est un motif de circonspection : il viendra de députés qui diront « on n’est pas très convaincus, mais on vous accorde le bénéfice du doute et on se prnoncera plus tard ». Le troisième motif est l’équivalent allemand de la défiance constructive : « nous ne votons pas la censure parce que nous ne sommes pas en mesure de vous remplacer, n’ayant pas de majorité institutionnelle ». C’est plutôt le cas du RN.
Le vrai problème ne viendra pas de là, mais de la limite du mandat présidentiel à deux quinquennats. Cela crée une situation très difficile pour le président : plus on se rapprochera de son départ, plus les uns et les autres se polariseront sur les candidats potentiels à la succession de M. Macron, car les parlementaires vivent dans l’anticipation. Il y a là un ferment de déséquilibre qui sera très difficile à gérer.

Lucile Schmid :
Il faut rappeler que la situation d’aujourd’hui n’a rien à voir avec la IVème République, ni avec les débuts de la Vème sous de Gaulle. Nous sommes à présent dans une démocratie mondialisée, chaque décision a des causes et des conséquences mondiales. Alors certes, les outils du parlementarisme rationalisé existent, mais on est sans cesse saisi par le contretemps mondial, nous en parlerons plus loin avec ce qui se passe aux Etats-Unis. La France n’est pas une île, pas plus que le Parlement. L’obsession de la loi sur le pouvoir d’achat montre une inquiétude de part et d’autre sur la façon dont la société française pourrait au fond s’inviter dans la vie politique, d’une façon qui mettrait le parlementarisme rationalisé à rude épreuve.
Quant au RN, je suis frappé d’entendre Jean-Louis nous dire qu’ils se sont bien comportés. C’est d’ailleurs ce qu’on entend un peu partout à leur propos. Ils sont bien habillés et polis, mais ce sont des racistes, des hommes et des femmes qui portent un projet qui me répugne. Avant ils étaient dans les médias (et peu nombreux à l’Assemblée), à présent que les voici au Parlement, tout leur travail consiste à rationaliser, à présenter une image qui les différencie de la Nupes, ou en tous cas de LFI. C’est un piège, et la manière dont nous devrons traiter le RN dans les années qui viennent est un défi crucial posé aux médias et à la démocratie. N’oublions pas que ce sont des racistes, et ne soyons pas si prompts à reprendre à notre compte le fait qu’ils sont « normaux ».

Lionel Zinsou :
Je souscris tout à fait à ce que vient de dire Lucile. Il nous faut regarder le RN comme l’un des vainqueurs des récentes élections, et comme faisant malheureusement des progrès tous les jours. Que ce soit dans l’exécution d’une campagne présidentielle très bien faite, locale, s’éloignant du rôle très surestimé des réseaux sociaux, une dédiabolisation de plus en plus réussie, bref le contraire d’une campagne à la Zemmour.
Une partie du déclin du front républicain s’explique par le fait que, face à la Nupes, un nombre considérable de modérés ont préféré voter RN. Le front républicain a bien mieux fonctionné dans les duels de second tour, lorsqu’un candidat RN était opposé à un candidat de la Nupes venant du Parti Socialiste. Le RN se normalise donc, avec l’aide de M. Mélenchon. Il profite de toutes les tendances de surenchère extrémistes. M. Zemmour a remis Mme Le Pen au centre, en lui donnant une image plus apaisée et responsables, et voilà que M. Mélenchon ou Mme Panot se déconsidèrent, et par contraste rehaussent le RN. C’est pervers, et surtout très dangereux.
Une des raisons pour lesquelles la situation actuelle promet une certaine stabilité est que personne n’a envie de retourner aux urnes trop tôt. Les partis sont exsangues, les financements sont rares, etc.
Ayant personnellement des affinités socio-démocrates fortes, je m’inquiète de savoir à quel point LFI, qui a dominé de façon anormale les investitures, va déconsidérer la gauche. Et ce faisant, renforcer la majorité relative et le RN. Au niveau du ton, c’est sans conteste le parti qui assume le plus de muflerie. Quand on écoute les interventions, qu’il s’agisse de Lyon, de M. Bompard à propos de Marseille, de la situation singulière de M. Coquerel (au regard des financiers publiques et des mœurs). Je crains que LFI n’affaiblisse considérablement l’union de la gauche. Les grands gagnants seront au mieux la majorité présidentielle, au pire le Rassemblement National.

