MACRON : INVENTAIRE AVANT BILAN
Introduction
ISSN 2608-984X
Philippe Meyer :
Interrogé mardi sur TF1, le président de la République a croisé le fer avec plusieurs personnalités de la société civile sur toute une série de sujets : Ukraine, défense, politique sociale, sécurité, dépenses, santé mentale, fin de vie, salaires, Gaza ... Peu d'annonces concrètes lors de cette intervention de plus de trois heures. A deux ans de la fin de son deuxième quinquennat, Emmanuel Macron s’est surtout attaché à défendre sa présidence, et notamment sa ligne économique : travailler plus, produire plus, ne pas augmenter les impôts. Le chef de l’État refuse de nationaliser Arcelor Mittal, alors que le sidérurgiste vient d’annoncer la suppression de plus de 600 postes en France. Il a demandé au gouvernement de lancer dans les prochaines semaines une « conférence sociale » sur le financement de notre modèle social. Tout en prétendant ne pas « préempter » les termes du débat à venir, il a indiqué que l’une des principales options à explorer consisterait à réduire les cotisations pesant sur les salaires et à mettre davantage à contribution « d’autres facteurs, en particulier la consommation ». Il s’est défendu toutefois de plaider en faveur d’une « TVA sociale ». Rejetant l'idée d'une taxation nationale des grandes fortunes, il a plaidé pour une approche mondiale face à l'exil fiscal.
Attendu sur une annonce de référendum, Emmanuel Macron a déclaré opter pour une « consultation multiple » dans le cadre de l’article 11 de la Constitution. C’est-à-dire via des référendums en bonne et due forme et non via un outil purement consultatif créé pour l’occasion. Ceux-ci devraient intervenir « dans les mois qui viennent » et pourraient porter sur de « grandes réformes économiques, éducatives ou sociales ». Un spectre très large, sur lequel il entend réfléchir avec le gouvernement. Il pourrait recourir à un référendum sur l'aide à mourir comme une arme de déblocage qu'il ne dégainera qu'en solution de dernier recours, en privilégiant d'abord la poursuite du débat parlementaire. Ouvert à ce que des « réformes » du premier ministre François Bayrou, sur le « plan économique et social » fassent l’objet d’une consultation, le président de la République ne « voit pas », en revanche, de référendum possible sur l’immigration, demandé par la droite, ni sur la réforme des retraites, comme le lui a suggéré la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet.
Le président de la République s’est dit favorable à l'interdiction des mariages de personne sous obligation de quitter le territoire français (OQTF), et souhaite un accroissement du pouvoir des polices municipales. Il a confirmé vouloir que soit imposée aux adolescents une vérification de leur âge pour s'inscrire sur les réseaux sociaux, estimant qu'il y a « une jeunesse qui a été percutée » par ces plateformes.
Interrogé pour finir sur un troisième mandat en 2032, Emmanuel Macron n'en a pas écarté l'idée en déclarant : « Quand j’aurai fini, je réfléchirai à la suite. »
Kontildondit ?
Michaela Wiegel :
Depuis la dissolution ratée en juin dernier, la parole présidentielle s’était faite rare aux heures de grande écoute. Et après cette émission de trois heures, on peut se dire que c’était une sage décision. Il faut bien reconnaître que le président n’a pas su clarifier, dans les domaines relevant de son gouvernement minoritaire, les projets qu’il entend réellement mener à bien. Il s’est contenté de formuler des recommandations, des souhaits, mais dans le seul domaine où il dispose d’une réelle initiative, celui du référendum, il est resté très vague.
La première partie de l’entretien, consacrée à la politique étrangère et à la défense, était sans doute la plus pertinente. M. Macron a su sortir l’Europe d’une forme de paralysie qui avait suivi l’élection de Donald Trump. Il est parvenu à replacer l’Europe au centre du jeu dans le dossier ukrainien. Même si aucun succès concret n’est encore visible, au moins, l’Europe n’est-elle plus contournée, comme on pouvait le redouter lorsque Trump affirmait vouloir négocier directement avec Vladimir Poutine. Sur ce plan européen, il peut, me semble-t-il, se féliciter d’avoir réussi à constituer une coalition, renforcée par l’arrivée au pouvoir du chancelier allemand Friedrich Merz. Désormais, il faut compter avec eux.
Mais le format même de l’émission a fini par diluer ce succès, notamment à travers l’intervention d’un soldat ukrainien venu exprimer son mécontentement sur les livraisons d’armes européennes. Pour un téléspectateur qui ne suit pas quotidiennement l’évolution du conflit, il en ressortait l’impression que ni la France ni l’Europe n’étaient à la hauteur du défi. Ce sentiment d’impuissance politique a, en quelque sorte, traversé toute l’émission. Et je suppose que même les communicants de l’Élysée, qui ont vraisemblablement encouragé le président à se prêter à cet exercice, doivent reconnaître que le bilan est loin d’être positif. Sur les référendums, sujet très attendu, il n’a quasiment rien dit. La seule chose qu’il a précisée, c’est les thèmes qu’il exclut : il ne veut pas de référendum sur l’immigration ni sur la réforme des retraites. Pour le reste, on ne sait toujours rien.
