#21 - Macron, chef des armées & Kurdes

L’ARMEE FRANÇAISE

Introduction

Le 19 janvier, en présentant ses vœux aux Armées, le président de la République a souligné la priorité qui sera accordée à la Défense au cours de son quinquennat, dans un contexte qu’il a qualifié de “menaces accrues ” et ce malgré la “victoire militaire” contre l’EI. Après la démission du chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers, suite à de nouvelles coupes budgétaires demandées à la Défense, le chef des armées a dévoilé vendredi les grands axes de financement de la Loi de Programmation Militaire dont l’objectif principal est de maintenir la capacité d’intervention de la France à son “meilleur niveau”. Emmanuel Macron compte ainsi porter à 2% du PIB le budget de la Défense d’ici à 2025. Cela représenterait un passage de 34,2 milliards d’euros en 2018 à 50 milliards en 2025, soutenu par une augmentation en deux temps de 1,7 milliards d’euros chaque année jusqu’en 2022 puis de 3 milliards d’euros par an jusqu’à l’horizon 2025. En contrepartie, le président a réclamé aux Armées “la plus grande exigence collective” annonçant dans le même temps que “chaque dépense sera évaluée à l'aune de son utilité opérationnelle”.
Après dix ans de coupes budgétaires variées, entamées par la suppression de 54 000 postes sous Nicolas Sarkozy puis par 35 milliards d’euros d’économies prévues sous François Hollande, Emmanuel Macron entend bien “arrêter la lente érosion des capacités militaires du pays” afin de sauver ce que les responsables militaires nomment "la cohérence du modèle d'armée français". Casernes délabrées, équipements lacunaires, entraînement en-deçà des normes de l’OTAN, la France, se trouve, de surcroît, engagée dans de multiples théâtres d’opération, notamment en Côte d’Ivoire, en Irak, en Syrie, en RDC et au Mali. Le Livre Blanc sur la défense de 2008, censé fixer les orientations stratégiques militaires jusqu’en 2020, identifiait déjà un contexte international trouble marqué par le réarmement du monde hors Europe et l’augmentation des menaces là où en moyenne chaque pays européen tend à abaisser son budget de Défense.
Le président de la République a annoncé le lancement de grands chantiers de modernisation, notamment celui de la dissuasion nucléaire qualifié de “clé de voûte” de la stratégie de défense nationale. L’augmentation significative des capacités de renseignement, la rénovation de l’opération Sentinelle ainsi que la relance de l’Europe de la Défense et la formation d’un G5 Sahel font aussi partie des projets présidentiels. S’agissant des Opérations Extérieures (OpEx), cofinancées jusqu’alors par la solidarité ministérielle, elles verront leur dotation annuelle portée de 450 millions d’Euros à 1,1 milliard d’euros en 2020. Enfin, pour lutter contre un taux d'indisponibilité des avions et des hélicoptères en quasi-constante progression depuis 6 ans, Emmanuel Macron n’a pas hésité à s’adresser directement aux industriels de l’armement français martelant : “L'exigence que j'ai vis-à-vis de nos armées, j'aurai la même vis-à-vis de nos industries” ...

