L’Amérique de Trump vs l’Europe divisée / n°434 / 21 décembre 2025

L’AMÉRIQUE DE TRUMP VS. L’EUROPE DIVISÉE

Introduction

ISSN 2608-984X

Philippe Meyer :
Cette émission prend une forme un peu spéciale : un dialogue, ou plutôt un trilogue si je m’en mêle, entre deux voix que vous connaissez bien, Nicole Gnesotto, qui vient de publier chez Odile Jacob, en octobre, « Fractures dans l’Occident » et Richard Werly, dont le livre « Cette Amérique qui nous déteste, la comprendre pour mieux lui répondre », est paru en septembre aux éditions Nevicata.
Vos deux ouvrages se croisent sur de nombreux points — sans concertation préalable — notamment sur les États-Unis, sur l’Europe et sur l’attitude réciproque de ces deux ensembles. Si je relève quelques éléments saillants : Nicole Gnesotto, vous mettez un coup de projecteur sur nos erreurs. Nous n’avons pas vu assez tôt que la société américaine glissait vers le protectionnisme et le conservatisme ; nous n’avons pas vu la fin de l’ouverture modernisatrice de la Russie ; et nous avons cru que le commerce garantissait la paix. Pour vous, la tentation américaine de se protéger, de s’isoler — voire davantage — remonte au Tea Party, au début des années 2000. Face à cette attitude américaine, vos questions concernent l’Europe. Deux voies radicalement opposées : la voie dite « mollusque », qui consisterait à se soumettre mollement aux États-Unis, et la voie « Mohican », c’est-à-dire la résistance, même si l’Europe devait se réduire. L’idée d’une diminution du nombre de pays composant l’Union ne vous scandalise pas, vous qui êtes une vieille Européenne. Car la fracture ne se limite pas au couple Europe–États-Unis : elle traverse l’Europe elle-même.
Richard Werly, dans Cette Amérique qui nous déteste, dédié à ceux qui osent encore croire au rêve américain, vous livrez un carnet d’observations tenu lors d’un voyage aux États-Unis, quand Trump venait de revenir au pouvoir. Vous avancez par étapes, par impressions successives — je pense par exemple au musée John Deere à Waterloo (Iowa), que peu de gens connaissent, et que vous prenez comme symbole de l’agriculture américaine. Vous êtes frappé, peut-être choqué, par le mépris profond des élites américaines — surtout les partisans de J.D. Vance — pour l’Europe. Pour vous, le vice-président en rajoute encore par rapport à son président : les Européens seraient des vassaux, tenus d’obéir et de penser comme les États-Unis. Et vous estimez que Washington s’inspire de sa relation avec le Japon pour imaginer celle qu’il pourrait imposer à l’Europe. Puis vous vous tournez vers nous. Suisse, vous vous révélez plus européen que bien des Européens, et vous notez à quel point l’Europe a perdu l’esprit de conquête, le goût du risque et de l’aventure. Cela rejoint ce que dit J.D.Vance à notre propos : les Européens seraient résignés à défendre leurs avantages, et leur frilosité nourrirait le mépris d’une Amérique qui nous déteste. Et cette Amérique-là ne se limite pas aux trumpistes : elle dépasse largement ce camp. Peut-être reviendrez-vous aussi sur votre méditation à propos du projet d’Elon Musk de nous envoyer tous sur Mars.

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