François Bujon de l’Estang :
Avec quelques jours de recul, on peut effectivement dire que l’émission du 13 mai n’a pas été un succès. Dès le lendemain, les premiers commentaires, tant dans les milieux politiques que dans la presse, étaient majoritairement défavorables. Le Figaro a d’ailleurs publié vendredi 16, un sondage Odoxa révélant que 71 % des Français jugent négativement le bilan de M. Macron, quelques jours seulement après une intervention où il s’est longuement attardé sur son propre bilan …
On assiste à ce que les Américains appelleraient une Macron fatigue, une forme de lassitude mêlée de désenchantement. Cela pose d’ailleurs une question plus large sur la durée des mandats. Quelques semaines auparavant, Justin Trudeau, au Canada, quittait le pouvoir totalement essoré, après neuf ans. On constate que les seconds mandats sont particulièrement difficiles en France. Celui de Mitterrand l’avait été. Celui de Chirac également, surtout après son AVC. Quant à celui de Macron, il semble déjà marqué par l’épuisement, alors qu’il lui reste encore deux ans.
J’ajouterai que le format choisi n’était pas adapté à un président de la République. C’est un format télévisé très classique, convenant à des responsables politiques « ordinaires ». On y fait intervenir des représentants de la société civile, des opposants soigneusement sélectionnés à l’avance ; l’émission dure près de trois heures, c’est tout à fait démesuré. On n’imaginerait pas une seconde Mitterrand ou de Gaulle se prêtant à ce type d’exercice. Ni d’ailleurs Sarkozy ou Chirac. Dans Le Fil de l’épée, le général de Gaulle explique que la parole du chef doit être rare, concise et dense. Il se peut qu’Emmanuel Macron ne l’ait pas lu, car nous en étions, ce soir-là, à des années-lumière.
Nicolas Baverez :
Depuis la dissolution, Emmanuel Macron a perdu la main, et le pouvoir. L’objectif de cette émission était de profiter de l’embellie en politique étrangère pour tenter de regagner du terrain sur le plan intérieur. Il y avait deux leviers sur lesquels le président avait retrouvé un peu d’espace : d’abord, il est aujourd’hui le seul parmi les dirigeants des grandes démocraties à avoir déjà travaillé avec Donald Trump, qu’il connaît personnellement et avec qui il a noué une relation directe. Ensuite, il y avait l’Ukraine, avec cette expédition à Kyiv, hautement symbolique, aux côtés des dirigeants allemands, anglais et polonais, pour signifier que l’Europe ne serait pas exclue du règlement du conflit et que le président Zelensky pouvait compter sur un véritable soutien européen. L’idée était donc d’utiliser cet élan pour reprendre pied sur la scène politique intérieure.
Ce pari a été spectaculairement raté. Raté dans la forme, puisqu’on a assisté au retour en force du narcissisme présidentiel. Trois heures d’antenne pour se mettre en scène, entouré d’interlocuteurs soigneusement sélectionnés — des opposants un peu radicaux dans leur domaine — pour mieux mettre en valeur sa propre virtuosité et sa raison. Mais cette mise en scène s’est retournée contre lui. C’est Emmanuel Macron qui s’est retrouvé acculé, notamment sur la sécurité, sur les finances publiques, sur la dette, sur l’économie et le social. Ce qu’on a vu, c’est un président qui ne sait ni qui il est, ni ce qu’il veut, ni où il va. Et c’est sans doute ce qu’il y avait de plus préoccupant. Cette émission, c’était l’illustration des échecs passés — huit années d’un mandat qui, pour l’instant, se résume à la chute du pays —, de l’impuissance présente et d’un avenir vide. Il a toujours su dire ce qu’il ne voulait pas, mais on n’a jamais su ce qu’il voulait, ni où il entendait aller.
Cela entérine une réalité de la politique française : il n’y a plus de chef, et plus vraiment d’État. Il n’y a plus de Premier ministre, puisque François Bayrou fonctionne pour lui-même. Il n’y a pas de gouvernement, les ministres agissent chacun pour leur compte. Il n’y a pas de majorité. Et tout cela à un moment où l’histoire bascule, s’accélère, où la situation est critique. Pour la France, c’est évident : démographie, économie, pouvoir d’achat, déficit commercial, déficit public, dette — la chute s’accélère spectaculairement. Et pour l’Europe, c’est un moment décisif. Elle est prise entre deux dynamiques. D’un côté, une tension extrême, un triple choc : la Chine, sur le plan industriel ; Trump, sur le plan stratégique, puisque le protecteur est devenu l’adversaire ; Poutine, la menace existentielle ; et le populisme à l’intérieur. De l’autre, une chance unique pour l’Europe de renouer avec son destin, de redevenir un sanctuaire de la liberté politique et économique. Mais la France, aujourd’hui, est à l’arrêt. Écartée, impuissante, dans un moment critique. Cela donne une impression vraiment tragique. On a l’impression d’être en juin 1940.