LA SITUATION KURDE

Introduction

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a lancé le 20 janvier une opération militaire de grande envergure dans l’enclave d’Afrine en Syrie visant les forces kurdes de la région. Avec l’aide de rebelles syriens, la Turquie entend installer “une zone de sécurité” d’une profondeur de 30 km à partir de sa frontière. Sur ses 911 km de frontière avec la Syrie, 600 sont en effet tenus par les kurdes syriens de l’Unité de Protection du Peuple (YPG. Selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme, 90 combattants kurdes et 30 civils auraient été tués lors des dernières opérations. Dimanche, le président turc a indiqué que “ceux qui seraient tentés de manifester leur soutien aux forces kurdes paieraient un prix très élevé.
C’est Washington qui avait mis le feu aux poudres en annonçant le 14 janvier, la création dans le Nord de la Syrie d’une “force frontalière” composée de 30 000 hommes issus des Forces Démocratiques Syriennes (FDS). Une alliance de combattants kurdes et arabes financée par la coalition internationale pour lutter contre le groupe État Islamique. Le Premier ministre turc Binali Yildrim avait alors jugé “incompréhensible et inacceptable” le fait “qu’un pays comme l’Amérique s’associe avec une organisation terroriste pour mettre en œuvre ses plans régionaux”.
La communauté internationale s’est montrée partagée quant à la position à adopter avec Ankara. Donald Trump, a exhorté la Turquie à “limiter ses opérations militaires” afin d’éviter “toute action qui risquerait de provoquer un affrontement entre les forces turques et américaines”. La Grande-Bretagne a pris le contre-pied en affirmant que la Turquie avait un “intérêt légitime” à assurer la sécurité de ses frontières et la Russie, alliée du régime syrien, a retiré ses troupes des villes bombardées afin d’éviter “toute escalade” dans la zone contrôlée par les forces kurdes.
Les combattants kurdes ont profité, dès 2012, de l’instabilité régionale et d’un fort soutien international pour établir une zone d’autonomie dans les territoires repris à Daesh au Nord-Est de la Syrie. Langue kurde officialisée, création d’écoles et de centres culturels ainsi que formation de forces de sécurité, les milices kurdes ont mis en place une véritable administration inspirée des préceptes d’Abdullah Ocalan, le chef historique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Le nationalisme kurde a manifesté, dès son origine le désir, de fonder un état regroupant les minorités de Turquie, de Syrie, d’Irak et d’Iran. La Turquie a d’ailleurs classé le PKK en tant qu’“organisation terroriste” suite à de nombreux attentats perpétrés à travers le pays depuis les années 80. Selon l’historien turc Hamit Bozarslan, la résurgence des mouvements kurdes est due à deux facteurs.
Une diaspora puissante qui a doté les kurdes d’un espace de souveraineté de fait et les tensions régionales qui ont élargi “le champ de manœuvre” des organisations kurdes en brouillant la notion de “frontières rigides” des États...

Les brèves

Louise Lannes duchesse de Montebello et Comment naquit la guerre de 14

Jean-Louis Bourlanges

"Moi j’ai profité des moments dits de ‘trêve des confiseurs’ pour reprendre quelques livres d’Histoire. D’abord, j’ai lu une biographie qui était fondée sur un fond d’archives familiales, qui est la biographie de Louise Lannes, duchesse de Montebello, qui faisait partie de ces maréchales éternelles. Les maréchaux meurent et les vrais maréchaux ce sont les femmes des maréchaux, qui restent éternellement. Un livre qui est du à la plume de Régis de Crépy et l’épopée napoléonienne côté femme. Louise Lannes est intéressante puisqu’elle représente ce lien qui est très compliqué à analyser mais fondamental dans notre histoire politique, entre le bonapartisme, l’épopée impériale, et elle a été très profondément libérale, elle a contribué à la création du Globe comme le général Foy, c’est comme un ensemble de gens qui ont glissé du bonapartisme au libéralisme et pour moi, pour nous, en tout cas, il y a une incompatibilité profonde entre le jacobinisme militaire de Napoléon et le libéralisme à la Benjamin Constant, même si Benjamin Constant a écrit L’acte additionnel aux constitutions de l’empire mais on voit bien ces transitions et donc c’est une personne, de ce point de vue là, intéressante.
Le deuxième livre que j’ai lu c’est un livre d’Alfred Fabre-Luce Comment naquit la guerre de 14 ? qui est la reprise des grands ouvrages qu’avaient écrit Fabre-Luce dès les années 20, de remise en cause de l’interprétation officielle de la première guerre mondiale. C’est soutenu par une préface extrêmement documentée de Georges-Henry Soutou, c’est remarquablement écrit, remarquablement intelligent, c’était une prise de position extrêmement courageuse de la part d’Alfred Fabre-Luce. Je ne suis pas entièrement d’accord avec lui. Je crois qu’il a raison de souligner les responsabilités russes dans le déclenchement de la première guerre mondiale, je pense malgré toute et toujours, la littérature qui entoure aujourd’hui la Première Guerre mondiale qui remet un peu en cause la vision à la Renouvin, que la responsabilité de l’état major allemand et de la politique allemande est décisif quand ils envoient le télégramme, quand ils rédigent quasiment le télégramme d’ultimatum des autrichiens, je pense que les allemands sont déterminés à faire la guerre alors que les autres sont prêts à faire la guerre. J’ai une incertitude sur les russes. Mais enfin malgré tout c’est une remise en cause de tous les bobards officiels, de toutes les déformations et c’est magnifiquement écrit, je crois que c’est un livre qui mérite d’être lu."