Isabelle de Gaulmyn :
Je partage vos analyses sur le RN, mais je me demande tout de même s’il n’est pas préférable qu’ils soient dedans que dehors. Nous avons tout de même un parti qui arrive deuxième aux deux dernières présidentielles, il était tout de même anormal qu’il ne soit pas représenté à l’Assemblée nationale. Maintenant qu’ils y sont, on va voir comment ils s’en tirent. On sait qu’au niveau européen, ils n’ont jamais été brillants, peut-être en ira-t-il de même au niveau national. Il se peut que cela révèle la pauvreté de proposition de ce parti, et son incapacité à assumer des décisions de gouvernement.
Il y a un autre problème qui sera sans doute très intéressant à observer, celui de la diarchie. Nous avons d’un côté un président élu, de l’autre une Première ministre qui dépend de l’Assemblée nationale. Comment le jeu entre ces deux pôles s’exercera-t-il ? Est-ce qu’Emmanuel Macron acceptera, comme en période de cohabitation, de laisser à Mme Borne davantage de marge de manœuvre ?

Jean-Louis Bourlanges :
Deux difficultés très importantes se posent à la majorité et au gouvernement. D’abord, le maintien d’un dissensus idéologique extrêmement profond. Avec la Nupes il est clair, il porte sur l’Europe, sur les alliances occidentales, sur l’économie de marché et la laïcité. Avec le RN, il est tout aussi important, et porte également sur la démocratie (ce sont tout de même les amis de M. Orbán), sur l’intégration ou le rejet, ainsi que la conception de l’Europe et de l’économie ouverte. Les deux partis les plus importants de l’opposition ont donc des idéologies irréconciliables par rapport à ce que nous représentons dans la majorité. Ce qui peut rassembler les partis n’est pas quelque chose de très brillant : il y a l’idée qu’on a Macron, mais qu’il faut l’empêcher de gouverner, ou qu’on peut continuer à dépenser l’argent public, quand bien même on n’en aurait pas.
Mme Le Pen a réussi à combiner deux choses : ne pas parler des sujets qui fâchent (dans lesquels elle a laissé s’embourber M. Zemmour) mais plutôt de choses consensuelles : le pouvoir d’achat, et si j’ose dire « le pouvoir du chat », affectant une image de douceur qui ne correspond pas fondamentalement aux choix idéologiques de ce parti.
Enfin, par rapport aux autres pays à majorités relatives, comme l’Allemagne par exemple, il y a une différence fondamentale. En France, c’est le président qui est, comme le disait Léo Hamon, « le sculpteur de la majorité ». Le choix fondamental est donc celui de la synthèse (plus ou moins jupitérienne). Le système allemand est un système parlementaire de compromis entre des partis. Dans un régime de Vème République normal, c’est le président qui gouverne. Quand on est en cohabitation hostile, c’est une coalition parlementaire qui s’organise autour du Premier ministre. Ici, nous sommes dans une situation intermédiaire, dans laquelle il est particulièrement difficile de trouver une règle du jeu, entre l’esprit de synthèse qui s’impose d’en haut, et est donc peu acceptable pour les partis d’opposition, et l’esprit de compromis qui suppose une certaine mise à l’écart du président de la République. C’est la voie très étroite qu’il nous faut essayer de tracer.