Antoine Foucher :
Je ne vais pas en rajouter sur le thème de l’échec de l’émission, c’est un constat que je partage largement. Mais je voudrais faire un pas de côté et poser une question : est-ce que cet échec du président de la République, depuis huit ans, ce n’est pas aussi — et peut-être d’abord — le nôtre, à nous, Français ? Est-ce qu’il ne faut pas partager la responsabilité de l’échec d’Emmanuel Macron avec le pays tout entier ?
Je prendrai trois exemples. Le premier, c’est l’impuissance politique dans laquelle nous nous trouvons. C’est celle du président, certes, et il y avait quelque chose de pénible à le regarder mardi soir. Lui qui, en 2017, paraissait si dynamique, porteur d’une vraie promesse de rupture. On avait le sentiment qu’il allait accomplir ce que l’on n’avait pas réussi à faire en France depuis des décennies. Et il faut reconnaître qu’il y a eu quelques avancées, sur les ordonnances travail, par exemple, là où d’autres avaient échoué. Mais cette impuissance actuelle tient aussi à la configuration du Parlement. Et c’est nous, les électeurs, qui avons envoyé ce Parlement éclaté, incapable de construire une coalition. Si de nouvelles élections étaient organisées aujourd’hui, on aurait sans doute exactement la même configuration. L’impuissance du président et de l’exécutif, c’est donc aussi le reflet de nos contradictions et de nos divisions, à nous, Français.
Deuxième exemple : l’une des seules pistes qu’il a essayé d’esquisser, c’est celle d’une meilleure rémunération du travail, en transférant le financement de la protection sociale du travail vers la consommation. Et les réactions ont été immédiates: une levée de boucliers. Mais ce sont nos réactions, nos contradictions. Cela fait 40 ans que nous avons choisi de financer notre modèle social principalement par les cotisations de 28 millions de travailleurs, sans chercher à mobiliser aussi les 18 millions de retraités et les 100 millions de touristes. Là encore, la difficulté du président à réformer reflète nos propres incohérences.
Troisième exemple : il a été peu convaincant sur la réindustrialisation du pays. Mais là aussi, cela nous concerne. Cela fait quarante ans que nous avons bâti une fiscalité qui favorise la consommation plutôt que la production. Si l’on voulait inverser cette logique, il faudrait encore baisser les impôts de production des entreprises. Aujourd’hui, il y a environ 30 milliards d’écart, à valeur ajoutée égale, entre les entreprises industrielles françaises et leurs homologues allemandes. Ces 30 milliards représentent environ 2,5 points de TVA. Cela ne donnerait aucun avantage compétitif supplémentaire aux entreprises françaises, cela ne ferait que les mettre au même niveau. Mais à chaque fois qu’on propose une telle réforme, c’est une levée de boucliers.
On a vraiment le sentiment qu’au bout de huit ans, la France n’est pas plus forte qu’en 2017, et c’est effectivement un sentiment tragique. Mais ce n’est pas tragique uniquement à cause d’Emmanuel Macron, c’est tragique parce que son impuissance d’aujourd’hui est aussi la nôtre.
Et à ce stade, on ne voit pas comment nous allons nous en sortir, sauf peut-être (c’est en tout cas ma conviction) en ayant recours au référendum. En nous mettant, nous Français, face à nos responsabilités et à nos contradictions. Pour tenter de définir enfin qui nous sommes, et où nous voulons aller.
Michaela Wiegel :
Je suis la seule ici à ne pas être directement frappée de responsabilité, même si, en tant qu’observatrice, je me sens évidemment concernée, et comme Européenne, impliquée dans le destin de la France. Mais je trouve que ce qu’Antoine Foucher vient de dire est très juste. Pour moi les élections européennes (même si je considère que la dissolution n’était pas le bon moyen) ont constitué une forme de référendum, une manière de demander au peuple de reconsidérer sa décision.
Il se peut cependant que j’aie une vision très sceptique du référendum simplement parce que je suis allemande. Même si j’ai accueilli avec intérêt l’idée de François Bayrou d’organiser un référendum pour confronter les Français à leurs responsabilités et les amener à accepter des coupes dans les dépenses de l’État, cela me semble très risqué. À mon avis, cela ouvre un boulevard aux populistes, des deux bords, qui ne veulent justement pas être responsabilisés. Et surtout, il n’existe pas de plan B si un tel référendum échoue. Ce serait encore plus paralysant. On l’a bien vu avec le référendum de 2005 : les conséquences ont été lourdes, et il en est resté quelque chose, une forme persistante de méfiance des Français à l’égard des institutions.
