"Louis Arene et les acteurs de sa compagnie sont la coqueluche des aspirants comédiens d’aujourd’hui. Tous les étudiants des écoles de théâtre ne jurent que par le Munstrum Théâtre. La compagnie vient de jouer au théâtre du Rond-Point Makbeth, une réécriture de la pièce de Shakespeare, qui est désormais en tournée. J’étais donc très curieux de découvrir ce travail, et force est de reconnaître qu’il se passe bel et bien quelque chose d’enthousiasmant. C’est d’abord une claque esthétique. Le jeu est masqué, mais ce ne sont pas seulement des masques que nous propose le Munstrum, mais des créatures complètes : les corps, les costumes, chaque personnage est travaillé avec une méticulosité impressionnante. Et le tout dans une scénographie qui sait prendre de la hauteur (c’est rare de voir des décors hauts sur les scènes de théâtre, c’est évidemment plus cher, mais aussi plus difficile à éclairer) ; ça a l’air anodin mais cela donne à l’histoire une réelle ampleur, avec des trouvailles visuelles qui vous restent dans la tête bien après la représentation. On pense à la magie des sorcières, évoquée par une espèce de répugnant goudron que crachent les personnages, ou qui suinte des décors, le tout baigné dans les brumes du champ de bataille, que traversent soudain des rayons laser. Entre un concert de Pink Floyd et une partie de Warhammer 40.000 … Et si Shakespeare est réécrit, ce n’est pas pour l’abêtir, mais au contraire pour creuser certaines pistes, pour le mettre au service d’une recherche, rigoureuse et joyeuse. Ainsi, dans le Macbeth original, un acteur ne fait que narrer les atrocités du champ de bataille. Ici, le spectacle commence par l’horreur. Aucune boucherie ne nous est épargnée, mais le masque met tout cela à distance : on est horrifié, mais on rit beaucoup. Le Munstrum a pris Shakespeare au mot, et nous livre ici une histoire pleine de bruit et de fureur, qui mêle la tradition théâtrale la plus vénérable, celle du jeu masqué, avec une modernité visuelle et une exigence artistique qui forcent le respect. "