Où atterrir : Comment s’orienter en politique ?

Béatrice Giblin

"Moi c’est un petit livre qui est sorti aux éditions La découverte qui est écrit par Bruno Latour. Bruno Latour est quelqu’un qui se préoccupe beaucoup de la question écologique, je dirai que c’est un philosophe avec une sensibilité très forte et très ancienne sur ces questions là. Ca s’appelle Où atterrir : Comment s’orienter en politique ? et son hypothèse est de dire qu’en fait il y a un lien entre la dérégulation qu’on connaît depuis les années 90 et qui va s’accélérant, entre l’augmentation des inégalités et l’importance de ces inégalités qui se creusent avec les risques que cela peut faire poser. Un troisième élément qui est la montée des populismes où au fond on essaye de se protéger en revenant à un petit chez soi face à une dérégulation du monde et que tout ceci est lié à ce qu’il appelle : le Nouveau Climat. Et pas seulement « climat » au sens géographique du terme. Un climat avec un sens beaucoup plus large, un environnement dans lequel évolue désormais les sociétés. Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’il y a à l’intérieur de la réflexion de Bruno Latour mais je pense quand même que c’est un ouvrage qui peut permettre de réfléchir et de débattre sur des questions essentielles"

Phantom et Quobuz

Philippe Meyer

"Il se trouve que pour Noël j’ai reçu un Phantom, le Phantom c’est quelque chose qui est fabriqué par la maison Devialet, qui est une enceinte qui se branche sur des ordinateurs ou des smartphones et dont la qualité sonore est absolument extraordinaire, le tout sur un tout petit volume. Grosso modo je ne comprends pas grand chose à la technique mais c’est la puissance du numérique avec la qualité, la finesse de l’analogique. Ce Phantom, que j’ai transporté dans ma maison dans le Massif central, a été la joie de mes vacances de Noël.
Il a été deux fois, la joie de mes vacances de Noël parce que j’ai découvert un site de musique de streaming qui s’appelle Quobuz et je l’ai trouvé infiniment meilleur que tout les autres que j’avais essayé parce que la qualité sonore, parce que la diversité de l’offre est considérable parce qu’en plus la plupart des enregistrements qu’on peut entendre est accompagnée de livrets qui vont avec et que donc on trouve des tas de renseignements. On est pas voué à une consommation passive et un peu bêtasse. Ces deux outils sont pour moi source d’une volupté considérable. Ca n’est pas donné ni dans un cas ni dans l’autre mais enfin le jour où on décide de casser sa tirelire soit pour soi-même soit pour faire un cadeau, on en est absolument récompensé."

D'Annunzio le magnifique

François Bujon de L’Estang

"Et bien puisque nous remontons le courant de l’Histoire en direction de la guerre de 14 et à travers la bataille d’Essling. Moi je m’arrête un peu à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème pour vous recommander une biographie de Gabriele d’Annunzio, intitulée Gabriele d’Annunzio, le magnifique, publiée aux éditions Grasset par notre ami Maurizio Serra qui fut l’ambassadeur de l’Italie à l’UNESCO et à qui nous devons déjà un certain nombre de livres et notamment deux autres grandes biographies sur des hommes de plume italiens qui ont marqué le 20ème siècle. Son livre sur D’Annunzio clôture une trilogie qu’il avait commencée avec une biographie sur Malaparte, continuée avec une très intéressante biographie sur Italo Svevo et qui se conclue maintenant par cette grosse mais très lisible biographie sur Gabriele D’Annunzio. Personnage baroque, outré et invraisemblable, le dernier Don Juan qui enjambe le 19ème et le 20ème siècle, on oublie qu’il avait déjà 50 ans au moment de l’Affaire de Fiume, par exemple. Cet aviateur poète séducteur s’est ensuite effacé pendant le fascisme mais sa germanophobie l’a rendu un peu fréquentable aux yeux de Mussolini, il est mort en 1938 mais sa vie est un roman et Maurizio Serra la décrit avec beaucoup de verve et de façon très intéressante."