Vote de l’Assemblée nationale du 11 décembre 2023

Brève proposée par Jean-Louis Bourlanges dans l'émission Le Conseil européen devant les tribulations de l’Ukraine / N°328 / 17 décembre 2023, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Vote de l’Assemblée nationale du 11 décembre 2023

Jean-Louis Bourlanges

"Je vous fais part de mon désarroi personnel, celui d’un parlementaire qui a découvert que son Parlement était décidé à être le fer de lance de l’antiparlementarisme. Un Parlement est fait pour délibérer, pour amender et pour voter. Et voici que l’Assemblée nationale dit : « Ha ! Ha ! Nous ne délibérerons pas, nous n’amenderons pas et nous ne voterons pas ! » Pour faire bonne mesure, et bien qu’elle ait constitutionnellement le dernier mot sur le Sénat, l’Assemblée a décidé de s’effacer et de laisser le Sénat faire son travail à sa place. Les limites du masochisme ont été franchies lundi dernier. "


Les autres brèves de l'émission :

Survivre à la survie : Chili, une mémoire déchirée

Akram Belkaïd

"Je vous recommande pour ma part un essai de Verónica Estay Stange, qui est assez saisissant. L’auteure est d’origine chilienne, elle est la fille d’un couple exilé par la dictature, mais elle est aussi la nièce d’un des pires tortionnaires du régime de Pinochet. Comment se construit-on avec une ascendance pareille ? Comment agit-on sur le réel ? Comment assume-t-on le poids du passé ? Elle développe le concept de post-mémoire, et la façon d’essayer de réparer concrètement des choses faites par des gens qui vous sont proches. Elle est proche du collectif « Histoire désobéissante », créé en Argentine par des gens dont les proches étaient des soutiens actifs de la dictature des généraux. C’est une réflexion sur la transmission de mémoire, mais aussi sur la manière de parler et d’agir à propos d’évènements qu’on n’a pas vécus soi-même, mais qui nous ont tout de même façonnés. "


Le musée de la Marine

Philippe Meyer

"Georges-Bernard Shaw, lorsqu'il découvrait une nouvelle salle de concert, commençait sa critique en la décrivant : était-on bien assis, avec un espace suffisant pour les jambes, à quoi ressemblait le public, comment se conduisait- il ? Était-il connaisseur où suiviste, venu pour montrer ses toilettes et son statut social ou amateur de musique ? Conservateur ou ouvert ? Je commencerai donc cette brève sur le nouveau musée de la Marine que j'ai visité à Paris (il se déploie aussi à Brest, à Rochefort, à Toulon et à Port-Louis) par dire qu'il est devenu méconnaissable et si spacieux que les maquettes qui en ont toujours été la principale attraction peuvent être vues et détaillées dans un remarquable confort. De son public, je dirais que le jour de ma visite il était composé de Parisiens guère moins jeunes que moi, mais depuis aussi longtemps et qu'il se divisait en connaisseurs et en arpenteurs. Les connaisseurs font parler les objets, les arpenteurs les passent en revue. Et il y a de quoi voir : rien n'est oublié, ni les grands tableaux des ports, ni les expéditions scientifiques, ni la pêche ni le sauvetage, ni la plaisance, ni les porte-conteneurs, ni les paquebots, ni la traite négrière, ni l'archéologie sous-marine, ni la chasse à la baleine, ni les tempêtes, ni les instruments de navigation, ni la vie à bord, ni les fonctions de représentation si décoratives de l'arme qui s'est longtemps fait appeler la Royale. Afin de ne pas être compté parmi les arpenteurs, j'ajouterai une remarque à ce qui concerne les scaphandres dont on voit au Musée de remarquables exemplaires : le détendeur, qui permet à un plongeur de respirer l'air contenu dans sa bouteille de plongée à la pression à laquelle il évolue n’a pas été conçu pour aller sous l’eau, mais sous terre. Son concepteur, le lieutenant de vaisseau Auguste Denayrouze, réformé et rentré dans son Aveyron natal après être devenu poitrinaire au Tonkin, l’a réalisé à la demande d’un ingénieur des mines de Decazeville, Benoît Rouquayrol, afin de faciliter le sauvetage des mineurs pris dans un coup de grisou et risquant de périr d’asphyxie. Jules Verne lui rend hommage dans « 20.000 lieues sous les mers ». On voit par là qu’il est bon que les choses soient dites."


Ce que la Palestine apporte au monde

Lionel Zinsou

"Je recommande à nos auditeurs d’aller à l’Institut du Monde Arabe, pour voir cette exposition qui se tient jusqu’au 31 décembre. Elle donne une idée de la richesse de la création artistique palestinienne. Je trouve d’ailleurs que l’art a de plus en plus d’importance géopolitique. Pour découvrir la nation et le peuple palestiniens, passer par l’art est essentiel. Par exemple, s’agissant de l’Afrique, ce qui a été le plus réussi par la diplomatie française ces dernières années, c’est la restitution des objets d’art. L’intangible a une très grande importance. Et l’Institut du Monde Arabe est un fantastique instrument d’échanges entre les cultures. Savoir que la société palestinienne est par exemple relativement laïque (alors que ces temps-ci, on ne voit que le Hamas) est par exemple tout à fait salutaire. Tout cela se dit par l’art, et est plus nécessaire que jamais."


Narges Mohammadi, prix Nobel de la Paix

Nicole Gnesotto

"Je voudrais rendre hommage à la récipiendaire du prix Nobel de la Paix 2023, Narges Mohammadi, journaliste iranienne. Elle a été emprisonnée 13 fois au cours de sa carrière, elle est actuellement encore en prison pour 8 ans (elle est détenue depuis 2016). Elle est d’un courage exceptionnel, elle a réussi à faire sortir de sa prison son discours de réception du prix Nobel. Ses enfants sont allés le lire à sa place à Oslo, et vous pouvez lire ce discours sur le site des prix Nobel. C’est une lecture extrêmement vivifiante, qui donne une idée de l’esprit de liberté qui souffle sur l’Iran. Un court extrait : « j’écris ce message derrière les hauts murs froids d’une prison. Je suis une femme du Moyen-Orient, issue d’une région qui, bien qu’héritière d’une riche civilisation, est actuellement prise au piège de la guerre, et la proie des flammes du terrorisme et de l’extrémisme. Je suis une femme iranienne qui est fière et honorée de contribuer à cette civilisation, aujourd’hui victime de l’oppression d’un régime religieux tyrannique et misogyne. Je suis une femme emprisonnée qui, confrontée aux souffrances profondes et déchirantes, dues au manque de liberté, d’égalité et de démocratie, a réalisé la nécessité de son existence et a trouvé la foi ». "