"Georges-Bernard Shaw, lorsqu'il découvrait une nouvelle salle de concert, commençait sa critique en la décrivant : était-on bien assis, avec un espace suffisant pour les jambes, à quoi ressemblait le public, comment se conduisait- il ? Était-il connaisseur où suiviste, venu pour montrer ses toilettes et son statut social ou amateur de musique ? Conservateur ou ouvert ? Je commencerai donc cette brève sur le nouveau musée de la Marine que j'ai visité à Paris (il se déploie aussi à Brest, à Rochefort, à Toulon et à Port-Louis) par dire qu'il est devenu méconnaissable et si spacieux que les maquettes qui en ont toujours été la principale attraction peuvent être vues et détaillées dans un remarquable confort. De son public, je dirais que le jour de ma visite il était composé de Parisiens guère moins jeunes que moi, mais depuis aussi longtemps et qu'il se divisait en connaisseurs et en arpenteurs. Les connaisseurs font parler les objets, les arpenteurs les passent en revue. Et il y a de quoi voir : rien n'est oublié, ni les grands tableaux des ports, ni les expéditions scientifiques, ni la pêche ni le sauvetage, ni la plaisance, ni les porte-conteneurs, ni les paquebots, ni la traite négrière, ni l'archéologie sous-marine, ni la chasse à la baleine, ni les tempêtes, ni les instruments de navigation, ni la vie à bord, ni les fonctions de représentation si décoratives de l'arme qui s'est longtemps fait appeler la Royale. Afin de ne pas être compté parmi les arpenteurs, j'ajouterai une remarque à ce qui concerne les scaphandres dont on voit au Musée de remarquables exemplaires : le détendeur, qui permet à un plongeur de respirer l'air contenu dans sa bouteille de plongée à la pression à laquelle il évolue n’a pas été conçu pour aller sous l’eau, mais sous terre. Son concepteur, le lieutenant de vaisseau Auguste Denayrouze, réformé et rentré dans son Aveyron natal après être devenu poitrinaire au Tonkin, l’a réalisé à la demande d’un ingénieur des mines de Decazeville, Benoît Rouquayrol, afin de faciliter le sauvetage des mineurs pris dans un coup de grisou et risquant de périr d’asphyxie. Jules Verne lui rend hommage dans « 20.000 lieues sous les mers ». On voit par là qu’il est bon que les choses soient dites."