LA COUR SUPRÊME, L’IVG ET LE CLIMAT

Introduction

Philippe Meyer :
En quelques jours, la Cour suprême des Etats-Unis a provoqué l'interdiction de l'avortement dans la moitié du pays, autorisé davantage d'armes dans les rues, et limité le pouvoir du gouvernement en matière de réglementation des gaz à effet de serre. Le 24 juin, six des neuf juges, dont trois nommés par Donald Trump, ont annulé l'arrêt « Roe vs Wade » rendu par les États-Unis sur la question de la constitutionnalité des lois qui criminalisent ou restreignent l'accès à l'avortement. Cette décision confirme l’approche dite « originaliste » de la Cour, qui retient une interprétation littérale de la Constitution américaine : ce qui n’y serait pas explicitement mentionné ne relèverait pas d’un droit inaliénable. Selon la Cour, il reviendra à chaque État de déterminer sa propre législation en la matière, en interdisant l’avortement, en le limitant drastiquement, comme l’a fait le Texas dès septembre 2021, ou bien en l’autorisant largement. Selon l’Institut Guttmacher, vingt-six États sont susceptibles de criminaliser ce droit. Parmi eux, treize disposent déjà de législations contre l’avortement et n’attendaient que la décision de la Cour.   Selon un sondage de NBC, 70 % des Américains, un taux sans équivalent depuis vingt ans, souhaitent le maintien d'une protection fédérale d'un droit établi depuis 1973. Joe Biden a déploré une « erreur dramatique » de la Cour suprême et appelé les Américains à élire des représentants et sénateurs démocrates aux élections de mi-mandat en novembre dans le but de rétablir le droit à l'IVG au niveau fédéral. Les stratèges républicains estiment cependant que l'inflation, l'incertitude économique et la sécurité resteront au premier plan des préoccupations des électeurs, en particulier des femmes des banlieues résidentielles, clés de la victoire dans les États-pivots.
Dans un autre registre, les juges ont pris fait et cause pour les producteurs de charbon et décrété que l'Agence de Protection de l'Environnement ne pouvait pas édicter de règles générales pour limiter les émissions de CO2 des centrales thermiques. Cette décision, publiée le 30 juin, va entraver la tâche du président Biden, qui s’est fixé pour objectif de produire aux Etats-Unis une électricité neutre en carbone d’ici à 2035. Les sages ont également invalidé, le 23 juin, une loi centenaire de l'État de New York qui impose des restrictions au port d'arme en public, même si 79% des New-Yorkais sont favorables à son maintien.
La crédibilité de la Cour suprême s’effondre. Selon un sondage Gallup, publié le 23 juin, seulement 25 % des Américains ont confiance dans cette institution essentielle, contre 36 % en 2021. Ils étaient 50 % il y a vingt ans. Dans les mois à venir, la Cour pourrait casser d'autres décisions antérieures portant sur la discrimination positive, le redécoupage électoral voire sur la contraception et le mariage gay.

Kontildondit ?

Isabelle de Gaulmyn :
Vu d’ici, il est vrai qu’on a du mal à voir la cohérence des décisions de la Cour Suprême. Il est vrai qu’on peut être à titre personnel contre l’IVG (surtout qu’aux Etats-Unis, il n’y a pas de délai la limitant), mais dans ce cas nous avons des gens qui sont à la fois opposés à l’IVG, tout en soutenant les armes (qui tuent des enfants dans les écoles). Quant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, on se dit que ce serait là aussi une façon de préserver la vie, donc on peine à comprendre ce qui motive les choix de ces prétendus « pro life ».
Sauf que la cohérence est tout de même là : on assiste à une bascule juridique de la Cour Suprême, qui passe d’une interprétation qu’on pouvait qualifier de « progressiste » de la Constitution, interprétée en fonction des évolutions de la société, à une interprétation « originaliste », qui aboutit paradoxalement à une certaine modestie de la Cour Suprême. On admet en effet que se posent aujourd’hui des tas de situations que la Constitution ne pouvait prévoir au moment de sa rédaction en 1787, et qu’elles ne sont donc pas du ressort du gouvernement fédéral. Dès lors, à chaque Etat de faire comme il l’entend. Cet argument d’une « vérité originelle » de laquelle il ne faut surtout pas dévier n’est pas étonnant dans la mesure où il est défendu par des gens qui ont une vision tout aussi fondamentaliste du christianisme : ils lisent la Constitution comme ils lisent la Bible.
Cet argument selon lequel il y a un vrai enracinement américain sur certains sujets, et qu’il est pour toujours indépassable, ne va pas dans le sens de l’Histoire, il nie toute l’évolution du pays. Mais c’est aussi une vraie possibilité pour la sécession, car il y aura des Etats où l’avortement sera possible, qui feront des efforts de protection de l’environnement, et d’autres où il n’y aura rien de tout cela. C’est la porte ouverte à toutes les inégalités, car pour ceux qui ont les moyens d’aller vivre dans les Etats où la législation leur convient, cela ira, mais on sait que ce sont les plus modestes qui vont souffrir de ces décisions. Par exemple que pour l’IVG, ce sont majoritairement des femmes très jeunes et très pauvres qui sont concernées.
En Europe, il est assez étonnant de constater que nous sommes sur une tendance inverse. Le Parlement européen s’empare de domaines, comme la Santé (surtout depuis le Covid), l’environnement, le numérique … Il est question d’inscrire l’IVG parmi les droits fondamentaux des Européens. Nous avons désormais deux logiques tout à fait différentes.