François Bujon de l’Estang :
Le référendum était en réalité le non-dit, mais aussi le cœur du problème. Je rejoins pleinement Nicolas sur les raisons qui ont poussé Emmanuel Macron à estimer que le moment était venu de tenter, si j’ose dire, un rafraîchissement de son image, sur le plan de la communication. Il a voulu capitaliser sur son activité internationale récente, qui suscite un intérêt réel chez les Français. Dans un monde marqué par l’anxiété — la guerre en Ukraine, les turbulences provoquées par Donald Trump, la montée des incertitudes — les Français sont inquiets. Mais il a oublié une vieille règle que tous ses prédécesseurs connaissaient bien : on ne regagne pas de légitimité sur les sujets de politique étrangère.
Le référendum est précisément fait pour cela. Le général de Gaulle considérait qu’il était nécessaire, pour un président élu pour sept ans, de rafraîchir régulièrement sa légitimité par un référendum, qui avait toujours inévitablement une dimension plébiscitaire. C’était cela, l’essentiel. Mais depuis l’échec du référendum européen en 2005, la classe politique française est saisie d’une véritable inhibition dès qu’il s’agit de référendum. L’idée même qu’un référendum puisse être perdu — comme en 2005, mais aussi en 1969 — paralyse complètement. Et malheureusement, tout cela avait été mis en scène par les discussions qui ont précédé l’intervention du président. Tout le monde parlait de référendum, y compris l’Élysée. On avait l’impression qu’une annonce allait être faite, or rien n’est venu. Je crois que l’une des raisons principales de l’échec de cette émission, c’est justement cette absence d’effet d’annonce. Le chef de l’État n’avait rien à annoncer, aucune initiative à proposer, et pas même l’esquisse d’un cap pour les deux années restantes. Le référendum, en fin de compte, s’est retrouvé au centre de l’attention précisément parce qu’il était absent.
Nicolas Baverez :
C’est tout à fait juste : le cœur de cette émission était censé être le référendum. Et on a vu deux choses. Premièrement, le référendum à questions multiples, présenté comme une innovation, pose une véritable question constitutionnelle : on ne sait pas vraiment si c’est juridiquement possible. Deuxièmement, comme pour le reste, on a surtout vu les questions qu’Emmanuel Macron ne voulait pas voir posées. Les deux grandes absentes, ce sont l’immigration et la réforme des retraites, mais sur les sujets qu’il envisage de soumettre, il n’a donné aucune indication.
C’est pourquoi je pense que cette affaire de référendum est une fausse solution. Ce que je regrette profondément, c’est que le véritable sens politique de cette émission est clairement apparu : les Français et leurs dirigeants sont d’accord pour ne rien changer — tant que le pays n’aura pas violemment heurté le mur de la dette. Comme en 1983 : tant que la Troïka ne débarquera pas à Roissy pour imposer un plan de restructuration, il ne se passera rien. Et pour un citoyen, c’est une situation véritablement désespérante.
LA DÉSINDUSTRIALISATION EN FRANCE ET EN EUROPE
Introduction
Philippe Meyer :
Depuis quarante ans, la France a été confrontée à un important processus de désindustrialisation. Le poids de la valeur ajoutée du secteur manufacturier est passé de 22 à 15% de 1983 à 2023. Seuls 13% des actifs français étaient, employés dans l'industrie en 2023, contre près de 40% quarante ans auparavant. La désindustrialisation française est la conséquence d'une vague de faillites qui a frappé les secteurs du textile, de la machine-outil et de l'automobile, et du choix de certains grands groupes de délocaliser. La production industrielle française a souffert de son positionnement « gamme moyenne ». Elle a été concurrencée frontalement par celle des pays émergents quand l'Allemagne et les pays d'Europe du Nord ont opté pour le haut de gamme. Le manque de capitaux, d'ingénieurs, de techniciens, la faiblesse de la recherche et une préférence donnée aux services expliquent ce mauvais positionnement de l'industrie française qui est, en outre, confrontée à des impôts de production plus élevés que ses concurrentes. Le poids de l'industrie manufacturière représente aujourd'hui 10 % du PIB en France, contre 15 % en Italie et 16 % en Allemagne.
La désindustrialisation touche l’ensemble de l’Europe. En 2000, la part de l’Europe dans la production mondiale de l'industrie était de 22,5%, contre 21% pour les Etats-Unis. Vingt ans plus tard, elle est tombée à 14,5% et celle des Etats-Unis à 16%. La part de la Chine est passée de 10 à 28%. Dans la sidérurgie, ArcelorMittal vient d’annoncer 600 suppressions de postes en France et son concurrent allemand, ThyssenKrupp, en supprimera 11.000 d'ici 2030. A côté de la baisse européenne de la production d'acier, les ventes de véhicules en Europe restent inférieures de 25% à leur niveau de 2019 et tous les analystes s'accordent sur le même étiage ces prochaines années. En Allemagne Volkswagen, prévoit 35.000 suppressions d'emplois d'ici à 2030. Chez Stellantis, les effectifs en Italie sont passés de 55.000 salariés en 2021 à 38.000 en 2025 et, en France, de 53.000 en 2017 à 42.000 aujourd'hui.
