Proust, roman familial

Brève proposée par Nicole Gnesotto dans l'émission Écologie, la « révolution obligée » / n°337 / 18 février 2024, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Proust, roman familial

Nicole Gnesotto

"Je quitte l’écologie pour l’aristocratie, en vous recommandant l’ouvrage de Laure Murat, sorti en novembre dernier. C’est un livre très intéressant : il ne s’agit pas vraiment d’un essai sur Proust, ni une autobiographie, ni une analyse sociologique de l‘aristocratie française au XXème siècle, c’est un peu les trois à la fois. Laure Murat est une professeur d’histoire culturelle à Los Angeles. Elle est fille du prince Murat (noblesse d’empire) et de la duchesse de Luynes, son pédigrée aristocratique est donc impressionnant. Grande lectrice de Proust, elle s’aperçoit au cours de ses recherches qu’il parle de tout ce qu’elle a connu en tant que petite fille. Et elle va faire exactement le même cheminement que Proust : partant d’une fascination pour l’aristocratie, elle va arriver à une espèce de mépris sans borne pour ces gens : incultes, parasites, hypocrites ... Et c’est formidable. Elle raconte par exemple que le jour où elle dit à sa mère qu’elle est homosexuelle, celle-ci la regarde, ne lui dit rien … et ne la revoit plus jamais. Elle n’est pas rejetée parce qu’elle est homosexuelle, mais parce qu’elle n’entend pas le cacher. Le livre est très drôle, et d’une intelligence remarquable. Un bonheur de lecture."


Les autres brèves de l'émission :

Splann !

Philippe Meyer

"Je voudrais recommander un site qui mène des enquêtes journalistiques d’utilité publique en Bretagne une des régions les plus industrialisées du monde, pour ce qui est de l’agroalimentaire, en français et breton. Ce site s’appelle Splann !, il est indépendant, fiancé par ses lecteurs. Depuis 2021, il a déjà produit nombre d’enquêtes fort intéressantes, sur le comportement de la SAFER, sur une société d’implantation d’éoliennes, sur les mégaporcheries, sur la méthanisation. Marraine de ce média, Inès Léraud, autrice, avec Pierre Van Hove de l’enquête en BD qui a fait quelques bruit, Algues vertes, l’histoire interdite (éditions Delcourt, 2019). Elle est convaincue, « qu’en s’implantant sur un territoire et en le sillonnant à fond », il est possible d’explorer des sujets « qui ne sont plus traités, par lassitude, parce qu’ils sont sortis des radars, ou pour des raisons plus inavouables ». Des poursuites en diffamation intentées contre elle par des représentants de l’industrie agro-alimentaire, ont été abandonnées après qu’un collectif de journalistes se soit constitué pour la défendre. Ce collectif a donné naissance à Splann !"


Lire Serge Audier

Lucile Schmid

"Je vous recommande de lire ou relire Serge Audier, et notamment cette trilogie magnifique, qui commence par La société écologique et ses ennemis, qui continue avec La cité idéale et se termine avec La République écologique. Audier nous explique que l’utopie sociale existe de très longue date sur les questions écologiques, et comment elle a toujours été cantonnée dans des limites. Aujourd’hui, il s’agit de lui permettre de s’épandre, en trouvent le lien avec les institutions. C’est une longue aventure que cette lecture, mais elle en vaut la peine."


Sans transition

David Djaïz

"Pour rester dans le thème, je vous recommande ce livre de l’historien des sciences Jean-Baptiste Fressoz. L’éditeur a mis un bandeau un peu racoleur : « la transition énergétique n’aura pas lieu », mais l’auteur s’en défend. Et cet historien nous montre que durant la révolution industrielle, on a un récit très phasiste, qui nous dit qu’on a remplacé le bois, la biomasse, par du charbon. En réalité, chiffres à l’appui, on n’a jamais prélevé autant de bois. Pas forcément en tant que source d’énergie, mais pour étayer les mines de charbon. Le constat semble donc assez pessimiste : une énergie n’en chasse pas une autre, mais en renforce au contraire la consommation. Personnellement, je n’en tire pas du tout la conclusion que tout est fichu, mais au contraire qu’il faut bien examiner les conditions dans lesquelles on peut dénouer ces symbioses."