Mistinguett : la danseuse qui a sauvé la France

Brève proposée par Nicolas Baverez dans l'émission La sécurité sociale a 80 ans / L’Afrique : de junte en junte / n°433 / 14 décembre 2025, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Mistinguett : la danseuse qui a sauvé la France

Nicolas Baverez

"Je recommande aussi vivement ce livre de Bruno Fuligni consacré à Mistinguett. On a trop tendance à mépriser la chanson en la tenant pour un art mineur, alors que, comme Joséphine Baker ou Marlène Dietrich, Mistinguett fut à la fois une immense artiste et une figure profondément politique. Le livre montre son rôle de combattante, notamment pendant la Première Guerre mondiale, et rappelle son intelligence, son indépendance d’esprit, son sens très aigu de l’argent et de l’État, au point qu’on se dit qu’elle aurait sans doute été un bien meilleur ministre des Finances que beaucoup de ceux qui se sont succédé depuis des décennies. C’est un portrait passionnant et très éclairant."


Les autres brèves de l'émission :


Les gens de Paris 1926-1936

Lucile Schmid

"Je recommande vivement cette exposition au musée Carnavalet, absolument passionnante. Elle repose notamment sur une collaboration inédite entre des historiens et des spécialistes de l’intelligence artificielle, avec de la lecture optique de millions de documents manuscrits issus des recensements, qui concernent près de neuf millions de Parisiens, puisque la population de l’époque était comparable à celle d’aujourd’hui. Elle éclaire de manière très concrète les grandes questions sociales : en 1926, l’espérance de vie à Paris n’était que de 50 ans, ce qui relativise bien des débats contemporains. On y retrouve déjà des traits familiers de la capitale, avec davantage de femmes au travail, beaucoup de célibataires, moins d’enfants qu’ailleurs, et surtout un moment clef de basculement où la société française devient majoritairement urbaine. L’exposition est aussi remarquable par la richesse de ses images et de ses films, qui montrent notamment une circulation parisienne déjà chaotique, où les piétons semblaient menacés à chaque instant."


Comptes publics : en finir avec le n’importe quoi (qu’il en coûte)

Lionel Zinsou

"Je suis en plein conflit d’intérêts, mais je recommande la lecture de cette note de l’économiste Guillaume Hannezo, publiée par Terra Nova. C’est un texte très pédagogique qui met de l’ordre dans le débat sur les comptes publics, sans aller dans des considérations de management ou des référendums, elle explique clairement pourquoi il faut trouver rapidement près de 100 milliards d’euros, pourquoi cet effort concernera nécessairement tout le monde, et ce que cela représente concrètement, de l’ordre de 3.000 euros par an en moyenne pour les ménages, évidemment pas pour les plus modestes. C’est un bon guide pour comprendre l’ampleur des ajustements à venir et sortir des approximations."



Discours de Mark Rutte, secrétaire général de l’OTAN, 11 décembre 2025

Antoine Foucher

"Je recommande la lecture de ce discours prononcé à Berlin, qui tire très clairement la sonnette d’alarme sur le risque de guerre en Europe dans les années à venir. On dira que c’est pessimiste, mais, à côté de ce que dit Mark Rutte, nos débats paraissent presque légers. Il expose de manière très précise l’intensification massive de la production d’armement en Russie, les progrès réalisés par l’OTAN ces dernières années, et surtout le décalage saisissant entre les deux dynamiques. La conclusion est frappante : les membres de l’OTAN doivent se préparer à une guerre d’une ampleur comparable à celle qu’ont connue nos grands-parents et arrière-grands-parents. C’est un texte dur, mais indispensable pour prendre la mesure de la situation."


Makbeth, par le Munstrum théâtre

Philippe Meyer

"Louis Arene et les acteurs de sa compagnie sont la coqueluche des aspirants comédiens d’aujourd’hui. Tous les étudiants des écoles de théâtre ne jurent que par le Munstrum Théâtre. La compagnie vient de jouer au théâtre du Rond-Point Makbeth, une réécriture de la pièce de Shakespeare, qui est désormais en tournée. J’étais donc très curieux de découvrir ce travail, et force est de reconnaître qu’il se passe bel et bien quelque chose d’enthousiasmant. C’est d’abord une claque esthétique. Le jeu est masqué, mais ce ne sont pas seulement des masques que nous propose le Munstrum, mais des créatures complètes : les corps, les costumes, chaque personnage est travaillé avec une méticulosité impressionnante. Et le tout dans une scénographie qui sait prendre de la hauteur (c’est rare de voir des décors hauts sur les scènes de théâtre, c’est évidemment plus cher, mais aussi plus difficile à éclairer) ; ça a l’air anodin mais cela donne à l’histoire une réelle ampleur, avec des trouvailles visuelles qui vous restent dans la tête bien après la représentation. On pense à la magie des sorcières, évoquée par une espèce de répugnant goudron que crachent les personnages, ou qui suinte des décors, le tout baigné dans les brumes du champ de bataille, que traversent soudain des rayons laser. Entre un concert de Pink Floyd et une partie de Warhammer 40.000 … Et si Shakespeare est réécrit, ce n’est pas pour l’abêtir, mais au contraire pour creuser certaines pistes, pour le mettre au service d’une recherche, rigoureuse et joyeuse. Ainsi, dans le Macbeth original, un acteur ne fait que narrer les atrocités du champ de bataille. Ici, le spectacle commence par l’horreur. Aucune boucherie ne nous est épargnée, mais le masque met tout cela à distance : on est horrifié, mais on rit beaucoup. Le Munstrum a pris Shakespeare au mot, et nous livre ici une histoire pleine de bruit et de fureur, qui mêle la tradition théâtrale la plus vénérable, celle du jeu masqué, avec une modernité visuelle et une exigence artistique qui forcent le respect. "