Face à cette crise, la Commission européenne a présenté fin mars leplan acier de l'Europe. En plus d'une réduction immédiate de 15% du quota d'importations d'acier autorisées sur le sol européen, il prévoit une nouvelle clause de sauvegarde à partir de juin 2026, dispositif qui encadre les imports d'acier sur son territoire selon son origine. La Commission européenne a également annoncé 47 projets miniers pour couvrir une partie de ses besoins en minerais stratégiques. Ainsi, l'UE ambitionne d'ici 2030 d'avoir 10% de sa consommation annuelle extraites localement et 40% de sa consommation annuelle issue du raffinage local.
Kontildondit ?
Antoine Foucher :
Sur la question de la « réindustrialisation ou pas » en France : les chiffres sont publics et accessibles à tous. Depuis 2017, on a recréé 126.000 emplois industriels, soit 15.000 par an pendant huit ans. À ce rythme, pour retrouver la part de l’industrie dans le PIB des années 1980 (c’est-à-dire avant la désindustrialisation) il faudrait 115 ans. On peut donc dire sans exagérer que nous ne sommes pas en voie de réindustrialisation. Dire le contraire relève d’un optimisme démesuré, mêlé d’un peu de mauvaise foi. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que la désindustrialisation a été stoppée depuis 2017, alors qu’on avait perdu 2 à 2,5 millions d’emplois industriels depuis les années 1980.
Ensuite il y a la question de l’avenir. Est-ce que le destin de l’industrie française, en fort recul depuis quarante ans, n’annonce pas ce que sera l’industrie européenne dans les décennies à venir ? Et là, sans céder ni à un optimisme excessif, ni à un pessimisme caricatural, il faut regarder les choses en face, et reconnaître que le constat est glaçant. Pour qu’une industrie européenne continue de répondre à une part des besoins mondiaux, elle doit être compétitive, avec de véritables avantages concurrentiels. Or, quand on les examine un par un, nous n’en avons plus aucun.
Nous avions une avance technologique. Nous l’avons perdue vis-à-vis des États-Unis et du Japon au XXème siècle, puis vis-à-vis de la Chine et de nombreux pays asiatiques au XXIème siècle. Ce n’est pas une exagération : sur les industries d’avenir — l’intelligence artificielle, le cloud, les plateformes, les biotechnologies, les véhicules électriques, les batteries — nous avons dix ans de retard. Ce sont les industriels eux-mêmes qui le disent publiquement devant les commissions d’enquête parlementaires.
Nous avions une avance éducative. Là encore, elle s’est érodée. L’Europe forme environ 400.000 ingénieurs par an. La Chine : 1,3 million. L’Inde : 1,5 million.
Nous avions, grâce au nucléaire, un avantage sur le prix de l’énergie. Mais nous avons détruit cet atout de nos propres mains. Il n’existe plus.
Nous n’avions jamais été plus travailleurs, et cela n’a pas changé. En Europe, on travaille en moyenne 1.700 heures par an, selon l’OCDE, contre plus de 2.000 en Asie. Donc, nous ne sommes ni plus travailleurs, ni mieux éduqués, et nous avons perdu nos avantages concurrentiels. Et en plus, nous nous protégeons moins.
Tout cela nous conduit aux chiffres que vous avez rappelés. Et tout cela permet, sans sombrer dans le catastrophisme, de dire qu’à horizon de dix à vingt ans, si l’on ne parvient pas à rétablir des avantages concurrentiels — sur le prix de l’énergie, l’éducation, l’investissement technologique — nos industries risquent de disparaître en grande partie. Les industriels, notamment dans l’automobile, le disent très clairement.
L’Europe doit retrouver lucidité et humilité. Nous sommes dans la situation d’un pays émergent du milieu du XXème siècle, en retard sur tous les plans : technologique, éducatif, énergétique. Nous devons adopter une stratégie industrielle de pays émergent. Cela signifie se protéger, y compris par des droits de douane, sur les secteurs stratégiques. Même si cela va à l’encontre de notre logiciel européen, il le faut, car nous ne sommes pas compétitifs. Si nous ne le faisons pas, d’autres le feront à notre place, car ils proposent une qualité équivalente à un prix inférieur. Nous devons avoir cette humilité-là : redonner la priorité à l’industrie en la protégeant, le temps de redevenir compétitifs, capables d’entrer de nouveau dans la concurrence mondiale. En l’état actuel, la concurrence internationale, faute d’avantages concurrentiels, est destructrice pour l’industrie européenne.
