Hommage à Robert Poujade

Brève proposée par Jean-Louis Bourlanges dans l'émission Racisme : ils n’en souffraient pas tous, mais tous étaient frappés / n°145, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Hommage à Robert Poujade

Jean-Louis Bourlanges

"Le confinement a eu des effets graves sur mon approvisionnement en journaux, ce qui fait que je n’ai pas appris le décès, début avril, d’un homme qui a beaucoup compté pour moi : Robert Poujade. Il faut saluer sa mémoire, car c’était un homme politique comme on n’en verra plus, et qui à mon avis faisait honneur à la société politique. C’était un littéraire, normalien, il croyait à la puissance des mots. Gaulliste d’après-guerre (puisque trop jeune pour être résistant). Il était extrêmement brillant, c’est lui qui a créé le ministère de l’environnement, à une époque où cette problématique était extrêmement difficile à faire entendre. C’était un précurseur, dont la mémoire doit être saluée, ainsi que l’esprit. Pendant le mandat du président Giscard, alors que Chirac s’impatientait, il m’avait décrit ce dernier de façon remarquable : « Le problème de Jacques Chirac est qu’il est habitué à vivre dans une république où les présidents ne finissent pas leur mandat ». C’était le genre d’observation distante et ironique dont cet homme était capable. "


Les autres brèves de l'émission :

L’universalité du racisme

Lionel Zinsou

"Je voudrais vous recommander le livre d’un professeur, moi qui crois à l’éducation et à l’Histoire. Jean-Loup Amsellea publié il y a quelques semaines ce petit livre. C’est quelqu’un qui a co-écrit « en quête d’Afrique » avec Souleymane Bachir Diagne, qui était déjà excellent. C’est un grand anthropologie de l’Ecole des Hautes Études. Cela nous rappelle que le racisme est minoritaire partout, mais qu’il est aussi universel. "


Le monde sur le vif

Richard Werly

"Le monde, on vient de le voir avec cette émission, est souvent chaotique. Rien de tel que le raconter sur le vif. c'est ce que fit pendant des décennies Martha Gelhorn, qui fut l'épouse d'Ernest hemingway. Ses reportages au long cours, de l'avant guerre jusqu'au procés Eichmann et à la mort de Franco en Espagne, sont regroupés dans un très beau livre Le monde sur le vif publié par les Editions du sonneur. Un hommage au journalisme de terrain, celui des vérités que nous devons avoir le courage de raconter. "


Retour de service

Nicole Gnesotto

"Je voudrais vous parler aujourd’hui du dernier roman de John Le Carré, qui vient de sortir. Je ne l’ai pas encore terminé, mais l’ouvrage est absolument passionnant? Je suis une fan de John Le Carré depuis « une petite ville en Allemagne ». Le Carré décrit la société britannique du Brexit avec une acuité extraordinaire. Il est à la fois un très grand romancier et un très grand journaliste politique. J’espère que la fin sera à la hauteur du début !"


Les vérités inavouables de Jean Genêt

Philippe Meyer

"« Monition ». Monition est un mot issu du droit canon et qui signifie avertissement adressé par l’autorité ecclésiastique avant que ne soit infligée une censure. Le dérèglement du climat intellectuel fait que, chaque année, il pleut davantage de monitions sur les réseaux sociaux, puis dans ceux des médias qui croient y entendre la vox populi, réseaux et médias qui ont désormais remplacé l’autorité ecclésiastique. Ces derniers mois, les monitions ne tombent pas en pluie, mais en rafales et en giboulées. Ces dernières semaines, ces derniers jours, ce ne sont plus des rafales et des giboulées, c’est la mousson.  Des quantités de personnes notoires ou avides de le devenir, se précipitent à la recherche tantôt d’un gredin, scélérat, à moucharder, tantôt d’une victime à chaperonner. Ils entraînent derrière eux followers et journalistes. Pour que ces intentions aient de la noblesse, il faut qu’elles relèvent d’un souci de justice plutôt que du souci de soi. Pour qu’elles relèvent d’un souci de justice, il faut que les affaires sur lesquelles se prononcent ces personnes soient instruites à charge et à décharge. Or les charges sont toujours présumées et de décharge, on n’observe guère que la décharge d’adrénaline que procure à des bourreaux en herbe la perspective de faire tomber des réputations comme au chamboule-tout. A tous ces exécuteurs précoces, je propose un livre de l’historien Ivan Jablonka paru au Seuil en 2005. Ils y verront comment leurs prédécesseurs, dont beaucoup sont encore en service, on fait passer pour une victime, et même pour une sorte de porte-parole de toutes les victimes du monde, un écrivain qui avait célébré la radicalité du nazisme et de la milice et qui chanta la poésie du massacre d’Oradour sur Glane, où, il y a 76 ans, une unité de Waffen SS massacra 642 habitants, hommes, femmes et enfants. Le livre s’intitule « Les Vérités inavouables de Jean Genêt »."