Lucile Schmid :
Dans cette décision de la Cour Suprême s’exprime une certaine tension sociétale : l’avortement est-il une affaire privée ou relève-t-il de la vie publique ? C’est problématique, car il s’agit d’un droit qui doit à la fois être garanti par un système de santé publique, et pourtant c’est un droit qui concerne les femmes davantage que les hommes, puisque c’est de leur corps qu’il s’agit. La Cour Suprême a tranché : il s’agit d’une question de santé publique, et c’est donc aux Etats fédérés de décider, et non à l’Etat fédéral qui lui s’occupe de la vie privée.
Un certain nombre de phrases très fortes ont été prononcées à propos de cette affaire. J’en ai retenu une de Barack Obama, disant que la décision d’avorter était « intensément personnelle ». Cela montre que c’est un droit, mais qu’il est difficile à exercer, car avorter est une décision grave. On a vu comment la politique s’est emparée de quelque chose qui relève de l’intimité. Cette décision de la Cour Suprême a une porté universelle inquiétante, c’est un signal fort quant à l’état du droit des Femmes dans le monde. Je rappelle qu’on estime à environ 25% le nombre de femmes américaines ayant déjà avorté, il ne s’agit donc pas du tout d’un problème marginal ou anodin. Les juges ont expliqué leur décision avec l’argument suivant : dès l’instant où il y a eu fécondation, la femme n’a plus aucun droit à invoquer. Les Femmes et les Hommes n’ont aujourd’hui plus les mêmes droits aux Etats-Unis.
Donald Trump est toujours là : il a nommé trois juges conservateurs à la Cour Suprême ; le ver est désormais dans le fruit. Le trumpisme se porte bien, il est toujours aussi vivace dans le pays. « L’originalisme » dont parlait Isabelle est en train de pourrir l’ensemble de la vie américaine.
71% des Américains ne souhaitent pas que Joe Biden soit réélu, et 61% ne veulent pas d’un autre mandat de Donald Trump. La question de la sécession larvée, du schisme de la société américaine est désormais posée, elle se manifeste aussi territorialement, entre les Etats « bleus » (progressistes) et les « rouges » (conservateurs).

Lionel Zinsou :
Cette affaire a en effet permis de mesurer les différences incroyables entre les Etats-Unis et l’Europe. Il y a ce cliché selon lequel tout ce qui arrive aux Etats-Unis se produit ici dix ans plus tard ; on constate tout de même qu’il s’agit d’une culture et de valeurs très différentes. Une femme voulant avoir une IVG va devoir voyager vers un autre Etat, et elle n’en aura pas forcément les moyens, cette décision de la Cour Suprême pose donc une inégalité fondamentale. On voit que le « In God we trust » induit des choses fondamentalement différentes du « liberté, égalité, fraternité » …
Il y a un débat en France au vu de ce qui s’est passé aux Etats-Unis. J’ai réécouté le discours de Simone Veil du 6 novembre 1974, qui est tout à fait sobre. Elle y disait qu’il s’agissait d’une question « de désordre et d’injustice ». Sur la question de la justice, cela pose le problème de la constitutionnalisation du droit : doit-on l’effectuer pour éviter de futures injustices ? Sur le désordre, il fallait voir les volumes : en 1974, il y avait 600 000 naissances et 300 000 avortements clandestins. On fait parfois des assimilations avec le mariage pour tous, mais du point de vue des chiffres, cela n’est absolument pas comparable. Les troubles à l’ordre public étaient massifs, en plus de l’injustice. C’est ce qui va très probablement se passer aux Etats-Unis.