Michaela Wiegel :
Même si ce tableau assez sombre est incontestable, je voudrais apporter quelques nuances, en particulier s’agissant de l’Allemagne. Il est vrai, comme l’a dit Siegfried Russwurm, président du BDI (organisme supérieur des associations professionnelles de l'industrie en Allemagne) que l’on joue actuellement un peu la survie de l’industrie allemande. En revanche, je crois que les causes de la désindustrialisation en Allemagne ne sont pas tout à fait les mêmes qu’en France. Et qu’il y a des différences notables dans le reste de l’Europe. Le Danemark, par exemple, reste un pays très compétitif. Et même si la Suisse ne fait toujours pas partie de l’Union européenne — elle reste un pays très compétitif, qui ne connaît pas cette même baisse de la production industrielle.
Si l’on regarde de plus près la situation allemande, des nuances s’imposent. Il est exact que l’Allemagne est aujourd’hui devenue trop chère pour produire sur place. Résultat : il ne reste de la production industrielle que les centres de recherche, de management et de développement. Autrement dit, les têtes restent en Allemagne, tandis que la production est délocalisée. Ce n’est certes pas une bonne nouvelle pour l’ouvrier qualifié allemand, qui bénéficiait jusqu’ici de salaires élevés, mais ce n’est pas pour autant un signal qui classerait le pays parmi les émergents. C’est plutôt une caractéristique de pays industrialisé mature.
Il est vrai que l’Allemagne a un réel problème de prix de l’énergie. On le voit clairement : malgré Trump, les investissements industriels aux États-Unis continuent de progresser. Volkswagen, par exemple, qui prévoit des licenciements massifs en Allemagne, est en train d’ouvrir et d’agrandir ses sites de production aux États-Unis — d’abord pour des raisons douanières, mais aussi parce que l’énergie y est bien meilleur marché.
Je ne pense pas qu’on puisse affirmer que l’Europe entière est devenue un espace non compétitif. L’Allemagne conserve un Mittelstand très solide, présent dans des niches de marché très performantes, et qui n’a pas perdu ses avantages comparatifs.
En revanche, et c’est là une grande différence avec la France, l’Allemagne souffre de sérieux problèmes d’infrastructures — notamment numériques. La digitalisation accuse un net retard. Et les infrastructures traditionnelles aussi posent problème : des routes en mauvais état, des ponts qui s’effondrent, des trains qui n’arrivent pas à l’heure. Sur ce point, la France peut à juste titre être fière de son réseau de très grande vitesse, qui reste une réussite. Même si la part de la production industrielle dans le PIB allemand diminue elle aussi, Karl Haeusgen, président de la fédération allemande de la machine-outil, parle de « mythe de la désindustrialisation ». Selon lui, la décision de quitter l’Allemagne ne repose pas seulement sur le coût de l’énergie, mais sur une multitude de facteurs. Il estime que si l’Allemagne parvenait à accroître le taux d’activité des femmes — car ce point reste une grande faiblesse —, à reculer encore l’âge de départ à la retraite, donc à augmenter sa force de travail, et à mieux intégrer les immigrés, cela contribuerait sans aucun doute à relancer sa production industrielle.
François Bujon de l’Estang :
La désindustrialisation est un fait. Elle est observable, mesurable, documentée, et incontestable. Ce que je trouve frappant, c’est que ce processus s’est étalé sur une très longue période : près d’un demi-siècle. Pourtant, la prise de conscience est extrêmement récente. Il y a encore quatre ou cinq ans, personne ou presque ne parlait de désindustrialisation. Ce n’est devenu un sujet brûlant qu’avec la conjonction de plusieurs événements : la pandémie de Covid, qui a révélé de nombreuses faiblesses de l’Europe ; le retour de la guerre sur le continent, avec l’Ukraine et la politique de M. Poutine ; et ce que j’appelle l’électrochoc Trump. Tous ces éléments ont contribué à une prise de conscience tardive mais très brutale.
La question est de savoir si l’Europe sera capable de réagir et de mettre en place une politique de réindustrialisation. Il faut se rappeler que cette désindustrialisation était inscrite, dès le départ, dans le choix que nous avons fait de la mondialisation et de l’ouverture des frontières. Les grands théoriciens du libre-échange — Ricardo, Adam Smith — n’ignoraient pas cette logique : il faut produire là où les coûts sont les plus bas. Et donc, mécaniquement, le libre-échange et la globalisation conduisent à la désindustrialisation. Mais nous nous en rendons compte très tard, et de manière à la fois violente et frustrante.
Il faut évidemment œuvrer à une réindustrialisation. Ce sera long, et nécessitera d’identifier et d’activer les bons leviers. Car ces leviers existent. L’un d’eux est l’obligation dans laquelle nous nous trouvons de réarmer. Cela suppose de développer ou de renforcer une industrie de défense, et cela peut constituer un véritable moteur de croissance. Ce secteur a un effet de ruissellement considérable sur l’ensemble de l’industrie et de la recherche. C’est un levier puissant, à condition que l’on sache mobiliser les énergies dans ce sens.
