L’ALLEMAGNE APRÈS MUTTI MERKEL

Rubrique proposée par Philippe Meyer.

L’ALLEMAGNE APRÈS MUTTI MERKEL

Philippe Meyer

" L’Allemagne, l’Allemagne, l’Allemagne… Il ne se passe pas de jour qu’on ne nous tympanise avec l’exemple, le modèle, le parangon allemand. Compétitivité à l’allemande, productivité à l’allemande, concertation à l’allemande, telles sont les étapes que nous devons atteindre pour nous tirer du mauvais pas dans lequel nous sommes. Il s’en faut de peu que l’on ne nous recommande de nous mettre à la saucisse et que nos repas ne soient composés désormais de Nürnberger Rostbratwürstchen, Thüringer Rostbratwurst, Leberwurst, Blutwurst Weißwurst, Currywurst, Brägenwurst, Grützwurst, et même Wiener Würstchen. Je me préparais à cette mue et voilà que, patatras, je lis dans le journal qu’en dépit de leur compétitivité, de leur productivité, de leur concertation et de leurs saucisses, les Allemands n’ont pas le moral. Dans une recherche réalisée dans 12 pays européens, l’institut d’études des marchés et des politiques publiques GfK a demandé à13.000 personnes quels problèmes devaient affronter leur pays. En moyenne, les Européens en ont identifié deux. Les Grecs en ont trouvé 2,4. Les Allemands, en dépit de leur bonne situation économique, en ont trouvé 2,6 et se situent en tête des peuples inquiets, notamment du chômage et de l’inflation. Mais ce qui leur cause les plus gros soucis, ce sont le retour de la guerre, de la misère et de la barbarie. Les médias expriment ou entretiennent cette angoisse allemande. Selon un statisticien de l’université de Dortmund, entre 2000 et 2010, les reportages sur la vache folle, les dioxines, l’amiante ou la grippe aviaire ont été deux fois plus nombreux dans les grands quotidiens allemands que dans les italiens, les français ou les britanniques. Les Allemands sont même si inquiets que la journaliste Sabine Bode a consacré un livre à ce qu’elle appelle « La Maladie allemande », « Die Deutsche Krankheit » qu’elle désigne du nom germano-anglais de « german Angst », l’angoisse allemande. Cette angoisse a été longtemps contenue dans les bornes de la raison par la chancelière « la maman qui a les choses en main ». La chancelière ayant chancelé, devons-nus penser que c’est sur un fond d’angoisse accrue que nos voisins vont se prononcer aux élections européennes ?"