Jean-Louis Bourlanges :
La société et la démocratie américaine font face à un problème global. Il s’agit ici d’un déséquilibre et d’un désordre absolument structurels.
Tout d’abord, on est en face de gens qui fabriquent le droit. Les juges de la Cour Suprême s’arrogent le pouvoir de véritablement fabriquer le droit, et non l’interpréter. Selon leur lecture originaliste de la Constitution, tout ce qui a été fait par le Congrès des Etats-Unis depuis plus de deux siècles peut-être repris et changé par quelques juges. Nous avons donc ici des gens qui s’instituent législateurs. Le mandat de Trump, comme dans la chanson « John Brown’s body », « lies a-mouldering in the grave, but his soul goes marching on » (le corps moisit dans la tombe, mais son âme est toujours là). C’est terriblement préoccupant.
Il y a ensuite un caractère extrêmement binaire dans le fonctionnement de la Cour Suprême : 6 juges conservateurs contre 3 modérés, et il en sera ainsi jusqu’à ce que l’un(e) d’entre eux ne meure. On est en face d’un pouvoir manichéen qui contredit en profondeur toute la logique du checks and balances de l’organisation politique de la démocratie américaine. Cet équilibre est profondément remis en cause.
Enfin, cela intervient à un moment d’extrême radicalisation des débats au sein de la société américaine. Cette dernière est profondément divisée, certaines convictions affirmées depuis la seconde guerre mondiale sont remises en cause : le droit des femmes par exemple. On voit aussi une espèce de célébration de la loi de la jungle avec la législation sur les armes, un refus absolu de prendre en compte le problème écologique planétaire, une remise en question de la fidélité aux alliances … Une partie des Etats-Unis est derrière Biden aux côtés des Européens et de l’Ukraine, une autre partie s’en fiche complètement. Cette tension est arbitrée de façon absolument unilatérale. Peut-être faudrait-il faire comme Roosevelt et nommer des juges supplémentaires (puisque leur nombre n’est pas limité par la Constitution) ? Il est évident que l’institution de la Cour Suprême telle qu’elle est actuellement est responsable de graves déséquilibres et désordres, tant nationaux qu’internationaux. Il y a vraiment péril en la demeure.

Les brèves

Clôture du procès des attentats de 2015

Philippe Meyer

"Ces derniers mois s’est tenu à Paris le procès des attentats de novembre 2015. Au milieu de toute cette agitation, des errances d’un certain nombre d’institutions, de la muflerie dont nous parlions plus haut, de la montée du scepticisme voire de l’agressivité à l’égard des règles de la vie commune, il y a eu autour de ce procès un extraordinaire respect de ce qui fonde les règles de la démocratie, et plus précisément de sa justice. Dans la manière les victimes et les accusés ont pu s’exprimer et être défendus, ce fut une espèce d’îlot, quelque chose qui nous permet de nous représenter au nom de quoi la démocratie doit être non seulement respectée, mais consolidée. Marginalement, dans ce procès, la Belgique a été très présente à travers sa police. On a vu à quel point les institutions belges étaient dans un état de déréliction épouvantable. La Belgique est la plaque tournante de la drogue et du terrorisme. On a beaucoup rigolé quand le pays a été privé de gouvernement pendant plus de 500 jours, mais cela n’a pas été sans effet. L’extraordinaire bureaucratisation et pétrification des institutions belges qui en ont résulté ont abouti à faire de la police belge une passoire. La façon dont elle a été déshonorée a été révélée de façon flagrante lors des témoignages du procès. Pourtant, je n’en conserverai pas moins et d’abord quelque chose qui s’est un peu estompé dans les médias, le fait que ce procès a eu une tenue extraordinaire, et que des citoyens, des avocats et des magistrats ont pu faire vivre notre démocratie. Comme le disait Bernanos dans le dialogue des Carmélites : « ce n’est pas la règle qui nous garde mais nous qui gardons la règle »."