La politique énergétique en est un autre, tout comme la transformation de l’industrie automobile vers l’électrification. Certes, cette évolution est bien plus lente que ne l’avaient espéré ses promoteurs, mais elle représente, elle aussi, un moteur de croissance et d’innovation. Et il y en a d’autres. Le Covid, par exemple, a mis en lumière des pénuries inattendues. On a découvert qu’on était incapables de produire des masques en temps voulu, et qu’il existait des pénuries de médicaments dans plusieurs domaines. Cela s’explique notamment par la fragilisation du secteur pharmaceutique, lui aussi victime de la désindustrialisation.
Là encore, on touche à des enjeux cruciaux de souveraineté : armement, énergie, santé, pharmacie… Ces domaines justifient pleinement une mobilisation, à condition que les gouvernants veuillent enfin tirer l’attelage dans le même sens. Et je dois dire que les évolutions récentes — l’arrivée de M. Merz en Allemagne, le retour d’un Premier ministre travailliste en Grande-Bretagne — laissent penser que tout cela n’est pas hors de portée.
Nicolas Baverez :
De même que la France a un jour cédé au mythe de la fin du travail, elle a aussi cédé au mythe de la fin de l’industrie. Pendant des décennies, on a cru que nous étions entrés dans une société post-industrielle, que l’industrie appartenait au passé. Ce n’est absolument pas le cas. On a oublié que l’industrie, c’est d’abord la puissance du capital investi, donc des salaires élevés et des emplois hautement qualifiés. C’est aussi le cœur de la recherche. Et c’est enfin le socle principal des exportations. Avec la pandémie, nous avons redécouvert qu’elle est également essentielle pour la sécurité et la souveraineté — pas seulement dans le domaine de la défense.
Nous avons donc un double problème : une difficulté européenne, mais surtout une pathologie française. La France est une exception en Europe : c’est, avec la Grèce, le pays le plus désindustrialisé, avec seulement 9% de valeur ajoutée issue de l’industrie. L’Italie est à16%, l’Allemagne à 22%. L’Italie, par exemple, réalise 104 milliards d’excédents commerciaux hors énergie, grâce à la puissance de son industrie. Mais en Europe du Nord aussi, l’industrie reste performante. Même l’Espagne connaît une dynamique industrielle plutôt positive. Il y a donc bel et bien une singularité française.
Pourquoi le recul industriel européen s’accélère-t-il aujourd’hui ? Parce qu’après la pandémie, qui a révélé notre dépendance, sont venus trois chocs majeurs. Le premier, c’est la guerre en Ukraine, et l’absurde dépendance de l’Europe — organisée par l’Allemagne — au gaz russe. Cette dépendance a coûté extrêmement cher, à la fois sur le plan économique et stratégique. Elle a été remplacée, depuis, par une dépendance au GNL américain, qui ne vaut guère mieux. Le deuxième choc, de plus long terme, c’est la montée en puissance de la Chine, qui est passée de 10% à 28% de parts de marché mondial, pendant que l’Europe régressait spectaculairement. Enfin, il y a le choc américain, en deux temps : d’abord l’IRA de Joe Biden, qui a organisé une relocalisation industrielle massive aux États-Unis ; puis le retour du protectionnisme version Trump.
On avait cru voir un léger redressement, mais aujourd’hui, la France se désindustrialise de nouveau. Depuis 2024, on assiste à une majorité de fermetures de sites industriels et à une reprise accélérée des destructions d’emplois, avec des plans sociaux massifs. Il faut absolument réagir, c’est vital économiquement, et c’est vital stratégiquement. Sans sidérurgie, sans chimie, il n’y a pas de défense possible. Or ces industries sont en péril : la sidérurgie européenne est passée de 7% à 4% du marché mondial ; la chimie enregistre -12% de production ; et l’automobile, en Europe, est passée de 19 à 14 millions de véhicules produits depuis 2017. Ce sont des secteurs qui jouent véritablement leur survie. Or pour l’instant, il n’y a pas de prise de conscience réelle.
En France, pour sortir de cette situation, il faudrait passer d’un modèle basé sur la consommation et la dette à un modèle fondé sur la production. Et nous n’y sommes pas du tout. Quant à l’Europe, les inquiétudes sont fondées. La Commission européenne, censée se saisir des enjeux de compétitivité depuis le rapport Draghi, ne le fait absolument pas. Quelques exemples : sur le commerce, on a choisi une stratégie d’apaisement — largement dictée par l’industrie automobile allemande. Résultat : les Chinois ont répliqué durement, ils gagnent, et désormais, ils vont s’entendre avec les Américains … sur le dos de l’Europe. Première erreur. Sur l’énergie, on continue de refuser de penser en termes de sécurité énergétique. On raisonne uniquement en termes de décarbonation, en poussant de façon déraisonnable les énergies renouvelables. Cela a conduit au black-out en Espagne et au Portugal. Et surtout, sur la réglementation, la situation est alarmante. Depuis 2019, l’Europe a produit 13.000 textes, contre 3.500 aux États-Unis. Ursula von der Leyen a elle-même déclaré qu’elle avait créé ce monstre bureaucratique, et qu’elle était donc la mieux placée pour le démanteler. Mais ce n’est pas ce que l’on observe. Les projets dits « omnibus » se vident de leur substance, et aucune simplification réelle n’est en cours. L’Europe et son industrie sont en train d’étouffer sous la réglementation, et pour l’instant, rien ne bouge.