Saint-Germain ou la négociation

Isabelle de Gaulmyn

"En ces temps de pouvoir d’achat difficiles, je recommande la lecture (ou la relecture) de ce petit livre qui obtint le prix Goncourt en 1958. Il est signé d’un Belge, Francis Walder. C’est un petit bijou, on y voit comment fut négociée la fin de la troisième guerre de religion, entre un catholique, M. de Malassise et un protestant, M. de Biron. C’est une histoire vraie, dont il paraît qu’elle a longtemps été recommandée à tous les futurs diplomates. Comme on a aujourd’hui du mal à négocier et à trouver des compromis, on se dit que cette lecture ne peut qu’être profitable. "

Pour en finir avec l’apocalypse Une écologie de l’action

Lionel Zinsou

"Pour remonter le moral de tous, je vous recommande cet ouvrage de Guillaume Poitrinal. C’est une sorte d’éloge et de prophétisme quant à la croissance possible dans la transition énergétique. C’est également un violent pamphlet contre la décroissance. J’ai d’ailleurs été un peu surpris, car l’auteur y cite l’encyclique Laudato si’, en indiquant que même le pape François a fait l’éloge de la décroissance … On y évoque également Delphine Batho ou Sandrine Rousseau. L’auteur est l’un des plus jeunes patrons du CAC40, qui a peut-être mauvaise conscience d’avoir bétonné la planète, ayant quelques temps dirigé Unibail-Rodamco. Pour sa rédemption, il a quitté cette position très enviée, a créé Woodeum, et ne travaille plus aujourd’hui qu’avec du bois. C’est surtout un chef d’entreprise hyper-pragmatique, qui donne 50 raisons et exemples à propos de tout ce qui va permettre de combiner une croissance au service de la réduction des inégalités, tout en étant bas carbone. Une sortie du manichéisme à propos de la transition énergétique. Très stimulant."

Purity

Lucile Schmid

"Je vous recommande cette semaine un roman, paru juste avant l’élection de Donald Trump. Jonathan Franzen a écrit un véritable « page-turner », qu’on ne peut plus lâcher malgré ses 700 pages. L’héroïne, appelée Purity, va rencontrer Andreas Wolf, une espèce de double de Julian Assange. C’est une réflexion sur la question des réseaux sociaux, des médias et de la démocratie. On y découvre une Amérique qui n’est pas celle du noir et blanc, où la transparence affichée ne fait que mieux montrer que le secret est partout, et que ceux que tout a l’air d’opposer sont en fait pris dans des interactions complexes. Outre ce style américain si délectable, on y trouve une Amérique complexe, éternelle, telle qu’on l’aime. On voit bien que la question morale ne sert qu’à éviter la complexité de penser le politique. Il y a aussi une vraie réflexion sur le journalisme, avec une figure de journaliste « à l’ancienne », bien plus intéressant que les réseaux sociaux."

Départ de Boris Johnson

Jean-Louis Bourlanges

"L’actualité ne m’a pas laissé le temps de lire quelque chose qui vaille d’être recommandé à nos auditeurs, mais je voulais dire un mot de la chute de Boris Johnson. Elle est très intéressante à observer, puisque nous avons là un homme qui a fondé sa carrière et son succès sur un impressionnant mélange de mensonges, de mythomanie, de caprices, de provocation, d’immoralité … Toutes les qualités nécessaires pour gérer ce choix fondamentalement absurde que fut le Brexit. Oscar Wilde disait du mariage que c’était « faire face ensemble à des problèmes qu’on n’aurait pas eus tout seul ». Le Brexit, c’est l’inverse. Boris Johnson n’a pas réussi à faire face tout seul à des problèmes qui ne se seraient pas posés si nous étions restés ensemble. "