Il faut donc, plus que jamais, revenir aux fondamentaux : il n’y a pas de liberté sans puissance économique. Il n’y a pas de puissance économique sans industrie. Et il n’y a pas d’industrie sans capital, sans travail, sans innovation — et sans la capacité de libérer ces trois forces.
Antoine Foucher :
Pour compléter les distinctions de Michaela entre France et Allemagne : malheureusement, nous, Français, ne jouons plus dans la même cour, ni même dans la même ligue. En volume, la puissance industrielle allemande est trois fois supérieure à celle de la France. L’Allemagne a un PIB plus élevé, mais aussi une part de l’industrie dans le PIB bien plus importante. Pour donner un ordre de grandeur, même si l’industrie allemande perdait la moitié de sa puissance actuelle, elle resterait encore plus puissante que l’industrie française … On n’est donc absolument pas comparables d’un point de vue industriel.
Le deuxième point, c’est qu’il ne faudrait surtout pas — ce ne serait pas dans l’intérêt général européen — que l’industrie allemande subisse le même sort que l’industrie française. Et là, je suis un peu moins optimiste que Michaela, pour une raison très simple : nous avons perdu notre avance technologique. Même les Allemands le reconnaissent désormais. Le représentant central du syndicat IG Metall chez Volkswagen, à la fin de l’année dernière, a proposé de conditionner l’accès des véhicules électriques chinois au marché européen à des transferts de technologie. Cela montre bien que les Européens se retrouvent aujourd’hui dans la situation technologique des Chinois des années 1980 ou 1990 : ce sont nous qui réclamons des transferts de technologie aux Chinois pour rattraper notre retard. Peut-on, dans ces conditions, encore se considérer comme un continent industriel mature ? Ce n’est pas si sûr … Un pays industriel mature doit, pour le rester, conserver ses centres de R&D, ses centres de décision, et maintenir son avance technologique — quitte à produire ailleurs. Ce modèle est économiquement viable, peut-être, mais il a un coût social et politique élevé. Le problème, c’est qu’en matière de recherche et développement, nous n’avons plus d’avance. Et rien ne garantit que nous puissions maintenir ce statut, puisque, encore une fois, les Chinois, les Asiatiques dans leur ensemble, et même les Américains dans d’autres domaines, nous ont dépassés.
Sur ce point, je rejoins donc Nicolas Baverez : ce n’est pas exagéré de dire qu’il n’y a pas, aujourd’hui, de véritable prise de conscience. C’est très difficile à admettre, mais nous, Européens, sommes face à une menace majeure. Et c’est maintenant qu’il faut réagir. Luca De Meo et John Elkann l’ont rappelé la semaine dernière à propos de l’automobile : l’avenir de l’industrie automobile européenne se joue aujourd’hui. Dans cinq ans, il sera trop tard. Un dernier chiffre pour illustrer cela : la part de marché des constructeurs chinois de véhicules électriques en Europe progresse de 50% par an. Ils sont à 4% aujourd’hui. À ce rythme, dans cinq ans, ils seront à 30% …
Michaela Wiegel :
C’est vrai, et indéniablement très préoccupant. Mais quelques éléments intéressants permettent de rester dans un optimisme de raison.
D’abord, on observe en Allemagne un léger retour du protectionnisme, ce qui était impensable depuis des décennies. Ensuite, il y a tout le secteur de la défense au sens large — y compris ce qu’on appelle le dual use, le double usage civil et militaire — où je pense que l’industrie automobile pourrait se réorienter partiellement. Certes, on assiste déjà aux premiers licenciements de masse, mais il s’agit souvent de main-d’œuvre très qualifiée. Et si l’on agit intelligemment, si l’on utilise à bon escient tous les milliards débloqués par les décisions récentes du Bundestag, on peut réellement reconstruire une industrie de défense beaucoup plus puissante qu’elle ne l’est aujourd’hui. Car la main-d’œuvre qualifiée, nous l’avons.C’est pourquoi je ne me résous pas à ce tableau totalement sombre dans lequel tous ces salariés se retrouveraient à l’abandon, comme on le voit dans certaines régions désindustrialisées en France, où des générations entières ont été tenues à l’écart de l’emploi.
Au niveau européen, il va y avoir des tensions (assez cocasses) entre Ursula von der Leyen, CDU, et Friedrich Merz, CDU lui aussi. Car il est clair qu’on ne pourra pas continuer avec la stratégie actuelle, qui se veut à la fois très conciliante et en même temps très dure sur certains secteurs clefs, comme l’industrie automobile. Notamment sur la question de l’interdiction des moteurs thermiques prévue pour 2035. Je pense qu’on assistera bientôt à un changement de cap.